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PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
Requête no 13780/22
D.D. et autres
contre l’Italie
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant le 17 janvier 2023 en un comité composé de :
Péter Paczolay, président,
Gilberto Felici,
Raffaele Sabato, juges,
et de Liv Tigerstedt, greffière adjointe de section,
Vu la requête no 13780/22 dirigée contre la République italienne et dont quatre ressortissants de nationalité italienne et turque, la liste desquels figure dans le tableau joint en annexe (« les requérants »), ont saisi la Cour le 2 mars 2022 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),
La décision de ne pas dévoiler l’identité des requérants,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
OBJET DE l’AFFAIRE
1. Invoquant l’article 8 de la Convention, les requérants se plaignent des manquements d’une procédure d’adoption.
2. À la suite de vérifications effectuées sur une requête préexistante, présentée par un autre avocat au nom des mêmes requérants, portant sur les mêmes faits et soulevant les mêmes griefs de la présente requête, le 21 avril 2022, le greffe de la Cour a demandé des précisions concernant les pouvoirs déposés à l’avocat F. Morcavallo, prétendant représenter les requérants dans la présente affaire.
3. Par courrier du 5 mai 2022, l’avocat a répondu qu’il n’était pas au courant d’une autre requête introduite par les requérants (« (...) non mi consta che le parti da me assistite abbiano proposto ricorso con il patrocinio di altri difensori (...) »).
4. Le 23 mai 2022, les requérants ont informé la Cour qu’aucun mandat à les représenter n’avait été donné à Me Morcavallo (« (...) siamo altresì certi che non sono riscontrabili documenti sottoscritti da noi per il ricorso no 13780/22 introdotti a nostro nome e inviati dall’avvocato Morcavallo che nessuno di noi ha mai incaricato con nessuna delega per questo procedimento »).
5. Dans sa lettre du 6 juin 2022, l’avocat a contesté les affirmations des requérants, affirmant que les signatures des pouvoirs étaient valides et indiquant aussi que les requérants avaient reglés ses honoraires pour l’introduction de la requête (« le procure, negli esemplari originali, sono invero depositate con il formulario di ricorso (...) specificando di essere stato integralmente soddisfatto con riferimento ai compensi pattuiti per la predispozione e proposizione del ricorso (...) »). Dans la même lettre, il a déclaré vouloir respecter la volonté des requérants de renoncer à la requête, invitant la Cour à en tirer les conséquences sur le plan procédural (« Ritengo (...) che debba essere rispettata la volontà, espressa e concorde, degli interessati, in ordine all’individuazione del ricorso che essi intendono debba essere deciso; a tale volontà dichiaro di adeguarmi per ogni effetto processuale... »).
6. Dans leur dernière lettre du 17 juin 2022, les requérants ont confirmé encore une fois qu’ils n’avaient jamais donné mandat à l’avocat, qu’aucun pouvoir n’avait été signé et ajouté qu’ils n’avaient jamais versé des honoraires à celui-ci pour la procédure devant la Cour (« we have not signed any mandate to advocate Morcavallo to represent us before the European Court of Human Rights, we have not signed any power of attorney to that effect, we have not paid any fees related to the application ... »).
APPRÉCIATION DE LA COUR
7. La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 35 § 3 a) de la Convention une requête peut être déclarée abusive si elle se fonde délibérément sur des faits controuvés (voir, entre autres, Miroļubovs et autres c. Latvia, no 798/05, §§ 62-63 et 65, 15 septembre 2009, et Sevruk c. Ukraine (déc.), no 2714/11, 7 décembre 2021). Une information incomplète et donc trompeuse peut également s’analyser en un abus du droit de recours individuel (Hüttner c. Allemagne (déc.), no 23130/04, 19 juin 2006, Basileo et autres c. Italie (déc.), no 11303/02, 23 août 2011, et Beskryla c. Ukraine (déc.), no 15198/17, 5 novembre 2019).
8. La Cour souligne qu’aux termes de l’article 44A du Règlement de la Cour, « [l]es parties ont l’obligation de coopérer pleinement à la conduite de la procédure... ». Elle a maintes fois jugé que les règles de procédure prévues en droit interne visent à assurer la bonne administration de la justice et le respect du principe de sécurité juridique et que les intéressés doivent pouvoir s’attendre à ce que ces règles soient appliquées. Le même constat s’impose a fortiori au regard des dispositions procédurales de la Convention et du règlement de la Cour (voir Miroļubovs et autres, précité, § 66). Dans ce sens, la Cour rappelle qu’un pouvoir dûment rempli constitue une partie intégrante de la requête au sens des articles 45 et 47 du Règlement de la Cour.
9. En l’espèce, la Cour observe qu’il ressort des échanges entre les parties (paragraphes 3-6 ci-dessus) que, contrairement à ce qui a soutenu le conseil, non seulement les requérants n’ont jamais souscrit des pouvoirs autorisant celui-ci à introduire la présente requête mais qu’ils ignoraient même l’existence de celle-ci. Il résulte ainsi que l’avocat a introduit la présente requête à l’insu des requérants.
10. Certes, la Cour ne peut identifier avec certitude l’auteur de la falsification des signatures et les éléments dont elle dispose ne permettent pas d’affirmer que ce dernier soit l’avocat. Toutefois, elle considéré comme établi que les requérants n’ont pas signé les pouvoirs et qu’elle a été trompée par ces formulaires de procuration (Poznanski et autres c. Allemagne (déc.), no 25101/05, 3 juillet 2007).
11. La Cour attache également importance au fait que les requérants ont déposé une requête similaire soulevant les mêmes griefs, ce qui lui permettra d’examiner leurs allégations et d’établir si les autorités italiennes ont assuré la protection effective du droit des parents et de l’enfant au respect de leur vie familiale.
12. À la lumière de ce qui précède, la Cour estime que le comportement décrit de l’avocat est clairement contraire au but du droit de recours individuel aux termes de l’article 34 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Sevruk, décision précitée, Beskryla, décision précitée, voir aussi Petrovic c. Serbie (déc.), no 56551/11, 18 octobre 2011). Dès lors, il y a lieu de déclarer la requête irrecevable comme étant abusive, en application de l’article 35 § 3 a) de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 9 février 2023.
Liv Tigerstedt Péter Paczolay
Greffière adjointe Président
ANNEXE
No | Prénom NOM | Année de naissance | Nationalité |
1. | D. D. | 1985 | italienne |
2. | F. D. | 1994 | turque |
3. | I. D. | 1948 | italienne |
4. | L. G. | 1949 | italienne |