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QUATRIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 43896/13
Costel CĂŞUNEANU
contre la Roumanie
La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant le 13 décembre 2022 en un comité composé de :
Tim Eicke, président,
Faris Vehabović,
Branko Lubarda, juges,
et de Crina Kaufman, greffière adjointe de section f.f.,
Vu la requête no 43896/13 dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Costel Căşuneanu (« le requérant »), né en 1959 et résidant à Oituz, représenté par Me R. L. Chiriţă, avocat à Cluj-Napoca, a saisi la Cour le 9 juillet 2013 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
OBJET DE l’AFFAIRE
1. Le requérant fit l’objet d’une procédure pénale pour des faits de corruption. Il lui était reproché d’avoir donné de l’argent à son coïnculpé, qui était sénateur, afin que celui-ci intervînt auprès des juges de la Haute Cour de cassation et de justice (« la Haute Cour ») aux fins d’obtention d’une décision favorable dans un dossier concernant la société commerciale du requérant. Certains détails de la procédure figurent dans l’arrêt Căşuneanu c. Roumanie (no 22018/10, §§ 7-16, 16 avril 2013). Trois autres personnes furent inculpées, dont le sénateur susmentionné et un juge de la Haute Cour.
2. Le 21 décembre 2009, le requérant fut informé que le parquet avait déclenché des poursuites pénales contre lui.
3. Par une décision du 1er juin 2012, la Haute Cour, statuant en formation de trois juges, condamna le requérant à une peine de quatre ans de prison avec sursis.
4. Saisie d’un recours par le requérant, la Haute Cour, statuant en formation de cinq juges, confirma cette décision par un arrêt définitif, long de deux cent douze pages, qu’elle rendit le 22 avril 2013.
5. La Haute Cour publia cet arrêt définitif le 1er avril 2014. Le requérant a informé la Cour qu’il en avait pris connaissance le 2 avril 2014.
6. Estimant excessive la durée de rédaction de cet arrêt, le requérant introduisit une plainte auprès de l’Inspection judiciaire du Conseil supérieur de la magistrature, qui la classa le 24 avril 2014. Celle-ci nota que l’affaire présentait une complexité particulière et que les membres de la formation de jugement de la Haute Cour, qui incluait le président de cette juridiction, avaient une charge de travail importante, aussi bien judiciaire qu’administrative. L’Inspection judiciaire prit également en compte le nombre important d’éléments de preuve examinés (material probatoriu vast), et elle conclut que la durée de rédaction de l’arrêt définitif ne révélait pas de fautes disciplinaires.
APPRÉCIATION DE LA COUR
- Sur la violation alléguée de l’article 6 de la Convention tirée de la durÉe de la procédure
7. Dans une lettre parvenue au Greffe le 8 avril 2014, le requérant indiqua se plaindre de la durée de rédaction de l’arrêt définitif.
8. La Cour rappelle que le caractère « raisonnable » de la durée d’une procédure s’apprécie à la lumière des circonstances de la cause et selon les critères suivants : la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes, ainsi que l’enjeu du litige pour l’intéressé (voir, parmi beaucoup d’autres, Brudan c. Roumanie, no 75717/14, § 94, 10 avril 2018).
9. En ce qui concerne la période à prendre en considération en l’espèce, la Cour relève que la procédure pénale a commencé le 21 décembre 2009, date à laquelle l’intéressé a été informé de l’ouverture de poursuites pénales contre lui.
10. Le point final de la procédure est celui de la date de la décision définitive interne. La Cour a dit dans le contexte du calcul du délai de six mois mentionné à l’article 35 § 1 de la Convention, que la date de la décision définitive interne est la date où le requérant a une connaissance suffisante de la décision interne définitive, et que cette date est, en principe, celle de la signification de la décision, si ce moyen est prévu par le droit interne et, si ce n’est pas le cas, la date de la mise au net de la décision, date à partir de laquelle les parties peuvent réellement prendre connaissance de son contenu (Mierlă et autres c. Roumanie (déc.), nos 25801/17 et 2 autres, § 81, 2 juin 2022 avec les autres références y citées).
Dès lors, le temps de rédaction d’une décision de justice doit être pris en compte dans le calcul de la durée globale d’une procédure.
11. En l’espèce, la Haute Cour a rendu son arrêt définitif le 22 avril 2013 et a publié cet arrêt le 1er avril 2014. Devant la Cour, le requérant indique avoir pris connaissance du contenu de l’arrêt le 2 avril 2014.
12. La procédure dirigée contre le requérant a donc duré au total, pour deux degrés de juridiction, quatre ans, trois mois et douze jours, onze mois environ ayant été nécessaires pour rédiger l’arrêt définitif.
13. S’agissant ensuite du caractère raisonnable de la durée de la procédure, la Cour relève que la procédure pénale en cause a visé des faits de haute corruption ayant impliqué des personnes exerçant une autorité publique (paragraphe 1 ci-dessus) et que la Haute Cour a été amenée à examiner de nombreux éléments de preuve (paragraphe 6 ci-dessus), ce que reflète le volume – deux cent douze pages – de l’arrêt définitif (paragraphe 4 ci‑dessus). Il s’agit donc d’une procédure pénale complexe, qui a exigé une attention particulière de la part de la juridiction de jugement.
14. Selon la Cour, les autorités ont agi avec diligence et aucune période d’inactivité ne peut être décelée dans le déroulement de la procédure en tant que telle (paragraphes 3 et 4 ci‑dessus).
15. S’agissant notamment du délai d’environ onze mois nécessaire à la Haute Cour pour la rédaction de l’arrêt définitif (paragraphe 5 ci-dessus), la Cour note que le requérant a pu exposer son grief devant l’autorité compétente, laquelle, motivant amplement sa conclusion par des éléments objectifs, a considéré que ce délai était justifié (paragraphe 6 ci‑dessus). La Cour, quant à elle, estime que, compte tenu de l’objet de la procédure (paragraphe 1 ci-dessus), la rédaction de l’arrêt constituait une tâche particulièrement ardue et un travail de grande ampleur (Năstase c. Roumanie (déc.), nos 46/15 et 744/15, § 186, 6 septembre 2022).
16. À la lumière de ce qui précède, la Cour estime que la durée de la procédure pénale, tout en tenant compte de l’enjeu qu’elle représentait pour l’intéressé, ne saurait être considérée comme déraisonnable.
17. Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté pour défaut manifeste de fondement, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
- Les autres griefs
18. Le requérant a également soulevé d’autres griefs sous l’angle des articles 6 §§ 1, 2 et 3 a), b) et c) et 8 de la Convention.
19. La Cour constate, au vu de l’ensemble des éléments en sa possession, et pour autant que les faits litigieux relèvent de sa compétence, que ces griefs soit ne satisfont pas aux critères de recevabilité énoncés aux articles 34 et 35 de la Convention, soit ne présentent aucune apparence de violation des droits et libertés consacrés par la Convention ou ses protocoles.
20. Il s’ensuit que la requête doit être rejetée, en application de l’article 35 § 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 26 janvier 2023.
Crina Kaufman Tim Eicke
Greffière adjointe f.f. Président