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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
24.1.2023
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION

Requête no 48200/21
Valerio ARMENI
contre l’Italie

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant le 24 janvier 2023 en un comité composé de :

Péter Paczolay, président,
Gilberto Felici,
Raffaele Sabato, juges,

et de Liv Tigerstedt, greffière adjointe de section,

Vu :

la requête susmentionnée introduite le 22 septembre 2021,

la déclaration déposée par le gouvernement défendeur le 24 mai 2022 et invitant la Cour à rayer la requête du rôle, ainsi que la réponse du requérant à cette déclaration,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

FAITS ET PROCÉDURE

1. Le requérant, M. Valerio Armeni, est un ressortissant italien né en 2000 et résidant à Palombara Sabina. Il a été représenté devant la Cour par Me A. Saccucci et Me V. Cafaro, avocats exerçant à Rome.

2. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. L. D’Ascia.

3. La requête avait été communiquée au Gouvernement.

EN DROIT

4. Le requérant se plaignait de son maintien en détention, malgré les décisions des tribunaux nationaux ordonnant son placement dans une résidence pour l’exécution des mesures de sûreté (residenza per l’esecuzione delle misure di sicurezza ; « REMS »). En particulier, il se plaignait de son maintien en prison, qu’il estimait illégal ; de l’absence d’un traitement adéquat pour ses troubles psychiatriques ; d’un défaut d’exécution des décision internes ; et d’une absence de recours internes. Il invoquait les articles 3 et 5 §§ 1 et 5, l’article 6 § 1 et l’article 13 de la Convention.

5. Après l’échec des tentatives de règlement amiable, par une lettre du 24 mai 2022 le Gouvernement a informé la Cour qu’il envisageait de formuler une déclaration unilatérale afin de résoudre les questions soulevées par la requête. Il a en outre invité la Cour à rayer celle-ci du rôle en application de l’article 37 de la Convention.

6. La déclaration était ainsi libellée :

« Le Gouvernement italien reconnait que le requérant M. Armeni a subi les violations de la Convention contestées par le requérant, selon les principes exprimés par la Cour EDH dans la matière.

Le Gouvernement italien, avec la présente déclaration, offre globalement au requérant la somme globale de 26.000,00 (vingt-six mille/00) euros couvrants tous dommage souffert et les frais de la procédure devant la Cour.

Le Gouvernement note que la somme offerte est conforme aux critères suivis par cette Cour dans ses précédents arrêts (cfr., inter alia, Sy c. Italie).

Le Gouvernement estime que la présente déclaration, avec la somme offerte à titre de dommage moral, frais et dépens, constitue un redressement adéquat des violations à l’aune de la jurisprudence de la Cour en la matière.

Le Gouvernement invite respectueusement la Cour à dire qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen des violations alléguées dans la requête et de la rayer du rôle conformément à l’article 37 de la Convention, car les conditions prévues par l’article 62A du Règlement de la Cour sont remplies.

Dans les trois mois suivants la date de notification de la décision de radiation de l’affaire du rôle de la Cour, le Gouvernement paiera la somme offerte avec la présente déclaration. »

7. Par une lettre du 27 juin 2022, le requérant a indiqué qu’il n’était pas satisfait des termes de la déclaration unilatérale, aux motifs qu’elle ne contenait pas un engagement sérieux à adopter des mesures générales aptes à faire face au problème systémique de l’absence de places en REMS et que la somme offerte était insuffisante.

8. La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 37 de la Convention, à tout moment de la procédure, elle peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances l’amènent à l’une des conclusions énoncées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cet article. L’article 37 § 1 c) lui permet en particulier de rayer une affaire du rôle si :

« pour tout autre motif dont la Cour constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête ».

9. La Cour rappelle aussi que, dans certaines circonstances, il peut être indiqué de rayer une requête du rôle en vertu de l’article 37 § 1 c) sur la base d’une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l’examen de l’affaire se poursuive.

10. À cette fin, la Cour a examiné la déclaration à la lumière des principes que consacre sa jurisprudence, en particulier l’arrêt Tahsin Acar (Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], no 26307/95, §§ 7577, CEDH 2003VI, voir aussi WAZA Sp. z o.o. c. Pologne (déc.), no 11602/02, 26 juin 2007, et Sulwińska c. Pologne (déc.), no 28953/03, 18 septembre 2007).

11. La Cour a établi dans l’affaire Sy c. Italie (no 11791/20, 24 janvier 2022) les principes qui concernent les griefs soulevés par le requérant.

12. Le requérant a refusé la déclaration unilatérale du Gouvernement sur la base, en premier lieu, de l’absence d’un engagement à adopter des mesures générales.

13. La Cour reconnaît que l’existence d’un problème structurel constitue une circonstance particulière pouvant militer, à la lumière du respect des droits de l’homme garantis par la Convention, à l’encontre d’une radiation du rôle sur la base d’une déclaration unilatérale. Une telle situation se vérifie alors qu’une déficience structurelle donne lieu à un large nombre de situation répétitives, et que la Cour a déjà signalé, par le biais d’arrêts précédents ou des questions posées aux parties, la possible existence d’un problème d’ordre systémique (Gerasimov et autres c. Russie, nos 29920/05 et 10 autres, §§ 135137, 1er juillet 2014, Kungurov c. Russie, no 70468/17, §§ 11-13, 18 février 2020, et Tomov et autres c. Russie, nos 18255/10 et 5 autres, §§ 9899, 9 avril 2019).

14. La Cour note que des questions concernant l’absence de places en REMS se posent dans moins de dix requêtes introduites devant elle et que, à ce jour, elle a rendu un seul arrêt à cet égard, par lequel elle n’a pas conclu à l’existence d’un problème structurel ni indiqué des mesures générales au sens de l’article 46 de la Convention (Sy, précité, § 186). Ainsi, la Cour estime que, à ce jour, l’absence d’engagements à adopter des mesures générales ne saurait empêcher la radiation du rôle de la requête.

15. En second lieu, le requérant a contesté le montant proposé par le Gouvernement, qu’il considère insuffisant pour faire face aux violations alléguées et aux frais et dépens.

16. La Cour considère que le montant proposé par le Gouvernement est conformé à celui alloué dans l’affaire Sy, précité, au titre de dommage moral, compte tenu du fait qu’en l’espèce les violations alléguées ont eu une durée inférieure.

17. À la lumière des considérations qui précèdent, eu égard à la nature des concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, au montant de l’indemnisation proposée, ainsi qu’à la cessation de la violation du fait du transfert du requérant en REMS, la Cour estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 c)).

18. En outre, la Cour estime que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles n’exige pas qu’elle poursuive l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine).

19. La Cour souligne que, à défaut de règlement du montant proposé par le Gouvernement dans le délai de trois mois suivant la date de la notification de la décision de la Cour rendue conformément à l’article 37 § 1 de la Convention, le Gouvernement devra verser, à compter de l’expiration de celui-ci et jusqu’au règlement effectif de la somme en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage.

20. Enfin, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l’article 37 § 2 de la Convention (Josipović c. Serbie (déc.), nº 18369/07, 4 mars 2008).

21. En conséquence, il convient de rayer l’affaire du rôle.

22. Selon l’article 43 § 4 du règlement de la Cour, lorsqu’une requête est rayée du rôle en vertu de l’article 37 de la Convention, les dépens sont laissés à l’appréciation de la Cour (voir, par exemple, Union des témoins de Jéhovah et autres c. Géorgie, (déc.), nº 72874/01, § 33, 21 avril 2015, et Meriakri c. Moldova (radiation), nº 53487/99, § 33, 1er mars 2005).

23. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose, de sa jurisprudence et du montant déjà proposé par le Gouvernement, la Cour estime raisonnable d’accorder aux requérants une somme supplémentaire de 3 000 EUR au titre des frais et dépens.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

  1. Prend acte des termes de la déclaration du gouvernement défendeur et des modalités prévues pour assurer le respect des engagements ainsi pris ;
  2. Décide de rayer la requête du rôle en application de l’article 37 § 1 c) de la Convention ;
  3. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, en plus de la somme contenue dans la déclaration unilatérale du Gouvernement, dans les trois mois à compter de la date de notification de la présente décision, la somme de 3 000 EUR (trois mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, au titre des frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, les sommes dues seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

Fait en français puis communiqué par écrit le 16 février 2023.

Liv Tigerstedt Péter Paczolay
Greffière adjointe Président