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CINQUIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 42920/20
Maxime VALLA
contre la France
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 19 mai 2022 en un comité composé de :
Stéphanie Mourou-Vikström, présidente,
Ivana Jelić,
Kateřina Šimáčková, juges,
et de Viktoriya Maradudina, greffière adjointe de section f.f.,
Vu la requête susmentionnée introduite le 25 septembre 2020,
Vu la déclaration du gouvernement défendeur invitant la Cour à rayer la requête du rôle,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
FAITS ET PROCÉDURE
Les informations détaillées concernant le requérant se trouvent dans le tableau joint en annexe.
Le requérant a été représenté devant la Cour par Me B. Mairesse, avocat exerçant à Paris.
Le grief que le requérant tirait de l’article 8 de la Convention (prélèvements sanguins effectués dans le cadre d’une enquête pénale de flagrance, en vertu de l’article 60 du code de procédure pénale, aux fins de vérifications de son taux d’alcool et de présence de produits stupéfiants dans son organisme) a été communiqué au gouvernement français (« le Gouvernement »).
EN DROIT
À l’issue de négociations en vue d’un règlement amiable qui se sont révélées infructueuses, le Gouvernement a avisé la Cour qu’il proposait de prononcer une déclaration unilatérale en vue de régler les questions soulevées par ce grief. Il a en outre invité la Cour à rayer la requête du rôle conformément à l’article 37 de la Convention.
Le Gouvernement reconnaît « qu’en l’espèce, le prélèvement sanguin effectué au cours de l’enquête pour l’infraction de violence volontaire, afin de déterminer le taux d’alcool ou la consommation de produits stupéfiants, a méconnu les dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme ». Il offre de verser au requérant la somme reproduite dans le tableau joint en annexe et invite la Cour à rayer la requête du rôle conformément à l’article 37 § 1 c) de la Convention. Cette somme sera payable dans un délai de trois mois à compter de la date de la notification de la décision de la Cour.
Le paiement vaudra règlement définitif de l’affaire.
Les termes d’une déclaration unilatérale ont été transmis au requérant. Par un courrier du 25 mars 2022, ce dernier a indiqué qu’il considère que la déclaration unilatérale du Gouvernement ne remplissait pas les conditions de radiation d’une affaire prévues par la Cour, notamment en raison du fait que, d’une part, le Gouvernement ne s’engage pas à modifier sa législation ou à faire évoluer la jurisprudence de la Cour de cassation et, d’autre part, que la proposition du Gouvernement n’est pas de nature à remédier à la violation reconnue, compte tenu de l’ampleur des préjudices moral et matériel subis et du montant de ses frais de justice.
La Cour rappelle que l’article 37 § 1 c) de la Convention lui permet de rayer une affaire du rôle si :
« (...) pour tout autre motif dont [elle] constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête ».
Ainsi, en vertu de cette disposition, la Cour peut rayer des requêtes du rôle sur le fondement d’une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur, même si les requérants souhaitent que l’examen de leur affaire se poursuive (voir, en particulier, l’arrêt Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], no 26307/95, §§ 75‑77, CEDH 2003‑VI).
La jurisprudence de la Cour en matière de prélèvement de sang ou de salive contre la volonté d’un suspect, dans un contexte d’administration de la preuve dans une procédure pénale (voir, par exemple, X c. Pays‑Bas, no 8239/78, décision de la Commission du 4 décembre 1978, Décisions et rapports (DR) 16, pp. 184-87, et Schmidt c. Allemagne (déc.), no 32352/02, 5 janvier 2006). Dans l’arrêt Jalloh, la Cour a également précisé que la nécessité de toute intervention médicale de force en vue de l’obtention de la preuve d’une infraction doit se trouver justifiée de manière convaincante au vu des circonstances de l’affaire, en particulier lorsque l’intervention vise à recueillir à l’intérieur du corps de la personne la preuve matérielle de l’infraction même dont elle est soupçonnée (Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, §§ 70-71, CEDH 2006‑IX).
Eu égard aux concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, ainsi qu’au montant des indemnisations proposées (montant qui est conforme à ceux alloués dans des affaires similaires), la Cour estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 c)). De l’avis de la Cour, cette somme comprend en effet une indemnisation adéquate du préjudice moral et des frais et dépens, ces derniers ne pouvant être réclamés que dans la mesure où ils demeurent raisonnables (Sargsyan c. Azerbaïdjan (satisfaction équitable) [GC], no 40167/06, 12 décembre 2017) et en rapport avec le grief soulevé. Quant à l’indemnisation sollicitée au titre du préjudice matériel, elle n’apparaît pas fondée notamment en l’absence de lien de causalité entre le prélèvement sanguin en cause et la situation professionnelle et économique difficile invoquée.
En outre, à la lumière des considérations qui précèdent, la Cour considère que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles n’exige pas par ailleurs qu’elle poursuive l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine).
Enfin, la Cour souligne que, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l’article 37 § 2 de la Convention (Josipović c. Serbie (déc.), nº 18369/07, 4 mars 2008).
Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rayer cette requête du rôle.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Prend acte des termes de la déclaration du gouvernement défendeur et des modalités prévues pour assurer le respect des engagements ainsi pris ;
Décide de rayer la requête du rôle en vertu de l’article 37 § 1 c) de la Convention.
Fait en français puis communiqué par écrit le 9 juin 2022.
Viktoriya Maradudina Stéphanie Mourou-Vikström
Greffière adjointe f.f. Présidente
ANNEXE
Requête concernant des griefs tirés de l’article 8 § 1 de la Convention
Numéro et date d’introduction de la requête | Nom du requérant et année de naissance | Date de réception de la déclaration du Gouvernement | Date de réception de la lettre du requérant | Montant alloué pour dommage moral et frais et dépens (en euros)[1] |
42920/20 25/09/2020 | Maxime VALLA 1979 | 25/02/2022 | 25/03/2022 | 4 200 |
[1] Plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la partie requérante.