Přehled

Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
18.10.2022
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION

Requête no 23845/19
M.S.
contre l’Italie

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant le 18 octobre 2022 en un comité composé de :

Péter Paczolay, président,

Raffaele Sabato,

Davor Derenčinović, juges,

et de Liv Tigerstedt, greffière adjointe de section,

Vu :

la requête no 23845/19 contre l’Italie et dont un ressortissant russe, M. M.S. (« le requérant ») né en 1981 et représenté par Me O.P. Tseytlina et Me S.V. Gromova, avocats à Saint Petersburg, a saisi la Cour le 24 juin 2019 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement italien (« le Gouvernement »), représenté par son agent, M. L. D’Ascia, avocat de l’État,

la décision de ne pas dévoiler l’identité du requérant,

la décision de traiter en priorité la requête (article 41 du Règlement de la Cour (« le règlement »)),

la mesure provisoire indiquée au gouvernement défendeur en vertu de l’article 39 du règlement et respectée par le Gouvernement,

la décision du gouvernement russe de ne pas user de son droit d’intervenir dans la procédure (article 36 § 1 de la Convention),

les observations des parties,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

OBJET DE l’AFFAIRE

1. La requête porte sur une procédure d’extradition de l’Italie vers le Kirghizistan.

2. Lorsque le requérant se trouvait en Italie, un mandat d’arrêt international fut émis à son encontre visant son extradition vers le Kirghizistan. Après l’avoir appréhendé, les autorités italiennes placèrent l’intéressé en détention provisoire, puis accueillirent la demande d’extradition.

3. À la suite de l’application de la mesure provisoire aux termes de l’article 39 du règlement indiquant aux autorités italiennes de suspendre l’extradition, le décret d’extradition ne fut pas exécuté dans l’attente de la décision de la Cour sur le fond de l’affaire. Remis en liberté en raison de l’expiration du délai maximal de détention provisoire, le requérant rentra en Russie.

4. Le requérant craignait d’être soumis à des traitements inhumains et dégradants en cas d’extradition et ce, notamment, en raison : a) de la situation générale en Kirghizistan concernant l’utilisation de traitements contraires à l’article 3 lors des détentions provisoires afin d’obtenir des confessions ; et b) des déclarations du Président du Kirghizistan l’accusant d’avoir commis des délits particulièrement graves.

L’APPRÉCIATION DE LA COUR

5. Le Gouvernement demande de rayer du rôle l’affaire car, d’une part, le décret d’extradition ne peut être exécuté jusqu’à la décision de la Cour et, d’autre part, le requérant ne risque plus d’être placé en détention provisoire compte tenu du fait que le délai maximal pour l’application de cette mesure est dépassé. Par conséquent, le requérant n’a plus aucun intérêt à ce que la Cour examine la requête. En revanche, le requérant demande à la Cour de poursuivre l’examen de la requête car la procédure d’extradition est encore pendante. En outre, compte tenu du fait qu’il est toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt international, le requérant risque d’être extradé vers le Kirghizistan par d’autres pays, y inclus la Russie.

6. La Cour observe que, dans certaines affaires, elle a estimé qu’il ne se justifiait plus de poursuivre l’examen de la requête, au sens de l’article 37 § 1 c) de la Convention, et a décidé de la rayer du rôle car il ressortait clairement des informations dont elle disposait que le requérant ne risquait plus, ni à ce moment-là ni avant longtemps, d’être expulsé et qu’il avait la possibilité de contester devant les autorités nationales, et le cas échéant devant la Cour, une éventuelle nouvelle mesure d’éloignement (voir, notamment, Khan c. Allemagne [GC], no 38030/12, § 34, 21 septembre 2016).

7. En l’espèce, la Cour constate que le Gouvernement n’a pas précisé si le requérant est toujours sous le coup du décret d’extradition du 27 juin 2019, ou si celui-ci a été annulé. La Cour note que, selon les dernières informations disponibles, le requérant réside actuellement en Russie ce qui rend impossible tant pour le moment que dans un avenir prévisible (voir, dans le même sens, Khan, précité, § 38) l’extradition de l’Italie vers le Kirghizistan. Cela est suffisant pour exclure tout risque immédiat sous l’angle de l’article 3 de la Convention.

8. De plus, si, en cas de retour du requérant en Italie, les autorités venaient à prendre une nouvelle décision d’extradition, le requérant aurait la possibilité, le cas échéant, d’introduire une nouvelle requête et une nouvelle demande d’application de l’article 39 du règlement devant la Cour (Khan, précité, § 38).

9. Enfin, quant au risque d’extradition vers le Kirghizistan par les autorités d’autres États, la Cour note qu’il s’agit d’un grief tout à fait hypothétique et qui, en tout état de cause, ne fait pas l’objet de la présente requête introduite contre l’Italie.

10. À la lumière de ce qui précède, et compte tenu de la nature subsidiaire du mécanisme de contrôle institué par la Convention, la Cour estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 c) de la Convention).

11. La Cour est en outre d’avis qu’il n’existe en l’espèce pas de circonstances spéciales touchant au respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles qui exigeraient la poursuite de l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine).

12. La Cour tient par ailleurs à rappeler qu’après avoir rayé une requête du rôle, elle peut à tout moment décider de l’y réinscrire si elle estime que les circonstances le justifient, en application de l’article 37 § 2 de la Convention (Khan, précité, § 41).

13. La présente décision a pour effet de mettre fin à l’application de l’article 39 du règlement.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Décide de rayer la requête du rôle.

Fait en français puis communiqué par écrit le 17 novembre 2022.

Liv Tigerstedt Péter Paczolay
Greffière adjointe Président