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Rozhodnutí
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 73722/01
présentée par Şiyar PEKTAŞ et autres
contre la Turquie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 4 décembre 2007 en une chambre composée de :
Mme F. Tulkens, présidente,
MM. A.B. Baka,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
D. Jočienė, juges,
et de Mme F. Elens-Passos, greffière adjointe de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 17 juillet 2001,
Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,
Vu les déclarations formelles d’acceptation d’un règlement amiable de l’affaire.
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants, Mmes Şiyar Pektaş (née en 1982), Hatun Pektaş (née en 1983), Hivdar Pektaş (née en 1987), MM. Endan Pektaş (né en 1985), Ferman Pektaş (né en 1989), Hogır Pektaş (né en 1991) et Mehmet Pektaş (né en 1994), sont des ressortissants turcs résidant à Diyarbakır. Ils sont représentés devant la Cour par Mes M. Vefa et Y. Tosun, avocats à Diyarbakır. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») n’a pas désigné d’agent aux fins de la procédure devant la Cour.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le 17 février 1994, vers 16 h 30, alors qu’il était dans une cafétéria, Mehmet Pektaş fut emmené par deux hommes armés. Une heure plus tard, à la suite d’un appel téléphonique, les policiers se rendirent sur les lieux où son corps fut trouvé.
Le rapport d’autopsie dressé le 18 février 1994 fit état de deux blessures au niveau de la tête. Un examen balistique fut effectué sur la cartouche vide trouvée sur les lieux.
Le 24 février 1994, les policiers recueillirent les dépositions des témoins oculaires Musa Tosun, Adem Özdağ et Mehmet Özdağ.
Musa Tosun déclara que le défunt avait été emmené par deux personnes armées dont Kasım, un garde de village, surnommé Fako. Il affirma cependant ne pas pouvoir identifier l’autre personne.
Adem Özdağ confirma ces dires, ajoutant que selon les habitués de la cafétéria, les protagonistes étaient gardes de village dont un surnommé Fako.
Mehmet Özdağ expliqua que le défunt avait été appelé à sortir dehors par deux personnes armées, qui, d’après un certain Mehmet Doğan, étaient des gardes de village et l’un s’appelait Fako.
Le 7 juin 1994, le père du défunt, Cemil Pektaş, porta plainte devant le procureur de la République de Diyarbakır (« le procureur ») contre le garde de village Kasım Tatlı, surnommé Fako, ainsi que contre trois inconnus qu’il soupçonnait d’avoir assassiné son fils.
Le 8 juillet 1994, le procureur entendit le quatrième témoin Mehmet Doğan, qui confirma que, le jour des faits, le défunt avait bien été emmené par deux hommes armés, dont Kasım Tatlı.
Devant le procureur, le témoin Musa Tosun réitéra ses dires précédents.
Par un acte d’accusation du 20 octobre 1994, le procureur renvoya Kasım Tatlı devant la cour d’assises de Diyarbakır (« la cour ») et requit l’application de l’article 448 du code pénal, réprimant l’homicide volontaire.
Le 9 mars 1995, Kasım Tatlı comparut à l’audience et contesta toutes les accusations portées contre lui.
Le 11 avril 1995, Cemil Pektaş se constitua partie intervenante, en vertu de l’article 365 du code de procédure pénale.
Le même jour, la cour acquitta Kasım Tatlı, pour insuffisance de preuves.
Dans l’intervalle, la Commission d’enquête parlementaire sur les meurtres commis par des auteurs inconnus (Faili Meçhul Cinayetler Komisyonu) rendit à l’Assemblée nationale un rapport dénonçant l’assassinat de Mehmet Pektaş, qui aurait été tué après avoir été enlevé le 17 février 1994 vers 17h 45, par des gardes de village inconnus.
Par un arrêt du 18 octobre 1995, la Cour de cassation infirma le jugement attaqué pour vice de procédure et renvoya l’affaire devant la première instance.
Le 28 mars 2000, après s’être corrigée, la cour réitéra son jugement du 11 avril 1995. Pour parvenir à cette conclusion, elle se fonda sur les éléments ci-dessous :
- Selon une lettre explicative du commandement de la gendarmerie de Hazro, l’accusé avait participé aux opérations anti-terroristes du 18 février 1994, vers 2 heures, au 23 février 1994, en tant que garde de village. Cinq autres gardes de village, C.G., E.G., A.G., B.S., B.Ç., affirmèrent qu’ils avaient été aux opérations avec l’accusé le jour de l’incident.
- Selon les expertises balistiques, la cartouche vide trouvée sur les lieux du crime ne provenait pas des armes de l’accusé.
- Dans leurs dépositions, les témoins à charge Mehmet Doğan et Musa Tosun, avaient affirmé qu’à l’époque des faits, le défunt avait été emmené par l’accusé et un inconnu. Selon M. Doğan, le défunt avait été appelé de l’extérieur de la cafétéria alors que, d’après M. Tosun, l’accusé et la personne inconnue l’avaient pris de force dans la cafétéria. Il s’agissait d’une discordance, rendant les témoignages non crédibles.
- Quant aux autres témoins à charge, Mehmet Özdağ et Adem Özdağ avaient bien relaté l’enlèvement du défunt mais n’avaient pas pu identifier l’accusé.
Dans son opinion dissidente, un juge du collège précisa que la culpabilité de l’accusé était établie, critiquant ses homologues d’avoir pris en considération les dépositions des témoins à décharge, recueillies environ six ans après l’événement survenu.
Par un arrêt du 14 mai 2001, la Cour de cassation confirma ce jugement.
GRIEFS
Dans leur requête, les requérants se plaignaient notamment de ce que leur père, Mehmet Pektaş, avait été tué par les gardes de village, soutenant par ailleurs que l’enquête menée à ce sujet n’était ni suffisante ni efficace. En outre, ils dénonçaient l’iniquité de la procédure pénale intentée en l’espèce, laquelle n’avait pas non plus répondu à l’exigence de célérité.
Les requérants estimaient enfin que le meurtre de leur père avait emporté violation de leur droit au respect de leur vie privée et familiale.
A ces égards, ils invoquaient respectivement les articles 2, 6 et 8 de la Convention, pris isolément ou combinés avec l’article 13.
EN DROIT
La Cour a reçu du Gouvernement la déclaration suivante :
« Le Gouvernement de la République de Turquie regrette les faits entourant le décès de M. Mehmet Pektaş.
Aussi, en vue d’un règlement amiable de l’affaire ayant pour origine la requête no 73722/01 pendante devant la Cour européenne des Droits de l’Homme, le Gouvernement offre de verser aux requérants, Mmes Şiyar Pektaş, Hatun Pektaş, Hivdar Pektaş, MM. Endan Pektaş, Ferman Pektaş, Hogır Pektaş et Mehmet Pektaş, à titre gracieux, une somme de 20 000 EUR (vingt mille euros) au total. Cette somme, qui couvrira tout préjudice matériel et moral ainsi que les frais et dépens, sera convertie en livres turques au taux applicable à la date du paiement et ne sera soumise à aucun impôt ou charge fiscale. Elle sera payée dans les trois mois suivant la date de la notification de la décision de la Cour rendue conformément à l’article 37 § 1 de la Convention.
A défaut de règlement dans ledit délai, le Gouvernement s’engage à verser, à compter de l’expiration de celui-ci et jusqu’au règlement effectif de la somme en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage.
Ce versement vaudra règlement définitif de l’affaire. »
Par la suite, le conseil de la partie requérante a fait parvenir la déclaration que voici :
« En ma qualité de représentant des requérants Mmes Şiyar Pektaş, Hatun Pektaş, Hivdar Pektaş, MM. Endan Pektaş, Ferman Pektaş, Hogır Pektaş et Mehmet Pektaş, je note que le Gouvernement de la République de Turquie est prêt à verser, à titre gracieux, la somme globale de 20 000 EUR (vingt mille euros), en vue d’un règlement amiable de l’affaire ayant pour origine la requête no 73722/01, pendante devant la Cour européenne des Droits de l’Homme.
Cette somme, qui couvrira tout préjudice matériel et moral ainsi que les frais et dépens, sera convertie en livres turques au taux applicable à la date du paiement et ne sera soumise à aucun impôt ou charge fiscale. Elle sera payée dans les trois mois suivant la date de la notification de la décision de la Cour rendue conformément à l’article 37 § 1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. A compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au règlement effectif de la somme en question, il sera payé un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage.
Après avoir dûment consulté les requérants, j’accepte cette proposition et renonce par ailleurs à toute autre prétention à l’encontre de la Turquie à propos des faits à l’origine de ladite requête.
Je déclare l’affaire définitivement réglée. »
La Cour prend acte du règlement amiable auquel sont parvenues les parties. Elle estime que celui-ci s’inspire du respect des droits de l’homme tels que les reconnaissent la Convention et ses protocoles et n’aperçoit par ailleurs aucun motif d’ordre public justifiant de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine de la Convention). En conséquence, il convient de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention et de rayer l’affaire du rôle.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Décide de rayer la requête du rôle.
F. Elens-Passos F. Tulkens
Greffière adjointe Présidente