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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
11.12.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 10404/02
présentée par Yuliya Ivanivna KRAVETS
contre l’Ukraine

La Cour européenne des Droits de l’Homme (cinquième section), siégeant le 11 décembre 2006 en une chambre composée de :

M. P. Lorenzen, président,
Mme S. Botoucharova,
M. V. Butkevych,
Mme M. Tsatsa-Nikolovska,
MM. R. Maruste,
J. Borrego Borrego,
Mme R. Jaeger, juges,
et de Mme C. Westerdiek, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 6 février 2002,

Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par la requérante,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

La requérante, Mme Yuliya Ivanivna Kravets, est une ressortissante ukrainienne, née en 1945 et résidant à Vinnytsya. Elle est représentée devant la Cour par Me Dyman et Me Bardyn, avocats à Vinnytsya. Le gouvernement ukrainien (« le Gouvernement ») est représenté par ses agents, Mme Valeria Lutkovska, Mme Zoryana Bortnovska et M. Yuriy Zaytsev, du Ministère de la Justice.

A. Les circonstances de l’espèce

Par un jugement insusceptible d’appel (« постанова ») du 1er juin 1999, après avoir reconnu la requérante coupable de vol mineur sur son lieu de travail, le tribunal d’arrondissement Staromisky à Vinnytsya lui infligea, conformément à l’article 51 § 1 du code des contraventions administratives de l’Ukraine, une amende administrative (non qualifiée de pénale en droit interne) d’un montant de 51 UAH[1]. Suite à ce jugement, la direction de la société à responsabilité limitée «Combinat pâtissier de Vinnytsya » licencia la requérante.

Par une ordonnance du 7 juillet 1999, le tribunal d’arrondissement Staromisky à Vinnytsia, suite à l’intervention « en ordre de contrôle » (protest) du procureur adjoint de Vinnytsia, considérant que l’investigation n’avait pas été détaillée, annula le jugement du 1er juin 1999 et clôtura l’affaire.

Le 9 juillet 1999, la requérante assigna alors son ancien employeur devant le même tribunal, en demandant sa réintégration au travail et le versement des arriérés de salaire.

Le 30 juillet 1999, le procureur adjoint de Vinnytsya introduisit un protest contre l’ordonnance du 7 juillet 1999 arguant du fait que le tribunal, en clôturant l’affaire, n’avait pas considéré au préalable toutes les circonstances de l’espèce.

Par une ordonnance du 28 septembre 1999, le Président adjoint de la Cour de la région de Vinnytsia, intervenant « en ordre de contrôle », infirma l’ordonnance du 7 juillet 1999 et maintint le jugement du 1er juin 1999 concernant la condamnation administrative de la requérante.

Par un jugement contradictoire du 30 septembre 1999, le tribunal, se référant à l’ordonnance du 7 juillet 1999, fit droit à la demande de la requérante.

Le 12 octobre 1999, le combinat pâtissier de Vinnytsya demanda, en se référant à l’ordonnance du 28 septembre 1999, la révision du jugement du 30 septembre 1999.

Par une décision du 22 octobre 1999, le tribunal d’arrondissement Staromisky à Vinnytsya fit droit à la demande de la société et ordonna la réouverture de la procédure civile. Par un jugement contradictoire du 3 décembre 1999, le tribunal rejeta la demande de la requérante relative à sa réintégration au travail.

Par une ordonnance du 20 février 2001, le Président de la Cour Suprême de l’Ukraine fit droit à un protest déposé par le Procureur général adjoint de l’Ukraine, infirma l’ordonnance du 28 septembre 1999 pour vice de procédure sans statuer sur le fond.

Ayant pris connaissance de l’ordonnance du 20 février 2001 en mai 2001, la requérante ressaisit le tribunal d’arrondissement Staromisky à Vinnytsia d’une demande à l’encontre de son ancien employeur tendant à sa réintégration au travail et au versement des arriérés de salaire.

La société défenderesse demanda au tribunal de suspendre la procédure au motif qu’elle avait sollicité du Procureur Général de l’Ukraine le dépôt d’un protest en vue d’annuler l’ordonnance du 20 février 2001. Le tribunal, par une décision du 7 juin 2001, fit droit à cette demande. Contre cette décision, la requérante se pourvut devant la cour de la région de Vinnytsya qui, par une décision du 3 juillet 2001, annula la décision du 7 juin 2001 et ordonna au tribunal de reprendre la procédure.

Enfin, par une décision du 7 septembre 2001, le tribunal d’arrondissement Staromisky à Vinnytsya clôtura l’examen de la demande du fait que le jugement du 3 décembre 1999, portant sur le litige entre les mêmes parties et ayant le même objet, avait acquis l’autorité de la chose jugée.

Le 7 septembre 2001, la requérante déposa auprès dudit tribunal une demande en révision du jugement du 3 décembre 1999 basée sur des faits nouvellement révélés. Par une décision du 24 septembre 2001, le tribunal rejeta la demande de la requérante en raison de sa tardiveté (l’inobservation du délai légal de trois mois à compter de la date de la prise de connaissance des faits nouvellement révélés - mai 2001 en l’espèce). Le tribunal refusa expressément de prendre en compte le fait que la requérante, ignorant la procédure en révision, avait intenté au début une action ordinaire. Il nota à cet égard que «l’ignorance juridique ne pouvait servir de fondement à la prorogation du délai légal ». La requérante n’interjeta pas appel.

Selon la nouvelle procédure introduite par la loi du 21 juin 2001, la requérante, en septembre 2001, se pourvut en cassation contre le jugement du 3 décembre 1999 devant la Cour Suprême de l’Ukraine qui, par une décision du 16 novembre 2001, renvoya l’affaire au tribunal d’arrondissement Staromisky à Vinnytsya pour précision des moyens de cassation. La requérante ne les ayant pas précisé, le pourvoi lui fut renvoyé par une décision du 13 février 2002.

B. Le droit interne pertinent

1. Classement de l’affaire sur le fondement de l’autorité de la chose jugée

Selon l’article 227 § 3 du code ukrainien de procédure civile en vigueur à l’époque des faits, le tribunal classe l’affaire s’il existe une décision judiciaire définitive portant sur le même litige entre les mêmes parties et fondée sur les mêmes motifs.

2. Recours en révision

Selon l’article 3472, alinéa 2 du code ukrainien de procédure civile en vigueur à l’époque des faits, un des fondements de la révision des décisions basée sur des faits nouvellement révélés était, notamment, le fait qu’il a été jugé sur la base de décisions, jugements ou arrêts d’un tribunal ou de décisions d’une autre instance qui étaient annulés.

Selon l’article 3473 du même code, le délai du recours en révision était de trois mois à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision.

GRIEFS

Invoquant les articles 6 et 13 de la Convention, la requérante estime avoir fait l’objet d’une violation de son droit à un procès équitable. Elle allègue, en particulier, du manque d’impartialité du tribunal d’arrondissement Staromisky à Vinnytsya.

EN DROIT

1. La requérante se plaint d’une violation de son droit à un procès équitable et d’un manque d’impartialité du tribunal Staromisky à Vinnytsya. Elle invoque les articles 6 § 1 libellé comme suit :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

En l’espèce, la requérante se plaint plus particulièrement de l’impossibilité de faire connaître à une juridiction compétente l’abrogation des poursuites pour vol, alors que la condamnation pour cette infraction avait servi au tribunal Staromisky à Vinnytsya de motif au rejet de sa demande de réintégration au travail le 3 décembre 1999.

La Cour rappelle que les États contractants jouissent d’une grande liberté dans le choix des moyens propres à permettre à leur système judiciaire de respecter les impératifs de l’article 6. Sa tâche consiste à rechercher si la voie suivie par eux en ce domaine aboutit à des résultats qui, dans les litiges dont on la saisit, cadrent avec les exigences de la Convention (voir, Quaranta c. Suisse, arrêt du 24 mai 1991, série A no 205, § 30).

La Cour rappelle que l’application restrictive des règles procédurales empêchant les justiciables d’utiliser la voie de recours que leur offre la loi peut poser le problème de l’accès au tribunal sous l’angle de l’article 6 § 1 (voir, par exemple, De Geouffre de la Pradelle c. France, arrêt du 16 décembre 1992, série A no 253B, §§ 33-35 ; Běleš et autres c. République tchèque, no 47273/99, § 51, CEDH 2002IX ; Hajiyev c. Azerbaïdjan, no 5548/03, § 46, 16 novembre 2006). Toutefois, dans les affaires précitées, il existait des circonstances particulières, telles qu’une pièce d’information importante manquante ou la complexité des procédures internes qui plaçait le requérant devant un choix difficile.

La Cour note ensuite que, dans le cas d’espèce, le droit interne offre un recours clair et précis permettant aux justiciables de porter à la connaissance des tribunaux un fait révélé après la procédure initiale, recours qui avait déjà été efficacement utilisé dans le même litige par la partie défenderesse qui avait obtenu, le 22 octobre 1999, la réouverture de la procédure relative à la demande de réintégration de la requérante dans son travail. Encore faut-il que les formes et délais prévus en droit interne pour former ce recours soient respectés. Or, dans le cas d’espèce, la requérante n’a pas respecté le délai légal fixé par le code de procédure civile, ni fourni de preuve de l’impossibilité où elle se serait trouvée, assistée ou non d’un avocat, de se conformer à la règle, ni démontré le caractère déraisonnable de celle-ci.

Quant au grief relatif au manque d’impartialité du tribunal d’arrondissement Staromisky à Vinnytsya, il porte, en substance, sur le comportement prétendument illégal du tribunal qui, selon la requérante, l’a intentionnellement trompée sur la nature du recours à exercer.

La Cour note d’emblée que les dispositions du code ukrainien de procédure civile relatives au recours en révision sont rédigées en termes suffisamment clairs de façon à permettre à chaque justiciable, en cas de nécessité, d’y recourir sans aucune entrave. Partant, la Cour est d’avis que, dans les circonstances de l’espèce, les craintes d’un manque d’impartialité exprimées par la requérante ne sont pas objectivement justifiées.

Il s’ensuit que le grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2. La requérante allègue enfin une violation de l’article 13 de la Convention, qui dispose :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

La Cour rappelle que selon sa jurisprudence, l’article 13 ne s’applique que lorsqu’une personne prétendant être victime d’une violation d’un droit protégé par la Convention peut faire état d’un « grief défendable ». Compte tenu des considérations qu’elle a formulées au sujet de l’article 6 § 1 de la Convention, elle conclut que la requérante ne pouvait faire état d’un grief défendable au sens de l’article 13. Partant, ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

En conséquence, il convient de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention et de rejeter la requête.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Claudia Westerdiek Peer Lorenzen
Greffière Président


1. 8 euros environ.