Přehled

Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
5.12.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

des requêtes nos 4218/02, 4260/02, 4262/02 et 4271/02
présentées par Baran YİĞİT, Enver YİĞİT, Serhat YİĞİT
et Şeyhmus AYDIN
contre la Turquie
introduites le 14 décembre 2001

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 5 décembre 2006 en une chambre composée de :

MM. J.-P. Costa, président,
A.B. Baka,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
D. Jočienė, juges,
et de M. S. Naismith, greffier adjoint de section,

Vu les requêtes susmentionnées introduites le 14 décembre 2001,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Les requérants, MM. Baran Yiğit (né en 1982), Enver Yiğit (né en 1986), Serhat Yiğit (né en 1978) et Şeyhmus Aydın (né en 1984), sont des ressortissants turcs, résidant à Diyarbakır. Ils sont représentés devant la Cour par Me M.S. Tanrıkulu, avocat à Diyarbakır.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

Les requérants, Serhat Yiğit, le 21 juillet 2001, Baran Yiğit et Enver Yiğit le 22 juillet 2001 et Şeyhmus Aydın, le 26 juillet 2001, furent placés en garde à vue. Or, Serhat Yiğit soutint avoir été placé en garde à vue le 19 juillet 2001.

Şeyhmus Aydın avait dix-sept ans lors de son placement en garde à vue.

Les procès verbaux de perquisition du domicile et d’arrestation indiquèrent que les requérants furent arrêtés et placés en garde à vue dans le cadre d’une opération dirigée contre le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, une organisation illégale).

Par une décision du juge assesseur auprès de la cour de sûreté d’Etat, la garde à vue de Serhat Yiğit, Baran Yiğit et Enver Yiğit fut prolongée de six jours.

Le 29 juillet 2001, les requérants furent interrogés par la section de la lutte contre le terrorisme de la direction de sûreté de Diyarbakır. Ils signèrent les procès verbaux de déposition, dans lesquels ils déclarèrent, notamment, avoir participé à des manifestations non autorisées pour le PKK.

Le 30 juillet 2001, devant le procureur de la République auprès de la cour de sûreté d’Etat, les trois requérants contestèrent leurs dépositions faites devant les autorités de police. Quant à Serhat Yiğit, il contesta partiellement sa déposition faite devant les autorités de police et avoua avoir participé à des manifestations non autorisées pour le PKK et avoir encouragé les trois requérants à y participer.

Le rapport médical en date du 30 juillet 2001, établi par l’établissement de santé de Diyarbakır, indiquait aucuns coups et blessures sur le corps des requérants. Pour Serhat Yiğit, le rapport mentionnait également l’existence d’une cicatrice ancienne sur son corps.

Le 30 juillet 2001, par une décision du juge assesseur, les trois requérants furent mis en liberté et, quant à Serhat Yiğit, le juge ordonna sa détention provisoire.

Par une lettre du 20 août 2001, envoyée au président de la cour de sûreté d’Etat en vue de demander sa mise en liberté, Serhat Yiğit se plaignit également des mauvais traitements subis lors de sa garde à vue.

Par un acte d’accusation du 10 septembre 2001, une procédure pénale fut intentée contre les requérants pour appartenance au PKK devant la cour de sûreté d’Etat de Diyarbakır.

Lors de l’audience du 8 novembre 2001, devant la cour de sûreté d’Etat, Serhat Yiğit fut mis en liberté.

Par une décision du 22 avril 2004, la cour de sûreté d’Etat de Diyarbakir se dessaisit de l’affaire en faveur de la cour d’assises de Diyarbakır et elle renvoya l’affaire de Şeyhmus Aydın devant le tribunal pour enfants.

Les procédures engagées contre les requérants sont toujours en cours.

GRIEFS

Invoquant les articles 3 et 13 de la Convention, les requérants se plaignent d’avoir subi des mauvais traitements lors de leur garde à vue et du manquement des autorités à l’obligation d’engager une enquête concernant ces griefs et enfin, de l’absence de voies de recours effectifs pour faire valoir leurs griefs relatifs à l’article 3.

Invoquant l’article 5 § 1, ils se plaignent d’être arrêtés de manière arbitraire.

Invoquant l’article 5 § 2, ils se plaignent de ne pas avoir été informés des raisons de leur arrestation.

Invoquant l’article 5 § 3, ils se plaignent de la durée de leur garde à vue.

Invoquant l’article 5 § 4, ils se plaignent de l’absence de voies de recours effectifs en vue de contester la décision du juge prolongeant la durée de leur garde à vue.

Invoquant l’article 5 § 5, ils se plaignent de l’absence de l’indemnisation du préjudice, causé par la méconnaissance des paragraphes 1, 2, 3 et 4 de l’article 5 de la Convention.

EN DROIT

1. Les requérants se plaignent de la violation de l’article 5 paragraphes 3, 4 et 5 de la Convention.

A l’exception du grief formulé sous l’angle de l’article 5 paragraphe 4 par Şeyhmus Aydın (requête no 4271/02), en l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au Gouvernement défendeur, conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

2. Les requérants se plaignent des mauvais traitements lors de leur garde à vue et du manquement à l’obligation d’engager une enquête officielle. Ils invoquent l’article 3 de la Convention.

La Cour relève que les requérants n’ont pas épuisé les voies des recours internes. En supposant même qu’ils les ont épuisés, le rapport médical établi le 30 juillet 2001 par l’établissement de santé de Diyarbakır ne fait état d’aucuns coups et blessures sur les corps des requérants. En tout état de cause, les requérants ne montrent nullement s’ils ont contesté ce rapport médical ni n’expliquent pourquoi ils n’ont pas cherché à le contester. Serhat Yiğit n’explique pas pourquoi il a attendu vingt jours après son placement en détention provisoire avant d’écrire la lettre au Président de la cour de surété de l’Etat. Par ailleurs, rien n’empêchait Serhat Yiğit de demander aux autorités pénitentiaires de l’autoriser à consulter un autre médecin. Rien n’empêchait non plus les autres requérants, mis en liberté à la suite de leur garde à vue, de faire établir un rapport médical. La Cour estime qu’en l’absence d’un grief défendable, l’article 3 n’exige pas des autorités internes d’enquêter sur les allégations de la méconnaissance de l’article 3 (voir Kaplan c. Turquie (déc.), no 24932/94, 19 septembre 2000, Işık c. Turquie (déc.), no 35064/97, 2 septembre 2003, et D.E. v. Bulgaria (déc.), no 44625/98, 1er juillet 2004). Force est de constater que les allégations des requérants relatives à l’article 3 ne sont pas suffisamment étayées. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée pour défaut manifeste de fondement, en application de l’article 35 paragraphe 3 de la Convention.

3. Concernant les autres griefs des requérants, compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour ne relève aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Décide de joindre les requêtes ;

Ajourne l’examen des griefs des requérants tirés de l’article 5 paragraphes 3, 4 et 5, à l’exception du grief tiré du paragraphe 4 de l’article 5, formulé par Şeyhmus Aydın dans la requête no 4271/02, qui est à déclarer irrecevable ;

Déclare les requêtes irrecevables pour le surplus.

S. Naismith J.-P. Costa
Greffier Président