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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
20.10.2022
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 13175/14
AUTOINTERBUS-TUR S.R.L.
contre la République de Moldova

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 20 octobre 2022 en un comité composé de :

Jovan Ilievski, président,
Gilberto Felici,
Diana Sârcu, juges,

et de Viktoriya Maradudina, greffière adjointe de section f.f.,

Vu la requête susmentionnée introduite le 15 janvier 2014,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

FAITS ET PROCÉDURE

La société requérante, AutoInterBus-Tur S.R.L., est une société à responsabilité limitée de droit moldave, ayant son siège à Chișinău. Elle a été représentée par Me A. Savva, avocat exerçant à Chișinău.

La requête porte sur l’annulation d’un jugement définitif rendu en faveur de la société requérante après l’admission d’un appel allégué tardif formé par la partie adverse.

Les griefs tirés de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ont été communiqués au gouvernement moldave (« le Gouvernement »).

Après la communication de la requête, la procédure interne fut réouverte à la demande de l’agent du Gouvernement et les décisions défavorables à la société requérante furent infirmées par la Cour suprême de justice. Cette dernière a notamment reconnu la violation des droits de la société requérante en raison de l’admission dans l’affaire d’un appel tardif.

Par une lettre du 23 juin 2017, le Gouvernement a informé la Cour qu’il proposait de faire une déclaration unilatérale afin de résoudre la question soulevée par la requête. Il reconnaît qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Le Gouvernement plaide en outre que la société requérante n’a pas le statut de « victime » et invite la Cour à rayer la requête du rôle en application de l’article 37 de la Convention.

Par une lettre du 17 août 2017, l’avocat de la partie requérante a indiqué n’être pas satisfait des termes de la déclaration unilatérale en raison de l’absence d’une indemnisation pour les préjudices que la société requérante dit avoir subis.

EN DROIT

La Cour rappelle que, parmi les facteurs qui entrent en jeu lorsqu’il s’agit de décider de rayer du rôle tout ou partie d’une requête en vertu de l’article 37 § 1 c) de la Convention sur la base d’une déclaration unilatérale, figure notamment la nature des concessions formulées par le Gouvernement dans la déclaration unilatérale, en particulier le redressement qu’il entend fournir au requérant (voir Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], no 26307/95, §§ 75‑77, CEDH 2003‑VI, et Jeronovičs c. Lettonie [GC], no 44898/10, § 64, 5 juillet 2016). À ce sujet, la Cour constate qu’en l’espèce, la déclaration unilatérale soumise par le Gouvernement n’offre aucune compensation à la société requérante (voir, mutatis mutandis, Basra c. Belgique (déc.), no 47232/17, § 10, 10 juillet 2018).

En outre, la Cour juge inutile de se prononcer sur la question de savoir si la société requérante peut toujours se dire « victime » d’une violation de l’article 6 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. À la lumière de toutes les circonstances pertinentes de l’affaire, elle considère, pour les raisons exposées ci-dessous, qu’il n’y a aucune raison objective de poursuivre l’examen des griefs de la société requérante et qu’il convient d’appliquer l’article 37 § 1 de la Convention pour un autre motif que celui ayant trait à la déclaration unilatérale du Gouvernement (El Majjaoui et Stichting Touba Moskee c. Pays-Bas (radiation) [GC], no 25525/03, § 29, 20 décembre 2007, et Nogolica c. Croatie (dec.), no 1375/14, § 24, 2 juillet 2019).

La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 37 § 1 b) de la Convention, elle peut, « à tout moment de la procédure, (...) décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances permettent de conclure (...) que le litige a été résolu ». Pour pouvoir conclure à l’applicabilité en l’espèce de la disposition précitée, la Cour doit répondre à deux questions successives : elle doit se demander, en premier lieu, si les faits dont l’intéressé se plaint directement persistent ou non, et, en second lieu, si les conséquences qui pourraient résulter d’une possible violation de la Convention à raison de ces faits ont été effacées (Pisano c. Italie (radiation) [GC], no 36732/97, § 42, 24 octobre 2002, et Syssoyeva et autres c. Lettonie (radiation) [GC], no 60654/00, § 97, CEDH 2007-I).

Dans la présente affaire, la Cour constate que la Cour suprême de justice a infirmé, le 23 décembre 2016, les décisions défavorables à la société requérante adoptées en violation du principe de la sécurité juridique. En conséquence, le jugement définitif en faveur de la société requérante fut rétabli. Il s’ensuit que les circonstances ayant été à l’origine des griefs de la société requérante n’existent plus.

Ensuite, la Cour note que le litige initial portait sur le retrait d’une licence accordée à la société requérante. Cependant, il ressort des documents contenus dans le dossier que cette licence était déjà expirée avant même que la première instance se prononce dans l’affaire et qu’il n’y avait eu aucune demande de prorogation de la licence.

En même temps, les éléments du dossier n’indiquent pas que le retrait de la licence aurait eu un effet rétroactif ou que l’annulation par l’instance d’appel du jugement favorable à la société requérante aurait privé cette dernière d’un intérêt spécifique quelconque. Dans ces conditions et malgré le fait que la procédure interne a été défectueuse, la Cour n’est pas convaincue que la société requérante ait subi un quelconque préjudice en raison du retrait de la licence. Elle juge donc qu’après la réouverture de la procédure interne et l’annulation par la Cour suprême de justice des décisions défavorables à la société requérante, il n’existe plus aucune conséquence dommageable pour cette dernière qui aurait pu résulter de la violation de ses droits garantis par la Convention. Elle note par ailleurs que la société requérante ne soutient pas le contraire.

Eu égard à tout ce qui précède, la Cour considère que le litige a été résolu au sens de l’article 37 § 1 b) de la Convention. Par ailleurs, aucun motif particulier touchant au respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses protocoles n’exige la poursuite de l’examen de la requête en vertu de l’article 37 § 1 in fine.

Il y a donc lieu de rayer la requête du rôle.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Décide de rayer la requête du rôle.

Fait en français puis communiqué par écrit le 10 novembre 2022.

Viktoriya Maradudina Jovan Ilievski
Greffière adjointe f.f. Président