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Rozhodnutí
QUATRIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 5459/21
Silvestre Lourenço PIEDADE FRANCISCO
contre le Portugal
La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant le 7 février 2023 en un comité composé de :
Tim Eicke, président,
Branko Lubarda,
Ana Maria Guerra Martins, juges,
et de Crina Kaufman, greffière adjointe de section f.f.,
Vu la requête no 5459/21 dirigée contre la République portugaise et dont un ressortissant de cet État, M. Silvestre Lourenço Piedade Francisco (« le requérant ») né en 1961 et résidant à Sobral de Monte Agraço, représenté par Me V. Carreto, avocat à Torres Vedras, a saisi la Cour le 15 janvier 2021 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
OBJET DE l’AFFAIRE
1. La requête concerne le non-remboursement d’une somme d’argent que le requérant avait déposée en 2013 auprès de la banque Banco Espírito Santo (la « BES ») par rapport à laquelle une mesure de résolution avait été appliquée par la Banque du Portugal, le 3 août 2014, en vertu de l’article 145‑G du régime général des établissements de crédit et des sociétés financières (le « RGICSF »).
2. Le 11 septembre 2015, le requérant déposa une plainte pénale contre la BES auprès du parquet près le tribunal de Torres Vedras. Cette plainte fut jointe à une procédure pénale qui était en cours devant le tribunal de Lisbonne et qui demeure pendante au niveau national.
3. Le 14 juillet 2016, il introduisit également devant le tribunal de Lisbonne une action civile contre divers défendeurs dont la BES et la Banque du Portugal pour réclamer le remboursement de son argent. Par un jugement du 8 avril 2019, le tribunal de Lisbonne débouta le requérant de sa demande. Le 14 mai 2020, cet arrêt fut confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Lisbonne.
4. Le 24 mai 2020, le requérant forma un recours constitutionnel devant le Tribunal constitutionnel, soulevant l’inconstitutionnalité normative des articles 145-G, 145-H §§ 1 et 16 et 145-Q § 4 c) du RGICSF. Par une décision sommaire du 8 octobre 2020, le Tribunal constitutionnel siégeant en formation de juge unique déclara le recours irrecevable au motif que le requérant n’avait pas soulevé l’inconstitutionnalité normative en cause dans le cadre de son appel devant la cour d’appel de Lisbonne, comme l’exigeait l’article 70 § 1 b) de la loi organique sur le Tribunal constitutionnel.
5. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure pénale introduite par lui au niveau interne, qu’il juge excessive (paragraphe 2 ci-dessus). Il allègue aussi une atteinte à son droit d’accès à un tribunal estimant que le Tribunal constitutionnel a fait preuve d’un formalisme excessif (paragraphe 4 ci-dessus). Sur le terrain de l’article 13 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1, il se plaint d’avoir perdu la totalité de l’argent qu’il avait confié à la BES en raison d’une mesure de résolution de la Banque du Portugal (paragraphe 1 ci-dessus) contre laquelle il n’existait aucune voie de recours interne efficace.
APPRÉCIATION DE LA COUR
6. Pour ce qui est du grief tiré du dépassement du délai raisonnable, fondé sur l’article 6 § 1 de la Convention, dans le cadre de la procédure pénale engagée contre la BES (paragraphe 2 ci-dessus), la Cour note que le requérant n’a pas introduit d’action en responsabilité civile extracontractuelle contre l’État pour obtenir une réparation en raison de la durée de la procédure pénale qu’il juge excessive (Valada Matos das Neves c. Portugal, no 73798/13, §§ 102-107, 29 octobre 2015). Il n’a donc pas épuisé les voies de recours internes comme l’exige l’article 35 § 1 de la Convention. Ce grief doit donc être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
7. En ce qui concerne le grief que le requérant formule sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention à raison du défaut allégué d’accès au Tribunal constitutionnel, la Cour constate que l’irrecevabilité du recours constitutionnel s’est fondée sur le fait que l’intéressé n’a pas soulevé l’inconstitutionnalité normative litigieuse devant la cour d’appel de Lisbonne (paragraphe 4 ci-dessus). Vu la nature spécifique du recours formé devant le Tribunal constitutionnel (voir, à cet égard, Dos Santos Calado et autres c. Portugal, nos 55997/14 et 3 autres, §§ 78-80, 31 mars 2020), la Cour accepte que les conditions d’accès à cette juridiction puissent être rigoureuses pour garantir la sécurité juridique et la bonne administration de la justice constitutionnelle au plus haut degré de la hiérarchie judiciaire. Elle tient également compte du fait que le Tribunal constitutionnel n’intervient qu’en dernier ressort, après que la question de constitutionnalité a été examinée par les tribunaux inférieurs dans la hiérarchie judiciaire, conformément aux articles 70 et 72 § 2 de la LOTC (voir, à cet égard, Albuquerque Fernandes c. Portugal, no 50160/13, §§ 68 et 75, 12 janvier 2021). En l’espèce, il n’apparaît pas que l’irrecevabilité du recours constitutionnel prononcée par le Tribunal constitutionnel ait été le résultat d’un formalisme excessif susceptible de porter atteinte à la substance même du droit pour le requérant d’accéder à un tribunal garanti par l’article 6 § 1 de la Convention. Ce grief est donc manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
8. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que, pour ce qui est des griefs restants que le requérant formule sur le terrain de l’article 13 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1, la décision rendue par le Tribunal constitutionnel relativement au recours constitutionnel en question ne peut être prise en compte pour le calcul du délai de six mois (Jeronovičs c. Lettonie [GC], no 44898/10, § 75, CEDH 2016, Rezgui c. France (déc.), no 49859/99, CEDH 2000-XI, et Traina c. Portugal (déc.), no 59431/11, 21 mars 2017). Il s’ensuit que, pour ce qui est de ces griefs, la décision interne définitive au sens de l’article 35 § 1 de la Convention est l’arrêt de la cour d’appel de Lisbonne du 8 avril 2019 (paragraphe 3 ci-dessus). La requête ayant été introduite le 15 janvier 2021, ces griefs sont tardifs et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 9 mars 2023.
Crina Kaufman Tim Eicke
Greffière adjointe f.f. Président