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Rozhodnutí
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 60212/08
présentée par Tahir YILDIZ et autres
contre la Turquie
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 14 juin 2011 en une Chambre composée de :
Françoise Tulkens, présidente,
Danutė Jočienė,
David Thór Björgvinsson,
Giorgio Malinverni,
András Sajó,
Işıl Karakaş,
Paulo Pinto de Albuquerque, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 4 décembre 2008,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants, MM. Tahir Yıldız et Yonus Gürbüz et Mme Hasibe Yılmaz, sont des ressortissants turcs nés respectivement en 1953, 1953 et 1976. Le deuxième requérant réside à Afyon. Les deux autres requérants résident à Burdur. Ils sont représentés devant la Cour par Me S. Çetintulum, avocat à Izmir.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
1. Arrestation et garde à vue
Suspectés de vol de bétail, Ali Macit, le père (plus tard décédé – voir ci‑après) de la troisième requérante, et seize autres personnes, dont les deux premiers requérants, furent arrêtés et placés en garde à vue par les gendarmes de Bucak, district de Burdur, respectivement le 7 mai 2000 et le 9 mai 2000.
Le 9 mai 2000, le procureur de la République de Bucak ordonna, à la demande de la gendarmerie de Bucak, la prolongation de leur garde à vue jusqu’au 13 mai 2000, date à laquelle le délai de garde à vue fut à nouveau prolongé jusqu’au 15 mai 2000 par une décision du juge compétent.
Le 15 mai 2000, les prévenus furent amenés au dispensaire de Bucak (Bucak Sağlık Ocağı), où ils furent examinés par le médecin M.Ş. Celui-ci établit des rapports concluant à l’absence de traces de violences sur les corps des trois requérants.
Le même jour, les intéressés furent entendus par le procureur de la République. Tahir Yıldız, assisté par un avocat, soutint que, lors de sa garde à vue, il avait été insulté, frappé, privé de nourriture et d’eau et soumis à des électrochocs. Il aurait également été privé de son droit de s’entretenir avec son avocat. L’avocat du requérant affirma également avoir été empêché par les gendarmes de voir son client. Durant toute la garde à vue de son client, il ne lui aurait été permis de s’entretenir avec lui qu’une seule fois.
Yonus Gürbüz déclara qu’il n’avait subi aucune torture lors de sa garde à vue.
Ali Macit affirma avoir subi des pressions de la part des gendarmes.
Après avoir entendu les intéressés, le procureur de la République les renvoya au dispensaire de Bucak pour un réexamen, qui fut effectué par le médecin A.A.
Le 18 mai 2000, il entendit à nouveau Yonus Gürbüz. Celui-ci allégua avoir subi des électrochocs sur les parties génitales lors de sa garde à vue ; Quant à sa déclaration du 15 mai 2000, il affirma qu’il était toujours à ce moment-là sous l’emprise des tortures qu’il aurait subies et qu’il avait donc eu peur de parler.
2. Rapports médicaux
a) Quant à Tahir Yıldız
Le rapport médical du 16 mai 2000, établi par l’hôpital public de Bucak, indiquait que Tahir Yıldız avait une ecchymose de 2 x 10 cm sur la face arrière de la cuisse droite, une abrasion (cilt erezyonu) de 0,5 cm de diamètre sur le genou droit, deux zones ecchymotiques, l’une de 1 x 1 cm et l’autre 2 x 5 cm, sur la face arrière de la jambe droite et une ecchymose de 3 x 5 cm sur la cuisse gauche. Le rapport concluait à une incapacité de travail de deux jours et attestait que les blessures de l’intéressé pouvaient guérir en l’espace d’une semaine.
Le rapport médical du 18 janvier 2002, établi par l’institut médicolégal d’Antalya, concluait, après un examen du rapport médical du 16 mai 2000, que Tahir Yıldız aurait dû bénéficier d’une incapacité de travail de trois jours.
Le 23 septembre 2002, l’Ordre des médecins d’İzmir, saisi par Tahir Yıldız, fit examiner celui-ci par deux spécialistes en traumatologie et orthopédie, un psychiatre et un spécialiste des maladies pulmonaires (göğüs hastalıkları uzmanı). Après examen, les médecins établirent un rapport qui se résume en ces termes :
« Après une appréciation effectuée en tenant compte à la fois de l’anamnèse fournie par Tahir Yıldız quant aux traitements qu’il aurait subis lors de sa garde à vue, des plaintes psychiques et physiques qui en ont découlé, des résultats et pronostics de l’examen préliminaire, des examens orthopédique, urologique, chirurgical et psychiatrique qui sont venus corroborer cette anamnèse, nous sommes parvenus à la conclusion médicale définitive que (...) pendant la période passée en garde à vue, le sujet a subi des tortures. »
b) Quant à Yonus Gürbüz
Le rapport médical du 22 mai 2000, établi par l’hôpital public de Bucak, indiquait la présence sur le corps de Yonus Gürbüz de traces de coups et blessures et concluait à une incapacité de travail de trois jours.
c) Quant à Ali Macit
Le rapport médical du 4 janvier 2002, établi par l’institut médicolégal d’Antalya, concluait que, au vu du temps écoulé depuis la garde à vue d’Ali Macit, il n’était plus possible d’attester la présence de traces de torture sur son corps et il conseillait l’envoi du dossier médical de l’intéressé à la chambre spécialisée de l’institut médicolégal d’Istanbul.
Les rapports médicaux des 9 et 16 mai 2000 établis par l’hôpital public de Bucak et les rapports médicaux des 12 et 15 mai 2000 établis par le dispensaire de Bucak ne faisaient état d’aucune trace de coups et blessures sur le corps d’Ali Macit.
Les rapports médicaux du 12 juillet et du 6 septembre 2002, établis par les chambres spécialisées nos 2 et 3 de l’institut médicolégal d’Istanbul, ne faisaient état d’aucune trace de coups et blessures sur le corps d’Ali Macit pouvant être imputée à des mauvais traitements qu’il aurait subis lors de sa garde à vue.
Le 19 septembre 2002, l’Ordre des médecins d’İzmir, saisi par Ali Macit, fit examiner celui-ci par un spécialiste en traumatologie et orthopédie, un psychiatre et un psychologue. Après examen, les médecins établirent un rapport qui concluait qu’Ali Macit souffrait d’une dépression mélancolique majeure et de troubles de stress post-traumatique, et que ces problèmes psychiatriques trouvaient leur origine dans la torture qu’il avait subie lors de sa garde à vue en mai 2000.
3. Procédure pénale engagée contre les gendarmes
Le 24 avril 2001, une action pénale fut intentée devant la cour d’assises de Burdur (« la cour d’assises ») contre certains gendarmes. Il leur était reproché d’avoir infligé des mauvais traitements aux personnes – dont les intéressés – mises en garde à vue entre le 8 et le 15 mai 2000 pour vol de bétail, d’avoir empêché les avocats de ces mêmes personnes de s’entretenir avec elles et d’avoir indiqué, dans les registres de garde à vue, le 9 mai 2000 au lieu du 7 mai 2000 comme date de placement en garde à vue d’Ali Macit.
A des dates non précisées, la cour d’assises entendit les deux premiers requérants et Ali Macit.
Le requérant Tahir Yıldız affirma avoir été conduit à la gendarmerie de Bucak où il aurait été menacé, insulté, privé de nourriture et violé avec une matraque. Les gendarmes lui auraient couvert la tête avec un sac jusqu’à ce qu’il s’évanouît et lui auraient tordu les testicules.
Le requérant Yonus Gürbüz affirma avoir été conduit à la gendarmerie de Bucak où il aurait été insulté et frappé jusqu’à l’évanouissement. Les gendarmes lui auraient également fait subir des électrochocs.
Ali Macit déclara également avoir été battu par les gendarmes lors de sa garde à vue. Les gendarmes lui auraient en outre arraché les ongles des deux pouces pour lui extorquer des aveux.
La cour d’assises entendit sept autres personnes qui affirmèrent avoir été placées en garde à vue pour vol de bétail en mai 2000 à la gendarmerie de Bucak, où elles auraient subi elles aussi des mauvais traitements et torture.
La cour d’assises entendit également plusieurs personnes qui avaient fait leur service militaire à la gendarmerie de Bucak à l’époque des faits.
Celles-ci déclarèrent n’avoir pas été témoins oculaires de mauvais traitements sur les personnes placées en garde à vue. Certaines précisèrent qu’elles avaient entendu dire que des personnes gardées à vue avaient subi des mauvais traitements ou des formes de torture à la gendarmerie de Bucak. Un témoin affirma avoir vu un des accusés gifler une des personnes en garde à vue. Un autre déclara avoir été seulement le témoin oculaire de la privation de nourriture imposée à des personnes en garde à vue. Un autre encore déclara avoir entendu les accusés insulter les personnes gardées à vue pour les faire avouer.
La cour d’assises entendit ensuite H.E. et A.C., procureurs de la République de Bucak. Au sujet des allégations de mauvais traitements, le procureur H.E. précisa que le 15 mai 2000, avec le procureur A.C., ils avaient commencé à recueillir les dépositions des personnes placées en garde à vue ; que lors de ces entretiens, ils avaient constaté la présence de traces de coups et blessures sur les corps des intéressés ; que ces derniers leur avaient également affirmé avoir subi des mauvais traitements et torture de la part des gendarmes, et n’avoir pas été suffisamment examinés par le médecin ; qu’il avait par conséquent ordonné le réexamen des intéressés aux fins de l’établissement de nouveaux rapports médicaux.
Le procureur A.C. précisa avoir également vu les traces de coups et blessures sur les corps des prévenus.
A une date non précisée, la cour d’assises accorda à Tahir Yıldız, Yonus Gürbüz et Ali Macit la qualité de parties intervenantes.
Le 29 juin 2004, la cour d’assises rendit son jugement. S’appuyant sur les déclarations des témoins ainsi que sur les rapports médicaux, elle estima établi que, lors de leur garde à vue, les intéressés avaient été insultés, frappés, privés de nourriture et d’eau et qu’ils avaient été soumis à des jets d’eau, et qu’ils s’étaient ainsi vu infliger des mauvais traitements d’un degré de gravité tel qu’ils pouvaient être qualifiés de torture. Quant aux délits de séquestration (hürriyeti tahdit) d’Ali Macit et d’abus de fonctions (görevi kötüye kullanma), elle estima que seul H.M., le commandant de la gendarmerie de Bucak, était responsable de la commission de ces délits dans la mesure où c’était lui qui avait tenu les registres de garde à vue et que c’était sur son ordre que les avocats avaient été empêchés de s’entretenir avec leurs clients. La cour d’assises décida ainsi :
– de condamner S.Ş.A. et M.T. (les gendarmes des gendarmeries de Bucak et Burdur) pour mauvais traitements à des peines d’emprisonnement de deux ans et à l’exclusion de la fonction publique pour une durée d’un an, en vertu de l’article 243 de l’ancien code pénal,
– de condamner H.M., au total, en vertu des articles 243, 181 § 2 et 240 de l’ancien code pénal, à une peine de deux ans d’emprisonnement ferme (ağır hapis), à une peine de quatre ans d’emprisonnement (hapis), à une amende, à l’exclusion de la fonction publique (kamu hizmetlerinden yasaklama) pendant un an et à l’interdiction d’être fonctionnaire (memuriyetten yasaklama) pendant trois mois, pour cause de mauvais traitements et séquestration d’Ali Macit et abus de fonctions du fait de la violation du droit des personnes placées en garde à vue de s’entretenir avec leurs avocats,
– d’acquitter le restant des accusés,
– de réserver le droit d’Ali Macit et de Tahir Yıldız à réclamer une réparation.
Par un arrêt du 29 mai 2006, la Cour de cassation infirma ce jugement en ce qui concernait les condamnations et renvoya le dossier à la cour d’assises pour réexamen, conformément au nouveau code de procédure pénale et au nouveau code pénal, entrés en vigueur le 1er juin 2005. Elle confirma le restant des dispositions du jugement.
Le 5 décembre 2006, Ali Macit décéda.
Le 29 décembre 2006, la cour d’assises, se conformant à l’arrêt de cassation, réexamina le dossier à la lumière du nouveau code de procédure pénale et du nouveau code pénal. Elle réitéra son jugement précédent.
Le 14 avril 2008, la Cour de cassation éteignit l’action publique pour prescription quant aux accusations de séquestration et d’abus de fonctions. Elle infirma le restant des dispositions du jugement attaqué et renvoya le dossier à la cour d’assises pour réexamen à la lumière de l’article 231 du nouveau code de procédure pénale concernant le sursis au prononcé d’un jugement (hükmün açıklanmasının geri bırakılması).
Le 11 juin 2008, cet arrêt de cassation fut notifié aux requérants.
Par un jugement du 23 septembre 2008, la cour d’assises, sur le fondement de l’article 243 de l’ancien code pénal, condamna pour mauvais traitements Ş.A., M.T. et H.M. à des peines d’emprisonnement de deux ans et à l’exclusion de la fonction publique pour une durée d’un an. Elle estima que les conditions des dispositions du nouveau code de procédure pénale n’étaient pas réunies en l’espèce.
La procédure pénale demeure pendante à ce jour devant la Cour de cassation.
4. Procédure pénale engagée contre le médecin M.Ş.
Par un arrêt du 23 février 2001, le tribunal correctionnel de Bucak condamna pour manquement au devoir judiciaire le médecin M.Ş., qui avait examiné pour la première fois les deux premiers requérants et Ali Macit à l’issue de leur garde à vue. Il le condamna à une peine d’emprisonnement de cinq mois, commuée en amende avec sursis.
5. Procédure pénale portant sur le vol de bétail
A une date non précisée, le procureur de la République engagea une action pénale contre Tahir Yıldız, Yonus Gürbüz et Ali Macit pour vol de bétail.
A une date non précisée, la partie de l’action publique concernant Ali Macit fut rayée du rôle en raison du décès de celui-ci.
Le 21 mai 2007, le tribunal correctionnel de Bucak condamna les deux premiers requérants pour vol de bétail.
Par un arrêt du 27 mars 2008, la Cour de cassation infirma le jugement attaqué et éteignit l’action publique pour prescription. L’arrêt de cassation fut mis au net au greffe de la première instance le 9 juin 2008.
B. Le droit interne pertinent
L’article 243 de l’ancien code pénal punissait de huit ans de réclusion au maximum et de l’interdiction à perpétuité ou à temps d’exercer des fonctions publiques les fonctionnaires et les autres agents publics qui, pour faire avouer des délits, avaient soumis les individus à la torture ou à tout autre traitement cruel ou inhumain ou violant la dignité humaine.
GRIEFS
1. Invoquant l’article 3, combiné avec l’article 13 de la Convention, les deux premiers requérants allèguent avoir subi des tortures lors de leur garde à vue et dénoncent l’absence d’une enquête effective sur leurs allégations de torture. Sous l’angle de l’article 6 § 3 c) de la Convention, ils affirment ne pas avoir pu bénéficier de l’assistance de leurs avocats lors de leur garde à vue ; ils se plaignent également de l’utilisation de leurs déclarations – selon eux recueillies par les gendarmes en l’absence de leurs avocats et sous la torture – pour les poursuivre devant les juridictions pénales.
Invoquant l’article 6 § 1, ils se plaignent enfin de la durée excessive de la procédure engagée contre les gendarmes.
2. Invoquant l’article 3, combiné avec l’article 13 de la Convention, la requérante Hasibe Yılmaz dénonce la torture que son père aurait subie lors de sa garde à vue et l’absence d’une enquête effective qui eût permis de faire condamner les responsables de ces agissements.
Invoquant l’article 5 § 1, elle se plaint également de la durée excessive de la garde à vue de son père. Elle allègue en outre que celle-ci a excédé la durée prévue en droit interne.
Invoquant l’article 6 § 3 c), elle allègue par ailleurs que son père n’a pas bénéficié de l’assistance d’un avocat lors de sa garde à vue et que la déclaration de son père, recueillie selon elle sous la torture, a été utilisée pour le poursuivre pénalement.
Invoquant l’article 6 § 1, elle se plaint enfin de la durée excessive de la procédure engagée contre les gendarmes.
EN DROIT
A. En ce qui concerne les requérants Tahir Yıldız et Yonus Gürbüz
1. Les requérants Tahir Yıldız et Yonus Gürbüz se plaignent des tortures qu’ils auraient subies lors de leur garde à vue, de l’absence d’une enquête effective sur leurs allégations de torture et de la durée excessive de la procédure engagée contre les gendarmes. Sur ces points, ils invoquent les articles 3, 6 § 1 et 13 de la Convention.
En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs. Elle juge donc nécessaire d’ajourner cette partie de la requête et de la communiquer au gouvernement défendeur, conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.
2. Invoquant l’article 6 § 3 c) de la Convention, les requérants soutiennent également avoir été privés de l’assistance de leurs avocats lors de leur garde à vue ; ils se plaignent en outre de l’utilisation de leurs déclarations – selon eux recueillies par les gendarmes en l’absence de leurs avocats et sous la torture – pour les poursuivre devant les juridictions pénales.
La Cour observe que la Cour de cassation a décidé d’éteindre l’action publique et qu’aucune condamnation pénale définitive n’a été prononcée à l’encontre des requérants. Ils ne sauraient donc prétendre avoir intérêt, au sens de l’article 34 de la Convention, à poursuivre l’examen de cette partie de la requête (voir, par exemple, Kaplan c. Turquie (déc.), no 56566/00, 28 septembre 2004, et Gökçe et autres c. Turquie (déc.), nos 13357/07, 9961/08, 11522/08 et 52890/08, 27 avril 2010).
Il s’ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et qu’ils doivent être déclarés irrecevables, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
B. En ce qui concerne la requérante Hasibe Yılmaz
Invoquant l’article 3, combiné avec l’article 13 de la Convention, la requérante Hasibe Yılmaz dénonce la torture que son père aurait subie lors de sa garde à vue et l’absence d’une enquête effective qui eût permis de faire condamner les responsables de ces agissements.
Invoquant l’article 5 § 1, elle se plaint également de la durée excessive de la garde à vue de son père. Elle allègue en outre que celle-ci a excédé le durée légale prévue par le droit interne.
Invoquant l’article 6 § 3 c), elle allègue par ailleurs que son père n’a pas pu bénéficier de l’assistance d’un avocat lors de sa garde à vue et que la déclaration de son père, recueillie selon elle sous la torture, a été utilisée pour le poursuivre pénalement.
Invoquant l’article 6 § 1, elle se plaint enfin de la durée excessive de la procédure engagée contre les gendarmes.
La Cour doit d’emblée rechercher si la requérante a la qualité de « victime » au sens de l’article 34 de la Convention pour les griefs présentés ci-dessus.
A cet égard, elle observe que le père de la requérante, l’une des prétendues victimes des traitements contraires à l’article 3, est décédé avant l’introduction de l’affaire devant la Cour. La requérante, qui a saisi la Cour en son propre nom, semble ne pas avoir été directement affectée par les violations alléguées de la Convention, condition qui est indispensable à la mise en œuvre du mécanisme de protection de la Convention (Thevenon c. France (déc.), no 2476/02, CEDH 2006‑III). Selon la jurisprudence établie de la Cour, les proches de la personne décédée ne peuvent être considérés comme victimes de la violation alléguée de la durée de la procédure et de l’absence d’un recours effectif en droit interne (Panchenko c. Ukraine (déc.), no 31085/05, 20 janvier 2010, et Biç et autres c. Turquie, no 55955/00, §§ 22-23, 2 février 2006). La Cour rappelle en outre qu’elle examine uniquement les affaires où il s’agit des droits pécuniaires transférables aux proches après le décès de la personne concernée (Ahmet Sadık c. Grèce, 15 novembre 1996, § 26, Recueil des arrêts et décisions 1996‑V). Or elle constate que cela n’est pas le cas pour la requérante. Elle rappelle enfin que les droits garantis par les articles 3 et 5 de la Convention sont éminemment personnels et non transférables (Sanles Sanles c. Espagne (déc.), no 48335/99, CEDH 2000‑XI, et Vääri c. Estonie (déc.), no 8702/04, 8 juillet 2008).
Dans ces conditions, la requérante ne peut se prétendre « victime » des violations alléguées et la partie de la requête qui la concerne doit être déclarée irrecevable, en application des articles 34 et 35 § 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Ajourne l’examen des griefs des requérants Tahir Yıldız et Yonus Gürbüz tirés des articles 3, 6 § 1 et 13 de la Convention ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Stanley Naismith Françoise Tulkens
Greffier Présidente