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CINQUIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 3265/18
Patrick SALAMEH
contre la France
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 16 février 2023 en un comité composé de :
Stéphanie Mourou-Vikström, présidente,
Mattias Guyomar,
Kateřina Šimáčková, juges,
et de Martina Keller, greffière adjointe de section,
Vu :
la requête no 3265/18 contre la République française et dont un ressortissant de cet État, M. Patrick Salameh (« le requérant ») né en 1957 et détenu à Arles, représenté par M. F. Mazon, avocat à Marseille, a saisi la Cour le 9 janvier 2018 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
OBJET DE l’AFFAIRE
1. La présente affaire concerne principalement, sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, la question de la motivation de l’arrêt de la cour d’assises, statuant en appel, ayant condamné le requérant à la peine de réclusion criminelle à perpétuité pour des faits de séquestration suivie de mort de quatre victimes ainsi que pour séquestration aggravée, viol et violences volontaires avec arme à l’égard d’une cinquième victime.
2. Le 21 janvier 2013, la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence mit en accusation le requérant des chefs, d’une part, de séquestration suivie de mort de trois premières victimes, et, d’autre part, de séquestration aggravée, viol et violences volontaires avec arme sur la personne d’une quatrième victime. Elle précisa que ces faits avaient été commis en état de récidive légale, en raison d’une précédente condamnation, prononcée le 15 mai 1993 par la cour d’assises du département du Var, à une peine de vingt ans de réclusion pour des faits criminels, notamment de séquestration et tortures.
3. Par un arrêt du 3 avril 2014, la cour d’assises du département des Bouches-du-Rhône déclara le requérant coupable et le condamna à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de vingt‑deux ans.
4. Le 16 juin 2014, la chambre de l’instruction mit le requérant en accusation pour de nouveaux faits d’arrestation, enlèvement, détention et séquestration suivis de mort, en récidive, commis à l’encontre d’une cinquième victime.
5. Par un arrêt du 22 octobre 2015, la cour d’assises du département des Bouches-du-Rhône déclara le requérant coupable de l’ensemble des faits et le condamna à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de vingt-deux ans.
6. Sur appel du requérant et du ministère public, la cour d’assises du Var fut désignée pour les deux affaires et son président ordonna leur jonction, par une ordonnance du 22 janvier 2016.
7. Par un arrêt du 19 mai 2016, la cour d’assises acquitta le requérant pour les faits d’arrestation et d’enlèvement à l’égard d’une victime, le déclarant coupable des faits de détention et séquestration suivie de mort la concernant. S’agissant des autres victimes, elle le déclara coupable de l’intégralité des faits qui lui étaient reprochés. Elle prononça une peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de vingt-deux ans, après avoir constaté l’état de récidive légale.
8. L’arrêt, motivé sur cinq pages, exposa l’ensemble des éléments matériels retrouvés dans la maison où s’étaient produits les faits « laissant fortement à penser que les trois premières victimes disparues non seulement ont été séquestrées et violentées (...) mais n’en sont pas ressorties vivantes ». La cour d’assises d’appel mentionna également les analyses réalisées sur les différents prélèvements effectués dans la maison, confirmant à la fois la thèse de la présence des victimes dans ce lieu, ce que le requérant avait finalement reconnu pendant l’instruction et n’avait pas contesté à l’audience, et le fait qu’elles n’en étaient pas ressorties vivantes.
9. La cour d’assises d’appel caractérisa également, sur la base notamment de témoignages et des études de téléphonie, l’existence d’un même mode opératoire, à savoir : un contact téléphonique anonyme des victimes par des tiers pour du baby-sitting, suivi d’un rendez-vous fixé près d’un jardin de jeux d’enfants, confortant les victimes dans l’idée qu’il s’agissait bien de prestations de baby-sitting, afin de les faire entrer dans une maison pour les y enfermer et les violenter. L’arrêt fit état, pour les victimes décédées, de l’utilisation de leurs téléphones portables par des tiers, dans le but de faire croire qu’elles étaient toujours vivantes et de retarder ainsi les recherches.
10. S’agissant de la quatrième victime, qui avait quant à elle survécu, la cour d’assises précisa que ses déclarations relataient le même mode opératoire, tout en témoignant des violences et de la contrainte exercées pour obtenir des rapports sexuels une fois séquestrée.
11. Par un arrêt du 11 juillet 2017, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par le requérant.
APPRÉCIATION DE LA COUR
12. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant estime que la motivation de l’arrêt de la cour d’assises d’appel ne répond pas aux exigences de cet article. Il se plaint de l’absence de motivation spécifique de la peine prononcée à son encontre.
13. La Cour constate d’emblée qu’il existe un doute quant à l’épuisement des voies de recours internes, ce grief n’ayant pas été soulevé par le requérant devant la Cour de cassation, au motif que cette dernière jugeait régulièrement que la peine ne devait pas être motivée. Néanmoins, il est en tout état de cause irrecevable comme étant manifestement mal fondé, pour les raisons qui suivent.
14. La Cour renvoie aux principes bien établis résumés dans l’arrêt Lhermitte c. Belgique du 29 novembre 2016 ([GC], no 34238/09) et, concernant la France, présentés dans les arrêts Agnelet c. France (no 61198/08), Oulahcene c. France (no 44446/10), Voica c. France (no 60995/09), Legillon c. France (no 53406/10) et Fraumens c. France (no 30010/10) du 10 janvier 2013. En particulier, elle rappelle avoir confirmé cette jurisprudence depuis l’adoption en France de la loi no 2011-939 du 10 août 2011, insérant un nouvel article 365-1 dans le code de procédure pénale, qui prévoit dorénavant une motivation des arrêts rendus par une cour d’assises dans une feuille de motivation annexée à la feuille des questions (Matis c. France (déc.), no 43699/13, 6 octobre 2015).
15. En l’espèce, la Cour constate d’emblée que le requérant a bénéficié d’un certain nombre d’informations et de garanties durant la procédure criminelle (Agnelet, Oulahcene, Fraumens, Legillon et Voica, précités, respectivement §§ 63, 47, 41, 59 et 47 ; voir également Haddad c. France, no 10485/13, § 16, et Peduzzi c. France, no 23487/12, § 18, du 21 mai 2015).
16. Par ailleurs, elle constate que le nombre et la précision des éléments factuels exposés sur cinq pages dans la feuille de motivation sont de nature à permettre au requérant de comprendre tant les raisons de sa condamnation que le quantum de sa peine (paragraphes 8 à 11 ci-dessus).
17. La Cour relève également que la cour d’assises d’appel précise, dans son arrêt, que le requérant se trouvait en état de récidive légale pour avoir été précédemment et définitivement condamné à une peine de vingt ans de réclusion criminelle pour des faits de même nature (paragraphe 2 ci-dessus).
18. La Cour constate que les éléments factuels retenus, qui caractérisent la particulière gravité de chacun des cinq crimes commis, ainsi que l’état de récidive constaté, ont conduit les juges à prononcer une peine de réclusion criminelle à perpétuité prévue par l’article 132-8 du code pénal.
19. La Cour, qui ne décèle aucun arbitraire dans le prononcé de la sanction retenue (Moreira Ferreira c. Portugal (no 2) [GC], no 19867/12, § 85, 11 juillet 2017), estime que le requérant, qui était assisté d’un avocat, a disposé de garanties suffisantes lui permettant de comprendre le verdict prononcé à son encontre.
20. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
21. Enfin, le requérant se plaint également de griefs tirés de l’article 6 § 3 (droits de la défense).
22. La Cour juge toutefois, à la lumière de l’ensemble des éléments en sa possession, que les faits dénoncés ne révèlent aucune apparence de violation des droits et libertés énumérés dans la Convention ou ses Protocoles.
23. Il s’ensuit que ces allégations sont manifestement mal fondées et doivent être également rejetées en application de l’article 35 § 3 a) de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 9 mars 2023.
Martina Keller Stéphanie Mourou-Vikström
Greffière adjointe Présidente