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CINQUIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 19471/13
Patrick MOUROUX
contre la France
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 3 mars 2015 en un comité composé de :
Ganna Yudkivska, présidente,
Vincent A. De Gaetano,
André Potocki, juges,
et de Milan Blaško, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 13 mars 2013 ;
Vu la déclaration déposée par le gouvernement défendeur le 30 septembre 2014 et invitant la Cour à rayer la requête du rôle, ainsi que la réponse de la partie requérante à cette déclaration ;
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
FAITS ET PROCÉDURE
Le requérant, M. Patrick Mouroux, est un ressortissant français né en 1951 et résidant à Toulouse. Il a été représenté devant la Cour par Me J.‑F. Manière, avocat à Dijon.
Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.
La requête avait été communiquée au Gouvernement.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le 2 avril 1993, le requérant fit l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire le 11 juin suivant.
À la suite de la procédure engagée par le liquidateur, le tribunal de grande instance de Sens, par un jugement du 26 avril 1996 confirmé en appel le 16 octobre 1997, ordonna la vente sur licitation d’un bien immobilier, une maison sise à Nailly. Le pourvoi interjeté contre cette décision par une co-indivisaire, Mme C., fut rejeté par la Cour de cassation le 19 décembre 2000.
Le 28 février 2003, en réponse à une demande du requérant, le liquidateur indiqua être en train de répartir le prix de cession des actifs de celui-ci et l’informa qu’il demanderait la clôture des opérations de liquidation à l’achèvement de cette répartition.
Le 15 septembre 2004, toujours à la suite d’une demande du requérant, le liquidateur expliqua ne pas pouvoir clôturer les opérations de liquidation, l’actif n’étant pas totalement encaissé. En octobre 2004, une assignation en paiement fut délivrée à l’un des créanciers du requérant.
Sur la saisine d’un avocat missionné par le liquidateur pour obtenir le recouvrement de la part du requérant, le tribunal de grande instance de Sens ordonna l’ouverture des opérations de compte, liquidation, partage de la succession du père du requérant, le 5 octobre 2005, et de celle de la mère du requérant, le 22 mai 2009. Après expertise, le tribunal, par un jugement du 25 février 2011, attribua à chaque héritier une part dans l’indivision successorale.
Le 7 février 2012, le requérant sollicita du liquidateur la clôture de sa liquidation judiciaire. Le 10 février suivant, le liquidateur lui indiqua qu’il n’était toujours pas possible de demander la clôture de la procédure, faute pour la totalité des actifs devant revenir aux créanciers du requérant de s’être réalisée.
À ce jour, la procédure est toujours pendante.
EN DROIT
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant dénonce la durée excessive de la procédure de liquidation judiciaire à son encontre. Sous l’angle des articles 6 et 13 de la Convention, il se plaint – en tant que débiteur en liquidation judiciaire – de l’interdiction qui lui est faite d’agir en justice pour engager la responsabilité de l’État en raison de la durée excessive de la procédure. Il se plaint enfin, sur le fondement de l’article 1 du Protocole no 1, d’avoir été dessaisi de ses biens pendant toute la durée de la procédure. Ces différentes dispositions sont ainsi libellées :
Article 6
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable (...) »
Article 13
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
Article 1 du Protocole no 1
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
Après l’échec des tentatives de règlement amiable, le Gouvernement a, par un courrier du 30 septembre 2014, fait parvenir à la Cour une déclaration unilatérale afin de résoudre la question soulevée par la requête. Il a, en outre, invité la Cour à rayer celle-ci du rôle en application de l’article 37 de la Convention.
Par cette déclaration, le Gouvernement a reconnu que « en l’espèce, d’une part, la durée de la procédure de liquidation judiciaire dont le requérant, débiteur, a été l’objet a été excessive au regard des exigences du délai raisonnable posées par l’article 6 § 1 de la Convention et, d’autre part, que l’impossibilité pour le requérant d’exercer une action en réparation du dommage causé par la durée de la procédure de liquidation a porté atteinte à ses droits garantis par les articles 6 § 1 et 13 de la Convention ». Il a par ailleurs reconnu que « le droit au respect des biens du requérant, au sens de l’article 1 du Protocole no 1, a été méconnu, notamment eu égard à la durée de la procédure ». Le Gouvernement a proposé de payer au requérant la somme de 13 500 euros (treize mille cinq cents euros). Pour le reste, la déclaration était ainsi formulée :
« Cette somme ne sera soumise à aucun impôt et sera versée sur le compte bancaire indiqué par le requérant dans les trois mois à compter de la date de l’arrêt de radiation rendu par la Cour sur le fondement de l’article 37 § 1 c) de la Convention. Le paiement vaudra règlement définitif de la cause. »
Par une lettre du 27 octobre 2014, le requérant a indiqué qu’il n’était pas satisfait des termes de la déclaration unilatérale et qu’il n’acceptait pas le montant de la compensation proposée. Il insistait pour que sa requête soit examinée par la Cour, les griefs soulevés étant le reflet d’un problème structurel en France.
La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 37 de la Convention, à tout moment de la procédure, elle peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances l’amènent à l’une des conclusions énoncées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cet article. L’article 37 § 1 c) lui permet en particulier de rayer une affaire du rôle si :
« pour tout autre motif dont la Cour constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête ».
La Cour rappelle aussi que, dans certaines circonstances, il peut être indiqué de rayer une requête du rôle en vertu de l’article 37 § 1 c) sur la base d’une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l’examen de l’affaire se poursuive.
À cette fin, la Cour doit examiner attentivement la déclaration à la lumière des principes que consacre sa jurisprudence, en particulier l’arrêt Tahsin Acar (Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], no 26307/95, §§ 75‑77, CEDH 2003‑VI, WAZA Spółka z o.o. c. Pologne (déc.) no 11602/02, 26 juin 2007, et Sulwińska c. Pologne (déc.) no 28953/03, 18 septembre 2007).
En l’espèce, la Cour prend acte de la déclaration formelle du Gouvernement. Elle note qu’elle s’est déjà prononcée sur les griefs posés par cette requête (Tetu c. France, no 60983/09, 22 septembre 2011).
Eu égard à la nature des concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, ainsi qu’au montant de l’indemnisation proposée – qui est conforme aux montants alloués dans des affaires similaires –, la Cour estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de ce grief (article 37 § 1 c)).
En outre, à la lumière des considérations qui précèdent, et eu égard en particulier à sa jurisprudence claire et abondante à ce sujet, la Cour estime que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles n’exige pas qu’elle poursuive l’examen de ce grief (article 37 § 1 in fine).
Enfin, la Cour souligne que, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l’article 37 § 2 de la Convention (Josipović c. Serbie (déc.), nº 18369/07, 4 mars 2008).
Partant, il convient de rayer la requête du rôle en application de l’article 37 § 1 c) de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Prend acte des termes de la déclaration du gouvernement défendeur concernant les articles 6 § 1 et 13 de la Convention et 1 du Protocole no 1, ainsi que des modalités prévues pour assurer le respect des engagements ainsi pris ;
Décide de rayer la requête du rôle en application de l’article 37 § 1 c) de la Convention.
Fait en français puis communiqué par écrit le 26 mars 2015.
Milan Blaško Ganna Yudkivska
Greffier adjoint Présidente