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CINQUIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 55787/10
Emmanuel DJEFEL
contre la France
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 30 septembre 2014 en un comité composé de :
Ann Power-Forde, présidente,
Ganna Yudkivska,
André Potocki, juges,
et de Stephen Phillips, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 26 août 2010,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Emmanuel Djefel, est un ressortissant français né en 1967 et résidant à Toul. Il a été représenté devant la Cour par Me C. Waquet, avocate à Paris.
Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des Affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le requérant fut incarcéré, le 2 juin 2009, à la suite de plusieurs condamnations à des peines de prison dont le total s’élève à trente‑et‑un‑mois fermes. Parallèlement à ces condamnations, il fut renvoyé devant le tribunal correctionnel pour violences et agressions sexuelles aggravées. Relaxé des fins de la poursuite en première instance le 28 avril 2010, il fut déclaré coupable des faits reprochés par la cour d’appel de Colmar, le 28 septembre 2010, et condamné à six ans d’emprisonnement.
Dans l’intervalle, le 20 mai 2010, le requérant, détenu alors au centre de détention de Saint-Mihiel, sollicita, pour le 25 juin suivant, une première permission de sortie destinée à « maintenir et sauvegarder [ses] liens familiaux ». Par une ordonnance en date du 14 juin 2010, le juge de l’application des peines (JAP) du tribunal de grande instance de Bar-le-Duc rejeta sa demande au motif que sa situation pénale n’était pas définitive car il devait comparaître pour une nouvelle affaire pénale devant une cour d’appel le 23 juin 2010. Sur appel du requérant, le 18 juin 2010, le président de la chambre de l’application des peines (CAP) de la cour d’appel de Nancy confirma l’ordonnance déférée le 17 février 2011. Après avoir relevé que les observations écrites du requérant étaient tardives, le président indiqua ce qui suit :
« Les motifs retenus par le juge de l’application de peines sont tout à fait pertinents dans la mesure où il ressort des pièces du dossier que l’intéressé a fait l’objet d’une décision de retrait de crédit de réduction de peine le 26 mai 2010 et qu’il n’a pas bénéficié de l’intégralité des réductions supplémentaires de peine auxquelles il pouvait prétendre au titre de la période de détention du 2 juin 2009 au 2 juin 2010. Le comportement de l’intéressé atteste alors du peu d’effort de réinsertion. Par ailleurs, l’intéressé devait comparaître pour une nouvelle affaire devant la cour d’appel de Nancy le 23 juin 2010 ».
Le 4 janvier 2012, la Cour de cassation déclara non admis le pourvoi du requérant à la suite de l’avis de l’avocat général tendant à la non-admission au motif que le requérant n’avait pas déposé de mémoire :
« Attendu qu’après avoir examiné tant la recevabilité du recours que les pièces de la procédure, la Cour de cassation constate qu’il n’existe en l’espèce aucun moyen de nature à permettre l’admission des pourvois ».
Entre-temps, le 5 juillet 2010, le requérant sollicita une nouvelle permission de sortie, pour le 20 août suivant, afin de voir sa mère dont l’état de santé ne lui permettait pas de se déplacer jusqu’à l’établissement pénitentiaire. Par une ordonnance en date du 21 juillet 2010, le JAP décida d’ajourner l’examen de cette demande à la commission d’application des peines du mois d’octobre suivant compte tenu de l’absence d’efforts du requérant en détention, de son absence de garanties de représentation et de l’appel pendant interjeté contre le rejet de la précédente permission de sortie. Par une ordonnance du 8 février 2011, la CAP estima sans objet l’appel du requérant contre cette ordonnance : « il y a d’abord lieu de constater que le requérant n’a pas adressé d’observations écrites à notre juridiction à l’appui de son appel. De plus, outre les motifs pertinents retenus par le JAP, il apparaît que la demande est sans objet au jour des présentes observations ».
Le 4 janvier 2012, la Cour de cassation déclara non admis le pourvoi du requérant contre l’ordonnance du 8 février 2011, à la suite de l’avis pris par l’avocat général et tendant à la non-admission du pourvoi au motif que « le mémoire n’apparaît pas conforme aux exigences de l’article 590 du code de procédure pénale [CPP] ».
Au début du mois d’août 2010, le requérant sollicita une troisième permission de sortie, pour le 18 août, afin de pouvoir accompagner sa mère malade à une consultation d’anesthésie préopératoire. Par une ordonnance du 12 août 2010, le JAP déclara la demande irrecevable en raison de l’ajournement prononcé le 21 juillet concernant la demande précédente de permission de sortie du requérant. Sur appel du requérant, le président de la CAP, le 17 février 2011, confirma l’ordonnance déférée, après avoir relevé que le requérant n’avait pas adressé d’observations écrites à l’appui de son appel :
« (...) les motifs retenus par le juge de l’application des peines sont tout à fait pertinents dans la mesure où une précédente demande avait fait l’objet d’une décision d’ajournement ».
Le 4 janvier 2012, la Cour de cassation déclara non admis le pourvoi du requérant contre l’ordonnance du 17 février 2011 à la suite de l’avis de l’avocat général tendant à la non-admission au motif que « le mémoire n’apparaît pas conforme aux exigences de l’article 590 du CPP. »
B. Droit interne pertinent
1. La loi nº 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a complété le processus de « juridictionnalisation » de l’exécution des peines et instauré des voies de recours contre les ordonnances rendues par le JAP. Auparavant, ces ordonnances étaient qualifiées par la loi elle-même de mesures d’administration judiciaire et ne pouvaient faire l’objet d’un recours devant le tribunal correctionnel que de la part du procureur de la République (voir, Schemkamper c. France, no 75833/01, §§ 17,18 et 43, 18 octobre 2005). Les dispositions pertinentes du CPP sont désormais ainsi libellées :
Article 712-5
« Sauf en cas d’urgence, les ordonnances concernant les réductions de peine, les autorisations de sorties sous escortes et les permissions de sortir sont prises après avis de la commission de l’application des peines. Cette commission est réputée avoir rendu son avis si celui-ci n’est pas intervenu dans le délai d’un mois à compter du jour de sa saisine. La commission de l’application des peines est présidée par le juge de l’application des peines ; le procureur de la République et le chef d’établissement en sont membres de droit. »
Article 712-11
« Les décisions du juge de l’application des peines et du tribunal de l’application des peines peuvent être attaquées par la voie de l’appel par le condamné, par le procureur de la République et par le procureur général, à compter de leur notification : 1º Dans le délai de vingt-quatre heures s’agissant des ordonnances mentionnées aux articles 712-5 et 712-8 ; (...) »
Article 712-12
« L’appel des ordonnances mentionnées aux articles 712-5 et 712-8 est porté devant le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel, qui statue par ordonnance motivée au vu des observations écrites du ministère public et de celles du condamné ou de son avocat. »
Article 712-15
« Les ordonnances et arrêts mentionnés aux articles 712-12 et 712-13 peuvent faire, dans les cinq jours de leur notification, l’objet d’un pourvoi en cassation qui n’est pas suspensif. »
Article D 49-41
« (...) A l’appui de son appel, le condamné ou son avocat peut adresser des observations écrites au président ou à la chambre. Hors le cas d’urgence, ces observations doivent être adressées un mois au plus tard après la date de l’appel, sauf dérogation accordée par le président de la juridiction ».
2. Dans un arrêt du 28 octobre 2009, la chambre criminelle de la Cour de cassation s’est de prononcée sur les pouvoirs du président de la CAP (Crim, 09-80.923) :
« (...) Attendu que, si, selon les dispositions combinées des articles D. 49-42, D. 49‑44-1 et 505-1 du CPP, la décision par laquelle le président de la chambre de l’application des peines constate que l’appel est tardif, devenu sans objet ou que l’appelant s’est désisté de son appel, n’est pas susceptible de recours, il en est autrement lorsque son examen fait apparaître un risque d’excès de pouvoir relevant du contrôle de la Cour de cassation ; que tel étant le cas en l’espèce, le pourvoi doit être déclaré recevable ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5, 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, 591, 593, 712-11, 723-3, D. 145 et D. 146 du CPP ;
"en ce que le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel a dit sans objet l’appel formé par un détenu F.X... contre une ordonnance du juge de l’application des peines ayant rejeté sa demande de permission de sortie présentée par un détenu ;
"aux motifs que l’appel formé dans le délai prévu par les articles 712-11 et D. 49-39 du CPP était recevable ; que compte tenu de la proximité entre la date de la décision déférée et celle de la permission sollicitée, l’appel était devenu sans objet ;
"alors, d’une part, que les condamnés incarcérés peuvent bénéficier de permissions de sortir accordées en vue du maintien des liens familiaux ou de la préparation de la réinsertion sociale lorsqu’ils ont exécuté la moitié de leur peine et qu’ils n’ont plus qu’à subir un temps de détention inférieur à trois ans ; qu’en se bornant à viser la proximité entre la date de la décision déférée et celle de la permission sollicitée, sans constater soit que l’intéressé n’avait pas encore effectué la moitié de sa peine, soit qu’il lui restait à subir un temps de détention supérieur à trois ans, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, d’autre part, qu’il résulte des motifs de l’ordonnance attaquée que l’appel avait été formé dans le délai prévu par les articles 712-11 et D. 49-39 du CPP et était à ce titre recevable et présenté avant le début de la période prévue pour la permission de sortir ; qu’en statuant comme il l’a fait, le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel a privé le détenu d’un recours effectif" ;
Et, sur le moyen relevé d’office, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme et 712-11 du CPP, excès de pouvoir ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme et 712-11 du CPP ;
Attendu qu’il résulte de la combinaison des textes précités que le président de la chambre de l’application des peines, qui statue sur une demande de permission de sortir dont la date prévue initialement est dépassée, a la faculté, si l’objet de la permission l’autorise, de fixer une autre date ;
Attendu qu’il résulte de l’ordonnance attaquée et des pièces de procédure que F.X a présenté une demande de permission de sortir pour la période du 9 au 14 janvier 2009, afin de se rendre chez son épouse ; que, par ordonnance du 6 janvier 2009, le juge de l’application des peines a rejeté cette demande et décidé qu’une nouvelle demande ne pourrait pas être présentée avant l’expiration d’un délai de six mois, que F.X... a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour déclarer sans objet l’appel, l’ordonnance retient que, compte tenu de la proximité entre la date de la décision déférée et celle de la permission sollicitée, l’appel est devenu sans objet ;
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, le président de la chambre de l’application des peines a méconnu ses pouvoirs ; (...) »
3. La Cour de cassation juge de façon constante que le mémoire « qui ne vise aucun texte de loi et n’offre à juger aucun moyen de droit ne remplit pas les conditions exigées par l’article 590 du Code de procédure pénale Crim. 7 mai 2003, no 03-80.975 (Crim. 7 nov. 2007, no07-80.163 ; Crim. 1er oct. 2008, no 08-80.562).
GRIEFS
Dans son formulaire de requête, invoquant les articles 6 § 2 et 17 de la Convention, le requérant alléguait que les refus de permission exceptionnelle de sortie qui lui ont été opposés n’étaient pas fondés. Il se plaignait également d’une violation de l’article 6 § 1 pour la durée de l’examen de ses appels.
EN DROIT
La Cour rappelle qu’elle est maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause. Elle estime que le grief du requérant concerne sa vie privée et familiale ainsi que l’effectivité du recours contre les refus de permission de sortir. Ce grief doit donc être examiné sous l’angle des articles 8 et 13 de la Convention, lesquels ont fait l’objet de questions posées aux parties lors de la communication de la requête, et d’observations de leur part sur ce seul fondement.
Les articles 8 et 13 de la Convention sont ainsi libellés :
Article 8
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...)
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Article 13
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. ».
Le Gouvernement soulève une exception d’irrecevabilité tiré du non épuisement des voies de recours internes, faute pour le requérant d’avoir soulevé, même en substance, le grief tiré de l’article 8 de la Convention. Le requérant a usé des recours adéquats à sa disposition en faisant appel des ordonnances du JAP et en formant des pourvois en cassation à l’encontre des décisions rendues par le président de la CAP. Il n’a cependant jamais invoqué l’urgence devant celui-ci et n’a pas respecté les délais prescrits pour présenter ses observations, lorsqu’il en a produit. De la même manière, le requérant n’a déposé aucun mémoire à l’appui de ses trois pourvois devant la Cour de cassation et n’a donc soumis aucun grief à cette juridiction. Ainsi, aucun élément ne pouvait laisser penser aux juges qu’une éventuelle violation des articles 8 et 13 de la Convention était en cause, et le requérant n’a donc pas, selon le Gouvernement, fourni aux juridictions françaises la possibilité de se prononcer matériellement sur une éventuelle violation des dispositions de la Convention. Quant à l’effectivité des recours, sous l’angle de l’article 13 de la Convention, le Gouvernement soutient que la jurisprudence de la Cour n’exige pas que les recours intentés soient examinés immédiatement après avoir été intentés. Une telle solution serait intenable, ce d’autant plus que les permissions de sortir sont parfois examinées en première instance jusqu’à la veille de la date de sortie souhaitée, ce qui est favorable à l’intéressé ayant présenté une demande tardive ou urgente. Pour autant, les droits de l’intéressé ne seraient pas compromis dans une telle hypothèse. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle jugé que le président de la CAP qui statue sur une demande de permission de sortir dont la date prévue initialement est dépassée a la faculté, si l’objet de la permission l’autorise, de fixer une autre date (Crim, 28 octobre 2009, 09‑80.923).
Le requérant réplique qu’il a fait valoir le maintien des liens familiaux pour chacune de ses demandes et qu’il a fait appel des refus qui lui ont été opposés. Il souligne que l’urgence peut et doit dans certaines circonstances être constatée d’office, sans que le président de la CAP ne soit obligé d’attendre les observations écrites du condamné, qui sont, en tout état de cause, facultatives selon l’article D 49-41 du code de procédure pénale (voir droit interne pertinent ci-dessus). Par ailleurs, la voie du pourvoi est fermée tant que la juridiction d’appel n’a pas statué. Le requérant estime que l’urgence résultait en soi de l’objet de la troisième demande de permission exceptionnelle refusée le 12 août 2010 en raison de la date programmée, justifiée et connue, d’hospitalisation de sa mère ; or, à la date de sa requête devant la Cour, ni la voie de l’appel, ni a fortiori celle du recours en cassation n’étaient susceptibles de constituer des recours efficaces contre la décision de rejet. En ce qui concerne les deux autres appels antérieurement formés, le requérant soutient qu’ils ont été examinés très tardivement en appel et qu’il n’avait donc aucun moyen de saisir une juridiction de la question de l’effectivité de son recours.
La Cour rappelle que la finalité de l’article 35 est de ménager aux États contractants l’occasion de prévenir ou redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne soient soumises aux organes de la Convention. Les États n’ont donc pas à répondre de leurs actes devant un organisme international avant d’avoir eu la possibilité de redresser la situation dans leur ordre juridique interne. Cette règle se fonde sur l’hypothèse, objet de l’article 13 de la Convention – et avec lequel elle présente d’étroites affinités – que l’ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée. De la sorte, elle constitue un aspect important du principe voulant que le mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention revête un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l’homme. Ainsi, le grief dont on entend saisir la Cour doit d’abord être soulevé, au moins en substance, dans les formes et délais prescrits par le droit interne, devant les juridictions nationales appropriées (Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 74, CEDH 1999‑V). Dans la même logique, l’article 35 § 1 exige l’épuisement des seuls recours accessibles, effectifs et adéquats, c’est-à-dire existant à un degré suffisant de certitude – en pratique comme en théorie – et susceptibles de porter remède aux griefs soulevés (Aksoy c. Turquie, arrêt du 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, pp. 2275-2276, §§ 51-52).
La Cour souligne qu’elle doit appliquer cette règle en tenant dûment compte du contexte. Elle a ainsi reconnu que l’article 35 doit s’appliquer avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif. Elle a de plus admis que la règle de l’épuisement des voies de recours internes ne s’accommode pas d’une application automatique et ne revêt pas un caractère absolu ; en en contrôlant le respect, il faut avoir égard aux circonstances de la cause. Cela signifie notamment que la Cour doit tenir compte de manière réaliste, non seulement des recours prévus en théorie dans le système juridique de la Partie contractante concernée, mais également du contexte juridique et politique dans lequel ils se situent ainsi que de la situation personnelle des requérants (Selmouni, précité, § 77).
En l’espèce, la Cour prend acte de ce que le requérant n’a pas valablement saisi la Cour de cassation des griefs qu’il a soumis par la suite devant elle. Au moment de l’introduction de sa requête, le requérant n’a pas fourni les mémoires en cassation, mais uniquement les arrêts de non-admission rendus par la Cour de cassation. Or, bien que cette juridiction ait usé de la formule-type utilisée pour l’ensemble des causes de non admission des pourvois, y compris le motif de non-admission fondé sur le caractère non sérieux des moyens soulevés (voir, Viard c. France, no 71658/10, § 33, 9 janvier 2014), il ressort clairement des avis de non-admission pris par l’avocat général que le requérant a en réalité omis de déposer un mémoire dans une procédure, et failli, dans les deux autres, au respect des formalités prévues par l’article 590 du CPP (voir droit interne pertinent point 3.). Le requérant n’a donc jamais soulevé de moyen tiré de l’article 8 de la Convention dans le cadre d’un pourvoi en cassation, faute d’avoir respecté les formalités prescrites en droit interne.
Pour autant, la Cour doit s’assurer que cette voie de recours satisfaisait à la condition d’accessibilité et d’effectivité exigée en la matière. Elle note en effet que le requérant considère l’ensemble des recours à sa disposition, y compris l’appel devant le président de la CAP, inefficace en pratique, compte tenu du délai mis par ce dernier pour statuer sur ses appels, et a fortiori celui pris par la Cour de cassation pour examiner un pourvoi, alors que la date prévue dans la demande de permission de sortir est dépassée.
La Cour considère que le requérant ne pouvait être dispensé de saisir la Cour de cassation pour soulever devant elle la violation alléguée de sa vie privée et familiale et la question des délais mis par le président de la CAP pour statuer sur ses appels contre les ordonnances de refus de permission de sortir. Elle rappelle tout d’abord que le recours dont il s’agit a été expressément instauré par la loi de 2004 (droit interne pertinent, point 1.) pour faire des ordonnances du JAP en la matière des décisions susceptibles d’être déférées devant un juge. Elle observe par ailleurs, à la lumière de l’arrêt du 28 octobre 2009 mentionné par le Gouvernement (droit interne pertinent, point 2.), que la Cour de cassation procède à un examen de la conformité d’un refus de permission de sortir avec les garanties de l’article 8 lorsqu’un tel moyen lui est présenté, même si la décision attaquée en appel n’est pas susceptible de recours, car celle-ci peut faire «apparaître un risque d’excès de pouvoir ». En outre, et surtout, elle souligne que dans ce même arrêt, la Cour de cassation, alors que le président de la CAP avait déclaré sans objet un appel formé contre un refus de permission de sortir dont la date initialement prévue était dépassée, dans des circonstances proches de la présente espèce, a soulevé d’office un moyen tiré des articles 6 et 13 de la Convention, et considéré qu’il avait commis « un excès de pouvoir ». Dans ces conditions, la Cour est d’avis que la Cour de cassation était à même d’apprécier si les refus litigieux étaient conformes aux exigences de l’article 8, et de se prononcer, sur le fondement de l’excès de pouvoir, sur l’effectivité des recours prévus par le droit interne.
En n’utilisant pas la voie du recours en cassation, le requérant n’a donc pas donné aux juridictions françaises l’occasion que l’article 35 § 1 a pour finalité de ménager en principe aux États contractants : éviter ou redresser les violations alléguées contre eux (Civet c. France [GC], no 29340/95, § 44, CEDH 1999‑VI).
Il s’ensuit que l’exception de non-épuisement des voies de recours internes se révèle fondée et que le grief tiré de l’article 8 de la Convention doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention. Dans ces conditions, le grief tiré de l’article 13 de la Convention doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Stephen Phillips Ann Power-Forde
Greffier adjoint Présidente