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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
26.1.2010
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 52330/07
présentée par Vasile CIR
contre la Roumanie

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant le 26 janvier 2010 en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,

Corneliu Bîrsan,

Boštjan M. Zupančič,

Egbert Myjer,

Ineta Ziemele,

Luis López Guerra,

Ann Power, juges,

et de Santiago Quesada, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 19 novembre 2007,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

1. Le requérant, M. Vasile Cir, est un ressortissant roumain, né en 1955 et résidant à Bozes. Il est représenté devant la Cour par Me Anca Florina Clonţa, avocate à Geoagiu. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.

Les circonstances de l’espèce

2. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

1. Procédure en contentieux administratif et exécution par les autorités de l’arrêt du 5 juin 2006

3. Par un jugement du 15 mars 2006, le tribunal départemental de Hunedoara rejeta l’action en contentieux administratif introduite par le requérant contre la mairie et le maire de Geoagiu, qui visait l’obtention d’un permis de construire. Le tribunal retint que le dossier no 13/2001 déposé par le requérant à la mairie n’était pas complet, au sens de l’article 7 de la loi no 50/1991 sur l’autorisation des constructions, puisqu’il manquait le projet technique réalisé par T.T., un ancien employé de la mairie.

4. Par un arrêt du 5 juin 2006, la cour d’appel d’Alba Iulia fit droit au recours formé par le requérant, accueillit l’action et condamna la mairie au paiement de 722 lei roumains pour frais et dépens. Retenant que la mairie était responsable d’avoir toléré la conduite équivoque de T.T. et sa double qualité d’employé de la mairie et de dessinateur privé engagé par le requérant, et aussi d’avoir donné à ce dernier l’impression que le projet en question avait été déposé au dossier, la cour d’appel jugea qu’il incombait à la mairie de délivrer l’autorisation en cause, d’autant plus que tous les pièces requises par l’article 7 précité avaient été depuis versées au dossier. Même si le certificat d’urbanisme avait entre temps expiré, ce n’était pas de la faute de l’intéressé et la mairie pouvait délivrer les actes nécessaires sur la base du dossier initial.

5. Le requérant saisit un huissier de justice de l’exécution forcée de l’arrêt du 5 juin 2006. A la suite de la délivrance par la mairie, le 28 novembre 2006, d’un permis de construire pour une partie des constructions visées par le dossier no 13/2001 et de la compensation des créances réciproques entre l’intéressé et la mairie, le requérant saisit les tribunaux, le 12 décembre 2006, d’une contestation à l’exécution, rejetée comme mal fondée par un arrêt définitif du 8 juin 2007 du tribunal départemental de Hunedoara.

6. Après avoir averti le requérant en décembre 2006 de la nécessité de compléter le dossier no 13/2001 avec des plans-dessins pour le restant des constructions, le maire saisit les tribunaux de deux contestations à l’exécution, considérant que l’arrêt du 5 juin 2006 ne saurait remplacer les pièces manquantes du dossier susmentionné. Par des jugements définitifs du 24 octobre et du 13 novembre 2007, rendus en l’absence des parties légalement citées et communiqués à l’intéressé respectivement le 4 janvier et le 7 février 2008, les tribunaux saisis prirent note du fait que le maire renonçait à ses actions, compte tenu des faits déroulés en octobre 2007 (paragraphe 7 ci-dessous).

7. En effet, le 18 octobre 2007, la police de Geoagiu, qui avait été saisie par l’intéressé d’une plainte pénale contre le maire, transmit à ce dernier le projet technique réalisé par T.T., projet obtenu apparemment dans le cadre des recherches policières. Le 19 octobre 2007, le maire délivra au requérant le permis de construire tel que prévu par l’arrêt du 5 juin 2006. Le même jour, l’huissier de justice dressa un procès-verbal dans lequel il nota qu’en exécution de l’arrêt précité, le maire avait délivré le permis de construction et que le montant dû pour frais et dépens avait été compensé avec des sommes dues par l’intéressée à la mairie. Ce procès-verbal fut signé par l’huissier, le maire et le requérant, chacun gardant une copie.

2. Faits relatifs à l’introduction de la présente requête à la Cour

8. Sur la base d’un pouvoir que le requérant lui a donné le 15 novembre 2007 à cet égard, le 19 novembre 2007 l’avocate du requérant saisit la Cour d’une requête relative à la méconnaissance de l’arrêt du 5 juin 2006 par son exécution partielle le 28 novembre 2006 et par la validation de celle-ci dans la procédure de contestation à l’exécution achevée le 8 juin 2007.

9. Par une lettre du 23 avril 2008, le greffe de la Cour informa l’avocate du requérant de l’enregistrement de la requête et lui fit savoir qu’il lui appartenait de l’informer de tout déroulement ultérieur important relatif à son affaire.

10. Le 25 septembre 2008, la Cour communiqua l’affaire au Gouvernement et en informa l’avocate du requérant. Les parties étaient invitées à présenter des observations sur les griefs tirés de la non-exécution de l’arrêt du 5 juin 2006 précité. Le résumé des faits rédigé par le greffe sur la base des renseignements fournis par le requérant ne contenait aucune information quant au procès-verbal d’exécution dressé le 19 octobre 2007.

11. Par une lettre du 12 janvier 2009, sans faire aucune référence aux faits postérieurs à l’arrêt du 8 juin 2007, l’avocate du requérant soutint que la non-exécution de l’arrêt du 5 juin 2006 portait atteinte aux droits garantis par les articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1.

12. Dans ses observations présentées le 19 janvier 2009, le Gouvernement fit valoir que le requérant s’était vu délivrer le 19 octobre 2007 le permis de construire litigieux, tel qu’il ressortait du procès-verbal dressé le même jour par l’huissier de justice et signé sans réserves par l’intéressé.

GRIEFS

13. Invoquant les articles 6 § 1 et 1 du Protocole no 1, le requérant se plaint que la non-exécution de l’arrêt du 5 juin 2006 par la délivrance du permis de construire litigieux a porté atteinte à son droit d’accès à
un tribunal et à son droit au respect de ses biens. Sur la base de
l’article 6 § 1 précité, il se plaint aussi de l’issue et de la durée de la procédure en contestation à l’exécution achevée le 8 juin 2007, qui aurait validé l’exécution partielle et illégale de l’arrêt susmentionné.

EN DROIT

14. Les griefs du requérant portent sur la non-exécution de l’arrêt du 5 juin 2006 et sur l’issue et la durée de la procédure en contestation à l’exécution. Les articles invoqués sont ainsi libellés :

Article 6 § 1

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, (...) et dans un délai raisonnable (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

Article 1 du Protocole no 1

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

15. Le Gouvernement fait valoir que le 15 novembre 2007, date à laquelle le requérant a désigné son représentant pour que ce dernier introduise, quelques jours plus tard, une requête devant la Cour, l’arrêt du 5 juin 2006 était exécuté depuis environ un mois, tel que l’atteste le
procès-verbal du 19 octobre 2007 signé par l’intéressé sans formuler de réserves. Partant, le Gouvernement estime que le requérant ne pouvait plus s’estimer « victime » d’une violation de ses droits garantis par la Convention et que son comportement pourrait même, le cas échéant, être qualifié d’abusif. Il soutient que la requête doit être rejetée pour ce motif.

16. Le requérant soutient que son avocate ne connaissait pas l’existence du procès-verbal dressé par l’huissier de justice, mais qu’en tout état de cause, le permis du 19 octobre 2007 n’a produit aucun effet puisque le maire, par des contestations à l’exécution successives, l’a rendu inopérant. Même si le maire a renoncé par la suite à ces procédures, l’attitude de ce dernier a eu pour effet que l’intéressé n’a plus osé construire et mettre en pratique le procès-verbal.

17. La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 47 § 6 du règlement, il incombe au requérant de l’informer « de tout fait pertinent pour l’examen de sa requête ». Par ailleurs, le 23 avril 2008, le greffe a fait savoir à l’avocate du requérant qu’il lui appartenait de l’informer de tout déroulement ultérieur important relatif à son affaire (paragraphe 9 ci-dessus).

18. Elle rappelle ensuite qu’une requête peut être rejetée comme étant abusive, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention, si elle a été fondée sciemment sur des faits controuvés (voir, parmi d’autres, Kérétchachvili c. Géorgie (déc.), no 5667/02, 2 mai 2006). Une information incomplète et donc trompeuse peut également être qualifiée comme un abus du droit de recours individuel, particulièrement lorsqu’elle concerne le noyau de l’affaire et que le requérant n’explique pas de façon suffisante son manquement à divulguer les informations pertinentes (Poznanski et autres c. Allemagne (déc.), no 25101/05, 3 juillet 2007, Predescu c. Roumanie, no 21447/03, § 25, 2 décembre 2008, et Constantinescu et autres c. Roumanie (déc.), no 33605/03, 16 juin 2009). En particulier, dans la dernière décision précitée, la Cour a jugé comme abusive la requête introduite par un requérant qui, dans ses lettres, n’a pas informé la Cour de la délivrance d’un titre de propriété sur un terrain conformément à la décision définitive en cause, la Cour apprenant ce fait par les observations du Gouvernement postérieures à la communication de la requête.

19. Dans le cas d’espèce, l’arrêt du 5 juin 2006 a condamné le maire de Geoagiu à délivrer au requérant un permis de construire et à lui payer
une somme pour frais et dépens. Aucun argument valide n’a été avancé pour contester le fait que cet arrêt a été exécuté intégralement le 19 octobre 2007 ; notamment, un permis de construire conforme aux termes de l’arrêt a été remis à cette date au requérant, qui a signé sans réserves le procès-verbal dressé à cet effet par l’huissier de justice. Or, la Cour relève que ni dans la requête introductive du 19 novembre 2007, ni même dans sa lettre du 12 janvier 2009, postérieure aux lettres du greffe des 23 avril et 25 septembre 2008, le requérant n’a pas informé la Cour de ce fait essentiel pour l’examen de sa requête (a contrario, Buchkovskaya c. Ukraine, no 32832/06, § 27, 18 avril 2009).

20. La Cour ne saurait accepter les raisons présentées par le requérant pour justifier l’omission d’avoir informé la Cour à cet égard, à savoir le fait que son avocate ne connaissait pas l’existence du procèsverbal d’exécution du 19 octobre 2007. Il lui suffit d’observer que le pouvoir du 15 novembre 2007 donné à son avocate pour saisir la Cour est postérieur à la délivrance du permis en question et que, de toute manière, le requérant et son avocate auraient pu, à la suite des lettres du greffe susmentionnées, informer la Cour de ce développement décisif pour l’issue de la requête.

21. En procédant ainsi, le requérant a essayé volontairement d’induire la Cour en erreur, commettant dès lors un abus de son droit de recours (Constantinescu et autres (déc.), précitée, et Jian c. Roumanie (déc.), no 46640/99, 30 mars 2004).

22. Compte tenu que le requérant n’a fourni aucune explication
plausible de son silence quant à l’existence du permis de construire et au procès-verbal du 19 octobre 2007, la Cour considère que la conduite de celui-ci est contraire à la vocation du droit de recours individuel, tel que prévu par l’article 34 de la Convention. Elle n’estime pas dès lors nécessaire d’examiner les autres griefs portant en substance sur la tardiveté éventuelle de l’exécution de la décision judiciaire en cause et sur l’issue et la durée de la procédure en contestation à l’exécution (mutatis mutandis, Constantinescu et autres (dec.), précitée).

23. En conséquence, il convient de déclarer la requête irrecevable comme étant abusive au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Santiago Quesada Josep Casadevall
Greffier Président