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QUATRIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 72157/14
Nelson Alexandre BERNARDINO SILVESTRE
contre le Portugal
La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant le 18 octobre 2022 en un comité composé de :
Armen Harutyunyan, président,
Jolien Schukking,
Ana Maria Guerra Martins, juges,
et de Crina Kaufman, greffière adjointe de section f.f.,
Vu la requête no 72157/14, dirigée contre la République portugaise et dont un ressortissant de cet État, M. Nelson Alexandre Bernardino Silvestre (« le requérant »), né en 1972, représenté par Me V. Carreto, avocat à Torres Vedras, a saisi la Cour le 5 novembre 2014 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),
Vu la décision de porter à la connaissance du gouvernement portugais (« le Gouvernement »), représenté par son agente, Mme M.F. da Graça Carvalho, procureure générale adjointe, le grief formulé sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention et de déclarer irrecevable la requête pour le surplus,
Vu les observations des parties,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
OBJET DE l’AFFAIRE
1. Au moment des faits, le requérant était détenu à la prison d’Alcoentre.
2. La requête concerne le rejet de la demande du requérant de congé pénal (saída jurisdicional) par le tribunal de l’exécution des peines (le « TEP ») de Lisbonne, le 23 septembre 2014.
3. Le 29 octobre 2014, le requérant soumit au Comité des droits de l’homme des Nations unies (CDH), en vertu du premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le « PIDCP »), une communication concernant le Portugal. Il s’y plaignait de n’avoir pu faire appel de la décision du TEP (paragraphe 2 ci-dessus), en quoi il voyait une violation des articles 9 § 4 et 14 du PIDCP.
4. Selon les indications fournies par le requérant à la Cour le 13 octobre 2020, la communication devant le CDH était toujours pendante à cette date.
APPRÉCIATION DE LA COUR
5. Sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint devant la Cour de ce que la législation interne ne lui permettait pas de faire appel devant les juridictions internes supérieures de la décision rendue par le TEP le 23 septembre 2014 (paragraphe 2 ci-dessus). Il plaide une atteinte au principe de l’égalité des armes, expliquant qu’en vertu des articles 196 § 1 et 235 § 1 du code de l’exécution des peines, le ministère public peut interjeter appel de toute décision qui accorde, rejette ou annule un congé pénal alors que le détenu ne peut le faire que dans ce dernier cas de figure.
6. Le Gouvernement soulève une exception fondée sur l’article 35 § 2 b) de la Convention, expliquant que la requête est « essentiellement la même » que celle que le requérant a soumise au CDH le 29 octobre 2014 (paragraphe 3 ci-dessus). Le requérant conteste l’exception, indiquant que le CDH n’a toujours pas rendu de décision au sujet de sa communication.
7. La Cour rappelle que l’article 35 § 2 b) de la Convention vise à éviter la pluralité de procédures internationales concernant les mêmes affaires (Folgerø et autres c. Norvège (déc.), no 15472/02, 14 février 2006, Smirnova et Smirnova c. Russie (déc.), nos 46133/99 et 48183/99, 3 octobre 2002 et Karoussiotis c. Portugal, no 23205/08, § 62, CEDH 2011 (extraits). Il en résulte que la Convention exclut que la Cour puisse retenir une requête faisant ou ayant déjà fait l’objet d’un examen de la part d’une autre instance internationale (Celniku c. Grèce, no 21449/04, § 39, 5 juillet 2007), telle que le CDH (voir Leoncio Calcerrada Fornieles et Luis Cabeza Mato (déc.), no 17512/90, 6 juillet 1992).
8. En l’espèce, il ne fait pas de doute qu’au moment de l’introduction de sa requête devant la Cour, le requérant avait déjà saisi le CDH d’une communication dans laquelle il se plaignait qu’il n’y eût au niveau interne aucune voie de recours qui lui aurait permis de contester la décision du TEP portant rejet de sa demande de congé pénal (comparer avec Leoncio Calcerrada Fornieles et Luis Cabeza Mato, décision précitée, Patera c. République tchèque (déc.), no 25326/03, 10 janvier 2006, et Vojnovic c. Croatie (déc.), no 4819/10, §§ 31-32, 26 juin 2012). Il s’ensuit que la requête devant la Cour est essentiellement la même que celle qui a été soumise au CDH (paragraphe 3 ci-dessus).
9. Partant, il y a lieu d’accueillir l’exception d’irrecevabilité formulée par le Gouvernement au titre de l’article 35 § 2 b) de la Convention et de rejeter la requête en application de l’article 35 § 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 17 novembre 2022.
Crina Kaufman Armen Harutyunyan
Greffière adjointe f.f. Président