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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
6.9.2022
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION

Requête no 26101/20
G.L. and E.L.
contre l’Italie

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant le 6 septembre 2022 en un comité composé de :

Péter Paczolay, président,

Raffaele Sabato,

Davor Derenčinović, juges,

et de Liv Tigerstedt, greffière adjointe de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 24 juin 2020,

Vu la déclaration déposée par le gouvernement défendeur le 20 mai 2022 et invitant la Cour à rayer la requête du rôle, ainsi que la réponse de la partie requérante à cette déclaration,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

FAITS ET PROCÉDURE

1. Les requérants, G.L. et E.L., sont des ressortissants italiens nés respectivement en 2012 et 2014 et résidant à Pura. Le président de la section a accédé à la demande de nondivulgation de leur identité formulée par les requérants (article 47 § 4 du règlement). Ils ont été représentés devant la Cour par Me S. Menichetti et Me G. Suparaku, avocats exerçant à Rome.

2. Le Gouvernement a été représenté par son agent, M. L. D’Ascia, avocat de l’État.

3. Invoquant les articles 2, 3 et 8 de la Convention, les requérants se plaignaient du manquement de l’État défendeur de prendre des mesures de protection et d’assistance afin de les protéger ainsi que leur mère biologique, à la suite des violences familiales infligées par leur tante et son mari, qui ont abouti au meurtre de leur mère biologique.

4. La requête avait été communiquée au Gouvernement.

EN DROIT

5. Les requérants alléguaient que l’État n’avait pas pris les mesures nécessaires pour les protéger ainsi que leur mère biologique contre les agissements violents de leur tante et de son mari, que les autorités n’avaient pas pris de mesures de protection et d’assistance après les violences subies, en particulier après leur hospitalisation. Les requérants qualifiaient les traitements qu’ils avaient subis comme des actes de torture et invoquaient les articles 2, 3 et 8 de la Convention.

6. Après l’échec des tentatives de règlement amiable, par une lettre du 20 mai 2022 le Gouvernement a informé la Cour qu’il envisageait de formuler une déclaration unilatérale afin de résoudre la question soulevée par la requête. Il a en outre invité la Cour à rayer celle-ci du rôle en application de l’article 37 de la Convention.

7. La déclaration était ainsi libellée :

« Le Gouvernement italien reconnaît que les requérants ont subi les violations de la Convention qu’ils soulèvent selon les principes exprimés par la Cour des droits de l’homme dans ce contexte (Talpis c. Italie, no 41237/14, 2 mars 2017. Il offre la somme forfaitaire de 30 000 EUR pour chaque requérant, à titre d’indemnisation pour les éventuels dommages subis.

Le Gouvernement offre également la somme forfaitaire de 1 000 EUR au titre des frais et dépenses dus pour l’introduction de la requête devant cette Cour. Le Gouvernement estime que cette déclaration, qui contient la reconnaissance des violation susmentionnées et l’offre d’un remboursement, représente une compensation adéquate pour les requérants, conformément à la jurisprudence de la Cour en la matière.

En effet, le montant susmentionné a été calculé en tenant compte des décisions antérieures de la Cour sur des questions similaires, impliquant la responsabilité de l’État pour la violation de ses obligations positives de garantir le droit à la vie et /ou le respect de la vie privée et familiale, en vertu de l’article 2 et/ou de l’article 8 de la Convention. En outre, il convient également de considérer qu’une indemnisation spécifique et efficace est prévue, dans le système législatif italien, pour les victimes d’un crime intentionnel commis avec violence. Précisément, en vertu de la loi no 122 du 7 juillet 2016, ces personnes peuvent obtenir une indemnisation, en cas de meurtre, allant de 25 000 EUR à 60 000 EUR. En effet, tant la Cour de cassation et la Grande Chambre de la Cour de justice de l’Union européenne, respectivement dans la décision no 26757 de 2020 et dans la décision sur la requête no 601/2014 du 11 octobre 2016, ont reconnu l’application dudit recours également aux crimes commis contre les ressortissants de l’État tenu pour responsable.

Le Gouvernement invite respectueusement la Cour à déclarer qu’il n’est pas nécessaire de poursuivre l’examen des violations alléguées dans la requête et à rejeter l’affaire, en vertu de l’article 37 de la Convention, étant donné que les conditions établies par l’article 62A du Règlement de la Cour sont respectées.

Cette somme sera versée dans les trois mois suivant la date de la notification de la décision de la Cour. À défaut de règlement dans ledit délai, le Gouvernement s’engage à verser, à compter de l’expiration de celui-ci et jusqu’au règlement effectif de la somme en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage. Ce versement vaudra règlement définitif de l’affaire. »

8. Par une lettre du 21 juin 2022, la partie requérante a indiqué qu’elle acceptait les sommes à titre de dommages moral mais constatait que la somme reconnue à titre des frais et dépens était insuffisante à couvrir les frais et dépenses encourues.

9. La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 37 de la Convention, à tout moment de la procédure, elle peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances l’amènent à l’une des conclusions énoncées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cet article. L’article 37 § 1 c) lui permet en particulier de rayer une affaire du rôle si :

« pour tout autre motif dont la Cour constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête. »

10. La Cour rappelle aussi que, dans certaines circonstances, il peut être indiqué de rayer une requête du rôle en vertu de l’article 37 § 1 c) sur la base d’une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l’examen de l’affaire se poursuive.

11. À cette fin, la Cour a examiné la déclaration à la lumière des principes que consacre sa jurisprudence, en particulier l’arrêt Tahsin Acar (Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], no 26307/95, §§ 7577, CEDH 2003VI, voir aussi WAZA Sp. z o.o. c. Pologne (déc.), no 11602/02, 26 juin 2007, et Sulwińska c. Pologne (déc.), no 28953/03, 18 septembre 2007).

12. La jurisprudence de la Cour en matière de violence domestique est claire et abondante (voir, par exemple, Kurt c. Autriche [GC], no 62903/15, §§ 161-190, 15 juin 2021, Landi c. Italie, no 10929/19, 7 avril 2022, et De Giorgi c. Italie, no 23735/19, 16 juin 2022).

13. Eu égard à la nature des concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, ainsi qu’au montant de l’indemnisation proposée – qui est conforme aux montants alloués dans des affaires similaires et accepté par la partie requérante –, la Cour estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 c)).

14. En outre, à la lumière des considérations qui précèdent, et eu égard en particulier à sa jurisprudence claire et abondante à ce sujet, la Cour estime que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles n’exige pas qu’elle poursuive l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine).

15. Enfin, la Cour souligne que, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l’article 37 § 2 de la Convention (Josipović c. Serbie (déc.), nº 18369/07, 4 mars 2008).

16. La Cour rappelle, que selon l’article 43 § 4 du règlement, lorsqu’une requête est rayée du rôle en vertu de l’article 37 de la Convention, les dépens sont laissés à son appréciation (voir, par exemple, Union des témoins de Jéhovah et autres c. Géorgie, (déc.), no 72874/01, § 33, 21 avril 2015, et Meriakri c. Moldova (radiation), no 53487/99, § 33, 1er mars 2005).

17. Dans le cas d’espèce, la Cour considère que la somme proposée par le Gouvernement n’est pas suffisante à couvrir les frais et dépens engagés par les requérants devant elle et décide d’user de son pouvoir discrétionnaire au sens de l’article 43 § 4 du règlement (Chevanova c. Lettonie (radiation) [GC], nº 58822/00, § 53, 7 décembre 2007, Manfredi c. France (dec.), nº 52117/14, 17 juillet 2017, Saakov c. Russie, (dec.), nº 39563/11, 13 janvier 2015, Costa San Severino di Bisignano c. Italie (déc.) [comité], no 58330/16, 15 mai 2018, et Romanenco c. République de Moldova (déc.) [comité], no 39107/14, 25 mars 2021).

18. Par conséquent, compte tenu des documents en sa possession, de sa jurisprudence et du montant déjà proposé par le Gouvernement, la Cour estime raisonnable d’accorder aux requérants, conjointement, une somme supplémentaire de 2 000 EUR (deux mille euros) au titre des frais et dépens.

En conséquence, il convient de rayer l’affaire du rôle.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

  1. Prend acte des termes de la déclaration du gouvernement défendeur concernant les articles 2, 3 et 8 de la Convention et des modalités prévues pour assurer le respect des engagements ainsi pris ;
  2. Décide de rayer la requête du rôle en application de l’article 37 § 1 c) de la Convention ;
  3. Dit

a) que l’État défendeur doit verser aux requérants conjointement, en plus des sommes contenues dans la déclaration unilatérale du Gouvernement, dans les trois mois, 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par les requérants à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

Fait en français puis communiqué par écrit le 29 septembre 2022.

Liv Tigerstedt Péter Paczolay
Greffière adjointe Président