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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
11.12.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 29802/02
présentée par Anton Emilov KRASTEV
contre la Bulgarie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (cinquième section), siégeant le 11 décembre 2006 en une chambre composée de :

M. P. Lorenzen, président,
Mme S. Botoucharova,
MM. K. Jungwiert,
R. Maruste,
J. Borrego Borrego,
Mme R. Jaeger,
M. M. Villiger, juges,
et de Mme C. Westerdiek, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 16 juillet 2002,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Anton Emilov Krastev, est un ressortissant bulgare, né en 1951 et résidant à Sofia.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

1. La condamnation et la détention du requérant

Par un jugement du tribunal de la ville de Sofia en date du 16 mars 1979, le requérant fut condamné pour avoir refusé de revenir en Bulgarie après l’expiration de son permis de séjour dans un pays étranger, pour avoir pénétrer sur le territoire bulgare muni de faux documents et pour avoir fondé, sous contrôle étranger, un groupe ayant pour but de porter atteinte aux intérêts fondamentaux du pays. Le tribunal prononça une peine globale de douze ans d’emprisonnement.

Suite au recours de l’intéressé, par un arrêt du 13 septembre 1979, la Cour suprême diminua la peine imposée à dix ans d’emprisonnement.

Le requérant fut détenu en exécution de cette peine du 19 mai 1978 au 27 avril 1987.

A une date non précisée en 1990, il saisit la Cour suprême d’une demande en révision (молба за преглед по реда на надзора) du jugement du 16 mars 1979. Par un arrêt du 9 juillet 1990, la Cour suprême accueillit en partie sa demande, modifia le jugement attaqué et diminua la peine du requérant à cinq ans d’emprisonnement.

2. La procédure en dommages et intérêts

Le 1er novembre 1995, le requérant saisit le tribunal de la ville de Sofia d’une action en dommages et intérêts contre le parquet général et la Cour suprême de cassation, visant la réparation du préjudice subi du fait de la détention en exécution du jugement partiellement annulé. Le requérant y dénonçait les mauvaises conditions de détention et les effets néfastes qu’elles auraient eu sur son état de santé, et se plaignait d’avoir été condamné sur la base de dénonciations calomnieuses. Par ailleurs, il réclamait une somme au titre du dommage matériel subi du fait de l’impossibilité de travailler pendant la période de la détention en dépassement de sa peine, telle que fixée par l’arrêt de la Cour suprême du 9 juillet 1990.

Au cours de la procédure, le requérant chiffra ses prétentions à 70 000 levs bulgares (environ 35 900 euros) au titre du dommage moral et 3 668 levs bulgares (environ 1 880 euros) pour le dommage matériel.

Il appert que trois expertises médicales visant à déterminer les effets des conditions de la détention sur l’état de santé de l’intéressé furent ordonnées. Les médecins estimèrent que l’hypertension artérielle et l’inflammation de l’estomac dont souffrait le requérant dataient d’après sa remise en liberté. L’expert neurologue conclut que l’intéressé souffrait d’un désordre fonctionnel du système nerveux qui pouvait être dû au stresse, ainsi qu’à des traumatismes psychiques.

Par ailleurs, le tribunal ordonna une expertise comptable afin de fixer le montant du préjudice matériel subi par le requérant. L’expert produisit trois rapports dans lesquels il chiffrait le montant du dommage matériel sur la base du montant du salaire moyen pendant la période de la détention, en 1995 et en 1999 respectivement.

Deux témoins furent entendus.

A l’audience du 26 octobre 1998, le requérant sollicita la délivrance d’un certificat destiné à lui servir auprès des autorités pénitentiaires dans le but de se voir accorder le droit d’accès à son dossier et d’en faire une copie. Par ailleurs, le 10 février 1999, il saisit le tribunal d’une demande à cette fin. Le 1er mars 1999, le tribunal rejeta sa demande estimant que le requérant pouvait se procurer des copies des éléments pertinents du dossier auprès des autorités pénitentiaires.

La prison de Pazardjik fournit des copies de certains éléments du dossier du requérant, notamment de ses plaintes au parquet dans lesquelles il se plaignait d’avoir été contraint de travailler, ainsi que de la détérioration de son état de santé. Les autorités pénitentiaires indiquèrent ne pas être en mesure de fournir une copie du dossier médical de l’intéressé, ces documents ayant été entre-temps détruits.

Par un jugement du 4 juillet 2000, le tribunal de la ville de Sofia accueillit certaines des prétentions du requérant et lui accorda 5 000 levs bulgares (environ 2 565 euros) au titre du dommage moral et 6,45 levs (environ 3,5 euros) au titre du dommage matériel. Le tribunal prit en compte le premier rapport de l’expert comptable, estimant que le montant des pertes subies par le requérant devait être déterminé en fonction du montant du salaire moyen à l’époque de sa détention.

Le requérant fut condamné au paiement d’une taxe judiciaire dont le montant fut fixé à 2 746 levs (environ 1 408 euros).

Le 2 août 2000, le requérant interjeta appel du jugement, en se plaignant pour l’essentiel du montant de l’indemnité accordée et du fait que le tribunal n’avait pas tenu compte du niveau moyen des salaires en 1999 en fixant le montant de l’indemnité accordée au titre du dommage matériel. Par ailleurs, le requérant faisait valoir que le tribunal de la ville avait ignoré une partie de sa demande initiale concernant notamment le préjudice subi du fait d’avoir été condamné sur la base de dénonciations calomnieuses.

Par un arrêt du 30 novembre 2000, la cour d’appel de Sofia confirma le jugement attaqué. La juridiction observa que, conformément à une jurisprudence bien établie, le montant de l’indemnité pour pertes de salaire était fixé eu égard aux rémunérations dont la personne concernée avait été privée. Le montant ne pouvait pas être corrigé en fonction des processus d’inflation. Quant aux arguments du requérant selon lesquels la juridiction de première instance avait omis d’examiner une partie de sa demande initiale, la cour releva que le tribunal de la ville de Sofia avait tenu compte des faits en question pour fixer le montant global de l’indemnisation à payer au titre du dommage moral.

Le 1er mai 2001, le requérant forma un pourvoi en cassation dans lequel il reprenait les arguments avancés devant la cour d’appel. Par un arrêt du 24 janvier 2002, la Cour suprême de cassation, statuant en dernière instance, rejeta le pourvoi.

Dans une communication en date du 26 janvier 2004, le requérant indiqua qu’il avait reçu le montant global des indemnités accordées. Il n’avait pas, à ce jour, versé le montant de la taxe judiciaire qu’il avait été condamné à payer.

B. Le droit et la pratique internes pertinents

La loi sur la responsabilité pour dommages de l’Etat et des communes (Закон за отговорността на държавата и общините за вреди) de 1988

La loi prévoit en son article 2 alinéa 1 :

« L’Etat est responsable des dommages causés aux particuliers par les autorités de l’instruction, du parquet et par les juridictions, du fait :

1. d’une détention, notamment la détention provisoire, lorsque celle-ci a été annulée pour absence de fondement légal ;

(...)

3. d’une condamnation pénale ou d’une sanction administrative, lorsque l’intéressé est par la suite relaxé ou la sanction annulée ; (...) »

En vertu de la jurisprudence constante en la matière, le demandeur est tenu de diriger sa demande contre l’autorité responsable, et non contre l’Etat bulgare, y compris dans les cas où le préjudice a été causé par une juridiction interne.

En vertu de l’article 10 de la loi, le demandeur est dispensé du versement de la taxe judiciaire et des frais concernant les actes d’instruction qu’il réclame au moment de l’introduction de la demande au tribunal. Néanmoins, si la demande est partiellement ou entièrement rejetée, le tribunal condamne l’intéressé au paiement de la taxe et des frais, calculés en fonction de la valeur des sommes réclamées et non attribuées.

GRIEFS

1. Invoquant l’article 5 § 5 de la Convention, le requérant se plaint du montant des indemnités accordées, notamment de l’insuffisance de l’indemnité octroyée au titre du dommage moral qu’il qualifie de « dérisoire ». Il fait valoir que les juridictions internes n’ont pas pris compte tous les éléments pertinents, en particulier l’aggravation de son état de santé suite à la détention, l’impossibilité de poursuivre son éducation, les processus d’inflation, etc.

2. Invoquant l’article 6 § 1, l’intéressé se plaint de la durée de la procédure.

3. Invoquant les articles 6 § 1 et 13 de la Convention, le requérant allègue que sa cause n’a pas été examinée par un tribunal impartial, la Cour suprême de cassation qui a examiné son pourvoi en cassation, étant l’un des défendeurs. Par ailleurs, il se plaint de ce que le tribunal de la ville de Sofia a rejeté sa demande visant l’obtention d’un droit d’accès à son dossier pénitentiaire ; il serait ainsi privé de la possibilité de recueillir des éléments de preuve à l’appui de ses allégations.

EN DROIT

1. L’intéressé allègue que la durée de la procédure civile suivie en l’espèce ne remplissait pas la condition de jugement dans un délai raisonnable. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé dans ses parties pertinentes :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de le communiquer au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

2. Concernant les autres griefs du requérant, compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour ne relève aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.

Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée, conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief du requérant tiré de l’article 6 § 1, relatif à la durée de la procédure civile ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Claudia Westerdiek Peer Lorenzen
Greffière Président