Přehled
Rozhodnutí
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 15418/10
Turgay YEŞILBAŞ
contre la Turquie
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 7 juin 2022 en un comité composé de :
Egidijus Kūris, président,
Pauliine Koskelo,
Gilberto Felici, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 9 février 2010,
Vu la déclaration déposée par le gouvernement défendeur le 21 février 2022 et invitant la Cour à rayer la requête du rôle,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
FAITS ET PROCÉDURE
Le requérant, M. Turgay Yeşilbaş, est un ressortissant turc né en 1959 et résidant à İzmir. Il a été représenté devant la Cour par Me P. Yeşilbaş et Me M. Cinkılıç, avocats exerçant à Izmir et Adana.
Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par sa co‑agente, Mme Çağla Pınar Tansu Seçkin, adjointe au Représentant Permanent de la République de Turquie auprès du Conseil de l’Europe.
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaignait de la longueur de sa procédure civile.
La requête avait été communiquée au Gouvernement.
La Cour relève d’emblée que la présente affaire a été examinée par les juridictions de la République turque de Chypre du Nord selon les dispositions de leur propre droit interne. Le requérant ne dispose donc pas des voies de recours internes prévues par le droit turc en ce qui concerne le grief relatif à la durée de procédure (Subarsky et Ugrasin c. Turquie (déc.), nos 56502/07 et 8099/12, § 4, 28 mai 2019).
EN DROIT
La partie requérante alléguait que la durée de la procédure civile la concernant devant les juridictions de la République turque de Chypre du Nord était excessive. Elle invoquait l’article 6 § 1 de la Convention.
Après l’échec des tentatives de règlement amiable, par une lettre du 23 février 2022, le Gouvernement a informé la Cour qu’il envisageait de formuler une déclaration unilatérale afin de résoudre la question soulevée par la requête. Il a en outre invité la Cour à rayer celle-ci du rôle en application de l’article 37 de la Convention.
La déclaration était ainsi libellée :
« I declare that the Government of the Republic of Turkey offers to pay the amount of 3,000 Euros to the applicant Turgay Yeşilbaş, to cover any pecuniary or non-pecuniary damage, all costs and expenses, plus any tax that may be chargeable to the applicant, in respect of the application registered under No. 15418/10.
This sum, which is considered to be appropriate in the light of the jurisprudence of the European Court of Human Rights, will be payable within three months from the date of notification of the decision taken by the Court to strike the case out of its list of cases. In the event of failure to pay this sum within the said period, the Government undertakes to pay simple interest on it, for the period starting from expiry date until the settlement, at a rate equal to the marginal lending rate of the European Central Bank during the default period plus three percentage points. This payment will constitute the final resolution of the case.
The Government wishes to express by way of unilateral declaration that delay had occurred in the proceedings before the TRNC courts in this individual case. The Government notes the resolve of the TRNC authorities to take all necessary steps to avoid similar occurrences in the future.
The Government respectfully invites the Court to declare that it is no longer justified to continue the examination of the application and to strike it out of its list of cases in accordance with Article 37 of the European Convention on Human Rights. »
La partie requérante n’a pas répondu à la déclaration unilatérale du Gouvernement.
La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 37 de la Convention, à tout moment de la procédure, elle peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances l’amènent à l’une des conclusions énoncées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cet article. L’article 37 § 1 c) lui permet en particulier de rayer une affaire du rôle si :
« pour tout autre motif dont la Cour constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête ».
La Cour rappelle aussi que, dans certaines circonstances, il peut être indiqué de rayer une requête du rôle en vertu de l’article 37 § 1 c) sur la base d’une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l’examen de l’affaire se poursuive.
À cette fin, la Cour a examiné la déclaration à la lumière des principes que consacre sa jurisprudence, en particulier l’arrêt Tahsin Acar (Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], no 26307/95, §§ 75‑77, CEDH 2003‑VI, WAZA Sp. z o.o. c. Pologne (déc.), no 11602/02, 26 juin 2007, et Sulwińska c. Pologne (déc.), no 28953/03, 18 septembre 2007).
La Cour note que le grief communiqué au gouvernement défendeur dans la présente affaire portait sur la durée de la procédure civile. La Cour a établi dans un certain nombre d’affaires, dont celles dirigées contre la Turquie, sa jurisprudence en ce qui concerne les griefs tirés de la violation du droit d’être entendu dans un délai raisonnable (voir, par exemple, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000‑VII, Cocchiarella c. Italie [GC], no 64886/01, §§ 69‑98, CEDH 2006‑V, Majewski c. Pologne, no 52690/99, 11 octobre 2005, Wende et Kukówka c. Pologne, no 56026/00, 10 mai 2007, et Daneshpayeh c. Turquie, no 21086/04, §§ 28-29, 16 juillet 2009).
Eu égard à la nature des concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, ainsi qu’au montant de l’indemnisation proposée – qui est conforme aux montants alloués dans des affaires similaires –, la Cour estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 c)).
En outre, à la lumière des considérations qui précèdent, et eu égard en particulier à sa jurisprudence claire et abondante à ce sujet, la Cour estime que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles n’exige pas qu’elle poursuive l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine).
Enfin, la Cour souligne que, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l’article 37 § 2 de la Convention (Josipović c. Serbie (déc.), nº 18369/07, 4 mars 2008).
En conséquence, il convient de rayer l’affaire du rôle.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
- Prend acte des termes de la déclaration du gouvernement défendeur concernant l’article 6 § 1 de la Convention et des modalités prévues pour assurer le respect des engagements ainsi pris ;
- Décide de rayer la requête du rôle en application de l’article 37 § 1 c) de la Convention.
Fait en français puis communiqué par écrit le 30 juin 2022.
{signature_p_1} {signature_p_2}
Hasan Bakırcı Egidijus Kūris
Greffier Président