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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
8.12.2009
Rozhodovací formace
Významnost
2
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE AYTAŞ ET AUTRES c. TURQUIE

(Requête no 6758/05)

ARRÊT

STRASBOURG

8 décembre 2009

DÉFINITIF

08/03/2010

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

.


En l'affaire Aytaş et autres c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Françoise Tulkens, présidente,
Ireneu Cabral Barreto,
Danutė Jočienė,
András Sajó,
Nona Tsotsoria,
Işıl Karakaş,
Kristina Pardalos, juges,
et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 novembre 2009,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 6758/05) dirigée contre la République de Turquie par 17 de ses ressortissants, dont les noms figurent en annexe (« les requérants »), qui ont saisi la Cour le 8 février 2005 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). Les requérants sont représentés par Me A.T. Ocak, avocat à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») est représenté par son agent aux fins de la procédure devant la Cour. Le 6 septembre 2007, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l'article 29 § 3 de la Convention, elle a décidé qu'elle se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond de l'affaire.

EN FAIT

2. Le 24 avril 2004, les requérants participèrent à une manifestation pour protester contre un projet de loi relatif à l'enseignement supérieur. Selon le procès-verbal établi par la police, à 13 h 50 un rassemblement d'étudiants commença à scander des slogans sur une place publique à Taksim (Istanbul). La police avertit les participants que la manifestation était illégale, qu'ils pouvaient faire leur déclaration de presse sans scander de slogans ni brandir pancartes ou fanions. Elle leur demanda de mettre un terme à leur réunion et de se disperser. Les manifestants ayant continué leur action, la police utilisa la force et le gaz lacrymogène pour les disperser et plaça quarante-huit personnes en garde à vue dans les locaux de la direction de la sûreté d'Istanbul. Le procès-verbal concernant l'incident fut dressé à 15 heures. Les requérants furent examinés par un médecin au début et à la fin de leur garde à vue. Le 25 avril 2004, les requérants furent entendus par le parquet de Beyoğlu en présence de leurs avocats et furent relâchés.

3. Les rapports médicaux des 24 et 25 avril 2004, établis par l'institut médico-légal de Beyoğlu, indiquèrent diverses ecchymoses et égratignures sur les corps des requérants nécessitant des jours d'arrêt de travail : un jour pour Gizem Aytaş et Erdinç Gök ; deux jours pour Saygın Metin ; cinq jours dans les cas de İsmail Doğa Karatepe, Rüya Kurtuluş, Kamil Dinçer Aslan, Haşim Özgür Ersoy et Emre Can Bülbül, et, enfin, neuf jours pour Serpil Ocak et Özge Ozan. Quant à Fatma Demirtaş, Onur Karakaş, Avni Can Okur, Ufuk Pektaş, Pınar Hocaoğulları, Meral Çelik et Hasan Çelik, les rapports médicaux les concernant n'indiquèrent aucune trace de coups ni de violence sur leur corps.

4. Le 3 mai 2004, le parquet de Beyoğlu intenta une action pénale contre les requérants pour non-respect de la loi no 2911 relative aux réunions et manifestations publiques.

5. Le 10 mai 2004, le parquet intenta une enquête pénale pour mauvais traitements contre les agents des forces de l'ordre ayant participé à l'arrestation des requérants.

6. Le 17 mai 2004, le parquet rendit une ordonnance de non-lieu à l'encontre des policiers au motif que l'usage qu'ils avaient fait de la force pour disperser les manifestants était conforme à l'article 24 de la loi no 2911.

7. Le 2 juillet 2004, le président de la cour d'assises d'Istanbul confirma l'ordonnance de non-lieu attaquée. Cette décision fut notifiée aux requérants le 11 août 2004.

8. Le 26 janvier 2006, dans le cadre de la procédure pénale engagée contre eux pour infraction à la loi no 2911, les requérants furent acquittés.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

9. Les requérants allèguent avoir subi des mauvais traitements lors de leur arrestation musclée sur une place publique. Ils invoquent l'article 3 de la Convention. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes dans la mesure où les requérants n'ont pas intenté une action devant les tribunaux civils ou administratifs afin d'obtenir des dommages et intérêts.

A. Sur la recevabilité

1. En ce qui concerne les requérants Fatma Demirtaş, Onur Karakaş, Avni Can Okur, Ufuk Pektaş, Pınar Hocaoğulları, Meral Çelik et Hasan Çelik

10. La Cour estime qu'il n'y a pas lieu de rechercher si les requérants ont épuisé les voies de recours internes, au sens de l'article 35 § 1 de la Convention, puisque leur grief, quoi qu'il en soit, est irrecevable pour les raisons suivantes.

11. Ainsi, la Cour note qu'avant leur placement dans les locaux de la direction de la sûreté, les requérants Fatma Demirtaş, Onur Karakaş, Avni Can Okur, Ufuk Pektaş, Pınar Hocaoğulları, Meral Çelik et Hasan Çelik ont été examinés par un médecin légiste qui n'a décelé aucune trace de coups ni de violence sur leur corps. Puis, dans son rapport du 25 avril 2004, le médecin légiste a confirmé les conclusions du premier rapport (paragraphe 3 ci-dessus).

12. En ce qui concerne tout d'abord la question de l'utilisation du gaz lacrymogène, la Cour note que celle-ci peut causer certains désagréments ; toutefois, aucun rapport médical n'a été soumis à la Cour, et en particulier aucun rapport attestant les effets néfastes que les requérants affirment avoir subis après avoir été exposés au gaz (Oya Ataman c. Turquie, no 74552/01, § 25, CEDH 2006XIII).

13. La Cour rappelle que, pour tomber sous le coup de l'article 3, les traitements dénoncés doivent atteindre un minimum de gravité, l'appréciation de ce minimum étant relative par essence.

14. Bien que les requérants aient allégué avoir été affectés par les traitements subis lors de leur arrestation, ils ne présentent aucun élément à l'appui de leurs allégations permettant de conclure que les conséquences en question ont atteint le seuil de gravité requis par l'article 3. Les intéressés, qui ont été relâchés le lendemain de leur arrestation, n'ont pas cherché, par ailleurs, à se faire examiner par un autre médecin (Kılıçgedik c. Turquie (déc.), no 55982/00, 1er juin 2004). Bref, il n'existe aucun élément ou commencement de preuve à l'appui de leurs allégations de traitements contraires à l'article 3 de la Convention (Oya Ataman, précité, § 26, Saya et autres c. Turquie, no 4327/02, § 15, 7 octobre 2008, Karatepe et autres c. Turquie, nos 33112/04, 36110/04, 40190/04, 41469/04, 41471/04 et 41551/98, § 20, 7 avril 2009).

15. Il s'ensuit que ce grief, pour autant qu'il concerne Fatma Demirtaş, Onur Karakaş, Avni Can Okur, Ufuk Pektaş, Pınar Hocaoğulları, Meral Çelik et Hasan Çelik, est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2. En ce qui concerne les requérants Gizem Aytaş, Erdinç Gök, Saygın Metin, İsmail Doğa Karatepe, Rüya Kurtuluş, Kamil Dinçer Aslan, Haşim Özgür Ersoy, Emre Can Bülbül, Serpil Ocak et Özge Ozan

16. En ce qui concerne l'exception d'irrecevabilité soulevée par le Gouvernement, la Cour rappelle avoir eu maintes fois par le passé l'occasion de se prononcer sur celle-ci et de la rejeter (voir, parmi d'autres, Karayiğit c. Turquie (déc.), no 63181/00, 5 octobre 2004). Elle ne relève aucune circonstance dans la présente affaire pouvant l'amener à déroger à ses conclusions antérieures. Elle constate que le grief tiré de l'article 3 de la Convention, pour autant qu'il concerne Gizem Aytaş, Erdinç Gök, Saygın Metin, İsmail Doğa Karatepe, Rüya Kurtuluş, Kamil Dinçer Aslan, Haşim Özgür Ersoy, Emre Can Bülbül, Serpil Ocak et Özge Ozan, n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

17. La Cour rappelle que, lorsqu'un individu se trouve privé de sa liberté ou, plus généralement, se trouve confronté à des agents des forces de l'ordre, l'utilisation à son égard de la force physique alors qu'elle n'est pas rendue nécessaire par son comportement porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit garanti par l'article 3 (Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 120, CEDH 2000-IV, et Kartal et autres c. Turquie (déc.), no 29768/03, 16 décembre 2008). Il appartient donc au Gouvernement de fournir une explication plausible sur les origines de ces blessures et de produire des preuves qui fassent peser un doute sur les allégations de la victime, notamment lorsque ces dernières sont étayées par des pièces médicales (voir, parmi d'autres, Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 87, CEDH 1999V, Berktay c. Turquie, no 22493/93, § 167, 1er mars 2001, et Ayşe Tepe c. Turquie, no 29422/95, § 35, 22 juillet 2003).

18. Dans le présent cas, la Cour constate d'abord que le Gouvernement ne conteste pas le fait que le groupe de manifestants a été placé en garde à vue manu militari (paragraphe 2 ci-dessus). Elle relève ensuite que nul ne conteste les origines des blessures indiquées dans les certificats médicaux. Dans ce contexte la charge de preuve revient au Gouvernement, qui doit démontrer que l'utilisation de la force était indispensable et non excessive (Balçık et autres c. Turquie, no 25/02, § 31, 29 novembre 2007).

19. En l'espèce, il ressort du compte rendu dressé par le médecin légiste près le ministère de la Justice que les requérants susmentionnés (paragraphe 16 ci-dessus) présentaient des séquelles ayant nécessité des arrêts de travail allant de 1 à 9 jours. Au vu de ces éléments, la Cour admet que les requérants ont subi des traitements ayant dépassé le minimum de gravité exigé par la jurisprudence (Nurgül Doğan c. Turquie, no 72194/01, § 54, 8 juillet 2008, et Karatepe et autres, précité, § 30).

20. La Cour constate que le Gouvernement n'a pas démontré les circonstances exactes de leur arrestation et la proportionnalité de la force utilisée. Dès lors, elle estime les violences commises par les forces de l'ordre disproportionnées, au vu des séquelles qu'elles ont laissées aux intéressés et qui ont nécessité des arrêts de travail. Elle relève, de plus, qu'il n'est pas allégué que les requérants s'étaient montrés violents et qu'ils avaient provoqué l'intervention musclée dont ils se plaignent.

21. Quant à la procédure pénale instruite par le parquet, la Cour observe que celui-ci s'est contenté de se référer à l'article 24 de la loi no 2911 qui prévoit l'intervention de la police dans les manifestations (paragraphe 6 ci-dessus), sans examiner la proportionnalité de la force utilisée contre les manifestants.

22. Partant, elle conclut qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention en ce qui concerne les requérants Gizem Aytaş, Erdinç Gök, Saygın Metin, İsmail Doğa Karatepe, Rüya Kurtuluş, Kamil Dinçer Aslan, Haşim Özgür Ersoy, Emre Can Bülbül, Serpil Ocak et Özge Ozan.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 5 § 3 DE LA CONVENTION

23. Invoquant l'article 5 § 3 de la Convention, les requérants se plaignent de la durée de leur garde à vue.

24. La Cour observe d'abord que la garde à vue des requérants a pris fin le 25 avril 2004, alors que leur requête n'a été introduite que le 8 février 2005. L'examen de l'affaire ne permettant de discerner aucune circonstance particulière qui aurait pu interrompre ou suspendre le délai de six mois, cette partie de la requête doit être considérée comme tardive et rejetée en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 11 DE LA CONVENTION

25. Les requérants se plaignent d'une atteinte à leurs droits à la liberté d'expression et à la liberté d'association, dans la mesure où la manifestation a été empêchée par la police et où ils ont été poursuivis au pénal pour y avoir participé. Ils dénoncent la violation des articles 10 et 11 de la Convention. La Cour décide d'examiner ces griefs uniquement sous l'angle de l'article 11.

26. La Cour observe que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 et qu'il doit faire l'objet d'un examen au fond. Elle relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Elle le déclare recevable.

27. A titre liminaire, la Cour relève qu'il n'y a pas de contestation sur l'existence d'une ingérence dans l'exercice par les requérants de leur droit de réunion. Cette ingérence avait une base légale, à savoir la loi no 2911 relative aux réunions et manifestations publiques, et était ainsi « prévue par la loi » au sens de l'article 11 § 2 de la Convention. Reste la question de savoir si l'ingérence poursuivait un but légitime et était nécessaire dans une société démocratique.

28. La Cour juge pouvoir admettre que la mesure litigieuse visait au moins deux des buts reconnus comme légitimes par le paragraphe 2 de l'article 11, à savoir la défense de l'ordre et la protection des droits d'autrui, en l'occurrence le droit de circuler en public sans contrainte (Oya Ataman, précité, § 32).

29. Quant à savoir si l'intervention était nécessaire dans une société démocratique, la Cour se réfère d'abord aux principes fondamentaux qui se dégagent de sa jurisprudence relative à l'article 11 (Djavit An c. Turquie, no 20652/92, §§ 5657, CEDH 2003III, Piermont c. France, 27 avril 1995, §§ 7677, série A no 314, et Plattform « Ärzte für das Leben » c. Autriche, 21 juin 1988, § 32, série A no 139). Il ressort de cette jurisprudence que les autorités ont le devoir de prendre les mesures nécessaires pour toute manifestation légale afin de garantir le bon déroulement de celle-ci et la sécurité de tous les citoyens.

30. Il va sans dire que toute manifestation dans un lieu public est susceptible de causer un certain désordre dans le déroulement de la vie quotidienne et de susciter des réactions hostiles ; la Cour estime toutefois qu'une situation irrégulière ne justifie pas en soi une atteinte à la liberté de réunion.

31. Après un examen approfondi, la Cour constate qu'aucun élément du dossier en l'espèce ne permet d'affirmer que le groupe de manifestants présentait un danger pour l'ordre public, mis à part d'éventuelles perturbations de la circulation. Il s'agissait, tout au plus, d'une cinquantaine de personnes qui souhaitaient attirer l'attention de l'opinion publique sur une question d'actualité. La Cour observe que le rassemblement a commencé aux alentours de quatorze heures et s'est terminé par l'arrestation du groupe dans l'heure qui a suivi (paragraphe 2 ci-dessous). La Cour est frappée, en particulier, par l'empressement des autorités à mettre fin à cette manifestation (Oya Ataman, précité, § 41, et, a contrario, Éva Molnár c. Hongrie, no 10346/05, § 42, 7 octobre 2008).

32. Pour la Cour, en l'absence d'actes de violence de la part des manifestants, il est important que les pouvoirs publics fassent preuve d'une certaine tolérance envers les rassemblements pacifiques, afin que la liberté de réunion garantie par l'article 11 de la Convention ne soit pas privée de tout contenu.

33. En conséquence, la Cour estime qu'en l'espèce l'intervention musclée de la police et l'ouverture d'une procédure pénale à l'encontre des requérants étaient disproportionnées. Ces mesures n'étaient pas non plus nécessaires à la défense de l'ordre public, au sens du deuxième paragraphe de l'article 11 de la Convention.

34. Partant, il y a eu violation de cette disposition.

IV. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

35. Les requérants demandent réparation pour les préjudices subis. Sans indiquer de somme, ils s'en remettent à la sagesse de la Cour. Ils demandent également 2 500 euros (EUR) pour les frais et dépens, sans présenter de documents à l'appui de leurs demandes.

36. Le Gouvernement considère qu'il n'y a pas lieu d'octroyer une somme aux requérants.

37. La Cour estime que les requérants trouvent une satisfaction suffisante dans le constat de violation de l'article 11 de la Convention (Oya Ataman, précité, § 48). Toutefois, eu égard à la violation de l'article 3 de la Convention constatée pour les requérants cités au paragraphe 22 ci-dessus, la Cour, statuant en équité, alloue séparément 2 000 EUR à Gizem Aytaş, à Erdinç Gök, à Saygın Metin, et 3 000 EUR à İsmail Doğa Karatepe, à Rüya Kurtuluş, à Kamil Dinçer Aslan, à Haşim Özgür Ersoy, à Emre Can Bülbül, ainsi que 5 000 EUR à Serpil Ocak et à Özge Ozan.

38. Pour ce qui est du remboursement des frais et dépens, selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, par exemple, Bottazzi c. Italie [GC], no 34884/97, § 30, CEDH 1999V, et Sawicka c. Pologne, no 37645/97, § 54, 1er octobre 2002). En l'espèce, compte tenu de l'absence de pièces justificatives, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens.

39. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ

1. Déclare recevable le grief tiré de l'article 3 de la Convention pour autant qu'il concerne Gizem Aytaş, Erdinç Gök, Saygın Metin, İsmail Doğa Karatepe, Rüya Kurtuluş, Kamil Dinçer Aslan, Haşim Özgür Ersoy, Emre Can Bülbül, Serpil Ocak et Özge Ozan, ainsi que le grief tiré de l'article 11 de la Convention pour tous les requérants, et le restant de la requête irrecevable ;

2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention en ce qui concerne Gizem Aytaş, Erdinç Gök, Saygın Metin, İsmail Doğa Karatepe, Rüya Kurtuluş, Kamil Dinçer Aslan, Haşim Özgür Ersoy, Emre Can Bülbül, Serpil Ocak et Özge Ozan ;

3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 11 de la Convention ;

4. Dit

a) que l'État défendeur doit verser, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement, pour dommage moral ;

i. 2 000 EUR (deux mille euros) à chacun des requérants Gizem Aytaş, Erdinç Gök et Saygın Metin, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;

ii. 3 000 EUR (trois mille euros) à chacun des requérants İsmail Doğa Karatepe, Rüya Kurtuluş, Kamil Dinçer Aslan, Haşim Özgür Ersoy et Emre Can Bülbül, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;

iii. 5 000 EUR (cinq mille euros) à chacun des requérants Serpil Ocak et Özge Ozan, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;

b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

Fait en français, puis communiqué par écrit le 8 décembre 2009, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Françoise Elens-Passos Françoise Tulkens
Greffière adjointe Présidente

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l'exposé de l'opinion séparée du juge A. Sajó.

F.T.
F.E.P.


ANNEXE

Liste des requérants

1. Kamil Dinçer ASLAN né en 1982 et demeurant à Istanbul

2. Gizem AYTAŞ née en 1983 et demeurant à Istanbul

3. Emre Can BÜLBÜL né en 1982 et demeurant à Istanbul

4. Serpil OCAK né en 1981 et demeurant à Istanbul

5. Hasan ÇELİK né en 1982 et demeurant à Istanbul

6. Meral ÇELİK née en 1981 et demeurant à Istanbul

7. Fatma DEMİRTAŞ née en 1981 et demeurant à Istanbul

8. İsmail Doğa KARATEPE né en 1982 et demeurant à Istanbul

9. Haşim Özgür ERSOY né en 1978 et demeurant à Istanbul

10. Erdinç GÖK né en 1983 et demeurant à Istanbul

11. Pınar HOCAOĞULLARI née en 1980 et demeurant à Mersin

12. Onur KARAKAŞ né en 1980 et demeurant à Istanbul

13. Rüya KURTULUŞ née en 1980 et demeurant à Istanbul

14. Saygın METİN né en 1981 et demeurant à Istanbul

15. Avni Can OKUR né en 1985 et demeurant à Istanbul

16. Özge OZAN né en 1980 et demeurant à Istanbul

17. Ufuk PEKTAŞ né en 1979 et demeurant à Istanbul


OPINION CONCORDANTE DU JUGE A. SAJÓ
(Traduction)

J'ai voté avec la majorité, mais j'estime nécessaire de préciser qu'en ce qui concerne la violation de l'article 11, mon analyse diffère légèrement de celle de la Cour, pour des raisons qui sont exposées dans mon opinion concordante sur l'affaire Serkan Yilmaz c. Turquie (requête no 25499/04). Même si, en l'espèce, les violences commises par les forces de police lorsqu'elles ont dispersé les manifestants étaient d'un degré moindre que celles de l'affaire citée, le Gouvernement a manqué de préciser, dans ses observations, en quoi cette ingérence dans le droit à la liberté de réunion a servi la défense de l'ordre. Il n'a pas expliqué pourquoi il a jugé nécessaire d'interdire totalement le rassemblement à l'endroit concerné.