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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
28.11.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE FLANDIN c. FRANCE

(Requête no 77773/01)

ARRÊT

STRASBOURG

28 novembre 2006

DÉFINITIF

28/02/2007

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Flandin c. France,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

MM. A.B. Baka, président,
J.-P. Costa,
M. Ugrekhelidze,
Mmes E. Fura-Sandström,
D. Jočienė,
M. D. Popović,
Mme A. Mularoni, juges,
et de M. S. Naismith, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 7 novembre 2006,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 77773/01) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat, M. Gérard Flandin (« le requérant »), a saisi la Cour le 25 octobre 2001 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant est représenté par Me F. Naïm, avocat à Paris. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. R. Abraham, auquel a succédé dans ses fonctions Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

3. Le 30 septembre 2004, la Cour a décidé de communiquer au Gouvernement le grief tiré de l’iniquité de la procédure devant la cour d’appel (article 6 §§ 1 et 3 b) et c) de la Convention). Se prévalant des dispositions de l’article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l’affaire.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4. Le requérant est né en 1938 et réside à Manama, au Royaume du Bahreïn.

5. Le requérant exerce la profession de « consultant en management ».

6. Par un acte d’huissier du 23 février 1999, la société Les Délices d’Italie (ciaprès, « la société ») fit citer le requérant à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir commis à son égard, de 1995 à 1998, les délits d’exercice illégal de la profession d’avocat, d’usage d’un titre tendant à créer une confusion avec le titre et la profession d’avocat et d’escroquerie (articles 72 de la loi du 31 décembre 1971, 433-17 et 433-22 du code pénal).

7. Parallèlement, le requérant fut également cité à comparaître devant le même tribunal par le procureur de la République du chef des deux premiers délits précités.

8. Par un jugement du 12 novembre 1999, le tribunal correctionnel procéda à la jonction des deux procédures et condamna le requérant, comparant et non assisté par un avocat, à la peine de 8 000 francs (FRF) d’amende, soit environ 1 220 euros (EUR), dont 4 000 FRF avec sursis. Il se prononça également sur les intérêts civils et condamna le requérant à payer 5 000 FRF, soit environ 762 EUR, de dommages-intérêts à la société, ainsi qu’un franc symbolique à l’Ordre des avocats au barreau de Paris, parties civiles.

9. Le requérant interjeta appel devant la cour d’appel de Paris le 15 novembre 1999. Le procureur de la République interjeta appel incident. Une première audience devant la cour d’appel fut fixée au 23 février 2000.

10. Le 18 février 2000, le requérant fit une demande d’aide juridictionnelle afin d’être assisté par un avocat devant la cour d’appel.

11. Le 23 février 2000, l’examen de l’affaire fut renvoyé au 26 avril 2000 afin de permettre au requérant d’être assisté par un avocat au titre de l’aide juridictionnelle.

12. Par une décision du 7 mars 2000, réceptionnée par le requérant le 9 mars suivant, le bureau d’aide juridictionnelle rejeta la demande d’aide juridictionnelle au motif qu’il ne fournissait pas les pièces justificatives de ses moyens d’existence.

13. Le 15 mars 2000, le requérant fournit les pièces manquantes et demanda une nouvelle délibération du bureau d’aide juridictionnelle.

14. Par une décision du 21 mars 2000, le bureau d’aide juridictionnelle accorda l’aide juridictionnelle totale au requérant et désigna, pour l’assister, Me E. Sossah, avocat au barreau de Paris. Cette décision ne fut pas immédiatement notifiée.

15. Par une lettre du 18 avril 2000 adressée au président de la cour d’appel de Paris, le requérant s’exprima en ces termes :

« Affaire M. G. Flandin contre la société Les Délices d’Italie (...)

Audience du 26 avril 2000 à 13h30

Monsieur le Président,

Le 23 février 2000, lors de votre première audience pour l’affaire ci-dessus référencée, vous avez accepté un premier renvoi au 26 avril 2000, pour qu’il me soit possible d’obtenir l’aide juridictionnelle afin d’organiser ma défense avec l’assistance d’un avocat.

Aujourd’hui, suite aux démarches effectuées dans les délais requis, les 9, 16 et 24 février 2000, et le 14 mars 2000 par lettre envoyée en R.A.R., je n’ai pas reçu de réponse du bureau d’aide juridictionnelle. Je ne bénéficie donc pas de l’aide juridictionnelle pour cette affaire, alors que j’en bénéficie pour une autre affaire devant la cour d’appel de Versailles et que mes revenus sont inférieurs au minimum requis.

A quatre jours ouvrables de la date de l’audience devant la cour d’appel, n’ayant pas d’avocat, je suis obligé d’organiser ma défense seul, malgré ma demande formelle de représentation par un avocat.

En conséquence, vous trouverez ci-joint en deux exemplaires reliés (un pour la cour d’appel, l’autre pour le procureur de la République), mes conclusions, la liste des pièces et les pièces annexées (...) »

16. Le requérant comparut seul à l’audience du 26 avril 2000 devant la cour d’appel. Il ne fut pas informé de la possibilité d’obtenir la désignation d’un avocat commis d’office en réitérant sa demande.

17. Le 19 mai 2000, le bureau d’aide juridictionnelle notifia sa décision du 21 mars 2000 au requérant.

18. Par un arrêt du 31 mai 2000, la cour d’appel de Paris confirma le jugement en ses dispositions civiles et l’infirma sur la peine, portant l’amende à 30 000 FRF, soit environ 4 574 EUR.

19. Le même jour, soit le 31 mai 2000, le bureau d’aide juridictionnelle notifia sa décision du 21 mars 2000 susmentionnée à Me Sossah, chargé d’assister le requérant lors de l’audience devant la cour d’appel.

20. Par une lettre du 30 juin 2000, ce dernier répondit à une lettre du requérant en ces termes :

« (...) Conformément à votre demande, je vous confirme bien volontiers que la décision de ma désignation par le bureau d’aide juridictionnelle ne m’a été notifiée que le 31 mai 2000 par la voie du Palais, ainsi qu’en atteste le tampon de l’Ordre des avocats.

Je constate avec une certaine perplexité que l’objet de votre demande concernait une convocation par devant la cour d’appel de Paris (...) pour une audience du 23 février 2000.

Malgré le fait que votre dossier ait été enregistré le 18 février 2000, la décision rendue se trouve dépourvue de tout intérêt, étant totalement anachronique.

Au reste, le délai de deux mois écoulé entre la décision et sa notification au justiciable et à l’avocat désigné, constitue une anomalie que je me garde bien de qualifier (...) »

21. Le 6 juin 2000, le requérant obtint l’aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en cassation. L’avocat à la Cour de cassation désigné pour l’assister déposa un mémoire ampliatif dans lequel il développa un seul moyen de cassation, fondé sur la violation de l’article 6 § 3 c) de la Convention, faisant valoir qu’en raison de la notification tardive de la décision du 31 mars 2000 du bureau d’aide juridictionnelle, le requérant avait été privé de son droit d’être assisté par un avocat.

22. Dans son mémoire en défense devant la Cour de cassation, la société releva que l’assistance devant les juridictions correctionnelles n’était pas obligatoire et que faute pour le requérant d’avoir présenté une demande de désignation d’un avocat d’office au cours de l’audience du 26 avril 2000 devant la cour d’appel, il devait être considéré comme ayant renoncé à l’assistance d’un défenseur.

23. Par un mémoire en réplique, l’avocat à la Cour de cassation du requérant rappela les termes du courrier envoyé par le requérant le 18 avril 2000 au président de la cour d’appel de Paris et releva « qu’à aucun moment, ni à l’audience du 23 février 2000, ni lors de celle du 26 avril suivant, M. Flandin n’[avait] été informé par quiconque, et notamment par le président, de ce qu’il lui était loisible de solliciter la désignation d’un avocat d’office », et qu’on ne saurait au demeurant lui reprocher utilement de ne l’avoir pas fait, « puisque, précisément, il avait précédemment fait le nécessaire à cet égard ».

24. Par un arrêt du 15 mai 2001, la Cour de cassation rejeta le pourvoi selon la motivation suivante :

« Attendu qu’il résulte des mentions de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que l’affaire, appelée à l’audience du 23 février 2000, a été renvoyée à celle du 26 avril suivant pour permettre au prévenu d’être assisté par un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle ; que, par lettre en date du 18 avril 2000, Gérard Flandin a informé le président de la chambre des appels correctionnels que sa demande au bureau d’aide juridictionnelle était restée sans réponse et a déposé des conclusions ; qu’à l’audience du 26 avril, il a présenté lui-même ses moyens de défense, ayant la parole en dernier ;

Attendu qu’en cet état, et dès lors qu’il résulte tant des termes de la lettre précitée que des mentions de l’arrêt attaqué que Gérard Flandin, renonçant à être assisté par un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle, a choisi d’assurer lui-même sa défense devant la cour d’appel, le demandeur ne saurait invoquer aucune violation des droits de la défense ni des dispositions conventionnelles visées au moyen (...) »

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

25. Les articles pertinents du code de procédure pénale sont les suivants :

Article préliminaire

« I. - La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties (...)

III. - Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie (...)

Elle a le droit d’être informée des charges retenues contre elle et d’être assistée d’un défenseur (...) »

Article 417

« Le prévenu qui comparaît a la faculté de se faire assister par un défenseur.

S’il n’a pas fait choix d’un défenseur avant l’audience et s’il demande cependant à être assisté, le président en commet un d’office (...) »

26. La Cour de cassation a jugé qu’une cour d’appel n’avait pas porté atteinte aux droits de la défense et avait satisfait aux exigences de l’article 6 § 3 de la Convention dès lors que le prévenu n’avait pas cru devoir utiliser la faculté dont il disposait de se faire assister par un défenseur en l’absence du conseil de son choix (Cass. Crim., 17 mai 1993, Droit pénal oct. 1993). Elle a également décidé que l’article 417 du code de procédure pénale susreproduit n’impose au président du tribunal correctionnel de commettre un avocat d’office que si le prévenu comparant, qui n’a pas fait le choix d’un avocat avant l’audience, demande cependant à être assisté (Cass. Crim., 16 janvier 1995, Bull. crim. no 20) et que si l’article 417 précité, comme l’article 6 § 3 c) de la Convention, reconnaissent au prévenu le droit de se faire assister par un défenseur de son choix, la nécessité d’assurer la continuité du cours de la justice et celle de permettre un jugement dans un délai raisonnable font obstacle à ce que l’absence du défenseur choisi entraîne nécessairement le renvoi de l’affaire (Cass. Crim., 17 janvier 1996, Bull. crim. no 29).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 §§ 1 et 3 b) et c) DE LA CONVENTION

27. Le requérant se plaint de ne pas avoir bénéficié de l’assistance de l’avocat commis d’office au titre de l’aide juridictionnelle pour le défendre devant la cour d’appel. Il invoque la violation de l’article 6 §§ 1 et 3 b) et c) de la Convention, dont les dispositions pertinentes sont ainsi rédigées :


Article 6

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, (...)

3. Tout accusé a droit notamment à : (...)

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent (...) »

28. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

A. Sur la recevabilité

29. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

30. Le requérant souligne que lors de la première audience devant la cour d’appel, le président avait fermement prévenu les parties qu’il ne procéderait pas à un second renvoi. Lors de la seconde audience du 26 avril 2000, le président a ainsi commencé l’examen de l’affaire au fond sans évoquer d’aucune manière la question du renvoi bien qu’il ait été informé du souhait du requérant d’être assisté par un conseil, ce qui n’était manifestement pas le cas. Selon le requérant, le problème a donc résidé en l’espèce dans le seul fait que la désignation d’un avocat au titre de l’aide juridictionnelle accordée le 21 mars 2000 ne lui a pas été communiquée avant cette seconde audience et cela bien qu’il ait téléphoné à plusieurs reprises au greffier du bureau d’aide juridictionnelle entre le 12 avril et le 25 avril 2000, qui lui a à chaque fois indiqué à tort que son dossier était encore en cours d’instruction.

31. Le requérant conteste donc avoir jamais renoncé à l’assistance d’un conseil devant la cour d’appel. Au contraire, il estime avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour bénéficier de cette assistance, sans y parvenir, alors qu’il estimait ne pas être en mesure de se défendre juridiquement au mieux de ses intérêts.

32. Le Gouvernement considère que le requérant est responsable du défaut d’assistance par un avocat dont il se plaint, en premier lieu, parce qu’il a manqué de diligence dans l’établissement de sa demande d’aide juridictionnelle, le bureau d’aide juridictionnelle ayant rejeté sa demande, par une première décision, faute de production des pièces justifiant de ses moyens d’existence. Or, selon l’article 6 § 3 c) de la Convention, l’absence de ressources suffisantes est l’une des deux conditions, avec les exigences des intérêts de la justice, qui commandent le droit à l’assistance gratuite d’un défenseur.

33. En second lieu, le Gouvernement relève que le choix du requérant de ne pas demander un nouveau renvoi au cours de l’audience devant la cour d’appel, dans l’attente de la nouvelle décision du bureau d’aide juridictionnelle désormais en possession d’un dossier complet, était un choix éclairé, dont les conséquences ne sauraient être imputées aux autorités judiciaires.

34. Ainsi, le Gouvernement estime que le requérant a implicitement renoncé au bénéfice de l’assistance d’un avocat commis d’office.

35. La Cour rappelle que les exigences du paragraphe 3 de l’article 6 s’analysent en des éléments particuliers du droit à un procès équitable, garanti par le paragraphe 1. Dès lors, elle examinera le grief du requérant sous l’angle des deux textes combinés (voir, parmi d’autres, Vacher c. France, arrêt du 17 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, p. 2147, § 22).

36. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle un « accusé » qui ne veut pas se défendre lui-même doit pouvoir recourir aux services d’un défenseur de son choix et que s’il n’a pas les moyens d’en rémunérer un, la Convention lui reconnaît le droit à l’assistance gratuite d’un avocat d’office lorsque les intérêts de la justice l’exigent (Pakelli c. Allemagne, arrêt du 25 avril 1983, série A no 64, p. 15, § 31). Tout accusé doit, par ailleurs, pouvoir bénéficier du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.

37. En l’espèce, la Cour relève que le requérant a déposé, le 18 février 2000, une demande d’aide juridictionnelle afin d’être assisté par un avocat commis d’office devant la cour d’appel. A la suite de la fourniture des pièces justificatives nécessaires par le requérant, l’aide juridictionnelle lui a été finalement accordée par une décision en date du 21 mars 2000. Cependant, cette décision ne lui a été notifiée, ainsi qu’à l’avocat désigné, que plus de trois semaines après l’audience devant la cour d’appel.

38. La Cour relève qu’il ne s’agit pas en l’espèce de la question de savoir si le requérant avait droit à une assistance judiciaire gratuite, puisque celle-ci lui a été octroyée par le bureau d’aide juridictionnelle en raison de sa situation financière dès le 21 mars 2000. Par ailleurs, la Cour n’est pas convaincue par l’argument du Gouvernement, qui considère que le défaut d’assistance du requérant serait en partie dû au rejet initial de sa demande d’aide juridictionnelle, puisque ce dernier a fourni les pièces nécessaires à un nouvel examen de sa demande dès le 15 mars 2000, soit plus d’un mois avant la date de l’audience devant la cour d’appel du 26 avril 2000, et, qu’en tout état de cause, la décision lui octroyant l’aide juridictionnelle a été ellemême rendue plus d’un mois avant cette audience.

39. Reste à savoir si la notification tardive, par le bureau d’aide juridictionnelle, de la décision accordant l’aide juridictionnelle et désignant un avocat d’office a porté atteinte au droit du requérant de bénéficier de l’assistance d’un défenseur ainsi que du temps et des facilités nécessaires à sa défense au sens de l’article 6 §§ 1 et 3 b et c) précité.

40. A cet égard, la Cour rappelle que la renonciation à un droit garanti par la Convention doit se trouver établie de manière non équivoque (Colozza c. Italie, arrêt du 12 février 1985, série A no 89, pp. 1415, § 28 ; Oberschlick c. Autriche (no 1), arrêt du 23 mai 1991, série A no 204, p. 23, § 51) ; Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 86, CEDH 2006-...) et qu’il en va notamment ainsi de la renonciation aux avantages procurés par l’assistance d’un avocat (voir, mutatis mutandis, Meftah et autres c. France [GC], nos 32911/96, 35237/97 et 34595/97, § 46, CEDH 2002VII).

41. En l’espèce, la Cour relève que le requérant a exprimé de manière constante le souhait d’être défendu par un avocat devant la cour d’appel. Il a écrit au bureau d’aide juridictionnelle et l’a contacté par téléphone à plusieurs reprises afin de prendre connaissance de la décision de ce dernier quant à sa demande d’aide juridictionnelle, sans que la décision d’octroi du 21 mars 2000 ne lui soit signalée, ni d’ailleurs à l’avocat désigné pour le défendre par le bureau d’aide juridictionnelle. S’il est vrai, comme l’a relevé la Cour de cassation, que le requérant a finalement adressé au président de la cour d’appel ses conclusions en vue de l’audience du 26 avril 2000, il a pris soin de préciser dans sa lettre du 18 avril 2000 qu’il agissait ainsi uniquement faute d’avoir reçu la réponse à sa demande d’aide juridictionnelle pour pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat d’office.

42. Dès lors, la Cour est d’avis que le seul fait que le requérant n’ait pas réitéré sa demande d’assistance lors de cette audience ne saurait permettre de conclure à sa renonciation à son droit à être défendu par un avocat commis d’office.

43. En outre, la Cour relève que la cour d’appel a alourdi de manière significative la peine infligée au requérant en première instance, la portant de 8 000 FRF d’amende, soit environ 1 220 EUR, dont la moitié avec sursis, à 30 000 FRF d’amende, soit environ 4 574 EUR. L’enjeu n’a donc pas été négligeable.

44. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que le droit du requérant à une assistance gratuite par un avocat d’office n’a pas été respecté en l’espèce et qu’il a ainsi été privé des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.

Partant, il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 b) et c) de la Convention.

II. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

Sur la recevabilité

45. Sur le même fondement, le requérant se plaint de la partialité des juridictions du fond et de l’iniquité de la procédure devant elles au regard de l’appréciation des preuves présentées par lui et ses adversaires, d’une part, et en raison de la communication tardive des conclusions adverses devant la cour d’appel, d’autre part.

46. Pour autant que le grief du requérant vise à remettre en cause l’appréciation des preuves par les juridictions internes et le résultat de la procédure menée devant elles, la Cour rappelle qu’aux termes de l’article 19 de la Convention, elle a pour tâche d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes et qu’il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (voir, parmi d’autres, Garcia Ruiz c. Espagne, [GC] no 30544/96, § 28, CEDH 1999-I). Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

47. En tout état de cause, la Cour rappelle qu’aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes ; tout requérant doit avoir donné aux juridictions internes l’occasion d’éviter ou de redresser les violations alléguées contre lui. Ainsi, le grief dont on entend saisir la Cour doit d’abord être soulevé, au moins en substance, dans les formes et délais prescrits par le droit interne, devant les juridictions nationales appropriées (voir, entre autres, l’arrêt Civet c. France du 28 septembre 1999, no 29340/95, § 41, CEDH 1999-VI).

48. En l’espèce, la Cour constate que le requérant n’a présenté, par l’intermédiaire de son avocat à la Cour de cassation, qu’un seul moyen dans son mémoire déposé devant cette juridiction, consistant à se plaindre de ne pas avoir bénéficié de l’assistance de l’avocat commis d’office par décision du bureau d’aide juridictionnelle, de sorte qu’il n’a pas saisi la Cour de cassation des autres griefs qu’il invoque maintenant devant la Cour.

49. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée pour nonépuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

50. Aux termes de larticle 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

51. Le requérant n’a présenté aucune demande de satisfaction équitable. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 6 §§ 1 et 3 b) et c) relatif à l’iniquité de la procédure devant la cour d’appel faute pour le requérant d’avoir bénéficié de l’assistance d’un avocat d’office, et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 b) et c) de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 28 novembre 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

S. Naismith A.B. Baka
Greffier adjoint Président