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Rozhodnutí
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 30370/06
présentée par ANIBAL VIEIRA & FILHOS, LDA
contre le Portugal
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 20 mai 2008 en une chambre composée de :
Françoise Tulkens, présidente,
Antonella Mularoni,
Ireneu Cabral Barreto,
Vladimiro Zagrebelsky,
Dragoljub Popović,
András Sajó,
Nona Tsotsoria, juges,
et de Sally Dollé, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 21 juillet 2006,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
La requérante, Anibal Vieira & Filhos, Lda, est une société à responsabilité limitée de droit portugais ayant son siège à Porto (Portugal). Elle est représentée devant la Cour par Me J.F.F. Alves, avocat à Matosinhos (Portugal).
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.
En décembre 1997, le couple S. introduisit une demande en dommages et intérêts contre la société requérante et une autre société T. devant le tribunal de Porto. Les demandeurs réclamaient la réparation du préjudice causé à leur immeuble suite à des travaux de démolition d’un immeuble contigu. La société T. était attaquée en tant que maître de l’ouvrage et la société requérante en tant que maître d’œuvre.
Par un jugement du 30 septembre 2003, la 2ème chambre civile du tribunal de Porto fit partiellement droit à la demande et condamna la société T. à verser des dommages et intérêts. La société requérante fut jugée exempte de toute responsabilité.
Le 9 octobre 2003, la requérante déposa une demande en nullité du jugement, estimant que les faits retenus n’étaient pas suffisants pour conclure à la responsabilité de la société T.
Cette dernière interjeta de son côté appel du jugement, estimant que la requérante était également responsable pour l’indemnisation. La requérante contesta cette position de la société T., dans un mémoire déposé devant la cour d’appel.
Par une ordonnance du 22 octobre 2003, le juge rejeta la demande en nullité et déclara recevable l’appel interjeté par la société T.
La requérante fit appel de cette ordonnance. Par une note du 30 mars 2004, à l’attention de la cour d’appel de Porto, le juge déclara maintenir sa décision. Il invita par ailleurs la requérante à procéder à la transcription de l’enregistrement de l’audience aux fins de l’appel. Tant la note que l’invitation furent portées à la connaissance de la requérante.
Par une ordonnance du 19 octobre 2004, le juge rapporteur à la cour d’appel de Porto déclara l’appel formé par la requérante irrecevable, les décisions sur une demande en nullité n’étant pas susceptibles d’appel.
Par un arrêt du 22 novembre 2004, la cour d’appel accueillit l’appel de la société T. et condamna celle-ci et la requérante, en tant que débitrices solidaires, au versement de dommages et intérêts.
Le 7 décembre 2004, la requérante se pourvut en cassation devant la Cour suprême, alléguant notamment que la cour d’appel n’avait pas examiné les points qu’elle avait soulevé dans son mémoire.
Dans une note du 18 mai 2005, rédigée à l’attention de la Cour suprême, le juge rapporteur de la cour d’appel déclara « ne déceler aucune nullité » pouvant entacher l’arrêt du 22 novembre 2004.
Par un arrêt du 27 septembre 2005, la Cour suprême accueillit le pourvoi et renvoya le dossier devant la cour d’appel.
Par un arrêt du 5 décembre 2005, la cour d’appel écarta les moyens soulevés par la requérante dans le mémoire en question et réaffirma sa décision précédente de condamnation solidaire des deux défenderesses.
La requérante se pourvut en cassation mais la Cour suprême, par un arrêt du 30 mars 2006, rejeta le pourvoi.
Suite à la notification du décompte des frais de justice dus par les défenderesses, la société T. fit une réclamation, qui fut portée à la connaissance de la requérante. Le greffier et le ministère public se prononcèrent contre la réclamation, ces notes n’ayant pas été transmises à la requérante. Par une ordonnance du 12 juin 2006, le juge de la 2ème chambre civile rejeta la réclamation formée par la société T.
GRIEFS
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint de la non-communication de certaines notes rédigées par les juges du tribunal de Porto et de la cour d’appel de Porto. Elle se plaint également de la non-communication de la note du greffe et de l’avis du ministère public concernant le décompte des frais de justice.
La requérante se plaint par ailleurs, invoquant la même disposition, de l’absence de transcription de l’enregistrement de l’audience.
Enfin, la requérante se plaint de l’absence de tout recours interne permettant de redresser les violations alléguées. Elle invoque l’article 13 de la Convention.
EN DROIT
1. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint de la non-communication de certaines notes et avis rédigés par les juges du tribunal de Porto et de la cour d’appel de Porto, par le greffe et par le ministère public. Elle se plaint également de l’impossibilité de répondre à ces notes et avis.
La Cour rappelle à titre préliminaire sa jurisprudence constante selon laquelle la notion de procès équitable implique en principe le droit pour les parties de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge et de la discuter (voir Lobo Machado c. Portugal, arrêt du 20 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996‑I, p. 206, § 31 ; voir également Nideröst-Huber c. Suisse, arrêt du 18 février 1997, Recueil 1997-I, p. 107, § 23 et, plus récemment, Ferreira Alves c. Portugal (no 3), no 25053/05, § 33, CEDH 2007‑...).
Elle rappelle ensuite que le caractère équitable du procès doit s’apprécier à la lumière de la procédure considérée dans son ensemble ; les juridictions de recours peuvent notamment porter remède à d’éventuelles irrégularités intervenues à des stades antérieurs de la procédure (Imbrioscia c. Suisse, arrêt du 24 novembre 1993, série A no 275, p. 14, § 38). La Cour a ainsi déjà considéré que la non-production de certaines pièces qui ne sont finalement pas examinées par les juridictions du fond ne saurait affecter, à elle seule, le caractère équitable d’une procédure (Miailhe c. France (no 2), arrêt du 26 septembre 1996, Recueil 1996‑IV, p. 1338, § 44).
La Cour examinera donc les griefs soulevés par la requérante à cet égard se fondant sur ces principes généraux.
a) La note du 30 mars 2004 du juge de la 2ème chambre civile du tribunal de Porto
Dans cette note, qui a été portée à la connaissance de la requérante mais à laquelle cette dernière ne pouvait pas répondre, le juge de la 2ème chambre civile a déclaré, avant de transmettre le dossier à la cour d’appel de Porto, maintenir sa décision de rejeter une demande en nullité introduite par la requérante.
Saisi du dossier, le juge rapporteur à la cour d’appel de Porto a déclaré le recours introduit à cet égard par la requérante irrecevable, aux termes des dispositions pertinentes du code de procédure civile, la décision attaquée n’étant pas susceptible de recours.
La note rédigée par le juge de la 2ème chambre civile n’a donc jamais été examinée par la cour d’appel et n’a donc pas pu porter préjudice au caractère équitable de la procédure.
b) La note du 18 mai 2005 du juge rapporteur à la cour d’appel
Dans cette note, le juge rapporteur à la cour d’appel soutenait devant la Cour suprême, dans le contexte d’un pourvoi introduit par la requérante, que l’arrêt de la cour d’appel mis en cause ne contenait aucune nullité.
Saisie du dossier, la Cour suprême a accueilli le pourvoi de la requérante, qui a vu donc son recours couronné de succès. La position du requérant n’a donc pas été affectée par la note en cause, vu la décision en sa faveur rendue par la Cour suprême.
Dans ces conditions, la Cour n’aperçoit pas comment la note en question aurait pu affecter le caractère équitable de la procédure dans son ensemble.
c) La note du greffe et l’avis du ministère public dans le contexte de la procédure relative aux frais de justice
Dans cette note et dans cet avis, le greffe et le ministère public respectivement se prononçaient sur une réclamation déposée par la défenderesse T. contre le décompte des frais de justice dus.
Or, à supposer même que l’article 6 § 1 de la Convention s’appliquât à une telle procédure, qui ne concernait que la détermination des frais de justice en tant que question accessoire, force est de constater que les documents en cause ne concernaient que la défenderesse T. et non pas la requérante. Cette dernière, qui a reçu notification non seulement du décompte des frais de justice mais également de la réclamation déposée par la défenderesse T., a choisi de ne pas se prononcer à cet égard, alors qu’elle en avait le loisir.
Dans ces conditions, la Cour n’aperçoit pas comment le caractère équitable de la procédure, pour autant que la requérante était concernée, a pu être affecté par la non-communication de documents qui ne concernaient que l’autre défenderesse.
La Cour en conclut que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
2. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint de l’absence de transcription de l’enregistrement de l’audience.
La Cour note cependant que la requérante n’a aucunement expliqué comment une telle absence de transcription aurait porté atteinte à l’équité de la procédure.
Ce grief n’est donc pas étayé et doit par conséquent être rejeté comme étant manifestement mal fondé en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
3. La requérante se plaint de l’absence de tout recours interne permettant d’attaquer les violations alléguées. Elle invoque l’article 13 de la Convention.
La Cour constate toutefois que la requérante a bel et bien bénéficié de la possibilité de soumettre ses griefs aux juridictions nationales, lesquelles se sont prononcées à cet égard. La Cour rappelle à cet égard que le caractère effectif d’un recours, aux fins de l’article 13, ne dépend pas de la certitude d’une issue favorable pour le demandeur (Slivenko et autres c. Lettonie (déc.) [GC], no 48321/99, § 101, CEDH 2002‑II (extraits)). Le fait que les tribunaux aient finalement tranché en un sens défavorable à la requérante ne signifie pas en soi que la procédure ait été dénuée d’effectivité, au sens de l’article 13 de la Convention.
Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Sally Dollé Françoise Tulkens
Greffière Présidente