Přehled

Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
7.2.2023
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 43387/20
İsmail ÇİFTÇİ
contre la Türkiye

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 7 février 2023 en un comité composé de :

Jovan Ilievski, président,
Lorraine Schembri Orland,
Diana Sârcu, juges,
et de Dorothee von Arnim, greffière adjointe de section,

Vu :

la requête no 43387/20 contre la République de Türkiye et dont un ressortissant de cet État, M. İsmail Çiftçi (« le requérant »), né en 1985 et détenu à Sivas, a saisi la Cour le 15 septembre 2020 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

OBJET DE l’AFFAIRE

1. La requête concerne les allégations du requérant selon lesquelles le fait que les autorités de la maison d’arrêt où il était en détention ne lui ont pas fourni un oreiller orthopédique adapté à sa hernie discale lombaire a violé notamment l’article 3 de la Convention.

2. Le 2 août 2016 le requérant fut placé en détention à la maison d’arrêt de Şanlıurfa, à la suite du coup d’état manqué du 15 juillet 2016, pour sa prétendue appartenance à l’organisation appelée FETÖ/PDY (organisation désignée par les autorités turques sous l’appellation « Organisation terroriste Fetullahiste / Structure d’État parallèle »). À une date non précisée, il fut transféré à la maison d’arrêt de Menemen. Il indique que dans ces deux maisons d’arrêt il bénéficia d’un oreiller orthopédique.

3. Le 26 février 2020, le requérant fut transféré à la maison d’arrêt de Tokat où il demanda à la direction de la maison d’arrêt de pouvoir bénéficier d’un oreiller orthopédique.

4. Le 9 mars 2020, la direction de la maison d’arrêt constata qu’un rapport médical établi le 1er février 2019 par l’institut médicolégal de Şanlıurfa – date à laquelle il était en détention dans cette maison d’arrêt – préconisait l’utilisation d’un oreiller orthopédique par le requérant. Elle indiqua qu’il convenait de faire réexaminer l’état de santé du requérant par un établissement de santé spécialisé pour déterminer si son état de santé actuel nécessitait toujours l’utilisation d’un oreiller orthopédique. Elle releva que l’intéressé avait été transféré à cet effet à l’hôpital de Tokat. Elle conclut que la demande du requérant sera étudiée à la lumière du rapport médical qui sera établi par cet hôpital. Constatant que le rapport médical n’avait pas encore été rendu par le service compétent de l’hôpital de Tokat, la direction de la maison d’arrêt rejeta la demande d’oreiller orthopédique présentée par le requérant.

5. Le 18 mars 2020, en se fondant sur les motifs avancés par la direction de la maison d’arrêt, le juge de l’exécution de Tokat rejeta la demande du requérant en jugeant que la décision avait été rendue conformément à la loi et à la procédure.

6. Le 13 avril 2020, le tribunal correctionnel de Tokat rejeta le recours présenté par le requérant. Il confirma la décision rendue par le juge de l’exécution.

7. Le 22 juillet 2020, une commission de la Cour constitutionnelle, formée de deux juges, rejeta dans une décision succincte le recours individuel du requérant tiré de l’article 3 de la Convention pour défaut manifeste de fondement.

APPRÉCIATION DE LA COUR

8. Le requérant allègue que le fait que les autorités pénitentiaires compétentes ne lui ont pas fourni d’oreiller orthopédique adapté à son état de santé constitue un traitement contraire aux articles 3, 6, 13 et 17 de la Convention.

9. Eu égard à la formulation et à la substance des griefs présentés par le requérant (Radomilja et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, § 126, 20 mars 2018), la Cour examinera ceux-ci uniquement sous l’angle de l’article 3 de la Convention.

10. La Cour rappelle que les principes généraux concernant les obligations des autorités nationales de protéger la santé des personnes privés de liberté ainsi que le suivi et l’administration de soins médicaux appropriés ont été résumés, entre autres, dans les arrêts Kudła c. Pologne ([GC], no 30210/96, §§ 91 et 94, CEDH 2000XI et Valašinas c. Lituanie (no 44558/98, § 102, CEDH 2001VIII).

11. La Cour relève d’abord qu’il ressort des informations données par le requérant ainsi que des documents versés au dossier qu’il bénéficia d’un oreiller orthopédique dans les deux précédentes maisons d’arrêt où il fut placé en détention. Pour cela, les différentes autorités des maisons d’arrêt concernées firent droit à la demande du requérant en se fondant sur un rapport médical qui prescrivait au requérant un oreiller orthopédique.

12. Ensuite, la Cour constate qu’après son transfert à la maison d’arrêt de Tokat, le requérant demanda à la direction de la maison d’arrêt d’obtenir un oreiller orthopédique pour pallier son état de santé. Il ressort des décisions rendues par les différentes autorités internes compétentes que pour examiner de manière adéquate sa demande, le requérant fut transféré au service compétent de l’hôpital de Tokat pour un examen de son état de santé. En effet, la direction de la maison d’arrêt considéra qu’une telle demande pouvait être satisfaite que si un rapport médical attestait que l’état de santé du requérant exigeait qu’un oreiller orthopédique lui soit donné. C’est pourquoi le requérant fut transféré à l’hôpital de Tokat.

13. Or, la Cour relève que sans attendre la délivrance d’un certificat médical – attestant que son état de santé en détention exigeait l’utilisation d’un oreiller orthopédique – le requérant introduisit un recours devant la direction de la maison d’arrêt de Tokat. Celle-ci constata que, le médecin n’ayant pas encore établi de rapport médical, elle n’était pas en mesure de donner une réponse favorable à la demande du requérant.

14. Partant, au vu des documents versés au dossier, des constats établis par la direction de la maison d’arrêt de Tokat, par les différentes juridictions saisies par le requérant ainsi que par la Cour constitutionnelle lorsqu’elle examina les allégations du requérant tirées de l’article 3 de la Convention, la Cour ne dispose pas d’éléments de preuve pour conclure que la santé et le bien-être du requérant n’ont pas été assurés de manière adéquate, notamment par l’administration des soins médicaux requis.

15. Il s’ensuit que la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Fait en français puis communiqué par écrit le 9 mars 2023.

Dorothee von Arnim Jovan Ilievski
Greffière adjointe Président