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DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 45630/04
présentée par Mehmet Bahri KURT
contre la Turquie
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 1er juillet 2008 en une chambre composée de :
Françoise Tulkens, présidente,
Antonella Mularoni,
Ireneu Cabral Barreto,
Danutė Jočienė,
Dragoljub Popović,
András Sajó,
Işıl Karakaş, juges,
et de Sally Dollé, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 17 août 2004,
Vu la décision de la Cour d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire, comme le permet l’article 29 § 3 de la Convention,
Vu les déclarations formelles d’acceptation d’un règlement amiable de l’affaire,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Mehmet Bahri Kurt, est un ressortissant turc né en 1966 et résidant à Tekirdağ. Il est représenté devant la Cour par Me M. Avcı, avocate à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») est représenté par son agent.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le procès-verbal d’arrestation établi le 14 octobre 1992 par la police et signé par le requérant mentionna qu’à la suite d’une opération menée contre le PKK[1] l’intéressé avait été arrêté par les forces de l’ordre alors qu’il collectait des fonds au nom de cette organisation, et placé en garde à vue.
Le 15 octobre 1992, à la demande de la section antiterroriste, le parquet prolongea la garde à vue du requérant de quinze jours.
Le 20 octobre 1992, le requérant fut entendu par les policiers de la section antiterroriste. Le procès-verbal d’interrogatoire du requérant et de vingt-cinq autres personnes fut établi le 25 octobre.
Le 27 octobre 1992, le parquet demanda à la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul la mise en détention provisoire du requérant. Le même jour, celui-ci fut traduit devant le juge près la cour de sûreté de l’Etat, lequel ordonna sa mise en détention provisoire.
Par un acte d’accusation déposé le 10 novembre 1992, en application, entre autres, de l’article 125 du code pénal, le procureur de la République inculpa vingt-six personnes, dont le requérant, lequel fut poursuivi pour s’être livré à des activités visant à provoquer la sécession d’une partie du territoire national. Les 15 juin 1995 et 7 août 2001, le procureur réitéra son réquisitoire.
Le 12 janvier 1993, la cour de sûreté de l’Etat tint sa première audience.
Elle examina ensuite périodiquement la question du maintien en détention du requérant, soit à la demande de ce dernier soit d’office, et ordonna son maintien en détention provisoire et rejeta ses oppositions.
Le 11 mars 2003, en vertu de l’article 125 du code pénal, elle déclara le requérant coupable des faits qui lui étaient reprochés.
Le 9 juin 2004, la Cour de cassation infirma l’arrêt de la cour de sûreté de l’Etat, notamment à raison des allégations de torture pendant la garde à vue soulevées par le requérant et une autre personne, de l’existence de rapports médicaux à ce sujet et de l’insuffisance de l’enquête quant à l’homicide de A.A. dont le requérant était accusé.
L’affaire fut transférée à la cour d’assises d’Istanbul en vertu de l’article 2 de la loi no 5190.
Le 30 juillet 2004, en l’absence du requérant, la cour d’assises décida son maintien en détention provisoire et la poursuite de la procédure conformément à l’arrêt de la cour de cassation.
Le 12 octobre 2004, l’intéressé fut libéré.
D’après les éléments du dossier, l’affaire demeure pendante devant la cour d’assises d’Istanbul à la date de l’adoption de la présente décision.
GRIEFS
Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de sa détention provisoire. Il soutient que la cour de sûreté de l’Etat s’est servie de formules presque identiques pour décider de son maintien en détention alors que les éléments du dossier ont changé au fur et à mesure de la procédure. Il allègue que cette attitude enfreint le principe de présomption d’innocence et le respect de son droit à la liberté.
En outre, invoquant les articles 6 § 1 et 14 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure pénale. Selon lui, la longueur de cette procédure est liée notamment aux changements fréquents de la composition du tribunal et du procureur de la République, aux intervalles de deux à trois mois entre les audiences, au manque de diligence de la cour dans le recueil des preuves et au retard pris lors de la communication avec les autres autorités administratives et judicaires.
Enfin, invoquant l’article 13 de la Convention, le requérant allègue qu’en droit interne il n’existe aucun recours permettant de se plaindre de la durée d’une détention provisoire et de la durée excessive d’une procédure pénale.
EN DROIT
Le 25 octobre 2007, la Cour a reçu la déclaration suivante, signée par la partie requérante :
« En ma qualité de représentant du requérant, je note que le gouvernement turc est prêt à verser à M. Mehmet Bahri Kurt, à titre gracieux, la somme de 16 500 euros (seize mille cinq cent euros), ainsi que 1 500 euros (mille cinq cent euros) pour frais et dépens, en vue d’un règlement amiable de l’affaire ayant pour origine la requête susmentionnée pendante devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Cette somme, qui couvrira tout préjudice matériel et moral ainsi que les frais et dépens, sera convertie en livres turques au taux applicable à la date du paiement, et exempte de toute taxe éventuellement applicable. Elle sera payée dans les trois mois suivant la date de la notification de la décision de la Cour rendue conformément à l’article 37 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. A compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au règlement effectif de la somme en question, il sera payé un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage.
Dûment consulté par mes soin, M. Mehmet Bahri Kurt accepte cette proposition et renonce par ailleurs à toute autre prétention à l’encontre de la Turquie à propos des faits à l’origine de ladite requête. Je déclare l’affaire définitivement réglée. »
Le 4 avril 2008, la Cour a reçu de l’agent du Gouvernement la déclaration suivante :
« Je déclare que le gouvernement turc offre de verser à M. Mehmet Bahri Kurt, à titre gracieux, la somme de 16 500 euros (seize mille cinq cent euros), ainsi que 1 500 euros (mille cinq cent euros) pour frais et dépens, en vue d’un règlement amiable de l’affaire ayant pour origine la requête susmentionnée pendante devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Cette somme, qui couvrira tout préjudice matériel et moral ainsi que les frais et dépens, sera convertie en livres turques au taux applicable à la date du paiement, et exempte de toute taxe éventuellement applicable. Elle sera payée dans les trois mois suivant la date de la notification de la décision de la Cour rendue conformément à l’article 37 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. A défaut de règlement dans ledit délai, le Gouvernement s’engage à verser, à compter de l’expiration de celui-ci et jusqu’au règlement effectif de la somme en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage. Ce versement vaudra règlement définitif de l’affaire. »
La Cour prend acte du règlement amiable auquel sont parvenues les parties. Elle estime que celui-ci s’inspire du respect des droits de l’homme tels que les reconnaissent la Convention et ses Protocoles et n’aperçoit par ailleurs aucun motif d’ordre public justifiant de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine de la Convention). Toutefois, dans les circonstances particulières de la présente affaire, la Cour considère que l’Etat défendeur devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que la procédure interne soit terminée le plus rapidement possible, en prenant en considération les exigences d’une bonne administration de la justice. Il y a donc lieu de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention et de rayer l’affaire du rôle.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Décide de rayer la requête du rôle.
Sally Dollé Françoise Tulkens
Greffière Présidente
[1]. Parti des travailleurs du Kurdistan, une organisation illégale.