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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
9.4.2013
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 39630/10
Rui Pedro FLORES FERNANDO
contre le Portugal

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 9 avril2013 en une chambre composée de:

Guido Raimondi, président,
Danutė Jočienė,
Peer Lorenzen,
Dragoljub Popović,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Paulo Pinto de Albuquerque, juges,

et de Stanley Naismith, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 8 juillet 2010,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante:

FAITS ET PROCÉDURE

1.Le requérant, M. Rui Pedro Flores Fernando, est un ressortissant portugais né en 1960 et résidant à Paço de Arcos. Il était, à la date d’introduction de la requête, détenu à l’établissement pénitentiaire de Pinheiro da Cruz (Portugal).

A.Les circonstances de l’espèce

2.Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

3.Le requérant purgeait depuis le 11 mars 2002 une peine de quinze ans d’emprisonnement pour le meurtre de son épouse.

4.Le 11 septembre 2008, le requérant, invoquant les articles 61 et 62 du code pénal, demanda à bénéficier de la liberté conditionnelle anticipée avec obligation de porter le bracelet électronique. Il exposa remplir les conditions objectives de la loi et mit en avant son bon comportement pénitentiaire et les offres de travail dont il disposait.

5.A une date non précisée, le juge d’application des peines V., du tribunal d’application des peines d’Évora, rejeta la demande. Le juge considéra que le requérant ne remplissait pas les conditions objectives lui permettant d’être libéré sous condition, l’article 62 du code pénal ne s’appliquant que si les critères objectifs de l’article 61 seraient remplis. Or, le requérant n’avait pas encore atteint la moitié de sa peine.

6.Sur recours du requérant, la cour d’appel d’Évora annula la décision entreprise par un arrêt du 3 mars 2009. Elle souligna que l’article 62 du code pénal ne s’opposait pas à la mise en œuvre de la procédure conduisant à la libération conditionnelle anticipée, dans la mesure où l’anticipation en question aurait lieu pendant l’année antérieure à celle où le requérant purgerait la moitié de sa peine. La cour d’appel renvoya le dossier devant le tribunal d’application des peines afin que celui-ci se prononçât sur les conditions de fond de l’octroi de la liberté conditionnelle.

7.Par une décision du 10 octobre 2009, le juge F., du tribunal d’application des peines d’Évora, rejeta la demande de liberté conditionnelle. Soulignant se prononcer non seulement sur la libération anticipée mais également sur l’octroi de la liberté sous condition en tant que telle, vu que le requérant avait entre-temps atteint la moitié de sa peine, le juge considéra que certaines des conditions de fond ne se trouvaient pas remplies en l’occurrence. Le juge releva ainsi que le requérant démontrait encore une certaine incapacité à accepter la gravité de son crime, sa libération conditionnelle pouvant par ailleurs, vu les circonstances de l’affaire, mettre en danger la paix sociale.

8.Le requérant fit appel de cette décision devant la cour d’appel. Son recours fut examiné par les juges N., rapporteur, et V., celui même ayant rendu la première décision refusant la liberté conditionnelle anticipée, entre-temps promu à la cour d’appel d’Évora.

9.Par un arrêt du 18 février 2010, la cour d’appel rejeta le recours, considérant que la condition de fond de l’article 61 §2b) du code pénal ne se trouvait pas remplie, la liberté conditionnelle du requérant pouvant porter atteinte à la paix sociale.

10.A une date non précisée, le requérant déposa une demande en nullité de cet arrêt. Invoquant l’article 40 du code de procédure pénale, il allégua notamment que l’intervention du juge V. en appel avait entaché la procédure de nullité.

11.Par un arrêt du 25 mars 2010, souscrit par les mêmes juges N. et V., la cour d’appel rejeta la demande. Faisant remarquer que le recours en cause visait une décision qui n’avait pas été prononcée par le juge V., la cour d’appel estima qu’il n’y avait eu aucune violation de l’article 40 du code de procédure pénale ni de la garantie de l’impartialité du tribunal. La cour d’appel s’exprima par ailleurs comme suit:

«S’il n’était pas ainsi, la simple existence d’une décision d’un juge empêcherait celui-ci d’intervenir dans n’importe quel recours subséquent dans le cadre de la même procédure, même dans le cas où ce recours ne porterait pas sur une telle décision.

Il faut garder à l’esprit que dans la procédure concernant l’octroi de la liberté conditionnelle, inversement à ce qui se passe dans la procédure pénale – dans laquelle toute la procédure s’enchaîne en vue de parvenir à un seul jugement –, plusieurs décisions peuvent être prononcées, compte tenu de l’écoulement du temps et du fait que les conditions de fond soient on non réunies. Ainsi, rien n’empêche qu’un juge rejette l’octroi de la liberté conditionnelle car les conditions de fond ne sont pas remplies et qu’il vienne ultérieurement à l’accepter car entre-temps ces mêmes conditions sont remplies.»

12.Le requérant déposa encore un recours constitutionnel devant le Tribunal constitutionnel mais celui-ci, par une décision sommaire du 1er juin 2010, le déclara irrecevable, cette juridiction ne pouvant pas examiner l’inconstitutionnalité d’une décision judiciaire mais uniquement d’une norme.

B.Le droit et la pratique internes pertinents

1.La liberté conditionnelle

13.L’article 61 du code pénal dispose les conditions d’octroi de la liberté conditionnelle (liberdade condicional).

14.En fonction des circonstances, l’octroi de la liberté sous condition peut être automatique ou facultatif. Dans tous les cas, la libération conditionnelle dépend du consentement du condamné (article61 §1 du code pénal).

15.L’octroi est automatique si le détenu a été condamné à une peine de prison de plus de six ans et s’il en a exécuté les 5/6ème (article61 §4).

L’octroi est facultatif lorsqu’il dépend de certaines conditions de fond et de forme. Un détenu peut bénéficier de la liberté conditionnelle s’il a exécuté la moitié de sa peine de prison (il doit cependant avoir exécuté sixmois d’emprisonnement au minimum) et si le juge estime que «vu les circonstances de l’espèce, la vie antérieure du détenu, sa personnalité, son évolution au cours de la détention, il y a des raisons d’espérer qu’il mènera une vie responsable, sans commettre de crimes» (article61 §2 a) et s’il considère que cette libération ne met pas en danger l’ordre public et la paix sociale (article61 §2b). Si la condition de ce dernier alinéa n’est pas remplie, alors que celles établies à l’alinéa a) le sont, la liberté conditionnelle n’est accordée que si les deux tiers de la peine (avec un minimum de six mois de prison purgés) ont été exécutés (article61 §3).

16.L’article 62 dispose que l’octroi de la liberté sous condition peut-être anticipé d’une période pouvant aller jusqu’à un an afin de permettre au condamné – lequel doit remplir les conditions de fond et de forme de l’article 61 – de se préparer à sa libération conditionnelle. Cette mesure d’adaptation à la liberté conditionnelle est soumise à l’assignation à résidence et à des moyens de contrôles techniques à distance (dont l’obligation de porter le bracelet électronique).

17.A l’époque des faits, la procédure d’octroi de la liberté conditionnelle était prévue aux articles 484 à 486 du code de procédure pénale ainsi qu’au décret-loi no 783/76, du 31 octobre 1976, portant sur les compétences des tribunaux d’application des peines. Il incombait au juge d’application des peines de décider sur les demandes en vue de la liberté conditionnelle. L’article 127 du décret-loi no 783/76 disposait que les décisions du juge d’application des peines à cet égard étaient insusceptibles d’appel mais le Tribunal constitutionnel, par son arrêt no 638/06 du 21novembre 2006, publié au Journal officiel le 8 janvier 2007, déclara cette disposition contraire à l’article 20 de la Constitution (droit d’accès à un tribunal).

18.Actuellement, cette matière est prévue au nouveau code d’application des peines (approuvé par la loi no 115/2009), qui est entré en vigueur le 12avril 2010. Le juge d’application des peines est compétent pour accorder la libération conditionnelle, ainsi que pour en effectuer le suivi. La décision du juge d’application des peines est passible d’appel devant la cour d’appel.

2.L’intervention du juge

L’article 40 du code de procédure pénale dispose:

«Aucun juge ne peut intervenir dans un jugement, un recours ou une demande de révision dans le cadre d’une procédure dans laquelle il ait:

(...)

c) participé à un jugement antérieur;

d) prononcé ou participé à la décision sur un recours ou une demande de révision antérieurs;

(...)»

GRIEFS

19.Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la participation du même juge en première instance et en appel.

EN DROIT

20.La Cour rappelle d’abord que le 10 juillet 2012 elle a décidé de communiquer au Gouvernement le grief du requérant tel qu’exposé ci‑dessus.

21.Le 18 juillet 2012, le greffe a adressé à la partie requérante une lettre l’informant que la requête avait été communiquée au Gouvernement.

22.Par un courrier du 23 août 2012, le requérant a informé le greffe qu’il ne souhaitait plus maintenir sa requête devant la Cour car la liberté conditionnelle lui avait été accordée par un jugement du 17 décembre 2010.

23.A la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que le requérant n’entend plus maintenir sa requête au sens de l’article 37 § 1 a) de la Convention. Par ailleurs, conformément à l’article 37 § 1 in fine, elle estime qu’aucune circonstance particulière touchant au respect des droits garantis par la Convention ou ses Protocoles n’exige la poursuite de l’examen de la requête.

Il y a donc lieu de rayer l’affaire du rôle.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité

Décide de rayer la requête du rôle.

Stanley NaismithGuido Raimondi
GreffierPrésident