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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
19.10.2010
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE ŞEYHMUS UĞUR ET AUTRES c. TURQUIE

(Requêtes nos 1968/07, 3608/07, 14474/07, 35240/07, 35252/07, 36503/07, 36505/07, 36509/07, 36541/07, 36544/07, 36556/07, 36563/07, 36571/07, 36573/07, 36582/07, 36586/07, 36593/07, 15637/08, 34229/08, 36489/08, 36492/08, 36493/08, 37232/08 et 37233/08)

ARRÊT

STRASBOURG

19 octobre 2010

DÉFINITIF

11/04/2011

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 c) de la Convention.

Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Şeyhmus Uğur et autres c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Françoise Tulkens, présidente,
Ireneu Cabral Barreto,
Danutė Jočienė,
Dragoljub Popović,
András Sajó,
Işıl Karakaş,
Guido Raimondi, juges,
et de Françoise Elens-Passos, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 septembre 2010,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouvent vingt-quatre requêtes (nos 1968/07, 3608/07, 14474/07, 35240/07, 35252/07, 36503/07, 36505/07, 36509/07, 36541/07, 36544/07, 36556/07, 36563/07, 36571/07, 36573/07, 36582/07, 36586/07, 36593/07, 15637/08, 34229/08, 36489/08, 36492/08, 36493/08, 37232/08 et 37233/08) dirigées contre la République de Turquie et dont vingt-cinq ressortissants de cet État, MM. Şeyhmus Uğur, Mehmet Selçuk, Coşkun Yarar, Mehmet Halil Taş, Halil Askan, İdris Şayık, Mehmet Çiğdem, Şevket Aktaş, Süleyman Çiftsüren, Zekeriye Ezer, Bayram Kinay, Tamer Gezer, Hüsamedin Çiçek, Latif Bal, İbrahim Halil Kaya, Mecit Damar, Mehmet Nuri Alpşen, Ramazan Kalkan, Misbah Sayan, Ali Kaya, İdris Şimşek, Seyithan Kaya, Mustafa Akbaş, Mehmet Kaya et Reşat Ekitici, (« les requérants »), ont saisi la Cour à des dates précisées en annexe en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants sont représentés par Me M. Özbekli, avocat à Diyarbakır. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3. Le 20 avril 2009, la présidente de la deuxième section a décidé de communiquer les requêtes au Gouvernement. Comme le permettait l'article 29 § 3 de la Convention à l'époque, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

4. Les requérants sont nés respectivement en 1975, 1973, 1974, 1975, 1976, 1977, 1973, 1970, 1976, 1974, 1977, 1972, 1969, 1977, 1979, 1974, 1976, 1978, 1971, 1970, 1973, 1965, 1972, 1975 et 1974, et résident à Diyarbakır ou sont actuellement détenus dans la prison de cette ville.

5. Ils furent arrêtés et placés en garde à vue dans le cadre d'opérations menées contre le Hizbullah, une organisation illégale armée, le 24 décembre 1993 (Mehmet Nuri Alpşen), les 11 janvier 1994 (Şevket Aktaş), 3 juin 1994 (Hüsamedin Çiçek), 4 juin 1994 (Mehmet Halil Taş), 8 septembre 1994 (Reşat Ekitici), 10 septembre 1994 (Halil Askan), 11 septembre 1994 (Mehmet Kaya et Mehmet Selçuk), 15 septembre 1994 (Bayram Kinay), le 8 mars 1995 (Şeyhmus Uğur), le 4 novembre 1997 (Süleyman Çiftsüren et İbrahim Halil Kaya), les 21 janvier 1998 (Mustafa Akbaş), 31 octobre 1998 (Coşkun Yarar), les 6 mars 1999 (Ramazan Kalkan), 8 décembre 1999 (Tamer Gezer et Mecit Damar), 30 décembre 1999 (Mehmet Çiğdem), le 20 mai 2000 (Zekeriye Ezer), les 12 avril 2001 (Seyithan Kaya), 16 avril 2001 (Ali Kaya), 29 août 2001 (Misbah Sayan) et le 19 novembre 2002 (İdris Şimşek). Ils furent ensuite placés en détention provisoire, par un juge habilité, quelques jours après leur arrestation.

6. MM. İdris Şayık et Latif Bal furent également arrêtés et mis en garde à vue à des dates non précisées, puis furent placés en détention provisoire respectivement le 12 juin 1995 et le 12 janvier 1996.

7. Par des actes d'accusation établis à différentes dates, le parquet les accusa notamment d'appartenance à une organisation illégale armée et/ou de tentative de renversement par la force de l'ordre constitutionnel turc.

8. Entre-temps, la juridiction compétente ordonna la remise en liberté de MM. Mehmet Nuri Alpşen (23 octobre 2003), Mehmet Kaya et Reşat Ekitici (6 mai 2004), Halil Askan et Bayram Kinay (23 juin 2004), İbrahim Halil Kaya (28 juin 2007) ainsi que M. Ali Kaya (24 janvier 2008).

9. Le 18 mai 2004, la cour d'assises de Diyarbakır ordonna également la remise en liberté de MM. İdris Şayık et Latif Bal. Bien qu'une action publique ait été engagée à leur encontre, aucune décision de justice n'aurait été rendue à ce jour et les procès lancés à leur égard se trouveraient toujours pendants devant la juridiction de première instance au jour de l'adoption du présent arrêt.

10. Le 9 décembre 1999, MM. Hüsamedin Çiçek et Mehmet Halil Taş furent condamnés par les juges du fond. Toutefois, le 26 juin 2000, la Cour de cassation infirma ladite condamnation. Le 22 juin 2007, saisie sur renvoi, la cour d'assises de Diyarbakır les condamna à la réclusion criminelle à perpétuité. Le 10 avril 2008, la Cour de cassation confirma ladite condamnation.

11. Le 29 mars 2005, M. Ali Kaya fut condamné en première instance mais, le 14 juillet 2005, la Cour de cassation infirma l'arrêt rendu. Le 24 janvier 2008, les juges du fond, saisis sur renvoi, le condamnèrent à une peine privative de liberté. Toutefois, l'arrêt en question fit l'objet d'un pourvoi et, d'après les pièces du dossier, l'affaire demeurerait toujours pendante devant la Cour de cassation au jour de l'adoption du présent arrêt.

12. Le 31 mars 2005, M. Şeyhmus Uğur fut condamné en première instance mais, le 11 décembre 2006, la Cour de cassation infirma ladite condamnation. Le 9 novembre 2007, la cour d'assises de Diyarbakır, saisie sur renvoi, le condamna à la réclusion criminelle à perpétuité. Le 19 janvier 2009, la Cour de cassation confirma l'arrêt rendu.

13. Le 30 septembre 2005, la juridiction de première instance reconnut coupable M. İbrahim Halil Kaya. Cependant, le 21 mars 2007, la Cour de cassation infirma l'arrêt rendu. Le 23 novembre 2007, les juges du fond, saisis sur renvoi, le condamnèrent à nouveau à une peine privative de liberté. Selon les éléments du dossier, le procès engagé contre lui serait toujours pendant devant la Cour de cassation à la date de l'adoption du présent arrêt.

14. Le 30 septembre 2005, la juridiction de première instance condamna M. Süleyman Çiftsüren à la réclusion criminelle. Le 21 mars 2007, cette condamnation fut confirmée par la Cour de cassation.

15. Le 13 décembre 2005, la cour d'assises de Diyarbakır condamna M. Coşkun Yarar à une peine privative de liberté et ladite condamnation fut confirmée le 5 octobre 2006 par la Cour de cassation. L'arrêt de cette haute juridiction fut déposé au greffe de la juridiction de première instance le 27 novembre 2006.

16. Par un arrêt du 26 février 2007, MM. Mehmet Selçuk, Halil Askan, Zekeriye Ezer, Bayram Kinay, Tamer Gezer et Mecit Damar furent également condamnés par la cour susvisée à des peines privatives de liberté allant aussi jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité. Par le même arrêt, les juges du fond conclurent à l'extinction de l'action publique engagée contre MM. Mehmet Kaya et Reşat Ekitici en raison de la prescription des faits reprochés. Le 16 avril 2009, la Cour de cassation confirma l'arrêt rendu.

17. Le 16 mars 2007, M. Ramazan Kalkan fut condamné en première instance. Le 9 octobre 2007, l'arrêt de première instance fut confirmé.

18. Le 31 mai 2007, M. Şevket Aktaş fut condamné en première instance et, le 11 novembre 2008, ladite condamnation fut confirmée.

19. Le 22 juin 2007, MM. Mehmet Çiğdem et İdris Şimşek furent condamnés en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité. Le 10 avril 2008, la Cour de cassation confirma cette condamnation.

20. Les juges du fond condamnèrent également MM. Mehmet Nuri Alpşen (31 mai 2007), Seyithan Kaya et Mustafa Akbaş (7 décembre 2007) ainsi que M. Misbah Sayan (3 juillet 2008) à différentes peines privatives de liberté allant jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité. Toutefois, les arrêts concernés firent l'objet d'un pourvoi, sur lequel et d'après les pièces des dossiers, la Cour de cassation n'aurait toujours pas statué. Les procès lancés contre ces requérants seraient donc toujours pendants devant cette haute juridiction au jour de l'adoption du présent arrêt.

21. Depuis leur arrestation, les autorités judiciaires ont constamment rejeté les demandes réitérées de mise en liberté des requérants et ont ordonné périodiquement leur maintien en détention provisoire, en se fondant sur des formules presque toujours identiques, telles que « la nature des crimes reprochés », « l'état des preuves », « le contenu du dossier », « la gravité de la peine encourue » et/ou « le fait que le crime reproché était l'une des infractions énumérées à l'article 100 § 3 du code de procédure pénale (« CPP ») [régissant les motifs et les conditions de la détention provisoire] ». Ils sont donc tous restés en détention provisoire jusqu'à leur libération par une autorité judiciaire ou jusqu'à la date de l'arrêt de première instance.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

22. Pour le droit interne pertinent, voir les arrêts Tunce et autres c. Turquie (nos 2422/06, 3712/08, 3714/08, 3715/08, 3717/08, 3718/08, 3719/08, 3724/08, 3725/08, 3728/08, 3730/08, 3731/08, 3733/08, 3734/08, 3735/08, 3737/08, 3739/08, 3740/08, 3745/08 et 3746/08, §§ 8 et 9, 13 octobre 2009) et Şayık et autres c. Turquie (nos 1966/07, 9965/07, 35245/07, 35250/07, 36561/07, 36591/07 et 40928/07, §§ 13-15, 8 décembre 2009).

EN DROIT

I. JONCTION DES AFFAIRES

23. Compte tenu de la similitude des requêtes quant aux faits et à la question de fond qu'elles posent, la Cour décide de joindre les requêtes et de les examiner conjointement dans un seul arrêt.

II. SUR LA RECEVABILITÉ

24. Les requérants contestent d'abord la durée excessive de leur détention provisoire et soutiennent qu'ils ne disposaient pas de voie de recours effective pour contester la légalité de leur détention. Eu égard à la formulation de ces griefs, la Cour estime qu'il y a lieu de les examiner sous l'angle de l'article 5 §§ 3 et 4 de la Convention.

Ils se plaignent également de ce que leur cause n'a pas été entendue dans un délai raisonnable et de l'absence de voie de recours interne en vue de contester la durée des procédures pénales engagées à leur encontre. Ils invoquent à ce titre les articles 6 et 13 de la Convention.

25. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes, relevant tout d'abord que les requérants ont omis d'intenter un recours en indemnisation devant les juridictions internes conformément à la loi no 466 sur l'octroi d'indemnités aux personnes illégalement arrêtées ou injustement détenues, dont les dispositions pertinentes ont été reprises par l'article 141 du nouveau CPP, entré en vigueur le 1er juin 2005. En ce qui concerne le grief tiré de la durée de la procédure, le Gouvernement soutient également que les requérants auraient dû en outre déposer un recours de plein contentieux à l'encontre du ministère de la Justice pour défaut de célérité des procédures en question puisque les tribunaux ont l'obligation de traiter les affaires dans les meilleurs délais. Il souligne enfin que les articles 141 et 142 du nouveau CPP permettent à la personne jugée en détention provisoire et dénonçant la durée de sa détention et/ou celle de son procès de réclamer une indemnité pour les préjudices causés. Selon le Gouvernement, faute d'avoir fait usage de ce recours, les intéressés ne peuvent pas être considérés comme ayant épuisé les voies de recours internes.

26. Les requérants contestent ces prétentions et affirment notamment qu'afin de pouvoir réclamer une indemnisation pour des préjudices subis en raison de la durée de leur détention et/ou de celle de leur procès, il fallait d'abord avoir fait l'objet soit d'un non-lieu après avoir été arrêté ou mis en détention, soit d'un acquittement au terme du procès concerné.

27. En ce qui concerne les griefs tirés de l'article 5 §§ 3 et 4 de la Convention, la Cour rappelle que, d'après sa jurisprudence constante, en cas d'absence de voie de recours interne adéquate, le délai de six mois commence à courir à partir de l'acte incriminé dans la requête (voir, parmi d'autres, Sakık et autres c. Turquie, 26 novembre 1997, § 53, Recueil des arrêts et décisions 1997VII). En l'espèce, la Cour observe que la détention provisoire a pris fin le 23 octobre 2003 pour M. Mehmet Nuri Alpşen, le 6 mai 2004 pour MM. Mehmet Kaya et Reşat Ekitici, le 18 mai 2004 pour MM. İdris Şayık et Latif Bal, et le 23 juin 2004 pour MM. Halil Askan et Bayram Kinay par l'effet des ordonnances de remise en liberté (paragraphe 8, ci-dessus). Elle constate par ailleurs que la détention de M. Süleyman Çiftsüren s'est terminée le 30 septembre 2005, celle de M. Coşkun Yarar le 13 décembre 2005, de M. Ramazan Kalkan le 16 mars 2007, de M. İdris Şimşek le 22 juin 2007, de MM. Seyithan Kaya et Mustafa Akbaş le 7 décembre 2007, dates auxquelles la juridiction de première instance les condamna à une peine privative de liberté (paragraphes 14, 15, 17, 19 et 20, ci-dessus).

28. La Cour relève que ces requérants ont introduit leur requête, y compris leurs griefs tirés de leur détention provisoire, le 3 avril 2007 (Coşkun Yarar), le 10 août 2007 (Mehmet Nuri Alpşen, İdris Şayık, Latif Bal, Halil Askan, Bayram Kinay et Süleyman Çiftsüren), le 28 mars 2008 (Ramazan Kalkan), le 21 juillet 2008 (İdris Şimşek, Seyithan Kaya et Mustafa Akbaş), le 28 juillet 2008 (Mehmet Kaya et Reşat Ekitici) (voir « Annexe » ci-dessous). Dès lors, une durée minimum de sept mois et quatorze jours à environ quatre ans et trois mois maximum s'est écoulée entre la fin de la détention de ces requérants et l'introduction des griefs concernés devant la Cour. Partant, il convient de relever que les griefs de ces requérants tirés de l'article 5 §§ 3 et 4 de la Convention ont été présentés en dehors du délai de six mois et doivent donc être rejetés en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

29. Quant aux exceptions du Gouvernement, la Cour rappelle qu'elle a déjà eu l'occasion de les examiner dans des affaires similaires et les a toutes rejetées (voir, notamment, Barış c. Turquie, no 26170/03, § 17, 31 mars 2009 pour ce qui concerne l'omission d'intenter un recours en indemnisation en vertu de la loi no 466 ; Tendik et autres c. Turquie, no 23188/02, §§ 34-39, 22 décembre 2005, et Tunce et autres, précité, §§ 35-37 s'agissant des exceptions relatives au recours de plein contentieux et au recours prévu par les articles 141 et 142 du nouveau code de procédure pénale). Le Gouvernement n'ayant présenté aucune explication ou pratique interne pertinente permettant de mener à une conclusion différente en l'espèce, la Cour rejette les exceptions en question.

30. La Cour constate que les griefs tirés de l'article 5 §§ 3 et 4 des requérants MM. Şevket Aktaş, Hüsamedin Çiçek, Mehmet Halil Taş, Mehmet Selçuk, Şeyhmus Uğur, İbrahim Halil Kaya, Tamer Gezer, Mecit Damar, Mehmet Çiğdem, Zekeriye Ezer, Ali Kaya et Misbah Sayan et ceux tirés des articles 6 § 1 et 13 de tous les requérants ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu'ils ne se heurtent à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 5 §§ 3 ET 4 DE LA CONVENTION

31. Pour ce qui concerne le grief tiré de l'article 5 § 3 de la Convention, le Gouvernement soutient que la durée de la détention provisoire subie par MM. Şevket Aktaş, Hüsamedin Çiçek, Mehmet Halil Taş, Mehmet Selçuk, Şeyhmus Uğur, İbrahim Halil Kaya, Tamer Gezer, Mecit Damar, Mehmet Çiğdem, Zekeriye Ezer, Ali Kaya et Misbah Sayan n'est pas excessive par rapport notamment à la nature des infractions dont ces derniers étaient soupçonnés, à la gravité des peines encourues et au risque de la commission d'éventuelles infractions sérieuses. Il fait valoir, en outre, que le risque de fuite, le danger d'entrave à la justice et la nécessité de préserver l'ordre public constituaient des éléments suffisants pour justifier le maintien de ces requérants en détention provisoire.

32. Eu égard à sa jurisprudence constante quant à la détermination de la période de détention provisoire à prendre en considération (voir, notamment, Solmaz c. Turquie, no 27561/02, §§ 23-37, CEDH 2007...(extraits), et Baltacı c. Turquie, no 495/02, §§ 44-46, 18 juillet 2006), la Cour constate que la durée des détentions provisoires est d'environ six ans et six mois pour M. Ali Kaya, de plus de six ans et neuf mois pour M. Zekeriye Ezer, de plus de six ans et dix mois pour M. Misbah Sayan, d'environ sept ans et trois mois pour MM. Tamer Gezer et Mecit Damar, d'environ sept ans et six mois pour M. Mehmet Çiğdem, de plus de huit ans et deux mois pour M. İbrahim Halil Kaya, d'environ onze ans pour M. Şeyhmus Uğur, d'environ douze ans et six mois pour M. Mehmet Selçuk, de plus de douze ans et six mois pour MM. Hüsamedin Çiçek et Mehmet Halil Taş, et d'environ treize ans et cinq mois pour M. Şevket Aktaş. Elle rappelle qu'elle a déjà examiné des cas similaires et a conclu à maintes reprises à la violation de l'article 5 § 3 de la Convention (voir, parmi beaucoup d'autres, Dereci c. Turquie, no 77845/01, §§ 34-41, 24 mai 2005, Taciroğlu c. Turquie, no 25324/02, §§ 18-24, 2 février 2006, et Tunce et autres, précité, § 18). Le Gouvernement n'ayant fourni aucun fait ni argument qui permettrait de se départir en l'espèce de ces conclusions, la Cour conclut à la violation de l'article 5 § 3 de la Convention.

33. Quant au grief tiré de l'article 5 § 4 de la Convention, le Gouvernement réaffirme l'effectivité des voies de recours internes. A cet égard, la Cour rappelle que, par le passé, dans plusieurs affaires similaires, la circonstance que les juridictions répressives décidaient du maintien en détention d'un requérant à partir de raisonnements stéréotypés – comme en l'espèce (paragraphe 21 ci-dessus) – a été l'un des éléments clés non seulement pour conclure à la violation de l'article 5 § 3, mais également pour mettre en doute les perspectives de succès d'une voie d'opposition s'agissant de combattre de tels raisonnements (Koşti et autres c. Turquie, no 74321/01, 3 mai 2007). En outre, à maintes reprises, elle a jugé que la procédure d'opposition, qui n'a ni revêtu un caractère judiciaire ni offert les garanties procédurales adaptées à une privation de liberté, ne remplissait pas les exigences de l'article 5 § 4. En particulier, elle a souligné que cette procédure aurait dû être contradictoire et garantir, dans tous les cas, l'« égalité des armes » entre l'accusation et le détenu. Il aurait fallu, en outre, assurer la participation effective de l'intéressé lui-même ou de son conseil à cette procédure qui, du reste, aurait dû impliquer une audience publique (voir, notamment, Bağrıyanık c. Turquie, no 43256/04, § 51, 5 juin 2007, et Şayık et autres, précité, §§ 27-32). N'apercevant rien qui puisse mener à une conclusion différente dans les présentes affaires, la Cour conclut à la violation de l'article 5 § 4 de la Convention.

IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 6 ET 13 DE LA CONVENTION

34. S'agissant du grief des requérants tiré de l'article 6 § 1, le Gouvernement soutient que la durée des procédures litigieuses ne peut pas être considérée comme déraisonnable par rapport notamment à la complexité des affaires, au volume des dossiers, à la nature des accusations portées contre les requérants, au nombre des infractions commises, des accusés en cause, des témoins, des plaignants et des victimes, et eu égard aux difficultés particulières des procédures portant sur la criminalité organisée. De surcroît, aucun manque de diligence, d'après le Gouvernement, ne saurait être reproché aux instances nationales dans le déroulement des procédures en question.

35. Les requérants contestent ces arguments.

36. La Cour note que les procédures ont débuté avec l'arrestation des requérants (paragraphes 5 et 6 ci-dessus). Elle relève que celles engagées contre MM. İdris Şayık, Latif Bal, Ali Kaya, İbrahim Halil Kaya, Mehmet Nuri Alpşen, Seyithan Kaya, Mustafa Akbaş et Misbah Sayan demeurent apparemment toujours pendantes devant les juridictions internes au jour de l'adoption du présent arrêt (paragraphes 9, 11, 13 et 20 ci-dessus) et que celles diligentées contre les autres requérants se sont terminées à la date du prononcé des arrêts de la Cour de cassation confirmant les arrêts de première instance concernés (paragraphes 10, 12 et 14-19 ci-dessus).

37. Or la Cour observe que la procédure pénale engagée contre M. İdris Şimşek a duré environ cinq ans et cinq mois ; celle menée contre M. Coşkun Yarar a duré environ huit ans ; celle diligentée contre M. Mehmet Çiğdem a duré plus de huit ans et trois mois ; celle lancée contre M. Ramazan Kalkan a duré plus de huit ans et sept mois ; celle engagée contre M. Zekeriye Ezer a duré environ huit ans et onze mois ; celle menée contre MM. Süleyman Çiftsüren, Tamer Gezer et Mecit Damar a duré plus de neuf ans et quatre mois ; celle diligentée contre MM. Hüsamedin Çiçek, Mehmet Halil Taş et Şeyhmus Uğur a duré plus de treize ans et dix mois ; celle diligentée contre MM. Mehmet Selçuk, Halil Askan, Bayram Kinay, Mehmet Kaya et Reşat Ekitici a duré plus de quatorze ans et sept mois ; enfin, celle lancée contre M. Şevket Aktaş a duré plus de quatorze ans et dix mois pour des affaires ayant connu deux degrés de juridiction.

38. La Cour relève en outre que certaines des procédures faisant l'objet du présent arrêt ont déjà duré plus de neuf ans et un mois (Misbah Sayan), environ neuf ans et cinq mois (Ali Kaya et Seyithan Kaya), plus de douze ans et huit mois (Mustafa Akbaş), environ douze ans et onze mois (İbrahim Halil Kaya), plus de quatorze ans et huit mois (Latif Bal), plus de quinze ans et trois mois (İdris Şayık) et plus de seize ans et neuf mois (Mehmet Nuri Alpşen) à la date de l'adoption du présent arrêt et qu'elles semblent être toujours pendantes devant les juridictions internes.

39. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement des requérants et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d'autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999II).

40. Par ailleurs, elle observe que les requérants ont été maintenus en détention provisoire soit tout au long de la procédure ou soit au cours d'une partie de la procédure ; situation qui requiert des tribunaux chargés de l'affaire une diligence particulière pour administrer la justice dans les meilleurs délais (voir, parmi d'autres, Kalachnikov c. Russie, no 47095/99, § 132, CEDH 2002-VI, et Gezici et İpek c. Turquie, no 71517/01, § 54, 10 novembre 2005).

41. La Cour admet que ces procédures, portant sur la criminalité organisée, revêtaient une certaine complexité en elles-mêmes, notamment en raison du nombre des accusés, des témoins, des plaignants et des infractions dont les justiciables étaient soupçonnés et du volume des dossiers. Toutefois, cette complexité ne saurait en soi justifier la longueur des procédures qui s'élève jusqu'à une durée de plus de seize ans (voir paragraphes 37 et 38 ci-dessus).

42. Eu égard à sa jurisprudence bien établie en la matière (voir, parmi beaucoup d'autres, Pélissier et Sassi, précité, et A. Yılmaz c. Turquie, no 10512/02, §§ 46-53, 22 juillet 2008) et aux circonstances de l'espèce, la Cour estime que les durées des procédures litigieuses sont excessives et ne répondent pas à l'exigence du « droit à un jugement dans un délai raisonnable ».

43. Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1 quant à ce grief.

44. Pour ce qui concerne le grief des requérants tiré de l'article 13, la Cour rappelle que cette disposition garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d'une méconnaissance de l'obligation, imposée par l'article 6 § 1, d'entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000XI). Elle relève qu'elle a déjà eu l'occasion d'examiner un tel grief et a constaté que l'ordre juridique turc n'offrait pas aux justiciables un recours effectif au sens de l'article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée excessive des procédures pénales (voir, notamment, Tendik et autres, précité, §§ 34-39, et Tunce et autres, précité, §§ 33-38). Le Gouvernement n'ayant fourni aucun fait ni argument qui permettrait de se départir de sa conclusion précédente, la Cour parvient à la même conclusion en l'espèce.

45. Par conséquent, la Cour estime qu'en l'espèce, il y a eu violation de l'article 13 de la Convention en raison de l'absence en droit interne d'un recours qui eût permis aux requérants d'obtenir la sanction de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention.

V. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

46. Les requérants réclament chacun une somme allant de 30 000 euros (EUR) à 50 000 EUR au titre du préjudice matériel et moral qu'ils auraient subi. Leur représentant demande également le remboursement de divers frais et dépens engagés devant la Cour dont le montant varie entre 950 EUR et 1 800 EUR pour chaque requérant. A l'appui, il présente uniquement des décomptes d'honoraires détaillés indiquant notamment les frais de déplacement afférents aux visites faites aux requérants en prison, un montant de 600 EUR pour la préparation des formulaires de requête et des observations pour chaque requête, des frais postaux ainsi que de téléphone et de traduction.

47. Le Gouvernement conteste ces prétentions et invite la Cour à rejeter les demandes en question.

48. La Cour n'aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, la Cour estime que les requérants ont subi un tort moral certain. Statuant en équité, elle accorde à M. İdris Şimşek 2 500 EUR, à chacun des requérants Coşkun Yarar et Ramazan Kalkan 4 200 EUR, à M. Süleyman Çiftsüren 4 800 EUR, à M. Seyithan Kaya 7 200 EUR, à chacun des requérants Zekeriye Ezer, Ali Kaya et Misbah Sayan 9 000 EUR, à chacun des requérants Tamer Gezer et Mecit Damar 9 500 EUR, à M. Mehmet Çiğdem 10 000 EUR, à chacun des requérants Mustafa Akbaş, İbrahim Halil Kaya, Halil Askan, Bayram Kinay, Mehmet Kaya et Reşat Ekitici 10 800 EUR, à M. Latif Bal 13 200 EUR, à M. Şeyhmus Uğur 14 000 EUR, à M. İdris Şayık 14 400 EUR, à M. Mehmet Nuri Alpşen 15 600, à chacun des requérants Mehmet Selçuk, Hüsamedin Çiçek et Mehmet Halil Taş 16 000 EUR, et à M. Şevket Aktaş 17 000 EUR au titre du préjudice moral. Quant aux frais et dépens, compte tenu des critères énoncés dans sa jurisprudence (voir, parmi beaucoup autres, Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, § 79, CEDH 1999II) et des documents en sa possession, la Cour ne prend en compte que les honoraires d'avocat dans le calcul du montant à accorder à ce titre. Eu égard à la similitude des requêtes notamment quant aux questions juridiques qu'elles posent, elle estime raisonnable d'allouer la somme totale de 10 000 EUR pour les honoraires d'avocat et l'accorde conjointement aux requérants.

49. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

50. De surcroît, les procédures pénales diligentées contre MM. İdris Şayık, Latif Bal, Ali Kaya, İbrahim Halil Kaya, Mehmet Nuri Alpşen, Seyithan Kaya, Mustafa Akbaş et Misbah Sayan étant toujours pendantes, la Cour estime qu'une manière appropriée de mettre un terme à la violation constatée de l'article 6 § 1 de la Convention est de terminer les procès en question le plus rapidement possible, en prenant en considération les exigences d'une bonne administration de la justice (Yakışan c. Turquie, no 11339/03, § 49, 6 mars 2007).

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1. Décide de joindre les requêtes ;

2. Déclare les requêtes recevables quant aux griefs tirés de la durée de la détention subie par MM. Şevket Aktaş, Hüsamedin Çiçek, Mehmet Halil Taş, Mehmet Selçuk, Şeyhmus Uğur, İbrahim Halil Kaya, Tamer Gezer, Mecit Damar, Mehmet Çiğdem, Zekeriye Ezer, Ali Kaya et Misbah Sayan et de l'absence pour ces derniers de voie de recours effective pour faire valoir leur grief tiré de la durée de leur détention (article 5 §§ 3 et 4) ainsi qu'à ceux tirés de la durée excessive des procédures pénales engagées contre tous les requérants et de l'absence d'une voie de recours effective pour contester la durée des procédures en question (articles 6 § 1 et 13) et irrecevables pour le surplus ;

3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 5 §§ 3 et 4 de la Convention au regard des requérants Şevket Aktaş, Hüsamedin Çiçek, Mehmet Halil Taş, Mehmet Selçuk, Şeyhmus Uğur, İbrahim Halil Kaya, Tamer Gezer, Mecit Damar, Mehmet Çiğdem, Zekeriye Ezer, Ali Kaya et Misbah Sayan ;

4. Dit qu'il y a eu violation des articles 6 § 1 et 13 de la Convention eu égard à tous les requérants ;

5. Dit

a) que l'État défendeur doit verser, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement :

i. 2 500 EUR (deux mille cinq cents euros) à İdris Şimşek ; 4 200 EUR (quatre mille deux cents euros) à chacun des requérants Coşkun Yarar et Ramazan Kalkan ; 4 800 EUR (quatre mille huit cents euros) à Süleyman Çiftsüren ; 7 200 EUR (sept mille deux cents euros) à Seyithan Kaya ; 9 000 EUR (neuf mille euros) à chacun des requérants Zekeriye Ezer, Ali Kaya et Misbah Sayan ; 9 500 EUR (neuf mille cinq cents euros) à chacun des requérants Tamer Gezer et Mecit Damar ; 10 000 EUR (dix mille euros) à Mehmet Çiğdem ; 10 800 EUR (dix mille huit cents euros) à chacun des requérants Mustafa Akbaş, İbrahim Halil Kaya, Halil Askan, Bayram Kinay, Mehmet Kaya et Reşat Ekitici ; 13 200 EUR (treize mille deux cents euros) à Latif Bal ; 14 000 EUR (quatorze mille euros) à Şeyhmus Uğur ; 14 400 EUR (quatorze mille quatre cents euros) à İdris Şayık ; 15 600 EUR (quinze mille six cents euros) à Mehmet Nuri Alpşen ; 16 000 EUR (seize mille euros) à chacun des requérants Mehmet Selçuk, Hüsamedin Çiçek et Mehmet Halil Taş ; et 17 000 EUR (dix-sept mille euros) à Şevket Aktaş, pour dommage moral ;

ii. 10 000 EUR (dix mille euros) conjointement à tous les requérants pour les honoraires d'avocat ;

iii. plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt sur lesdites sommes ;

b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 octobre 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Françoise Elens-Passos Françoise Tulkens
Greffière adjointe Présidente


Annexe

Liste des requêtes

1. Requête no 1968/07 introduite le 29 décembre 2006 par Şeyhmus Uğur

2. Requête no 3608/07 introduite le 9 janvier 2007 par Mehmet Selçuk

3. Requête no 14474/07 introduite le 3 avril 2007 par Coşkun Yarar

4. Requête no 35240/07 introduite le 10 août 2007 par Halil Askan

5. Requête no 35252/07 introduite le 10 août 2007 par Mehmet Halil Taş

6. Requête no 36503/07 introduite le 10 août 2007 par İdris Şayık

7. Requête no 36505/07 introduite le 10 août 2007 par Mehmet Çiğdem

8. Requête no 36509/08 introduite le 10 août 2007 par Şevket Aktaş

9. Requête no 36541/07 introduite le 10 août 2007 par Süleyman Çiftsüren

10. Requête no 36544/07 introduite le 10 août 2007 par Zekeriye Ezer

11. Requête no 36556/07 introduite le 10 août 2007 par Bayram Kinay

12. Requête no 36563/07 introduite le 10 août 2007 par Tamer Gezer

13. Requête no 36571/07 introduite le 10 août 2007 par Hüsamedin Çiçek

14. Requête no 36573/07 introduite le 10 août 2007 par Latif Bal

15. Requête no 36582/07 introduite le 10 août 2007 par İbrahim Halil Kaya

16. Requête no 36586/07 introduite le 10 août 2007 par Mecit Damar

17. Requête no 36593/07 introduite le 10 août 2007 par Mehmet Nuri Alpşen

18. Requête no 15637/08 introduite le 28 mars 2008 par Ramazan Kalkan

19. Requête no 34229/08 introduite le 10 juillet 2008 par Misbah Sayan

20. Requête no 36489/08 introduite le 21 juillet 2008 par Ali Kaya

21. Requête no 36492/08 introduite le 21 juillet 2008 par İdris Şimşek.

22. Requête no 36493/08 introduite le 21 juillet 2008 par Seyithan Kaya et Mustafa Akbaş

23. Requête no 37232/08 introduite le 21 juillet 2008 par Mehmet Kaya

24. Requête no 37233/08 introduite le 21 juillet 2008 par Reşat Ekitici