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DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 32471/06
Mustafa BENLİ
contre la Turquie
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 20 février 2018 en une chambre composée de :
Robert Spano, président,
Paul Lemmens,
Ledi Bianku,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Jon Fridrik Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 15 avril 2005,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
1. Le requérant, M. Mustafa Benli, est un ressortissant turc né en 1971 et résidant à Istanbul. Il a été représenté devant la Cour par Me G. Tuncer, avocat dans cette même ville.
2. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.
A. Les circonstances de l’espèce
3. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
4. En 1999, le requérant fut condamné par la cour de sûreté de l’État d’Ankara à une peine de douze ans et six mois d’emprisonnement en vertu de l’article 168 de l’ancien code pénal (« l’ancien CP ») réprimant l’appartenance à une organisation armée.
5. Le 26 septembre 2004, le Parlement turc adopta le nouveau code pénal (« le nouveau CP ») qui fut publié au Journal officiel le 12 octobre 2004. L’entrée en vigueur du nouveau CP fut initialement fixée au 1er avril 2005, puis reportée au 1er juin 2005. Depuis cette date, le délit d’appartenance à une organisation armée est régi par l’article 314 du nouveau CP, qui prévoit une peine plus douce que celle prévue à l’article 168 de l’ancien CP.
6. Le 13 octobre 2004, le requérant demanda la révision de sa peine eu égard aux dispositions plus favorables de l’article 314 du nouveau CP.
7. Le 4 novembre 2004, le Parlement adopta la loi no 5252 concernant les modalités d’entrée en vigueur et de mise en œuvre du nouveau CP. Selon cette loi, les personnes dont la condamnation était devenue définitive et qui avaient déjà subi une période de détention supérieure ou égale à la peine encourue sous l’empire de la nouvelle loi bénéficieraient, sur décision judiciaire, d’un sursis à l’exécution de leur peine. Cette loi fut publiée au Journal officiel le 13 novembre 2004.
8. Le 19 novembre 2004, la cour d’assises d’Ankara examina la demande du requérant sur le fondement de la loi no 5252 et, après avoir révisé sa peine à la lumière de l’article 314 du nouveau CP, elle ordonna la mise en liberté de l’intéressé.
9. Le même jour, dans la soirée, le requérant quitta la prison. Il fut néanmoins remis aux gendarmes au motif qu’il y avait plusieurs mandats d’arrêt délivrés à son encontre. Ainsi qu’il ressort de la lettre datée du 20 novembre 2004 adressée par la gendarmerie d’Edirne au parquet de cette ville, le requérant faisait l’objet de quatre mandats d’arrêt : deux mandats dans le cadre des procédures nos 1997/262 et 1997/444, un mandat lié à une condamnation intervenue en 1999 et enfin un mandat délivré par la cour d’assises d’Ankara pour homicide dans le cadre de la procédure no 2004/76.
10. Le 21 novembre 2004, vers 18 heures, le requérant fut mis en liberté. À l’issue d’un échange d’informations avec les autorités compétentes, la gendarmerie avait constaté que les mandats d’arrêt sur lesquels l’arrestation était fondée n’avaient plus lieu d’être, le requérant n’étant plus recherché. S’agissant des procédures nos 1997/262 et 1997/444, il avait été noté que la condamnation relative à la première procédure avait été exécutée par le paiement de l’amende pénale le 1er octobre 1999 et que celle relative à la deuxième condamnation avait fait l’objet d’un sursis à exécution le 24 janvier 2000.
11. Le 7 décembre 2004, vers 17 h 20, alors qu’il introduisait une demande de permis de conduire auprès de la direction de la sûreté de Çorum, le requérant fut arrêté par les policiers au motif qu’il existait, sur les registres de la police, trois mandats d’arrêt délivrés à son encontre concernant les procédures nos 1997/262 et 1997/444 et une condamnation en 1999. À la suite de communications avec les autorités judiciaires d’Istanbul, la police mit le requérant en liberté le même jour, vers 18 h 30. Il ressort du document fourni par la préfecture de police de Çorum et daté du 5 juillet 2005 que, par suite d’une erreur, les trois mandats d’arrêt à l’origine de l’arrestation du requérant n’avaient pas été effacés des registres de la police.
12. Le matin du 8 décembre 2004, le requérant fut à nouveau arrêté par des policiers au motif que les registres de la police indiquaient un mandat d’arrêt délivré à son encontre par la cour d’assises d’Ankara pour homicide. À l’issue d’un échange d’informations avec les autorités compétentes, l’intéressé fut mis en liberté le même jour. La préfecture de police de Çorum indiqua dans son document du 5 juillet 2005 que, par suite d’une erreur, le mandat d’arrêt sur lequel l’arrestation du requérant s’était fondée n’avait pas été supprimé des registres de la police.
B. Le droit interne pertinent
13. L’article 10 de la loi no 5252 se lit comme suit :
« L’exécution des peines qui sont devenues définitives avant le 1er juin 2005 sera suspendue ou reportée en application de l’article 402 du code de procédure pénale, après examen à la lumière des dispositions plus douces de cette loi [le nouveau CP]. »
14. Aux termes de l’article 1 de la loi no 466 du 7 mai 1964 (abrogée) sur l’octroi d’indemnités aux personnes illégalement arrêtées ou détenues :
« Seront réparés par l’État les dommages subis par toute personne :
1. arrêtée ou placée en détention dans des conditions et circonstances non conformes à la Constitution et aux lois ;
(...) »
15. L’article 1 de la loi no 466 prévoyait la possibilité pour un justiciable de demander réparation du préjudice découlant de l’application d’une mesure préventive à son égard. Après l’abrogation de cette loi, l’article 141 du code de procédure pénale (CPP) a repris cette disposition, en en étendant le champ d’application à d’autres mesures préventives.
GRIEFS
16. Le requérant se plaint d’abord d’une violation de l’article 5 § 1 de la Convention sous trois volets.
En premier lieu, il soutient qu’il aurait dû être mis en liberté le 26 septembre 2004, date de l’adoption du nouveau CP, ou au plus tard le 13 novembre 2004, date de la publication de la loi no 5252 au Journal officiel. Or la décision de sa mise en liberté n’aurait été prononcée que le 19 novembre 2004, soit respectivement deux mois environ après l’adoption ou six jours après la publication en question.
En deuxième lieu, le requérant allègue que, le 19 novembre 2004, après la décision de la cour d’assises prononçant sa mise en liberté, il a été conduit à la gendarmerie et qu’il n’a été mis en liberté que le 21 novembre 2004.
En troisième lieu, il se plaint d’avoir été privé de sa liberté les 7 et 8 décembre 2004 en raison d’une omission des autorités internes, qui n’auraient pas supprimé des mandats d’arrêt délivrés à son encontre sur les registres.
17. Invoquant les articles 5 § 4 et 13 de la Convention, le requérant se plaint ensuite de l’absence d’une voie de recours en droit interne susceptible de lui permettre de faire valoir son droit à la liberté et à la sûreté.
18. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, il se plaint enfin d’un manque d’indépendance et d’impartialité de la cour d’assises, d’une part parce qu’elle aurait remplacé la cour de sûreté de l’État d’Ankara en vertu de la loi no 5190 et, d’autre part, parce qu’elle aurait rendu tardivement la décision relative à sa mise en liberté.
EN DROIT
A. Sur le grief tiré de l’article 5 § 1 de la Convention
19. Le requérant se plaint de ne pas avoir été mis en liberté à la date de la publication au Journal officiel du nouveau CP. Il allègue en outre que son maintien en détention du 19 au 21 novembre 2004, en dépit de l’ordonnance de la cour d’assises suspendant l’exécution de sa peine, a constitué une privation de liberté non conforme à la loi. Enfin, il se plaint d’avoir été privé de sa liberté les 7 et 8 décembre 2004 en raison d’une omission des autorités internes, qui n’auraient pas supprimé des mandats d’arrêt délivrés à son encontre sur les registres. Il y voit une violation de l’article 5 § 1 de la Convention, qui se lit comme suit en ses parties pertinentes en l’espèce :
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
a) s’il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;
(...)
c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ;
(...) »
20. Le Gouvernement combat les thèses du requérant.
21. La Cour estime que l’examen des griefs du requérant nécessite de faire une distinction entre la période de détention subie entre le 12 octobre et le 24 décembre 2004 (de la date de la publication au Journal officiel du nouveau CP à la date de l’ordonnance de mise en liberté), d’une part, et les périodes de détention subies par l’intéressé par la suite, d’autre part.
1. Sur le grief relatif à la détention subie entre le 12 octobre et le 19 novembre 2004
22. La Cour relève que la cour d’assises d’Ankara a fait droit à la demande du requérant et qu’elle a ordonné sa mise en liberté provisoire le 19 novembre 2004. Le grief du requérant porte sur le caractère tardif de cette ordonnance. En effet, l’intéressé considère qu’elle aurait dû être prise à la date de la publication du nouveau CP ou du moins immédiatement après sa demande et, en tout cas, bien avant le 19 novembre 2004.
23. La Cour rappelle qu’elle a examiné un grief identique à celui-ci dans le cadre de l’affaire Hıdır Durmaz c. Turquie ((no 2), no 26291/05, §§ 22‑31, 12 juillet 2011) et qu’elle y a conclu que ce grief était manifestement mal fondé. Après examen des circonstances de l’espèce, la Cour ne voit aucune raison de parvenir à une conclusion différente. Comme dans l’affaire Hıdır Durmaz (no 2) (précité), la Cour relève en premier lieu que le requérant a été détenu jusqu’au 19 novembre 2004 en vertu d’une condamnation judiciaire. Cette détention s’analyse donc a priori en une détention régulière.
24. Elle constate ensuite que la publication du nouveau CP au Journal officiel n’octroyait aucun droit à une remise de peine ou à une mise en liberté conditionnelle. En effet, l’entrée en vigueur du texte était prévue pour le 1er juin 2005 et c’est, en principe, seulement à partir de cette date que le requérant pouvait prétendre, et ce dans le cadre d’une procédure dite d’adaptation (uyarlama davası), à une modification du quantum de sa peine en vertu des dispositions plus douces du nouveau CP. Toutefois, bien que le quantum de la peine initialement prononcée ne fût pas susceptible d’être modifié avant l’entrée en vigueur du nouveau code, le législateur a adopté une disposition légale (article 10 de la loi no 5252), applicable dès le 13 novembre 2004, qui offrait la possibilité de suspendre l’exécution de cette peine dans l’attente de l’entrée en vigueur du nouveau CP.
25. C’est sur le fondement de ce texte que la cour d’assises a fait droit à la demande de mise en liberté provisoire du requérant, considérant qu’après l’entrée en vigueur du nouveau CP la peine de l’intéressé pourrait, en vertu des dispositions plus douces de la nouvelle législation, être ramenée à un niveau qui lui permettrait, eu égard à la période déjà purgée, de bénéficier d’une mise en liberté conditionnelle.
26. Il importe peu ici de déterminer si la juridiction interne disposait ou non d’un pouvoir discrétionnaire. En effet, la Cour relève que celle-ci a octroyé au requérant le bénéfice sollicité très peu de temps – environ une semaine – après l’entrée en vigueur de la loi no 5252 et longtemps avant l’entrée en vigueur du nouveau CP. Elle note que le dispositif mis en place par cette loi concernait l’ensemble des détenus définitivement condamnés et elle estime que l’on ne pouvait attendre des juridictions nationales qu’elles statuent sur l’ensemble des demandes immédiatement après l’entrée en vigueur de la loi no 5252. D’ailleurs, aucun texte n’exigeait qu’une décision au sujet d’une telle demande fût rendue immédiatement après le 13 novembre 2004, date de l’entrée en vigueur de ladite loi. Dès lors, la Cour considère que l’octroi de ce bénéfice, qui a permis au requérant d’écourter son séjour en prison, ne saurait être regardé comme ayant eu lieu à un stade tardif.
27. En conséquence, le requérant n’a pas subi, jusqu’au 19 novembre 2004, de période de détention supérieure à celle correspondant à la sanction qui résultait de l’application du droit national. En d’autres termes, la détention antérieure à cette date était régulière au sens de la Convention.
28. Il s’ensuit que le grief tiré de l’article 5 § 1 est manifestement mal fondé pour autant qu’il concerne la période antérieure au 19 novembre 2004 et qu’il doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
2. Sur le grief relatif aux détentions postérieures au 19 novembre 2004
29. La Cour note que le requérant a subi trois périodes de détention successives distinctes : une première comprise entre le 19 et le 21 novembre 2004, une deuxième le 7 décembre 2004 et une troisième le 8 décembre 2004.
30. S’agissant d’abord de la première période, la Cour tient à souligner qu’il ne s’agit pas ici, contrairement à ce qui est allégué par le requérant, d’un retard dans l’exécution de l’ordonnance de la cour d’assises suspendant l’exécution de sa peine. En effet, dans les heures ayant suivi la décision de mise en liberté, le requérant a quitté la prison pour être remis aux gendarmes au motif qu’il faisait l’objet de plusieurs mandats d’arrêt. En ce sens, les faits de la présente affaire se distinguent des affaires où il est question de retards pris dans l’exécution d’une décision de mise en liberté (voir, parmi beaucoup d’autres, Labita c. Italie [GC], no 26772/95, §§ 170-174, CEDH 2000‑IV, et Hıdır Durmaz (no 2), précité, §§ 44-49).
31. La Cour relève que la détention du requérant entre le 19 et le 21 novembre 2004 est tout simplement la conséquence d’une erreur imputable aux autorités. Les recherches réalisées par les forces de l’ordre pendant cette période ont permis de relever que, par suite d’erreur, les mandats d’arrêt à l’origine de l’arrestation du requérant n’avaient pas été effacés des registres de la police et que le requérant ne faisait plus l’objet d’un avis de recherche lié à ces mandats. Il en est de même pour les périodes de détention de l’intéressé des 7 et 8 décembre 2004.
32. Elle note donc que, les registres de la police n’ayant pas été mis à jour et les mandats d’arrêt n’y ayant pas été effacés, les arrestations successives du requérant ont dès lors été la conséquence d’erreurs imputables à différents services de l’État.
33. Le Gouvernement soulève sur ce point une exception de non-épuisement des voies de recours internes, reprochant au requérant de n’avoir pas utilisé les voies de recours offertes par l’article 1 de la loi no 466.
34. La Cour rappelle que la Commission a déjà statué sur cette exception du Gouvernement dans le cadre d’une affaire portant sur des faits et griefs similaires à ceux de la présente espèce (Erdoğan c. Turquie, no 25160/94, décision de la Commission du 7 septembre 1995, Décisions et rapports (DR) 82-A). Elle a noté que, en droit turc, une personne se plaignant d’avoir été victime d’une privation de liberté illégale ou injustifiée pouvait de plein droit mettre en cause la responsabilité de l’administration en demandant des dommages-intérêts en application des dispositions de l’article 1 de la loi no 466. M. Erdoğan n’ayant pas introduit le recours indemnitaire en question, la Commission a considéré qu’il n’avait pas épuisé les voies de droit dont il disposait. La Cour ne voit aucune raison de se départir de cette conclusion dans la présente affaire. Elle estime que le requérant avait à sa disposition le recours indemnitaire prévu par l’article 1 de la loi no 466 (aujourd’hui abrogé et repris par les dispositions de l’article 141 du CPP). Il s’agissait d’un recours à même d’aboutir à une reconnaissance de la violation alléguée et à l’attribution d’une indemnisation. À cet égard, la Cour rappelle que, en matière de privation de liberté, lorsqu’un requérant soutient avoir été détenu en méconnaissance du droit interne – donc en violation de l’article 5 § 1 de la Convention – et lorsque la détention litigieuse a pris fin, une action en réparation, susceptible d’aboutir à une reconnaissance de la violation alléguée et à l’attribution d’une indemnité, est en principe un recours effectif qui doit être exercé si son efficacité en pratique a été dûment établie (Gavril Yossifov c. Bulgarie, no 74012/01, § 41, 6 novembre 2008, et Rahmani et Dineva c. Bulgarie, no 20116/08, § 66, 10 mai 2012, et les références qui y sont citées). La Cour ne dispose en l’espèce d’aucun élément qui lui permettrait de dire que le recours en question n’était pas susceptible d’apporter un redressement approprié au grief relatif aux arrestations successives du requérant et qu’il n’offrait pas des perspectives raisonnables de succès (Erdoğan, décision précitée ; quant à la nécessité d’utiliser le recours indemnitaire prévu par l’article 141 § 1 du CPP, voir Mustafa Avcı c. Turquie, no 39322/12, § 64, 23 mai 2017). Au contraire, la Cour observe que la présente espèce se caractérise par le fait que l’irrégularité de la privation de liberté subie par le requérant a été au préalable reconnue par les autorités internes, dans la mesure où celles-ci ont noté que les mandats d’arrêt sur lesquels les arrestations du requérant étaient fondées n’avaient pas été supprimés des registres de la police par suite d’une erreur (voir, a contrario, Lütfiye Zengin et autres, no 36443/06, § 65, 14 avril 2015), erreur qui aurait augmenté les chances de succès d’une telle action.
35. À la lumière de ce qui précède, la Cour estime que le requérant était tenu de saisir les juridictions internes d’une demande fondée sur l’article 1 de la loi no 466, ce qu’il a manqué de faire. Elle accueille donc l’exception du Gouvernement et rejette le grief tiré de l’article 5 § 1 de la Convention, relatif aux privations de liberté subies après le 19 décembre 2004, pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention
B. Sur les griefs tirés des articles 5 § 4 et 13 de la Convention
36. Invoquant les articles 5 § 4 et 13 de la Convention, le requérant se plaint de l’absence en droit interne d’une voie de recours susceptible de lui permettre de faire valoir son droit à la liberté et à la sûreté.
37. La Cour estime qu’il convient d’examiner ce grief sous l’angle de l’article 5 § 4 de la Convention, lex specialis par rapport à l’article 13.
38. Dans la mesure où ce grief se rapporte à la détention subie par le requérant jusqu’au 19 novembre 2004, la Cour note que la détention en question était fondée sur et découlait de la condamnation au pénal de l’intéressé en 1999, et était donc couverte par l’article 5 § 1 a), et elle considère par conséquent que l’article 5 § 4 ne s’applique pas (Stoichkov c. Bulgarie, no 9808/02, § 64, 24 mars 2005). Pour ce qui est des autres périodes de détention, la Cour note que l’article 5 § 4 ne traite que des voies de recours qui doivent être disponibles durant la détention d’un individu ; elle ne traite pas des voies de recours pouvant permettre de vérifier la légalité d’une détention qui a déjà pris fin, en particulier lorsqu’il s’agit de privations de liberté de courte durée (voir, notamment, Slivenko c. Lettonie [GC], no 48321/99, §§ 158-159, CEDH 2003-X). Elle observe que le requérant a été détenu pendant environ deux jours entre les 19 et 21 novembre 2004, et qu’il a subi une privation de liberté de quelques heures seulement les 7 et 8 décembre 20014. Elle note ensuite qu’il a été relâché très rapidement, avant tout contrôle juridictionnel de la légalité de sa détention. La Cour n’a pas à rechercher in abstracto si, dans le cas contraire, l’étendue des recours disponibles en Turquie aurait rempli ou non les conditions de l’article 5 § 4 de la Convention. En conséquence, elle estime superflu d’examiner le bien-fondé des griefs formulés par le requérant sur le terrain de l’article 5 § 4 de la Convention.
39. La Cour observe de surcroît que le système juridique national offrait au requérant, s’agissant de la légalité de son arrestation, un recours destiné à mettre fin à la privation de liberté litigieuse, à savoir l’article 91 § 5 du CPP (Mustafa Avcı, précité, § 63), possibilité dont l’intéressé ne s’est pas prévalu.
C. Sur le grief tiré de l’article 6 de la Convention
40. Le requérant se plaint d’un manque d’indépendance et d’impartialité de la cour d’assises, d’une part au motif qu’elle a remplacé la cour de sûreté de l’État d’Ankara et, d’autre part, au motif qu’elle a rendu tardivement la décision relative à sa mise en liberté. Il dénonce une violation de l’article 6 de la Convention.
41. La Cour a examiné le grief dans son premier volet portant sur un manque d’indépendance et d’impartialité de la cour d’assises, tel que le requérant l’a présenté. À la lumière de l’ensemble des éléments dont elle dispose, elle n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles ; ces griefs sont donc manifestement mal fondés et ils doivent être rejetés, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
42. Quant au deuxième volet du grief tiré de l’article 6, la Cour estime qu’il est identique à celui soulevé par le requérant sous l’angle de l’article 5 § 1 de la Convention (paragraphes 26-28 ci-dessus) et qu’il n’appelle pas un examen séparé.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 22 mars 2018.
Stanley Naismith Robert Spano
Greffier Président