Přehled
Rozhodnutí
CINQUIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 46061/21
Pierrick THEVENON
contre la France
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 13 septembre 2022 en une chambre composée de :
Síofra O’Leary, présidente,
Mārtiņš Mits,
Lətif Hüseynov,
Lado Chanturia,
Ivana Jelić,
Arnfinn Bårdsen,
Mattias Guyomar, juges,
et de Victor Soloveytchik, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 10 septembre 2021,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Vu les commentaires reçus du gouvernement italien, ainsi que des organisations non gouvernementales Institute for Law and Public Policy, Initiative for vaccine risks awareness, et Prolibertate (Obdorova organizace et Institut Prava a Obanskych svobod), que la présidente de la section avait autorisés à se porter tiers intervenants,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
INTRODUCTION
1. La présente requête concerne l’obligation de vaccination contre la covid‑19, imposée aux professionnels de soins sur le fondement de la loi no 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Le requérant, sapeur‑pompier professionnel et volontaire, invoque l’article 8 de la Convention, pris seul et combiné avec l’article 14, ainsi que l’article 1er du Protocole no 1.
EN FAIT
2. Le requérant, M. Pierrick Thevenon, est un ressortissant français né en 1988 et résidant à Saint-Martin-en-Haut. Il a été représenté devant la Cour par Me N. Bacha, avocate à Grenoble.
3. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. François Alabrune, directeur des affaires juridiques du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
- Les circonstances de l’espèce
4. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
- Le contexte de l’introduction d’une obligation de vaccination contre la covid-19 pour les sapeurs-pompiers et d’autres professionnels
5. Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé déclara que le monde se trouvait confronté à une pandémie causée par un nouveau coronavirus nommé SARS-CoV-2, responsable d’une maladie infectieuse appelée covid-19. La Cour observe que la propagation de ce nouveau coronavirus sur le territoire français et au-delà ont conduit les autorités françaises à prendre des mesures, pour prévenir et réduire les conséquences des menaces sanitaires sur la santé de la population, depuis le mois de mars 2020. Les dispositions pertinentes de ce cadre juridique, adopté entre les mois de mai et août 2021, sont exposées plus en détail ci-dessous (voir également la décision Zambrano c. France, no 41994/21, §§ 12-15, 21 septembre 2021).
6. Dans un Avis du 29 mars 2021, le Comité consultatif national d’éthique se prononça comme suit :
« I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid‑19 : (...) 6o Les sapeurs-pompiers et les marins-pompiers des services d’incendie et de secours, les pilotes et personnels navigants de la sécurité civile assurant la prise en charge de victimes, les militaires des unités investies à titre permanent de missions de sécurité civile mentionnés au premier alinéa de l’article L. 721-2 du code de la sécurité intérieure ainsi que les membres des associations agréées de sécurité civile mentionnées à l’article L. 725-3 du même code participant, à la demande de l’autorité de police compétente ou lors du déclenchement du plan Orsec, aux opérations de secours et à l’encadrement des bénévoles dans le cadre des actions de soutien aux populations ou qui contribuent à la mise en place des dispositifs de sécurité civile dans le cadre de rassemblements de personnes ; (...)
IV. - Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, peut, compte tenu de l’évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques, suspendre, pour tout ou partie des catégories de personnes mentionnées au I, l’obligation prévue au même I. (...) »
7. La loi no 2021-689 du 31 mai 2021 mit en place un régime transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 30 septembre 2021, qui autorisa le Premier ministre à notamment limiter les déplacements et l’utilisation des transports collectifs (en imposant par exemple le port du masque) ou à imposer des mesures barrières dans les commerces. Elle instaura également un dispositif de passe sanitaire jusqu’au 30 septembre 2021 pour les voyageurs en provenance ou à destination de la France et pour l’accès à de grands rassemblements occasionnés par des activités de loisirs ou des foires et salons.
8. Dans un rapport du 30 juin 2021, la Haute Autorité de santé (HAS), autorité publique indépendante à caractère scientifique, recommanda de renforcer la couverture vaccinale de l’ensemble des professionnels de santé, du secteur médico-social et des transports sanitaires, pour leur protection et celle des personnes dont ils ont la charge, estimant les couvertures vaccinales des professionnels de santé insuffisantes. Elle se fonda notamment sur les données contenues dans une enquête du 15 juin 2021 de Santé publique France, l’agence nationale de santé publique placée sous la tutelle du ministère chargé de la Santé. Dans son rapport, la HAS précisa en particulier que :
« La vaccination doit devenir une priorité pour les personnes travaillant dans les services accueillant des personnes particulièrement à risque de formes graves de covid-19, ainsi que des professionnels en contacts fréquents et rapprochés avec des personnes vulnérables, pour garantir leur propre protection, mais aussi celles de leurs patients et de ces personnes. La HAS rappelle à ce titre que les données disponibles sur l’impact de la vaccination suggèrent que la vaccination contre la covid-19 limite le risque de transmettre le virus en plus de fournir une protection individuelle notamment aux personnes fragiles et vulnérables de l’entourage. »
9. Le 8 juillet 2021, la HAS considéra que la couverture vaccinale des professionnels de santé, et plus largement de ceux qui sont en contact avec des personnes vulnérables, revêtait un enjeu éthique autant que de santé publique (Avis no 2021.0047/AC/SEESP du collège de la HAS relatif à l’adaptation de la stratégie vaccinale devant l’émergence de variants du SARS-CoV-2).
10. Le Gouvernement indique que, malgré plusieurs appels des pouvoirs publics à la vaccination des professionnels du soin et de l’aide à la personne, dont les sapeurs-pompiers et marins-pompiers des services d’incendie et de secours font partie, les taux de vaccination n’ont pas significativement évolué, alors qu’en raison de l’extrême contagiosité du variant Delta, la cible d’immunité populationnelle à atteindre était de 85 à 90%.
11. Compte tenu de l’évolution de la situation épidémiologique, un projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire fut élaboré.
12. Le 19 juillet 2021, dans le cadre de ses fonctions consultatives, le Conseil d’État (commission permanente) rendit un avis sur ce projet de loi. En introduction, il formula tout d’abord la remarque suivante :
« 4. Le Conseil d’État constate qu’eu égard à la date et aux conditions de sa saisine, il a disposé de moins d’une semaine pour rendre son avis. Cette situation est d’autant plus regrettable que le projet de loi soulève des questions sensibles et pour certaines inédites qui imposent la recherche d’une conciliation délicate entre les exigences qui s’attachent à la garantie des libertés publiques et les considérations sanitaires mises en avant par le Gouvernement. »
13. Il présenta ensuite les observations suivantes :
« (...) 6. Sur le fond, il appartient au Conseil d’État, comme il l’a déjà indiqué (...), de vérifier que les mesures prévues assurent, au regard des risques liés à la propagation du virus, en l’état des connaissances scientifiques, une conciliation conforme à la Constitution des nécessités de la lutte contre l’épidémie avec la protection des libertés fondamentales reconnues à tous ceux qui résident sur le territoire de la République (voir notamment pour le précédent régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, Conseil constitutionnel, décision no 2020-808 DC du 13 novembre 2020, paragr. 12 ; décision no 2021-819 DC du 31 mai 2021, paragr. 8).
7. Le Conseil d’État observe que le taux d’incidence de la covid-19, après avoir substantiellement décru au cours des dernières semaines jusqu’à atteindre un niveau plancher de 18,7 cas pour 100 000 habitants le 26 juin dernier, s’établit désormais à 63,5 cas pour 100 000 habitants et que 12 532 nouveaux cas ont été enregistrés (chiffres de Santé publique France au 18 juillet 2021).
Cette progression rapide de l’épidémie est également confirmée par l’augmentation du « nombre de reproduction effectif national » (nombre moyen de personnes infectées par un cas positif) qui est passé de 0,65 à 1,5 en 2 semaines. Ce rebond des indicateurs épidémiques s’accompagne désormais, selon les données figurant dans l’étude d’impact, d’une hausse des nouvelles hospitalisations : plus de 1 186 nouveaux patients sont entrés à l’hôpital durant les 7 derniers jours et 203 en services de soins critiques.
Si ces chiffres sont aujourd’hui encore en deçà de ceux observés lors des précédentes vagues, plusieurs éléments conduisent le Gouvernement à estimer que la situation est susceptible de se dégrader très fortement dans les prochaines semaines. D’une part, il ressort des informations transmises par le Gouvernement au Conseil d’État que, comme partout dans le monde, l’émergence du variant Delta (environ 1,6 fois plus contagieux que le variant Alpha, lui-même 1,6 fois plus contagieux que la souche originelle du virus) accroît le risque de propagation rapide du virus.
D’autre part, il apparaît, au regard de l’expérience de l’année 2020, que la période estivale est marquée par un relâchement des gestes barrières et présente des risques spécifiques de diffusion du virus résultant d’importants déplacements de personnes avec une concentration accrue sur certains territoires. Éclairés par la situation prévalant au Royaume-Uni qui enregistre 50 000 cas par jour, l’institut Pasteur et l’INSERM estiment qu’une nouvelle vague épidémique est possible dès le mois de juillet, avec un pic entre la fin du mois d’août et la mi-septembre, atteignant 150 000 cas par jour si le nombre de reproduction du variant Delta, actuellement estimé à 2, n’est pas significativement abaissé. Les admissions à l’hôpital et en soins critiques pourraient alors atteindre, voire dépasser le niveau de la première vague de mars 2020 et, si l’on se réfère aux constatations faites au cours des précédentes vagues de l’épidémie, ne décélérer que lentement au cours des mois qui suivent.
Bien que la campagne de vaccination se poursuive et donne des résultats encourageants (au 15 juillet, 36 766 279 personnes ont reçu au moins une dose de vaccin et 30 339 179 personnes justifient du schéma vaccinal complet), en réduisant de 95 % le risque d’hospitalisation pour les personnes vaccinées selon les informations communiquées par le Gouvernement, le Conseil d’État estime que le contexte sanitaire actuel et son évolution prévisible justifient le maintien jusqu’au 31 décembre 2021 des dispositions organisant le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire et permettant l’édiction des mesures de police sanitaires nécessaires à la lutte contre l’épidémie. (...) »
14. Abordant l’examen du « principe de l’obligation de vaccination de certains professionnels contre la Covid-19 », et après avoir précisé que l’instauration d’une obligation vaccinale s’inscrivait « dans un cadre constitutionnel et conventionnel bien établi », il émit l’avis qu’au vu de la situation de l’épidémie et des effets bénéfiques attendus, l’instauration d’une obligation vaccinale était proportionnée à la lutte contre l’épidémie de la covid-19 et ne se heurtait, dans son principe, à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel. S’agissant du « périmètre des personnes concernées par l’obligation vaccinale », il releva que le projet de loi entendait instituer une obligation de vaccination contre la covid-19 pour les professionnels au contact direct des personnes les plus vulnérables dans l’exercice de leur activité professionnelle, ainsi qu’à celles qui travaillent au sein des mêmes locaux.
15. Ayant relevé que le projet de loi dressait précisément la liste des personnes concernées à travers leur lieu de travail et leur profession, le Conseil d’État suggéra des modifications pour renforcer la clarté et l’intelligibilité du texte, tout en considérant que le périmètre des personnes concernées par l’obligation vaccinale n’était pas manifestement inapproprié avec l’objectif de protection de la santé poursuivi par le projet de loi compte tenu, d’une part, du niveau de la couverture vaccinale des personnes les plus vulnérables et, d’autre part, des conséquences sanitaires et sociales induites par une obligation de vaccination pour les plus vulnérables qui refuseraient la vaccination. Dans cet avis consultatif, il releva que le projet de loi prévoyait que les professionnels soumis à l’obligation vaccinale devaient, pour continuer à exercer leur activité à compter de l’entrée en vigueur de la loi, présenter certains documents dans certains délais, en fonction de leur statut vaccinal. Citant une décision du Conseil constitutionnel (no 2011-119 QPC du 1er avril 2011), le Conseil d’État estima, compte tenu de la finalité de santé publique poursuivie par le projet de loi, que le législateur pouvait soumettre la poursuite de l’exercice de l’activité professionnelle des personnes visées par le projet à la transmission des documents établissant qu’elles respectaient l’obligation vaccinale contre la covid-19.
16. Concernant l’application dans le temps des dispositions relatives à l’obligation de vaccination, il releva que l’ensemble des dispositions prévues par le projet de loi pour instaurer l’obligation vaccinale et accompagner sa mise en œuvre créait un cadre juridique dérogatoire et, partant, il souligna le fait que s’il estimait que ce dernier répondait, sous certaines réserves, de manière proportionnée aux objectifs de santé publique poursuivis, c’était toutefois au regard de la situation sanitaire telle qu’elle existait à la date de son avis. Il en déduisit qu’il était nécessaire de réévaluer ce cadre juridique en fonction de l’évolution de la situation sanitaire, afin de ne pas maintenir des dispositions qui ne seraient plus adaptées à la lutte contre l’épidémie.
17. La loi no 2021-1040 relative à la gestion de la crise sanitaire fut adoptée définitivement le 25 juillet 2021 et promulguée le 5 août 2021. En premier lieu, elle prolongea le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 15 novembre 2021 et étendit le périmètre du passe sanitaire à d’autres activités de la vie quotidienne jusqu’au 15 novembre. En second lieu, elle rendit la vaccination contre la covid-19 obligatoire pour les personnes travaillant dans les secteurs sanitaire et médico‑social, sauf contre-indication médicale et excepté le cas des personnels chargés de l’exécution d’une tâche ponctuelle au sein des locaux des établissements concernés. Les sapeurs‑pompiers, expressément cités dans l’article 12 de la loi qui dresse la liste des professionnels concernés par la vaccination obligatoire contre la covid-19, y furent donc soumis.
18. L’article 14-I de la loi no 2021-1040 du 5 août 2021 accorda différents délais tenant compte de la situation vaccinale des personnes concernées, afin de leur permettre de se conformer à cette obligation, la présentation d’un certificat de statut vaccinal complet devenant toutefois impérative à compter du 16 octobre 2021. Par ailleurs, l’article 14-II organisa les modalités à respecter en cas de manquement à l’obligation vaccinale et en l’absence d’un certificat médical attestant d’une contre-indication (interdiction d’exercer, information sans délai du salarié par son employeur, possibilité éventuelle d’utiliser les jours de congés ou, à défaut, suspension du contrat avec interruption du versement de la rémunération jusqu’à la régularisation, etc.). Aux termes de l’article 16 de la loi, la méconnaissance de l’interdiction d’exercer par le salarié constitue une contravention punie d’une amende de quatrième classe (750 euros au plus – article 131-13 du code pénal) et, en cas de verbalisation à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punissables de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende, outre des peines complémentaires. Le défaut de contrôle par l’employeur constitue quant à lui une contravention punie d’une amende de cinquième classe (1 500 euros au plus, hors récidive – article 131-13 du code pénal).
19. Le 26 juillet 2021, le Premier ministre, ainsi que plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs saisirent le Conseil constitutionnel de la loi no 2021-1040 du 5 août 2021. Le Premier ministre demanda au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 9 et 12, mais sans soulever aucun grief spécifique à leur encontre. Les députés et sénateurs contestèrent la conformité à la Constitution de certaines dispositions des articles 1er, 2, 7, 8, 9 et 14 de la loi.
20. Par une décision du 5 août 2021 (no 2021-824 DC), le Conseil constitutionnel déclara conformes à la Constitution certaines dispositions des articles 1er et 14 de la loi, ainsi que, sous certaines réserves, des dispositions des articles 1er, 2 et 8. En revanche, il censura l’article 9, ainsi que des parties des articles 1er et 7. Par ailleurs, il précisa ce qui suit :
« 125. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision. »
21. Parallèlement, par une note de service du 4 août 2021, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) anticipa la promulgation de la loi no 2021-1040 du 5 août 2021 et présenta les modalités de mise en œuvre progressive de l’obligation vaccinale des sapeurs-pompiers et des marins-pompiers : à compter de la promulgation de la loi et jusqu’au 14 septembre 2021, les sapeurs-pompiers pouvaient a minima présenter un justificatif de résultat négatif d’un examen de dépistage virologique ; à compter du 15 septembre et jusqu’au 15 octobre 2021 inclus, ils devaient présenter un certificat de statut vaccinal ou, à défaut, le justificatif d’une première dose et d’un test virologique négatif ; à l’issue de ces deux phases transitoires, les personnes concernées devaient présenter le justificatif d’un schéma vaccinal complet ; à compter du 15 octobre 2021, les agents qui ne satisfaisaient pas à l’obligation vaccinale s’exposaient à une suspension, sauf en cas de contre-indication médicale reconnue. Cette note rappela en outre : que les mesures de suspension font l’objet d’un arrêté individuel indiquant les conséquences de l’interdiction d’exercer et les moyens de régulariser sa situation ; qu’il est possible, avec l’accord du supérieur, d’utiliser des jours de congés ou de permission et que, à défaut, l’intéressé est suspendu de ses fonctions et sa rémunération est suspendue jusqu’à qu’il remplisse les conditions relatives à l’obligation vaccinale. Cette note de service fut par la suite précisée par une fiche explicative élaborée en septembre 2021.
22. Selon les informations fournies par le Gouvernement, l’évolution du taux de vaccination chez les sapeurs-pompiers a suivi celle de la vaccination dans l’ensemble de la population. Plus précisément, les pourcentages de sapeurs-pompiers et de marins-pompiers entrés dans le schéma de l’obligation vaccinale en 2021 sont les suivants : 54 % le 13 août, 85 % le 10 septembre, 91 % le 17 septembre, 92 % le 24 septembre et 93 % le 8 octobre. Ce pourcentage est inférieur dans les territoires ultra-marins, à l’exception de Mayotte (100 %). Les personnels non-vaccinés seraient à très forte majorité des sapeurs-pompiers volontaires (non-professionnels), qui n’ont pas souhaité se faire vacciner ou qui n’ont plus ou très peu d’activité, ainsi que ceux qui sont en arrêt maladie et qui n’ont donc pas à fournir d’état vaccinal.
- La situation particulière du requérant
23. Le requérant n’étant pas vacciné, il fut informé des conséquences qu’emporterait une interdiction d’exercer son activité de sapeur-pompier, tant professionnel que volontaire, ainsi que des moyens de régulariser sa situation, respectivement par courriers des 31 août et 7 septembre 2021. Il refusa néanmoins de se faire vacciner.
24. Le 15 septembre 2021, il ne justifia pas du respect de l’obligation vaccinale ou d’un certificat médical de contre-indication, conformément aux exigences de la loi no 2021-1040 du 5 août 2021. Par ailleurs, il ne fut pas en mesure d’utiliser des jours de congés payés.
25. Le même jour, tirant les conséquences de la situation personnelle du requérant, la présidente du conseil d’administration du service départemental‑métropolitain d’incendie et de secours de la ville de Lyon et du département du Rhône prit deux arrêtés de suspension de fonctions et d’engagement du requérant, respectivement en sa qualité de sapeur-pompier professionnel et de sapeur-pompier volontaire, dans l’intérêt du service pour des raisons d’ordre public, afin de protéger la santé des personnes, avec interruption de sa rémunération s’agissant de son activité professionnelle.
26. Le requérant n’exerça aucun recours. Le 19 août 2021, le requérant et d’autres sapeurs-pompiers ou salariés travaillant en milieu hospitalier demandèrent, sur le fondement de l’article 39 du Règlement de la Cour, la suspension de « l’obligation vaccinale telle que prévue par l’article 12 de la loi du 5 août 2021 ». Le 24 août 2021, la Cour ne fit pas droit à cette demande, estimant qu’elle se situait hors du champ d’application de l’article 39.
- Le cadre juridique et la pratique interne pertinents
- La vaccination obligatoire avant la loi no 2021-1040 du 5 août 2021
a) Hypothèses dans lesquelles la vaccination était déjà obligatoire
27. La politique de vaccination est évoquée à l’article L. 3111-1 du code de la santé publique, dont les dispositions pertinentes se lisent ainsi :
« La politique de vaccination est élaborée par le ministre chargé de la santé qui fixe les conditions d’immunisation, énonce les recommandations nécessaires et rend public le calendrier des vaccinations après avis de la Haute Autorité de santé. (...) »
28. Dans ce cadre, le droit français prévoit plusieurs hypothèses dans lesquelles la vaccination est obligatoire, énoncées dans les articles L. 3111-2 et R. 3111-2 et suivants du code de la santé publique. Elles concernent ainsi notamment : les enfants qui, depuis 2018, doivent recevoir onze vaccins (article L. 3111-2 du code de la santé publique) ; les thanatopracteurs en formation pratique et en exercice (article L. 3111-3 du code de la santé publique) ; les personnes qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exercent une activité professionnelle les exposant ou exposant les personnes dont elles sont chargées à des risques de contamination, (depuis 1953, elles doivent être immunisées contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite – article L. 3111-4 du code de la santé publique) ; les personnes âgées de plus d’un an séjournant ou résidant en Guyane (vaccination contre la fièvre jaune – article L. 3111-6 du code de la santé publique). Jusqu’en 2007, la vaccination contre la tuberculose était obligatoire s’agissant des enfants et adolescents en collectivité, des personnes exerçant dans des établissements à caractère sanitaire et social et des sapeurs-pompiers (articles L. 3112-1, R. 3112-1 et R. 3112-2 du code de la santé publique).
29. En cas de refus, les intéressés ne pouvaient exercer leur activité et s’exposaient à d’éventuelles sanctions disciplinaires, à un licenciement ou à des amendes.
30. Par ailleurs, le droit du travail prévoit expressément la possibilité de prendre des mesures spécifiques à ce titre. L’article R. 4426-6 du code du travail précise en effet que :
« L’évaluation des risques permet d’identifier les travailleurs pour lesquels des mesures spéciales de protection peuvent être nécessaires. Sans préjudice des vaccinations prévues aux articles L. 3111-4 et L. 3112-1 du code de la santé publique, l’employeur recommande, s’il y a lieu et sur proposition du médecin du travail, aux travailleurs non immunisés contre les agents biologiques pathogènes auxquels ils sont ou peuvent être exposés de réaliser, à sa charge, les vaccinations appropriées. »
31. Enfin, le système français accompagne la vaccination obligatoire d’un régime de réparation des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire, l’article L. 3111-9 du code de la santé publique prévoyant notamment que :
« Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent titre, est assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l’article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale. (...) »
b) Le Conseil constitutionnel
32. Le Conseil constitutionnel reconnaît la protection de la santé comme une exigence constitutionnelle (décision no 2004-504 DC du 12 août 2004). Par ailleurs, saisi par la chambre criminelle de la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité concernant la politique de vaccination obligatoire à destination des mineurs et les obligations corrélatives qui pèsent sur les personnes titulaires de l’autorité parentale, il s’est exprimé comme suit dans une décision du 20 mars 2015 (no 2015‑458 QPC) :
« (...) 9. Considérant qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a imposé des obligations de vaccination antidiphtérique, antitétanique et antipoliomyélitique aux enfants mineurs, sous la responsabilité de leurs parents ; qu’il a ainsi entendu lutter contre trois maladies très graves et contagieuses ou insusceptibles d’être éradiquées ; qu’il a confié au ministre chargé de la santé le soin de définir et mettre en œuvre la politique de vaccination après avoir recueilli l’avis du haut conseil de la santé publique ; que le législateur lui a également donné le pouvoir de suspendre par décret chacune de ces obligations de vaccination, pour tout ou partie de la population, afin de tenir compte de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques ; qu’il a enfin précisé que chacune de ces obligations de vaccination ne s’impose que sous la réserve d’une contre-indication médicale reconnue ;
10. Considérant qu’il est loisible au législateur de définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective ; qu’il lui est également loisible de modifier les dispositions relatives à cette politique de vaccination pour tenir compte de l’évolution des données scientifiques, médicales et épidémiologiques ; que, toutefois, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l’état des connaissances scientifiques, les dispositions prises par le législateur ni de rechercher si l’objectif de protection de la santé que s’est assigné le législateur aurait pu être atteint par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé ;
11. Considérant qu’il en résulte que, par les dispositions contestées, le législateur n’a pas porté atteinte à l’exigence constitutionnelle de protection de la santé telle qu’elle est garantie par le Préambule de 1946 ; (...) »
c) Le Conseil d’État
33. Saisi de requêtes en annulation des dispositions du code de la santé publique relatives à certaines obligations vaccinales, le Conseil d’État s’est prononcé comme suit dans une décision du 26 novembre 2001 (no 222741) :
« Considérant que les dispositions des articles L. 3111-1 à L. 3111-11 et des articles L. 3112-1 à L. 3112-5 rendent obligatoires un certain nombre de vaccinations ou donnent la possibilité à l’autorité administrative d’instituer par voie réglementaire de telles obligations ; que si ces dispositions ont pour effet de porter une atteinte limitée aux principes d’inviolabilité et d’intégrité du corps humain invoqués par les requérants, elles sont mises en œuvre dans le but d’assurer la protection de la santé, qui est un principe garanti par le Préambule de la Constitution de 1946 auquel se réfère le Préambule de la Constitution de 1958, et sont proportionnées à cet objectif ; que, dès lors, elles ne méconnaissent pas le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ; que, pour les mêmes raisons, elles ne portent pas une atteinte illégale au principe constitutionnel de la liberté de conscience ; (...) »
34. Le 6 mai 2019 (décision no 419242), appelé à se prononcer sur la vaccination obligatoire des enfants scolarisés, le Conseil d’État a notamment considéré, après avoir cité le texte de l’article 8 de la Convention, que :
« Le droit à l’intégrité physique fait partie du droit au respect de la vie privée au sens de ces stipulations, telles que la Cour européenne des droits de l’homme les interprète. Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit, qui peut être admise si elle remplit les conditions du paragraphe 2 de l’article 8 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l’objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d’une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d’autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d’une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l’efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu’il peut présenter. »
d) La situation des sapeurs-pompiers
35. Un arrêté du 6 mai 2000 du ministre des Solidarités et de la Santé fixe les conditions d’aptitude médicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions d’exercice de la médecine professionnelle et préventive au sein des services départementaux d’incendie et de secours. La vaccination obligatoire est prévue aux articles 8 (pour le recrutement) et 16 (pour le maintien en activité) :
Article 8
« Du point de vue des vaccinations obligatoires, pour être déclaré apte lors du recrutement, le sapeur-pompier doit remplir les conditions d’immunisation fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. »
Article 16
« Du point de vue des vaccinations obligatoires, pour être maintenu en activité, le sapeur-pompier doit remplir les conditions d’immunisation fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. Si ces conditions ne sont pas remplies, le sapeur-pompier est placé en situation d’aptitude restreinte compatible avec son statut immunitaire. Pour le sapeur-pompier volontaire, une suspension d’engagement, dans les conditions fixées aux articles 39 et 40 du décret du 10 décembre 1999 susvisé, peut être proposée à l’autorité territoriale d’emplois. »
- La vaccination obligatoire contre la covid-19
a) La loi no 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire
36. Les dispositions pertinentes de cette loi étaient rédigées comme suit :
« Chapitre II : Vaccination obligatoire (Articles 12 à 19)
Article 12
« I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid‑19 :
1o Les personnes exerçant leur activité dans :
a) Les établissements de santé mentionnés à l’article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l’article L. 6147-7 du même code ;
b) Les centres de santé mentionnés à l’article L. 6323-1 dudit code ;
c) Les maisons de santé mentionnées à l’article L. 6323-3 du même code ;
d) Les centres et équipes mobiles de soins mentionnés à l’article L. 6325-1 du même code ;
e) Les centres médicaux et équipes de soins mobiles du service de santé des armées mentionnés à l’article L. 6326-1 du même code ;
f) Les dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes mentionnés aux II et III de l’article 23 de la loi no 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé ;
g) Les centres de lutte contre la tuberculose mentionnés à l’article L. 3112-2 du code de la santé publique ;
h) Les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic mentionnés à l’article L. 3121-2 du même code ;
i) Les services de médecine préventive et de promotion de la santé mentionnés à l’article L. 831-1 du code de l’éducation ;
j) Les services de prévention et de santé au travail mentionnés à l’article L. 4622-1 du code du travail et les services de prévention et de santé au travail interentreprises définis à l’article L. 4622-7 du même code ;
k) Les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés aux 2o, 3o, 5o, 6o, 7o, 9o et 12o du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, à l’exception des travailleurs handicapés accompagnés dans le cadre d’un contrat de soutien et d’aide par le travail mentionné au dernier alinéa de l’article L. 311-4 du même code ;
l) Les établissements mentionnés à l’article L. 633-1 du code de la construction et de l’habitation, qui ne relèvent pas des établissements sociaux et médico-sociaux mentionnés aux 6o et 7o du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, destinés à l’accueil des personnes âgées ou handicapées ;
m) Les résidences-services destinées à l’accueil des personnes âgées ou handicapées mentionnées à l’article L. 631-13 du code de la construction et de l’habitation ;
n) Les habitats inclusifs mentionnés à l’article L. 281-1 du code de l’action sociale et des familles ;
2o Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, lorsqu’ils ne relèvent pas du 1o du présent I ;
3o Les personnes, lorsqu’elles ne relèvent pas des 1o ou 2o du présent I, faisant usage :
a) Du titre de psychologue mentionné à l’article 44 de la loi no 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social ;
b) Du titre d’ostéopathe ou de chiropracteur mentionné à l’article 75 de la loi no 2002‑303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
c) Du titre de psychothérapeute mentionné à l’article 52 de la loi no 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique ;
4o Les étudiants ou élèves des établissements préparant à l’exercice des professions mentionnées aux 2o et 3o du présent I ainsi que les personnes travaillant dans les mêmes locaux que les professionnels mentionnés au 2o ou que les personnes mentionnées au 3o ;
5o Les professionnels employés par un particulier employeur mentionné à l’article L. 7221-1 du code du travail, effectuant des interventions au domicile des personnes attributaires des allocations définies aux articles L. 232-1 et L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles ;
6o Les sapeurs-pompiers et les marins-pompiers des services d’incendie et de secours, les pilotes et personnels navigants de la sécurité civile assurant la prise en charge de victimes, les militaires des unités investies à titre permanent de missions de sécurité civile mentionnés au premier alinéa de l’article L. 721-2 du code de la sécurité intérieure ainsi que les membres des associations agréées de sécurité civile mentionnées à l’article L. 725-3 du même code participant, à la demande de l’autorité de police compétente ou lors du déclenchement du plan Orsec, aux opérations de secours et à l’encadrement des bénévoles dans le cadre des actions de soutien aux populations ou qui contribuent à la mise en place des dispositifs de sécurité civile dans le cadre de rassemblements de personnes ;
7o Les personnes exerçant l’activité de transport sanitaire mentionnée à l’article L. 6312-1 du code de la santé publique ainsi que celles assurant les transports pris en charge sur prescription médicale mentionnés à l’article L. 322-5 du code de la sécurité sociale ;
8o Les prestataires de services et les distributeurs de matériels mentionnés à l’article L. 5232-3 du code de la santé publique.
I bis. - Pour l’application des 2o et 3o du I et, en tant qu’il se réfère à ces dispositions, du 4o du même I, l’obligation vaccinale prévue au premier alinéa dudit I n’est applicable, dans les établissements d’accueil du jeune enfant, les établissements et services de soutien à la parentalité et les établissements et services de protection de l’enfance situés hors des structures mentionnées au 1o du même I, qu’aux professionnels et aux personnes dont l’activité comprend l’exercice effectif d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins attachés à leur statut ou à leur titre.
II. - Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les conditions de vaccination contre la covid-19 des personnes mentionnées au I du présent article. Il précise les différents schémas vaccinaux et, pour chacun d’entre eux, le nombre de doses requises.
Ce décret fixe les éléments permettant d’établir un certificat de statut vaccinal pour les personnes mentionnées au même I et les modalités de présentation de ce certificat sous une forme ne permettant d’identifier que la nature de celui-ci et la satisfaction aux critères requis. Il détermine également les éléments permettant d’établir le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 et le certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19.
III. - Le I ne s’applique pas aux personnes chargées de l’exécution d’une tâche ponctuelle au sein des locaux dans lesquels les personnes mentionnées aux 1o, 2o, 3o et 4o du même I exercent ou travaillent.
IV. - Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, peut, compte tenu de l’évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques, suspendre, pour tout ou partie des catégories de personnes mentionnées au I, l’obligation prévue au même I. »
Article 13
« I. - Les personnes mentionnées au I de l’article 12 établissent :
1o Satisfaire à l’obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12.
Par dérogation au premier alinéa du présent 1o, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l’article 12. Avant la fin de validité de ce certificat, les personnes concernées présentent le justificatif prévu au premier alinéa du présent 1o.
Un décret détermine les conditions d’acceptation de justificatifs de vaccination, établis par des organismes étrangers, attestant de la satisfaction aux critères requis pour le certificat mentionné au même premier alinéa ;
2o Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication. Ce certificat peut, le cas échéant, comprendre une date de validité.
II.-A.- Sans qu’y fasse obstacle l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, le contrôle du respect de l’obligation prévue au I du présent article est assuré :
1o En ce qui concerne les salariés et les agents publics mentionnés au I de l’article 12, par leur employeur ;
2o En ce qui concerne les étudiants et les élèves mentionnés au 4o du même I, par le responsable de leur établissement de formation ;
3o En ce qui concerne les autres personnes mentionnées audit I, par les agences régionales de santé compétentes, avec le concours des organismes locaux d’assurance maladie.
B.- Les personnes mentionnées au 1o du A du présent II peuvent transmettre le certificat de rétablissement ou le certificat médical de contre-indication mentionnés au I au médecin du travail compétent, qui informe leur employeur, sans délai, de la satisfaction à l’obligation vaccinale avec, le cas échéant, le terme de validité du certificat transmis.
Les étudiants et élèves mentionnés au 2o du A du présent II peuvent transmettre le certificat de rétablissement ou le certificat médical de contre-indication mentionnés au I, selon les cas, au service de médecine préventive et de promotion de la santé mentionné à l’article L. 831-1 du code de l’éducation, au médecin de l’éducation nationale mentionné à l’article L. 541-1 du même code ou au service de santé dont relève l’établissement, qui informe leur établissement de formation, sans délai, de la satisfaction à l’obligation vaccinale avec, le cas échéant, le terme de validité du certificat transmis.
Les personnes mentionnées au 3o du A du présent II adressent à l’agence régionale de santé compétente le certificat de rétablissement ou le certificat médical de contre-indication prévus au I.
III. - Le certificat médical de contre-indication mentionné au 2o du I du présent article peut être contrôlé par le médecin conseil de l’organisme d’assurance maladie auquel est rattachée la personne concernée. Ce contrôle prend en compte les antécédents médicaux de la personne et l’évolution de sa situation médicale et du motif de contre-indication, au regard des recommandations formulées par les autorités sanitaires.
IV. - Les employeurs, les responsables des établissements préparant à l’exercice des professions mentionnées aux 2o et 3o du I de l’article 12 et les agences régionales de santé peuvent conserver les résultats des vérifications de satisfaction à l’obligation vaccinale contre la covid-19 opérées en application du II du présent article, jusqu’à la fin de l’obligation vaccinale.
Les employeurs, les responsables des établissements préparant à l’exercice des professions mentionnées aux 2o et 3o du I de l’article 12 et les agences régionales de santé s’assurent de la conservation sécurisée de ces documents et, à la fin de l’obligation vaccinale, de la bonne destruction de ces derniers.
V. - (Abrogé)
VI. - L’usage par les personnes mentionnées au I de l’article 12, en vue de se soustraire à l’obligation résultant pour elles du I du présent article, d’un faux certificat de statut vaccinal, d’un faux certificat médical de contre-indication à la vaccination contre la covid-19 ou d’un faux certificat de rétablissement est puni des peines prévues à l’avant-dernier alinéa du D du II de l’article 1er de la loi no 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire.
Lorsqu’une procédure est engagée à l’encontre d’un professionnel de santé concernant l’établissement d’un faux certificat médical de contre-indication à la vaccination contre la covid-19 ou d’un faux certificat de statut vaccinal, le procureur de la République en informe, le cas échéant, le conseil national de l’ordre dont relève le professionnel de santé. »
Article 14
« I. - A. - À compter du lendemain de la publication de la présente loi et jusqu’au 14 septembre 2021 inclus, les personnes mentionnées au I de l’article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n’ont pas présenté les documents mentionnés au I de l’article 13 ou, à défaut, le justificatif de l’administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l’article 12 ou le résultat, pour sa durée de validité, de l’examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret.
B. - À compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l’article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n’ont pas présenté les documents mentionnés au I de l’article 13 ou, à défaut, le justificatif de l’administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l’article 12.
Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu’au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l’article 12 qui, dans le cadre d’un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l’administration d’au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l’examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret.
II. - Lorsque l’employeur constate qu’un salarié ne peut plus exercer son activité en application du I du présent article, il l’informe sans délai des conséquences qu’emporte cette interdiction d’exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. Le salarié qui fait l’objet d’une interdiction d’exercer peut utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés. À défaut, son contrat de travail est suspendu.
La suspension mentionnée au premier alinéa du présent II, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié remplit les conditions nécessaires à l’exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, le salarié conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit.
La dernière phrase du deuxième alinéa du présent II est d’ordre public. Lorsque le contrat à durée déterminée d’un salarié est suspendu en application du premier alinéa du présent II, le contrat prend fin au terme prévu si ce dernier intervient au cours de la période de suspension.
III. - Lorsque l’employeur constate qu’un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l’informe sans délai des conséquences qu’emporte cette interdiction d’exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L’agent public qui fait l’objet d’une interdiction d’exercer peut utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de congés payés. À défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail.
La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l’agent public remplit les conditions nécessaires à l’exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l’agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l’agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit.
La dernière phrase du deuxième alinéa du présent III est d’ordre public.
Lorsque le contrat à durée déterminée d’un agent public non titulaire est suspendu en application du premier alinéa du présent III, le contrat prend fin au terme prévu si ce dernier intervient au cours de la période de suspension.
IV. - Les agences régionales de santé vérifient que les personnes mentionnées aux 2o et 3o du I de l’article 12 qui ne leur ont pas adressé les documents mentionnés au I de l’article 13 ne méconnaissent pas l’interdiction d’exercer leur activité prévue au I du présent article.
V. - Lorsque l’employeur ou l’agence régionale de santé constate qu’un professionnel de santé ne peut plus exercer son activité en application du présent article depuis plus de trente jours, il en informe, le cas échéant, le conseil national de l’ordre dont il relève. »
Article 15
« Par dérogation aux articles L. 2312-8 et L. 2312-14 du code du travail, dans les entreprises et établissements d’au moins cinquante salariés, l’employeur informe, sans délai et par tout moyen, le comité social et économique des mesures de contrôle résultant de la mise en œuvre des obligations prévues au 2o du A du II de l’article 1er de la loi no 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire et au I de l’article 12 de la présente loi. L’avis du comité social et économique peut intervenir après que l’employeur a mis en œuvre ces mesures, au plus tard dans un délai d’un mois à compter de la communication par l’employeur des informations sur lesdites mesures. »
Article 16
« I. - La méconnaissance de l’interdiction d’exercer, mentionnée au I de l’article 14, est sanctionnée dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article L. 3136-1 du code de la santé publique pour le fait, pour toute personne, de se rendre dans un établissement recevant du public en méconnaissance d’une mesure édictée sur le fondement du 5o du I de l’article L. 3131-15 du même code.
II. - La méconnaissance, par l’employeur, de l’obligation de contrôler le respect de l’obligation vaccinale mentionnée au I de l’article 12 de la présente loi est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. Cette contravention peut faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 du code de procédure pénale. Si une telle violation est verbalisée à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punis d’un an d’emprisonnement et de 9 000 € d’amende. Les agents mentionnés à l’article L. 1312-1 du code de la santé publique peuvent constater et rechercher le manquement mentionné à la première phrase du présent alinéa.
Le premier alinéa du présent II n’est pas applicable au particulier employeur mentionné au 5o du I de l’article 12. »
Article 17
« Les salariés, les stagiaires et les agents publics bénéficient d’une autorisation d’absence pour se rendre aux rendez-vous médicaux liés aux vaccinations contre la covid-19. Une autorisation d’absence peut également être accordée au salarié, au stagiaire ou à l’agent public qui accompagne le mineur ou le majeur protégé dont il a la charge aux rendez-vous médicaux liés aux vaccinations contre la covid-19.
Ces absences n’entraînent aucune diminution de la rémunération et sont assimilées à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par les intéressés au titre de leur ancienneté. »
Article 18
« La réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire administrée en application du I de l’article 12 est assurée conformément à l’article L. 3111-9 du code de la santé publique. »
b) Le décret no 2021-1059 du 7 août 2021, modifiant le décret no 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire
37. Les dispositions pertinentes de ce décret, relatives à la vaccination obligatoire instaurée par la loi no 2021-1040 du 5 août 2021, se lisent comme suit :
« Titre 5 bis : VACCINATION OBLIGATOIRE (Articles 49-1 à 49-2)
Article 49-1
Hors les cas de contre-indication médicale à la vaccination mentionnés à l’article 2‑4, les éléments mentionnés au second alinéa du II de l’article 12 de la loi no 2021-1040 du 5 août 2021 susvisée sont :
1o Un justificatif du statut vaccinal délivré dans les conditions mentionnées au 2o de l’article 2-2 ;
2o Un certificat de rétablissement délivré dans les conditions mentionnées au 3o de l’article 2-2 ;
3o À compter de la date d’entrée en vigueur de la loi et jusqu’au 14 septembre 2021 inclus et à défaut de pouvoir présenter un des justificatifs mentionnés aux présents 1o ou 2o, le résultat d’un examen de dépistage, d’un test ou d’un autotest mentionné au 1o de l’article 2-2 d’au plus 72 heures. À compter 15 septembre 2021 et jusqu’au 15 octobre 2021 inclus, ce justificatif doit être accompagné d’un justificatif de l’administration d’au moins une des doses d’un des schémas vaccinaux mentionnés au 2o de l’article 2-2 comprenant plusieurs doses.
Les seuls tests antigéniques pouvant être valablement présentés pour l’application du présent 3o sont ceux permettant la détection de la protéine N du SARS-CoV-2.
La présentation de ces documents est contrôlée dans les conditions mentionnées à l’article 2-3.
Article 49-2
Les locaux mentionnés au 4o du I de l’article 12 de la loi no 2021-1040 du 5 août 2021 susvisée sont les espaces dédiés à titre principal à l’exercice de l’activité des professionnels mentionnés au 2o et des personnes mentionnées au 3o du même I ainsi que ceux où sont assurées, en leur présence régulière, les activités accessoires, notamment administratives, qui en sont indissociables. »
c) Le Conseil d’État
38. Depuis l’entrée en vigueur de la loi no 2021-1040 du 5 août 2021 et de son décret d’application no 2021-1059 du 7 août 2021, le Conseil d’État a rendu plusieurs dizaines de décisions. La Cour va s’attacher à évoquer en particulier certaines d’entre elles.
39. Les 30 août (no 455623) et 18 octobre 2021 (nos 457213 et 457216), le juge des référés du Conseil d’État, se prononçant dans les limites de ses attributions sur l’obligation vaccinale contre la Covid-19, a jugé que la demande de suspension de l’exécution du décret du 7 août 2021 modifiant le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, pris pour l’application de la loi no 2021‑1040 du 5 août 2021 (no 455623), ainsi que les décisions de suspension de fonctions contestées (nos 457213 et 457216), ne portaient aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale susceptible de lui permettre d’ordonner une mesure qui serait justifiée par l’urgence.
40. Dans une ordonnance de référé-suspension du 29 octobre 2021 (no 457574), s’agissant d’une demande de suspension de l’exécution de l’article 1er du décret no 2021-1059 du 7 août 2021 en ce qu’il instaure une vaccination obligatoire pour les professionnels médicaux et paramédicaux, il a constaté que « si certaines des libertés dont [les requérants] invoquent la violation sont, comme ils le relèvent, garanties par la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ils n’articulent cependant aucun moyen d’annulation du décret litigieux tiré de la méconnaissance par la loi elle-même des stipulations de cette convention. Par suite et en tout état de cause, ces moyens ne sont pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret attaqué. »
41. Le Conseil d’État a également rappelé, toujours dans le seul cadre d’ordonnances de référé, que tant le principe de l’obligation vaccinale que la détermination des personnes concernées par celle-ci résultent directement de la loi no 2021-1040 du 5 août 2021, et non du décret litigieux du 7 août 2021 (voir, par exemple, l’ordonnance de référé-suspension précitée du 29 octobre 2021). Il en découle que les requérants qui entendent contester le principe de l’obligation vaccinale doivent, en attaquant le décret, invoquer un moyen permettant de critiquer la loi. Ils peuvent soulever une QPC ou invoquer l’inconventionnalité de la loi à l’appui de la contestation du décret.
42. Par une décision du 24 juin 2022 (no 457396), il a rejeté une demande d’annulation pour excès de pouvoir de certaines dispositions de l’article 1er du décret no 2021-1059 du 7 août 2021, en jugeant notamment que le pouvoir réglementaire ne s’était pas mépris sur la portée de la loi no 2021-1040 du 5 août 2021 qui, à l’instar de l’exigence constitutionnelle de protection de la santé, n’avait pas été méconnue. Il a également écarté un moyen tiré de l’article 8 de la Convention, après avoir relevé que la requête se bornait à contester le principe de l’obligation vaccinale, sans préciser en quoi la définition de la liste limitative des contre-indications à la vaccination des personnes soumises à cette obligation serait de nature à instaurer un rapport qui ne serait pas suffisamment favorable entre d’une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d’autre part, le bénéfice qui en est attendu tant individuellement que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d’une contre-indication médicale.
43. Le 30 juin 2022 (no 465040), le juge des référés du Conseil d’État, une nouvelle fois saisi d’une requête en suspension de l’exécution du décret no 2021‑1059 du 7 août 2021, a rejeté celle-ci après avoir rappelé que le principe de l’obligation vaccinale pour les professionnels de santé, ainsi que le principe de la suspension des agents publics qui ne justifient pas y avoir satisfait, résultaient non pas de ce décret, mais des articles 12 et 14 de la loi no 2021-1040 du 5 août 2021, qui visent à assurer la protection de la santé et ne peuvent être regardées comme manifestement incompatibles avec l’article 8 de la Convention et l’article 1er du Protocole no 1. Il en a déduit que le décret ne pouvait être regardé comme portant une atteinte manifestement illégale à ces libertés fondamentales.
44. Par une décision du 22 juillet 2022 (no 456195), saisi d’une requête tendant à l’annulation de dispositions de l’article 1er du décret no 2021-1059 du 7 août 2021, à l’appui de laquelle une requérante demandait de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 12 et 14 de la loi no 2021-1040 du 5 août 2021, le Conseil d’État a considéré que la requérante n’était pas fondée à soutenir que les dispositions de l’article 12, justifiées par une exigence de santé publique et non manifestement inappropriées à l’objectif poursuivi, portaient atteinte à certains principes constitutionnels, la question soulevée n’étant par ailleurs pas nouvelle et ne présentant pas un caractère sérieux. S’agissant des dispositions de l’article 14 de la loi du 5 août 2021, qui prévoient que les personnes qui ne satisfont pas à l’obligation vaccinale ne peuvent plus exercer leur activité et qui en tirent les conséquences pour les salariés comme pour les agents publics, il a relevé qu’elles n’étaient pas applicables dans le litige qui lui était soumis.
45. Par ailleurs, le 25 octobre 2021 (no 456656 ; cf. paragraphe 52 ci‑dessous), le juge des référés du Conseil d’État a rejeté plusieurs demandes, notamment en suspension de l’exécution des articles 12 à 16 de la loi no 2021‑1040 du 5 août 2021, après avoir constaté qu’elles étaient manifestement étrangères à son domaine de compétence :
« (...) 3. M. A... demande au juge des référés du Conseil d’État, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l’exécution des articles 12 à 16 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire instituant une obligation vaccinale pour les professionnels de santé et les personnes exerçant leur activité dans des établissements relevant du secteur médico-social, en deuxième lieu, d’enjoindre au Premier ministre de réexaminer les circonstances de fait et de droit qui l’ont conduit à déposer le projet de loi no 654 à l’origine de la loi du 5 août 2021 et, en dernier lieu, d’enjoindre au gouvernement et à l’agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine de s’abstenir de prendre toute mesure à l’encontre des requérants sur le fondement des articles 12 à 16 de la loi du 5 août 2021.
4. La compétence conférée au juge des référés par l’article L. 521-2 du code de justice administrative d’ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ne concerne que les décisions prises par ces personnes morales. Par suite, les conclusions du requérant tendant à la suspension de l’exécution des dispositions des articles 12 à 16 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire et à ce qu’il soit enjoint au Premier ministre de réexaminer les circonstances de fait et de droit qui l’ont conduit à saisir le Parlement du projet de loi concerné sont manifestement étrangères à la compétence du juge des référés. Il en va de même des conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint aux autorités compétentes de s’abstenir de prendre à l’encontre des requérants les mesures prévues par la loi du 5 août 2021 en cas de non-respect de l’obligation vaccinale mise à la charge des professionnels de santé par l’article 12 de cette loi.
5. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. A. doit, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition d’urgence, être rejetée selon la procédure prévue par l’article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du même code. (...) »
GRIEFS
46. Invoquant l’article 8 de la Convention, pris seul et combiné avec l’article 14, ainsi que l’article 1er du Protocole no 1, le requérant se plaint de l’obligation vaccinale qui lui est imposée en application de la loi no 2021‑1040 du 5 août 2021 en raison de sa profession et du fait que son refus de se faire vacciner contre la covid-19 aurait entraîné, à partir du 15 septembre 2021, la suspension de son activité professionnelle et la privation totale de sa rémunération.
EN DROIT
- Arguments des parties
- Le Gouvernement
47. Le Gouvernement soutient que la requête est irrecevable pour défaut d’épuisement des voies de recours internes. Invoquant la décision Zambrano c. France (no 41997/21, 21 septembre 2021), il estime que le requérant pouvait exercer un recours pour excès de pouvoir à l’encontre du décret no 2021-1059 du 7 août 2021 pris pour l’application de la loi no 2021‑1040 du 5 août 2021 (modifiant le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire) et, partant, contester par voie d’exception la compatibilité des dispositions de cette dernière avec la Convention. Il ajoute que le requérant pouvait également assortir son recours d’une demande de suspension de l’exécution du décret attaqué sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative permettant au juge des référés de suspendre provisoirement les effets de la décision contestée lorsque l’urgence le justifie, à l’instar notamment des mesures individuelles prises à son encontre.
48. Le Gouvernement précise que si, dans son avis du 19 juillet 2021, le Conseil d’État s’est prononcé favorablement sur la conformité de la loi aux dispositions de la Convention, il l’a fait dans le cadre de ses fonctions consultatives et que, dès lors, un tel recours n’était pas voué à l’échec. En effet, il rappelle que la Cour a déjà jugé que la double fonction consultative et contentieuse du Conseil d’État ne porte pas atteinte au principe d’impartialité prévu par l’article 6 § 1 de la Convention (Union fédérale des Consommateurs Que Choisir de Côte d’Or c. France (déc.), no 39699/03, 30 juin 2009). Quant à la décision du Conseil constitutionnel du 5 août 2021 déclarant la loi litigieuse conforme à la Constitution, le Gouvernement souligne, d’une part, qu’elle ne concerne pas l’article 12 de la loi instituant la vaccination obligatoire pour certaines professions et, d’autre part, qu’en raison de l’articulation des contrôle de constitutionnalité et de conventionnalité, le seul examen de la conformité de la loi à la Constitution ne permet pas de justifier de l’examen du grief tiré de la violation de la Convention par les juridictions internes (Graner c. France (déc.), no 84536/17, § 44, 5 mai 2020).
49. Il souligne que le requérant se prévaut bien d’une violation individuelle de la Convention dont il aurait été victime, ce qui lui permet de contester non seulement une mesure générale, mais également les mesures individuelles le concernant devant les juridictions administratives.
- Le requérant
50. Le requérant considère tout d’abord que la règle de l’épuisement des voies de recours internes ne s’applique pas si un requérant invoque non pas un cas individuel de violation, mais l’incompatibilité d’une mesure législative ou d’une pratique administrative avec la Convention qui rend toute procédure vaine ou ineffective.
51. Tout en renvoyant à certains aspects de la jurisprudence de la Cour, il soutient qu’il ne disposait d’aucune voie de recours lui permettant de contester directement la loi no 2021-1040 du 5 août 2021, et plus spécialement ses articles 12 et 14. Il relève également que le Conseil constitutionnel, qu’il ne peut saisir lui-même directement, n’a pas pu examiner la conformité de l’article 12 à la Constitution, faute pour le Premier ministre d’avoir motivé sa demande à ce titre et pour les parlementaires de l’en avoir saisi. Le requérant reconnaît cependant qu’à l’occasion d’une procédure intéressant sa situation personnelle, il aurait pu déposer une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), mais il précise que sa demande aurait dû franchir deux filtres, à savoir celui de la première juridiction quand il y a lieu et, dans tous les cas, celui du Conseil d’État. Or, il considère que les juridictions françaises rejettent toutes les demandes de transmission d’une QPC au Conseil constitutionnel.
52. Par ailleurs, il estime qu’un recours devant les juridictions administratives, par la voie du référé-liberté, était voué à l’échec compte tenu d’une décision du 25 octobre 2021 (no 456656), intervenue après l’introduction de sa requête devant la Cour, qui a écarté une demande en ce sens (paragraphe 45 ci-dessus).
53. Le requérant admet qu’il aurait pu disposer d’une autre voie de recours, qui aurait consisté à contester la loi no 2021-1040 du 5 août 2021 par voie d’exception à l’occasion d’une procédure intéressant sa situation personnelle. Il estime cependant que cette dernière a déjà été examinée par le Conseil d’État dans le cadre de son avis consultatif du 19 juillet 2021.
54. De plus, il considère qu’il ne pouvait pas exercer un recours contre le décret no 2021-1059 du 7 août 2021, arguant du fait qu’aucune des mesures générales prescrites par ce texte n’est relative à l’activité des sapeurs-pompiers et soignants. Il en déduit qu’un tel recours serait demeuré sans effet sur l’obligation vaccinale découlant de la loi no 2021-1040 du 5 août 2021, tout en relevant que le juge des référés du Conseil d’État a rejeté des référés‑suspension dirigés contre ce décret, en l’absence de doute sérieux quant à la légalité du décret litigieux.
55. Enfin, le requérant estime que la présente espèce se distingue de l’affaire Zambrano c. France (précitée), dès lors que celle-ci ne concernait pas l’obligation vaccinale et que son objectif n’est pas, en l’espèce, d’envoyer le plus grand nombre de requêtes possibles devant la Cour.
- Commentaires des tiers intervenants
56. Le gouvernement italien fait valoir que l’examen de l’existence d’une éventuelle violation de l’article 8 de la Convention devrait être limité aux seules conséquences du refus de certaines catégories de personnes de se soumettre à l’obligation vaccinale et expose les raisons pour lesquelles il considère que l’introduction d’une vaccination obligatoire sélective, sanctionnée par la suspension du travail et du paiement du salaire, ne constitue pas une violation des dispositions de la Convention. L’organisation non gouvernementale Institute for Law and Public policy se concentre principalement sur la législation et les pratiques russes en matière de vaccination contre la covid-19. Initiative for vaccine risks awareness consacre ses observations à la question de l’atteinte éventuelle au droit du requérant au respect de sa vie privée au sens de l’article 8 de la Convention. Enfin, Prolibertate (Obdorova organizace et Institut Prava a Obanskych svobod) soutient que la vaccination obligatoire contre la covid-19 est contraire aux obligations juridiques internationales des États membres.
- Appréciation de la Cour
57. La Cour rappelle d’emblée que lorsqu’un doute existe quant à l’efficacité d’un recours interne, c’est là un point qui doit être soumis aux tribunaux nationaux (Roseiro Bento c. Portugal (déc.), no 29288/02, CEDH 2004-XII (extraits), Lienhardt c. France (déc.), no 12139/10, 13 septembre 2011, Vučković et autres, précité, § 74, et Zambrano, précitée, § 28).
58. Elle relève que le requérant n’a pas saisi les juridictions administratives de recours pour excès de pouvoir à l’encontre des arrêtés de suspension de fonctions et d’engagement, en sa qualité de sapeur-pompier professionnel et volontaire, en date du 15 septembre 2021 (paragraphes 25‑26 ci-dessus). Elle note qu’à compter de cette dernière date, il disposait pourtant d’un délai de deux mois pour introduire des requêtes en ce sens.
59. La Cour rappelle que le mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention revêt, et c’est primordial, un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l’homme. La Cour a la charge de surveiller le respect par les États contractants de leurs obligations découlant de la Convention. Elle ne doit pas se substituer aux États contractants, auxquels il incombe de veiller [en premier lieu] à ce que les droits et libertés fondamentaux consacrés par la Convention soient respectés et protégés au niveau interne (voir, parmi beaucoup d’autres, Vučković et autres c. Serbie (exception préliminaire) [GC], nos 17153/11 et 29 autres, §§ 69-77, 25 mars 2014). Dans le contexte de l’épuisement des voies de recours internes et à l’égard du caractère subsidiaire du mécanisme de contrôle institué par la Convention, la Cour a toujours reconnu que les autorités nationales jouissent d’une légitimité démocratique directe en ce qui concerne la protection des droits de l’homme et que grâce à leurs contacts directs et constants avec les forces vives de leur pays, les autorités de l’État se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour évaluer les besoins et le contexte locaux (voir, par exemple, Dubská et Krejzová c. République tchèque [GC], nos 28859/11 et 28473/12, § 175, CEDH 2016, et Maurice c. France [GC], no 11810/03, § 117, CEDH 2005‑IX, avec d’autres références).
60. La règle de l’épuisement des recours internes se fonde sur l’hypothèse, reflétée dans l’article 13 de la Convention, avec lequel elle présente d’étroites affinités, que l’ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée (voir, parmi beaucoup d’autres, Vučković et autres, précité, § 69, et Anagnostakis et autres c. Grèce, no 46075/16, § 47, 23 septembre 2021). Elle est donc une partie indispensable du fonctionnement de ce mécanisme de protection (ibidem), dont la mise en œuvre effective repose notamment sur le principe de subsidiarité inhérent à la Convention et consacré dans la jurisprudence de la Cour. À la suite de l’entrée en vigueur du Protocole no 15 le 1er août 2021, le préambule de la Convention s’y réfère d’ailleurs expressément (Bouras c. France, no 31754/18, § 44, 19 mai 2022). Les personnes désireuses de se prévaloir de la compétence de contrôle de la Cour relativement à des griefs dirigés contre un État ont donc l’obligation d’utiliser auparavant les recours effectifs qu’offre le système juridique de celui-ci.
61. Ainsi, en droit français, le recours pour excès de pouvoir, dans le cadre duquel il est possible de développer, à l’appui des conclusions d’annulation, des moyens fondés sur une violation de la Convention, est une voie de recours interne à épuiser (voir, en dernier lieu, Graner c. France (déc.), no 84536/17, § 44, 5 mai 2020). La Cour rappelle également que le pourvoi en cassation figure parmi les procédures dont il doit ordinairement être fait usage pour se conformer à l’article 35 de la Convention (voir, par exemple, Renard et autres c. France (déc.), nos 3569/12, 9145/12, 9161/12 et 37791/13, 25 août 2015, et Graner, précitée, § 61). Pour pleinement épuiser les voies de recours internes, il faut donc en principe mener la procédure interne, le cas échéant, jusqu’au juge de cassation et le saisir des griefs tirés de la Convention susceptibles d’être ensuite soumis à la Cour. Or, une telle exigence vaut indépendamment de l’intervention d’une décision du Conseil constitutionnel, qui ne se prononce pas au regard des dispositions de la Convention (Zielinski et Pradal et Gonzalez et autres c. France [GC], nos 24846/94 et 34165/96 à 34173/96, § 59, CEDH 1999‑VII). En effet, le contrôle du respect de la Convention effectué par le « juge ordinaire » est distinct du contrôle de conformité de la loi à la Constitution effectué par le Conseil constitutionnel : une mesure prise en application d’une loi (acte réglementaire ou décision individuelle) dont la conformité aux dispositions constitutionnelles protectrices des droits fondamentaux a été déclarée par le Conseil constitutionnel peut être jugée incompatible avec ces mêmes droits tels qu’ils se trouvent garantis par la Convention à raison, par exemple, de son caractère disproportionné dans les circonstances de la cause (Charron et Merle-Montet, précité, § 28, et Graner, précitée, § 53). Par ailleurs, il est loisible à un requérant qui saisit le juge de l’excès de pouvoir d’un recours, que celui-ci soit dirigé contre un décret d’application d’une loi, une décision refusant d’abroger un tel décret ou une décision individuelle prise sur son fondement d’invoquer, par la voie de l’exception, l’inconventionnalité de cette loi à l’appui de ses conclusions d’annulation. Un recours effectif était donc ouvert en droit interne qui aurait permis au requérant de contester devant le juge administratif, outre les décisions individuelles le concernant, à savoir les deux arrêtés de suspension du 15 septembre 2021 (paragraphe 25 ci‑dessus), le respect par la loi no 2021‑1040 du 5 août 2021 et son décret d’application du 7 août 2021 des articles de la Convention invoqués devant la Cour (Zambrano, précitée, § 27).
62. Certes, le requérant estime également que l’avis consultatif du Conseil d’État en date du 19 juillet 2021 était de nature à le dispenser de contester la loi no 2021-1040 du 5 août 2021 par voie d’exception à l’occasion d’une procédure intéressant sa situation personnelle (paragraphe 53 ci-dessus).
63. La Cour rappelle cependant, d’une part, qu’il ne lui appartient pas de statuer dans l’abstrait sur la question de savoir si les attributions consultatives du Conseil d’État sont compatibles avec ses fonctions juridictionnelles et les exigences d’indépendance et d’impartialité qu’elles impliquent, et d’autre part, que le principe de la séparation des pouvoirs n’est « pas déterminant dans l’abstrait ». Il lui revient seulement de déterminer dans chaque espèce si l’avis rendu par la haute juridiction a constitué « une sorte de préjugement » de l’arrêt critiqué, « entraînant un doute sur l’impartialité « objective » de la formation de jugement du fait de l’exercice successif des fonctions consultatives et juridictionnelles » (Kleyn et autres c. Pays-Bas [GC], nos 39343/98 et 3 autres, § 198, CEDH 2003-VI, Sacilor-Lormines c. France, no 65411/01, §§ 70-74, CEDH 2006-XIII, et Union fédérale des consommateurs Que choisir de Côte d’Or c. France, précitée). Le simple fait qu’une institution cumule des fonctions consultatives et des fonctions juridictionnelles ne suffit pas pour mettre en cause l’impartialité de cette institution exerçant ses fonctions juridictionnelles (Union fédérale des consommateurs Que choisir de Côte d’Or, précitée, Greneche et autres c. France (déc.), nos 34538/08, 43556/09 et 59765/08, 15 octobre 2013, et Ryon et autres c. France (déc.), no 33014/08 et autres, 15 octobre 2013).
64. Partant, aux yeux de la Cour, on ne saurait déduire de l’avis rendu le 19 juillet 2021 par la commission permanente du Conseil d’État, qui est une formation consultative, que son contenu et ses conclusions seraient de nature à constituer un préjugement ou à lier les membres de la section du contentieux du Conseil d’État qui auraient été appelés à statuer sur un recours introduit par le requérant. La Cour note d’ailleurs que la commission permanente du Conseil d’État a non seulement émis des réserves sur le projet de loi, mais également mis en exergue deux éléments de nature à relativiser la portée de son avis pour l’avenir : d’une part, le fait qu’eu égard à la date et aux conditions de sa saisine, elle avait disposé de moins d’une semaine pour rendre cet avis, considérant cette situation d’autant plus regrettable que le projet de loi soulevait des questions sensibles et pour certaines inédites qui imposaient la recherche d’une conciliation délicate entre les exigences qui s’attachent à la garantie des libertés publiques et les considérations sanitaires mises en avant par le Gouvernement (paragraphe 12 ci-dessus) ; d’autre part, que si le projet de loi répondait, sous certaines réserves, de manière proportionnée aux objectifs de santé publique poursuivis, c’était toutefois au regard de la situation sanitaire telle qu’elle existait à la date de son avis et qu’il était donc nécessaire de réévaluer ce cadre juridique en fonction de l’évolution de la situation sanitaire pour ne pas maintenir des dispositions qui ne seraient plus adaptées à la lutte contre l’épidémie (paragraphe 16 ci‑dessus).
65. Dès lors, la requête est irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 6 octobre 2022.
Victor Soloveytchik Síofra O’Leary
Greffier Présidente