Přehled

Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
7.2.2023
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

QUATRIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 7178/17
LABORATORUL DE CONSTRUCȚII BUCUREȘTI S.A.
contre la Roumanie

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant le 7 février 2023 en un comité composé de :

Tim Eicke, président,
Branko Lubarda,
Ana Maria Guerra Martins, juges,
et de Crina Kaufman, greffière adjointe de section f.f.,

Vu la requête no 7178/17 dirigée contre la Roumanie et dont une personne morale de droit roumain, l’entreprise dans le domaine du bâtiment Laboratorul de Construcții București S.A. la société requérante »), représentée par Mes Nelu Miţiţescu et Dumitru Rădescu, avocats à Bucarest, a saisi la Cour le 13 janvier 2017 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

Vu la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement roumain (« le Gouvernement »), représenté par son agente, Mme O.F. Ezer, du ministère des Affaires étrangères,

Vu les observations des parties,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

OBJET DE l’AFFAIRE

1. La requête concerne le refus allégué de reconnaissance légale d’un droit de passage sur un terrain appartenant à la municipalité de Bucarest que les employés et les clients de la société requérante devaient traverser pour accéder au site (immeuble et terrain) de celle-ci. La société requérante invoque l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

2. Alors qu’elle avait utilisé sans encombre pendant trente ans une voie d’accès passant sur un terrain qui appartenait à la municipalité de Bucarest et qui était affecté à l’usage d’une école publique, la société requérante se vit retirer, à la suite d’un arrêt de la cour d’appel de Bucarest du 11 mars 2010, le droit d’emprunter cette voie, aussi bien pour l’accès à pied que pour la circulation des véhicules. Cette mesure était destinée à garantir la sécurité physique des élèves.

3. En 2013, sur l’autorisation de la mairie du 3ème arrondissement de Bucarest, la société requérante put construire une nouvelle voie d’accès à ses locaux à partir de la voie publique, sans passer sur le terrain affecté à l’usage de l’école. Après avoir réalisé ces travaux, la société requérante entama auprès de l’autorité administrative compétente, l’Office du Cadastre et de la Publicité Immobilière de Bucarest (Oficiul de Cadastru și Publicitate Imobiliară, ci-après dénommé « OCPI »), des démarches tendant à faire inscrire à son profit une servitude de passage sur le terrain correspondant à cette nouvelle voie d’accès. Ces démarches se heurtèrent au refus de l’OCPI au motif que l’accord formel du propriétaire du terrain, à savoir la ville de Bucarest, devait être acquis avant toute demande d’inscription de pareille servitude de passage.

4. La société requérante sollicita donc l’accord de la mairie de Bucarest. Le 2 décembre 2014, celle-ci refusa d’accéder à la demande au motif que les dispositions légales relatives à la reconnaissance des servitudes de passage sur les terrains appartenant au domaine public avaient été abrogées.

5. La société requérante s’adressa à nouveau à la mairie de Bucarest, évoquant, entre autres, la possibilité de régler la question du droit de passage par le biais d’une concession du terrain sur lequel avait été aménagée la nouvelle voie d’accès. Le 22 mai 2015, la mairie refusa d’accéder à cette demande au motif qu’une voie d’accès ne pouvait être mise en place qu’après élaboration d’un « plan d’urbanisme » pour la zone en question.

6. La société requérante contesta ce refus par une action en contentieux administratif dirigée contre la mairie de Bucarest. Cette action fut définitivement rejetée comme mal fondée par la cour d’appel de Bucarest, le 22 avril 2016. Cette juridiction indiqua à la société requérante la voie de recours administratif qu’il convenait de suivre pour obtenir la reconnaissance du droit en question, à savoir une demande d’élaboration d’un plan d’urbanisme concernant la nouvelle voie d’accès.

7. Comme indiqué dans l’arrêt de la cour d’appel, la société requérante déposa une demande d’élaboration d’un plan d’urbanisme. Le 26 mai 2016, la mairie de Bucarest refusa d’y faire droit, expliquant qu’elle aurait dû être formulée avant la réalisation de travaux de construction sur la voie publique.

8. Le 25 octobre 2017, la société requérante engagea contre la mairie de Bucarest une action civile tendant à faire reconnaître un droit de passage sur le terrain concerné. Le 2 novembre 2018, le tribunal de première instance de Bucarest, se fondant sur l’autorité de la chose jugée, la débouta de sa prétention. Saisi d’un recours par la société requérante, le tribunal départemental de Bucarest confirma la décision par un arrêt du 6 juin 2019.

9. Selon le Gouvernement, la société requérante a entamé une action en justice contre la mairie du 3ème arrondissement de Bucarest au sujet du refus de reconnaissance à son profit d’un droit de passage sur le terrain visé. En février 2021, cette action était pendante devant le tribunal départemental de Bucarest. La société requérante n’a pas informé la Cour de la suite réservée à cette action en justice.

APPRÉCIATION DE LA COUR

10. La Cour rappelle qu’il appartient aux requérants d’étayer leurs griefs tant en fait, en fournissant à la Cour des éléments factuels précis et les preuves nécessaires, qu’en droit, en expliquant en quoi la disposition de la Convention qu’ils invoquent aurait été violée (voir, mutatis mutandis, Trofimchuk c. Ukraine (déc.), no 4241/03, 31 mai 2005). De même, une fois la Cour saisie, le requérant doit l’informer de tout changement d’adresse ainsi que de tout fait pertinent pour l’examen de sa requête. À cet égard, l’article 47 du règlement de la Cour, qui régit le contenu des requêtes individuelles, dispose :

« 1. Toute requête déposée en vertu de l’article 34 de la Convention est présentée sur le formulaire fourni par le greffe, sauf si la Cour en décide autrement. Elle doit contenir tous les renseignements demandés dans les parties pertinentes du formulaire de requête et indiquer :

(...)

g) un exposé concis et lisible confirmant le respect par le requérant des critères de recevabilité énoncés à l’article 35 § 1 de la Convention.

(...)

3.1. Le formulaire de requête doit être signé par le requérant ou son représentant et être assorti :

a) des copies des documents afférents aux décisions ou mesures dénoncées, qu’elles soient de nature judiciaire ou autre ;

b) des copies des documents et décisions montrant que le requérant a épuisé les voies de recours internes et observé le délai exigé à l’article 35 § 1 de la Convention ;

(...)

7. Le requérant doit informer la Cour de tout changement d’adresse et de tout fait pertinent pour l’examen de sa requête. »

11. En l’espèce, la Cour note que, selon les informations soumises par le Gouvernement, la société requérante a formé contre la mairie du 3ème arrondissement de Bucarest, au sujet du refus de reconnaissance d’un droit de passage à son profit, une action en justice. Cette dernière était pendante en février 2021 devant le tribunal départemental de Bucarest (paragraphe 9 ci-dessus). Or la société requérante n’a pas informé la Cour de la suite réservée à cette action en justice, qui présente pourtant un rapport direct avec l’objet de sa requête.

12. La Cour rappelle aussi que, aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après épuisement des voies de recours internes (voir, par exemple, Dubská et Krejzová c. République tchèque [GC], nos 28859/11 et 28473/12, § 175, 15 novembre 2016, et Zambrano c. France (déc.), no 41994/21, §§ 24-25 et 28, 21 septembre 2021).

13. En ce qui concerne l’issue de la procédure en contentieux administratif entamée par la société requérante, la Cour note que dans son arrêt du 22 avril 2016, la cour d’appel, tout en considérant que l’action était mal fondée, a indiqué à la société requérante la procédure à suivre pour obtenir la reconnaissance du droit sollicité (paragraphe 6 ci-dessus), à savoir une demande auprès de la mairie d’élaboration d’un plan d’urbanisme concernant la voie d’accès en question. La Cour relève que, se conformant aux indications données par la cour d’appel, la société requérante a entrepris des démarches qui se sont heurtées, le 26 mai 2016, à un refus de la mairie de Bucarest (paragraphe 7 ci-dessus). La société requérante n’a toutefois pas démontré devant la Cour, en fournissant les justificatifs pertinents, avoir contesté en justice ce refus d’agir de la mairie de Bucarest. Dans ces conditions, la Cour considère que la société requérante est restée en défaut d’exercer une voie de recours interne qui aurait pu déboucher sur le redressement de son grief.

14. Enfin, il ne ressort pas des éléments du dossier que la société requérante ait rencontré des difficultés concrètes pour accéder à ses locaux par la nouvelle voie d’accès construite en 2013 sur l’autorisation de la mairie du 3ème arrondissement de Bucarest, ni qu’elle ait été privée, pendant quelque période que ce soit, de la jouissance de ces locaux.

15. Au vu de l’ensemble des éléments en sa possession, et pour autant que les faits litigieux relèvent de sa compétence, la Cour constate que les griefs de la société requérante ne satisfont pas aux critères de recevabilité énoncés aux articles 34 et 35 de la Convention ou qu’ils ne présentent aucune apparence de violation des droits et libertés consacrés par la Convention ou ses protocoles.

16. Il s’ensuit que la requête doit être rejetée, en application de l’article 35 § 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Fait en français puis communiqué par écrit le 9 mars 2023.

Crina Kaufman Tim Eicke
Greffière adjointe f.f. Président