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Rozhodnutí
PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
Requête no 13331/15
Loredana PAVIGLIANITI
contre l’Italie
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant le 5 juillet 2022 en un comité composé de :
Péter Paczolay, président,
Raffaele Sabato,
Davor Derenčinović, juges,
et de Liv Tigerstedt, greffière adjointe de section,
Vu :
la requête (no 13331/15) dirigée contre la République italienne et dont une ressortissante de cet État, Mme Loredana Paviglianiti (« la requérante »), née en 1977 et résidant à Reggio Calabria, représentée par Me C. Bruniani, avocate à Rizziconi, a saisi la Cour le 9 mars 2015 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),
la décision de porter à la connaissance du gouvernement italien (« le Gouvernement »), représenté par son agent, M. L. D’Ascia, les griefs formulés sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention, et de déclarer la requête irrecevable pour le surplus,
les observations des parties,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
OBJET DE l’AFFAIRE
1. La requête concerne le rejet de la demande de la requérante visant à l’obtention de l’indemnité prévue par la loi no 210/92. En l’espèce, est en cause le droit d’accès à un tribunal et à la sécurité juridique, tel que protégé par l’article 6 § 1 de la Convention.
2. Le 12 septembre 2002, dans le cadre d’un contrôle médical, la requérante fut informée que le test de l’hépatite C auquel elle avait été soumise était positif.
3. Elle réitéra ses analyses le 4 septembre 2003 et le 19 septembre 2003.
4. Ayant été hospitalisée à l’âge de cinq ans pour une leucémie, à une date non précisée, elle demanda son dossier médical, qui lui fut transmis le 12 septembre 2006. Il ressortait de son dossier qu’elle avait été soumise à deux transfusions au cours de son hospitalisation.
5. Le 22 novembre 2006, elle introduisit devant l’ASL (azienda sanitaria locale) une demande visant à l’obtention de l’indemnité administrative prévue par la loi no 210/92. Le délai de trois ans à compter de la date à laquelle elle avait pris connaissance de sa maladie ayant été dépassé, cette demande fut rejetée.
6. Le 12 mars 2008, elle introduisit un recours administratif devant la Région Calabre pour obtenir l’indemnité litigieuse. À l’occasion de ce recours, elle fit valoir que dans le cas d’hépatites post-transfusionnelles ayant eu lieu avant l’entrée en vigueur de la loi no 238/97, tel qu’en l’espèce, la demande en question aurait pu être introduite dans un délai de dix ans. Ce recours fut aussi rejeté.
7. Le 11 novembre 2008, la requérante entama un recours devant le tribunal de Reggio de Calabre pour obtenir l’indemnité litigieuse. Dans un passage de son recours, elle admit avoir eu connaissance de sa maladie en 2002. Le tribunal fit droit à sa demande estimant que l’intéressée avait été informée de son infection et du lien de causalité entre les transfusions et l’infection le 12 septembre 2006. Sa demande n’était donc pas tardive.
8. Ce jugement fut confirmé par la cour d’appel de Reggio de Calabre le 4 mars 2011.
9. À la suite du pourvoi formé par le ministère de la Santé, par un arrêt du 22 septembre 2014, la Cour de cassation cassa le jugement d’appel et rejeta la demande de la requérante. En application de la jurisprudence pertinente (arrêt de la Cour de cassation no 25746/2009), elle constata que la requérante avait eu connaissance de son infection le 12 septembre 2002, soit après la date d’entrée en vigueur de la loi no 238/1997 (28 juillet 1997), et que le délai de prescription de trois ans, fixé par cette loi, trouvait application en l’espèce.
10. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint de ce que le rejet de sa demande visant à l’obtention de l’indemnité prévue par la loi no 210/92 a entraîné la violation de son droit d’accès à un tribunal et à la sécurité juridique, tels que protégés par l’article 6 § 1 de la Convention.
APPRÉCIATION DE LA COUR
11. Le Gouvernement soutient que la Cour de cassation a considéré, à juste titre, la date du 12 septembre 2002 comme dies a quo, jour à partir duquel le délai de trois ans courait en l’espèce pour présenter une demande visant à l’obtention de l’indemnité prévue par la loi no 210/92. Il fait valoir notamment que c’était bien à cette date que la requérante avait eu connaissance de sa maladie.
12. Il note ensuite que, dans son recours devant le tribunal, l’intéressée a elle-même admis avoir été informée de sa maladie en 2002 (paragraphe 7 ci‑dessus).
13. En tout état de cause, le Gouvernement plaide le non-épuisement des voies de recours internes, la requérante ayant eu selon lui la possibilité d’introduire un recours en révocation, dans le cas d’erreurs matérielles ou de calcul ou dans le cas d’erreurs de fait, au sens des articles 391 bis et 395, alinéa 4, du code de procédure civile.
14. Enfin, le Gouvernement soutient que la présente requête serait abusive en ce que la requérante aurait omis de soumettre à la Cour des informations essentielles, à savoir l’arrêt de la Cour de cassation, réunie en section plénière, no 15352/2015. Dans cet arrêt, la haute juridiction s’est exprimée sur le dies a quo concernant les affaires dans lesquelles l’infection post-transfusionnelle avait été découverte avant l’entrée en vigueur de la loi no 238/1997.
15. La requérante rétorque que, selon la loi applicable dans son cas et tel que la cour d’appel de Reggio de Calabre l’a confirmé le 4 mars 2011, le dies a quo à considérer en l’espèce aurait dû être le jour où elle a eu connaissance du lien de causalité entre la transfusion de sang et sa maladie, à savoir le 12 septembre 2006, et non pas la date à laquelle elle a été informée qu’elle avait été infectée par le virus de l’hépatite C.
16. De plus, elle conteste qu’elle aurait pu efficacement introduire un recours en révocation car, en l’espèce, il ne s’agissait ni d’une erreur matérielle contenue dans l’arrêt de la Cour de cassation ni d’une erreur dans l’évaluation des faits, mais simplement d’une mauvaise interprétation faite par cette juridiction qui, selon la loi en vigueur, avait considéré comme dies a quo du délai de trois ans la date à laquelle l’intéressée avait été infectée, soit le 12 septembre 2002.
17. La Cour estime qu’il n’y a pas lieu de se pencher sur la question de savoir si la requérante a épuisé les voies de recours qui lui étaient offertes en droit interne ni sur l’exception tirée du caractère abusif de cette requête, car celle-ci est en tout cas irrecevable pour les raisons suivantes.
18. Tel que le Gouvernement l’a observé, la requérante a elle-même admis, dans le cadre de son recours devant le tribunal de Reggio de Calabria (paragraphe 7 ci-dessus) avoir eu connaissance de sa maladie en 2002. Par ailleurs, la Cour relève que cette circonstance ressort également du recours administratif introduit devant la Région Calabre (paragraphe 6 ci-dessus). De plus, la requérante a réitéré ses analyses à deux reprises en 2003, ce qui renforce la thèse de la connaissance de la maladie, tout au moins, à partir de ces dates. Il y a lieu de noter aussi qu’un laps de temps considérable s’est écoulé entre le moment où l’intéressée a refait des analyses, en 2003, et celui où elle a demandé l’accès à son dossier médical, en 2006, et que la requérante a omis de fournir des explications justifiant cette circonstance.
19. Il convient de relever enfin que, comme l’a observé à juste titre la Cour de cassation, la requérante a eu connaissance de sa maladie après l’entrée en vigueur de la loi no 238/1997 (28 juillet 1997) et que le délai de prescription de trois ans, fixé par cette loi, trouvait application en l’espèce. Cette décision apparaît donc dûment motivée et non arbitraire.
20. La Cour constate donc, au vu de l’ensemble des éléments en sa possession, que la présente requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 1er septembre 2022.
Liv Tigerstedt Péter Paczolay
Greffière adjointe Président