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DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 78480/13
Jacques BODET
contre la Belgique
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 5 janvier 2017 en une chambre composée de :
Işıl Karakaş, présidente,
Paul Lemmens,
Valeriu Griţco,
Ksenija Turković,
Jon Fridrik Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström,
Georges Ravarani, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 3 décembre 2013,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
1. Le requérant, M. Jacques Bodet, est un ressortissant belge né en 1959 et détenu à Andenne. Il est représenté devant la Cour par Me M. Neve, avocat à Liège.
2. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. M. Tysebaert, conseiller général, Service Public Fédéral Justice.
A. Les circonstances de l’espèce
3. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
4. Le 3 octobre 2009, le corps sans vie de C.K., fille de la compagne du requérant, fut trouvé dans le garage du domicile qu’elle partageait avec sa mère et son frère.
5. Par un arrêt de motivation du 20 décembre 2012, la cour d’assises de la province de Liège déclara le requérant coupable de meurtre avec préméditation. La motivation de cet arrêt est la suivante :
« Dit que les principales raisons ayant amené le jury à se déterminer ainsi qu’il l’a fait sont les suivantes :
En ce qui concerne le meurtre :
- Les observations et conclusions du médecin légiste concernant la cause de la mort de la victime (asphyxie mécanique par strangulation au lien voire également manuelle), cet expert précisant que l’autopsie révèle une turgescence vasculaire marquée du réseau veineux et des taches de Tardieu pulmonaires et cardiaques, compatibles avec une occlusion vasculaire cervicale prolongée, à l’origine d’une asphyxie mécanique ;
- Le moyen utilisé par l’auteur pour réaliser son but (strangulation au lien voire également manuelle) ainsi que la nécessaire durée de cette strangulation (trois minutes au moins selon le médecin légiste) confirmant le caractère volontaire de l’homicide commis sur la personne de C.K. ;
- La présence de l’ADN nucléaire de l’accusé à des endroits stratégiques qui ont été nécessairement manipulés par l’auteur des faits (...) ;
- La présence sur les vêtements de la victime de cheveux présentant un profil d’ADN mitochondrial identique à celui de l’accusé ;
- La circonstance qu’au moment des faits l’accusé, qui connaissait l’emploi du temps de la victime, savait que cette dernière était seule à son domicile ;
- Le fait que, de manière totalement inhabituelle, l’accusé n’a pas répondu aux messages ni aux appels qui lui étaient adressés durant la matinée du 3 octobre 2009 ;
- L’existence dans le chef de l’accusé d’un mobile puissant, au regard de sa personnalité, la victime s’étant farouchement opposée à son projet de mise en ménage avec sa mère ;
- L’invraisemblance des explications de l’accusé, notamment quant à son emploi du temps au moment des faits, quant à son absence de réponse aux messages ou appels téléphoniques et quant à l’origine des lésions constatées à ses talons (...),
En ce qui concerne la préméditation :
- Les déclarations circonstanciées et sous serment de deux témoins qui ont formellement reconnu l’accusé circulant à pied à proximité du domicile de la victime le mercredi précédant les faits, ce qui établit que l’accusé à procédé à un repérage du trajet pédestre entre son domicile et celui de la victime ;
- La circonstance que, de manière totalement inhabituelle, l’accusé n’a pas répondu aux messages ni aux appels qui lui étaient adressés tant durant la matinée du 30 septembre 2009 que durant celle du 3 octobre 2009, prenant la précaution de laisser ses gsm à son domicile ;
- le fait que l’accusé ait décidé de se rendre chez la victime, en sachant qu’elle était seule et en dépit du refus catégorique de celle-ci de le rencontrer, ce qui permet d’établir qu’il a commis les faits par suite d’une résolution criminelle antérieure et réfléchie ».
6. Par un arrêt du même jour, le requérant fut condamné à la réclusion à perpétuité pour avoir assassiné C.K, peine assortie d’une mise à disposition du tribunal de l’application des peines de 15 ans prenant cours à l’expiration de la peine principale effective. Cet arrêt est motivé comme suit :
« Sur la proposition du Président, le jury et la Cour, à la majorité absolue, formulent ainsi qu’il suit les motifs les ayant conduits à la détermination du taux de la peine :
- la gravité extrême des faits qui ont entraîné la mort violente d’une jeune fille et révèlent, dans le chef de l’accusé, un mépris inadmissible pour le respect de la vie humaine ;
- la détermination et l’acharnement dont l’accusé a fait preuve lors de la perpétration des faits et qui démontrent sa résolution de ne laisser aucune chance de survie à la victime ;
- le traumatisme irréparable subi, en raison des agissements de l’accusé, par les proches de la victime ;
- la nécessité de faire prendre conscience à l’accusé que les difficultés d’ordre sentimental et affectif font partie des évènements prévisibles de l’existence humaine mais ne justifient en aucun cas le recours à la violence et, singulièrement, à une violence extrême, pour les surmonter ;
- la personnalité antisociale de l’accusé, telle qu’elle résulte de l’instruction d’audience et des débats, qui se caractérise, notamment, par un fonctionnement manipulateur et psychopathique, par un refus de prise en compte de l’autre dans une logique d’affirmation de sa propre puissance, par un mode général de transgression des droits d’autrui ainsi que par une inaptitude à tirer parti de ses expériences passées ;
- les antécédents judiciaires de l’accusé, dont un spécifique, lesquels démontrent une tendance persistante à la délinquance et laissent craindre un risque élevé de récidive ».
7. Le 22 décembre 2012, le quotidien régional « La Meuse » publia sous le titre « J’avais envie de boxer Bodet quand il parlait » l’entretien réalisé avec un membre du jury ayant condamné le requérant. Dans cet entretien, Cathy (prénom d’emprunt), abordant les difficultés à vivre ce procès sur un plan humain, exprima qu’« en tant que maman, [elle n’avait] pu [s]’empêcher de [se] mettre à la place de [la mère de la victime] ». À la question du journaliste de savoir si cela n’avait pas été trop difficile de juger, Cathy salua le travail des enquêteurs, qui avaient fait une ligne du temps précise, précisant que « ça nous a beaucoup aidés. En délibération, on a démonté les arguments de la défense. Sur la fin, plus grand monde n’avait des doutes ». À la question de savoir ce qui avait été pour elle le plus difficile dans le procès, Cathy répondit : « C’était de ne pas pouvoir montrer mes sentiments, mes émotions. C’est interdit aux jurés. (...), Bodet, j’avais envie de le boxer quand il parlait. »
8. Le requérant se pourvut en cassation contre les arrêts de la cour d’assises et, invoquant l’article de presse susmentionné, se plaignit d’une violation de son droit à un procès équitable, affirmant que le membre du jury citée par la presse avait fait preuve d’une partialité subjective et violé sa présomption d’innocence.
9. Par un arrêt du 5 juin 2013, la Cour de cassation rejeta les pourvois du requérant au motif que ces affirmations attribuées à un membre du jury ne ressortaient pas des pièces de la procédure et qu’en invitant la Cour de cassation à examiner l’article de presse en question, le moyen de cassation requérait la vérification d’éléments de fait d’une nature telle qu’il échappait à sa compétence.
10. Le 23 juin 2014, le requérant porta plainte contre X pour violation du secret professionnel.
11. Par une ordonnance du 12 octobre 2015, la chambre du conseil du tribunal correctionnel de Liège renvoya C.L. devant le tribunal correctionnel.
12. Un jugement du tribunal correctionnel de Liège (division de Liège) du 1er mars 2016 acquitta C.L. Ce tribunal jugea que si cette dernière présentait effectivement des points communs avec le profil qui pouvait se dégager à la lecture de l’article, il n’existait cependant aucun élément objectif permettant de lui imputer et de la considérer comme l’auteur des propos incriminés. L’action civile du requérant fut déclarée irrecevable.
13. Le requérant interjeta appel. La Cour n’est pas informée des suites de cette procédure.
B. Le droit pertinent
14. Les dispositions du code d’instruction criminelle (« CIC ») relatives à la constitution (et aux garanties d’impartialité) du jury et applicables au procès litigieux sont les suivantes :
Article 281
« § 1er. Le président est chargé personnellement de guider les jurés dans l’exercice de leurs fonctions, de les informer des instances auxquelles ils peuvent s’adresser pour obtenir un soutien psychologique au terme de leur mission, de leur rappeler leurs devoirs, en particulier leur devoir de discrétion, et de les exhorter à se tenir à l’écart des médias. Il est aussi chargé personnellement de présider à toute l’instruction et de déterminer l’ordre dans lequel la parole est donnée à ceux qui la demandent.
Il a la police de l’audience.
(...) »
Article 289
« § 1er. Le président tire un à un de l’urne les noms des jurés.
§ 2. L’accusé en premier lieu, le procureur général ensuite peuvent récuser un nombre égal de jurés, qui sera de six s’il n’y a pas de jurés suppléants, de sept s’il y en a un ou deux, de huit s’il y en a trois ou quatre, de neuf s’il y en a cinq ou six, de dix s’il y en a sept ou huit, de onze s’il y en a neuf ou dix et de douze s’il y en a onze ou douze. L’accusé ni le procureur général ne peuvent faire connaître leurs motifs de récusation.
(...)
Le président peut récuser des jurés afin de satisfaire à l’exigence prévue au § 3.
§ 3. Le jury est valablement constitué dès l’instant où douze jurés ont été désignés. Lors de la composition du jury, au maximum deux tiers des membres du jury sont du même sexe. Ensuite, le président de la cour d’assises tire au sort le nombre de jurés suppléants déterminé en exécution de l’article 124 du Code judiciaire.
§ 4. Une session d’information, dont les modalités sont déterminées par le Roi, est prévue à l’intention des jurés et des jurés suppléants.
§ 5. En cas de renvoi de l’affaire à une date indéterminée, la liste des jurés de cette affaire est annulée et il sera procédé à la formation d’un nouveau jury. »
Article 290
« Ensuite, le président adresse aux jurés le discours suivant :
"Vous jurez et promettez d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre N., de ne trahir ni les intérêts de l’accusé, ni ceux de la société qui l’accuse; de ne communiquer avec personne jusqu’après votre déclaration; de n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l’affection; de vous décider d’après les preuves et les moyens de défense, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à une personne probe et libre. »
(...)
Chacun des jurés, appelés individuellement par le président, répond en levant la main : "Je le jure" à peine de nullité. »
Article 326
« Le président, après avoir posé les questions, les remet aux jurés ; il leur remet en même temps l’acte d’accusation, le cas échéant l’acte de défense, les procès-verbaux qui constatent l’infraction et les pièces du procès.
Le président rappelle aux jurés leur serment. Il leur indique qu’une condamnation ne peut être prononcée que s’il ressort des éléments de preuve admis et soumis à la contradiction des parties que l’accusé est coupable au-delà de tout doute raisonnable des faits qui lui sont incriminés.
(...) »
Article 327
« Les questions étant posées et remises aux jugés, ils se rendent dans la chambre des délibérations pour y délibérer.
(...)
Avant de commencer la délibération, le ou la chef des jurés leur fait lecture de l’instruction suivante, qui est, en outre, affichée en gros caractères dans le lieu le plus apparent de la chambre des délibérations : "La loi prévoit qu’une condamnation ne peut être prononcée que s’il ressort des éléments de preuve admis que l’accusé est coupable au-delà de tout doute raisonnable des faits qui lui sont incriminés". »
15. L’article 458 du code pénal qui condamne la violation du secret professionnel se lit comme suit :
« Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice ou devant une commission d’enquête parlementaire et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de cent (euros) à cinq cents (euros). »
GRIEF
16. Invoquant l’article 6 §§ 1 et 2 de la Convention, le requérant se plaint que l’accusation pénale dirigée contre lui a été examinée par un tribunal dépourvu d’impartialité et sans que soit respectée la présomption d’innocence. Les dispositions pertinentes sont libellées comme suit :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »
EN DROIT
A. Thèses des parties
17. Le requérant soutient que contrairement au serment prêté, dès l’entame du procès, le membre du jury l’a considéré comme coupable en éprouvant de la haine contre lui et de l’empathie et de l’admiration pour la victime. Il fait valoir que ce membre du jury n’a pas décidé d’après les preuves et moyens de défense présentés, manquant à son devoir d’impartialité et à son droit à la présomption d’innocence. Il ajoute que l’entretien accordé à un journaliste deux jours après le verdict l’a été en violation du secret professionnel et fait foi de l’aveu de la partialité de ce membre du jury, indépendamment de la question de savoir si C.L. sera condamnée ou non. Il insiste sur la circonstance qu’en droit belge, le jury statue seul quant à la culpabilité de l’accusé.
18. Le Gouvernement soutient que l’article 290 du CIC n’interdit pas au juré de communiquer avec des tiers après le prononcé du jugement, le devoir d’impartialité s’imposant jusqu’au prononcé de la décision. Il ajoute que le juré comme tout juge est un être humain ne pouvant faire totalement abstraction de sa subjectivité. Ainsi, le fait d’éprouver des sentiments négatifs envers l’accusé sur la base des éléments du procès fait partie du processus du procès tant que ces sentiments ne sont pas connus et ne donnent pas à penser que le procès est inutile parce que le juge ou le juré a déjà décidé.
19. Le Gouvernement fait valoir que l’exigence d’impartialité ne s’apprécie pas sur des éléments qui sont postérieurs à la décision du tribunal. Il ajoute que les informations reprises ou imaginées par le journaliste en l’espèce sont à ce point vagues qu’à elles seules, elles ne peuvent pas permettre de conclure, au-delà de tout doute raisonnable, que la jurée s’était formée une opinion avant le procès sans tenir compte du dossier d’instruction et de tous les éléments de preuve rapportés.
20. Enfin, le Gouvernement avance qu’il convient de ne pas préjuger l’issue de la procédure pour violation du secret du délibéré dans le cadre de laquelle le requérant pourra trouver une éventuelle réparation de cette violation. Il souligne que du fait de la législation applicable en matière de protection des sources des journalistes, il n’existe aucune présomption de fiabilité et d’authenticité des informations publiées, qui ne peuvent être vérifiées et ce alors que C.L. conteste avoir tenu les propos publiés.
B. Appréciation de la Cour
21. Les propos dont se plaint le requérant sont ceux par lesquels un membre d’un jury d’assises, présenté de façon anonyme, a fait état de ses sentiments pendant le procès et révélé des éléments de délibération dans le cadre d’un entretien avec un journaliste publié deux jours après la condamnation du requérant par la cour d’assises.
22. La question qui se pose à la Cour est de savoir si de tels propos de la part d’un membre du jury peuvent, a posteriori, remettre en cause l’impartialité tant subjective qu’objective de la cour d’assises, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
23. La Cour rappelle l’importance fondamentale qu’il y a à ce que les tribunaux d’une société démocratique inspirent confiance aux justiciables, à commencer, au pénal, par les prévenus (Kyprianou c. Chypre [GC], no 73797/01, § 148, CEDH 2005‑XIII). À cet égard, l’article 6 § 1 de la Convention exige que les tribunaux soient impartiaux. Selon la jurisprudence bien établie de la Cour, l’impartialité se définit d’ordinaire par l’absence de préjugé ou de parti pris, et peut, notamment sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, s’apprécier de diverses manières. L’exigence d’impartialité revêt deux aspects (Grieves c. Royaume-Uni [GC], no 57067/00, § 69, CEDH 2003‑XII (extraits)). Il faut d’abord que le tribunal ne manifeste subjectivement aucun parti pris ni préjugé personnel. Cette impartialité personnelle doit être présumée jusqu’à preuve du contraire. Ensuite, le tribunal doit être également objectivement impartial, c’est-à-dire offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (Piersack c. Belgique, arrêt du 1er octobre 1982, série A no 53, § 30, et Sander c. Royaume-Uni, no 34129/96, § 22, CEDH 2000‑V). Ces principes valent pour les jurés comme pour les magistrats, professionnels ou non (Remli c. France, 23 avril 1996, § 46, Recueil des arrêts et décisions 1996‑II).
24. La Cour relève qu’en droit belge, la cour d’assises comprend un président et deux assesseurs et qu’au pénal, elle siège avec l’assistance du jury. Le jury, composé de douze membres, s’exprime sur la culpabilité de l’accusé tandis qu’à l’époque, la peine était fixée à l’issue d’une délibération du collège constitué par la cour et le jury.
25. La Cour rappelle avoir confirmé la conclusion à laquelle était parvenue l’ancienne Commission européenne des droits de l’homme quant à la qualité de « tribunal » de la cour d’assises, à savoir que celle-ci est une juridiction indépendante au vu du mode de désignation et la durée du mandat de ses membres, de l’existence d’une protection contre les pressions extérieures et du fait qu’il y a apparence d’indépendance et impartialité (voir Zarouali c. Belgique, no 20664/92, décision de la Commission du 29 juin 1994, DR 78, p. 97, Taxquet c. Belgique, no 926/05, §§ 71-74, 13 janvier 2009, et Castellino c. Belgique, no 504/08, § 47, 25 juillet 2013).
26. La Cour rappelle en outre avoir considéré que devant les cours d’assises avec participation d’un jury populaire, il faut s’accommoder des particularités de la procédure (voir Taxquet [GC] précité, § 92, et Lhermitte c. Belgique [GC], no 34238/09, § 68, 29 novembre 2016).
27. S’agissant d’apprécier l’impartialité subjective, il faut tenir compte de la conviction personnelle et du comportement du juge, en recherchant si celui-ci a fait preuve de parti pris ou préjugé personnel dans le cas d’espèce (voir Morice c. France [GC], no 29369/10, § 73, 23 avril 2015).
28. À cet égard, la Cour estime que les déclarations relativement à une affaire ou aux parties en cause émanant d’un membre de la formation de jugement, que celles-ci interviennent avant, pendant ou après le procès, sont susceptibles d’indiquer l’existence d’une éventuelle hostilité ou partialité dans son chef. La question de savoir si ces déclarations constituent ou non la preuve suffisante d’un manque d’impartialité subjective ou objective, dépend du contexte et de la teneur des propos en cause.
29. En l’espèce, la Cour constate que les propos litigieux ont été tenus postérieurement au verdict, c’est-à-dire à un moment où la jurée en cause n’exerçait plus de fonction juridictionnelle. Les garanties présentes en droit belge visant à assurer l’impartialité du jury (voir paragraphe 14, ci-dessus) ne s’appliquaient par conséquent plus en tant que telles, laissant place à une interdiction de violer le secret du délibéré (voir paragraphe 15, ci-dessus).
30. Si les propos litigieux reflètent effectivement une perception négative de la cause de l’accusé, à la lecture de l’entretien dans son ensemble, la Cour estime qu’il ne peut pas en être déduit que le membre du jury en question aurait débuté le procès avec l’idée préconçue de la culpabilité du requérant plutôt que de s’être forgée cette conviction au cours des débats. L’article contient d’ailleurs des éléments laissant croire le contraire, la jurée ayant indiqué que le travail des enquêteurs et la ligne du temps précise qu’ils avaient établie « [avaient] beaucoup aidé [les jurés] » pour ensuite faire référence aux délibérations. Le requérant n’allègue par ailleurs pas que la jurée en cause aurait extériorisé une quelconque opinion ou émotion durant le procès. Il ne soutient pas davantage avoir formulé une demande de récusation à l’encontre de C.L ou d’un autre juré durant le procès.
31. Quant à l’impartialité objective, il échet de déterminer si le tribunal offrait, notamment à travers sa composition, des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à son impartialité (voir Morice précité, § 73).
32. En ce qui concerne la composition de la cour d’assises, la Cour a déjà relevé que le droit belge prévoit que le jury populaire est composé de douze membres. Celui-ci délibère seul quant à la culpabilité. Trois magistrats professionnels rejoignent la formation de jugement s’agissant de motiver sa décision et de débattre ensemble de la peine à infliger (voir paragraphe 24, ci-dessus).
33. Elle relève en outre que le requérant n’avance aucun élément concret permettant de remettre en cause la capacité de la formation collégiale qu’est la cour d’assises de se former une opinion en toute impartialité. Cette opinion s’est en l’espèce forgée à l’issue de délibérations puis matérialisée sous la forme de deux décisions motivées apparaissant dénuées d’arbitraire.
34. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime qu’en l’espèce, les craintes du requérant quant à l’impartialité de la cour d’assises ne sauraient passer pour objectivement justifiées.
35. Le requérant ne fait pas valoir d’argumentation séparée sous l’angle de l’article 6 § 2 de la Convention.
36. La Cour rappelle que le principe de la présomption d’innocence exige, entre autres, qu’en remplissant leurs fonctions les membres du tribunal ne partent pas de l’idée préconçue que le prévenu a commis l’acte incriminé ; la charge de la preuve pèse sur l’accusation et le doute profite à l’accusé (Grande Stevens et autres c. Italie, nos 18640/10, 18647/10, 18663/10, 18668/10 et 18698/10, § 159, 4 mars 2014).
37. Il n’est en l’espèce pas démontré que la jurée en cause serait partie de l’idée préconçue que le requérant était coupable des faits pour lesquels il était poursuivi devant la cour d’assises.
38. Il découle des considérations qui précèdent que la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 26 janvier 2017.
Stanley Naismith Işıl Karakaş
Greffier Présidente