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DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 37110/04
présentée par Jean Paul MBARGA
contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 5 décembre 2006 en une chambre composée de :
MM. A.B. Baka, président,
J.-P. Costa,
I. Cabral Barreto,
Mmes A. Mularoni,
E. Fura-Sandström,
D. Jočienė,
M. D. Popović, juges,
et de M. S. Naismith, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 7 octobre 2004,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Jean Paul Mbarga, est un ressortissant camerounais, né en 1956 et résidant à Gray.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
Le 30 octobre 2001, le juge d’instruction du tribunal de grande instance d’Auch rendit une ordonnance de mise en accusation contre le requérant pour viol.
Par un arrêt du 16 novembre 2002, la cour d’assises du Gers acquitta le requérant de l’accusation portée contre lui.
Le 22 novembre 2002, le procureur général interjeta appel de l’arrêt.
Par une ordonnance du 15 janvier 2003, la Cour de cassation désigna la cour d’assises du département du Lot et Garonne pour statuer en appel.
L’audience eut lieu le 21 octobre 2003. On peut lire dans le procès verbal des débats :
« Le Président a fait retirer l’accusé de l’auditoire et lui a enjoint en application de l’article 354 du code de procédure pénale de demeurer pendant la durée du délibéré dans la salle d’attente jouxtant la salle d’audience et invité le chef du service d’ordre à veiller au respect de cette injonction.
Le Président a alors déclaré que l’audience était suspendue, la cour et le jury, à l’exclusion du juré supplémentaire sont entrés en salle de délibération pour y délibérer, hors la présence du ministère public et du greffier.
Il était 18 h 45.
(...)
Ce même jour à 21 heures 45, leur délibération étant terminée sans que le juré supplémentaire y ait pris part, la cour et le jury ont repris leurs places dans la salle d’audience,
L’audience étant toujours publique et les portes ouvertes, le président a fait comparaître l’accusé, toujours libre (...) et il a prononcé l’arrêt de condamnation après avoir lu les textes de loi dont il a été fait application, (...) ».
Par un arrêt du 21 octobre 2003, la cour d’assises du Lot et Garonne déclara le requérant coupable de viol et le condamna à quatre ans d’emprisonnement dont trois avec sursis.
Le requérant se pourvut en cassation estimant notamment que les articles 5 et 6 de la Convention avaient été violés du fait de son placement en détention dans une salle jouxtant la salle d’audience.
Par un arrêt du 2 septembre 2004, la Cour de cassation rejeta le pourvoi considérant :
« Attendu qu’en enjoignant à l’accusé de demeurer, pendant le délibéré, dans la salle d’attente jouxtant la salle d’audience et en invitant le chef du service d’ordre à veiller au respect de cette injonction, le président de la cour d’assises a fait l’exacte application des dispositions de l’article 354 du code de procédure pénale, qui ne sont pas contraires aux prescriptions conventionnelles invoquées ».
B. Le droit interne pertinent
Code de procédure pénale
Article 354
« Le président fait retirer l’accusé de la salle d’audience. Si l’accusé est libre, il lui enjoint de ne pas quitter le palais de justice pendant la durée du délibéré, en indiquant, le cas échéant, le ou les locaux dans lesquels il doit demeurer, et invite le chef du service d’ordre à veiller au respect de cette injonction.
Il invite le chef du service d’ordre à faire garder les issues de la chambre des délibérations, dans laquelle nul ne pourra pénétrer, pour quelque cause que ce soit, sans autorisation du président.
Le président déclare l’audience suspendue. »
GRIEFS
1. Invoquant l’article 5 de la Convention, le requérant se plaint d’avoir été placé en détention pendant le délibéré de la cour d’assises d’appel, sur la seule injonction du président de séance, alors qu’il avait été acquitté en première instance et qu’il avait comparu librement devant la juridiction.
2. Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant se plaint de ce que le procureur de la République, qui avait interjeté appel de l’arrêt d’acquittement, a connu de l’affaire en appel.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint d’avoir été détenu pendant le délibéré de la cour d’assises d’appel et invoque l’article 5 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit :
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales (...)
c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci (...) »
La Cour rappelle d’abord que l’article 5 de la Convention garantit le droit fondamental à la liberté et à la sûreté. Ce droit revêt une très grande importance dans « une société démocratique », au sens de la Convention (De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, arrêt du 18 juin 1971, série A no 12, p. 36, § 65 ; Winterwerp c. Pays-Bas, arrêt du 24 octobre 1979, série A no 33, p. 16, § 37 et Assanidzé c. Georgie [GC], no 71503/01, § 69, CEDH 2004-II).
Tout individu a droit à la protection de ce droit, c’est-à-dire à ne pas être ou rester privé de liberté (Weeks c. Royaume-Uni, arrêt du 2 mars 1987, série A no 114, p. 22, § 40), sauf dans le respect des exigences du paragraphe 1 de l’article 5. La liste des exceptions que dresse l’article 5 § 1 revêt un caractère exhaustif (Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 170, CEDH 2000-IV ; Quinn c. France, arrêt du 22 mars 1995, série A no 311, p. 17, § 42), et seule une interprétation étroite cadre avec le but et l’objet de cette disposition : assurer que nul ne soit arbitrairement privé de sa liberté (Engel et autres c. Pays-Bas, arrêt du 8 juin 1976, série A no 22, p. 25, § 58 ; Amuur c. France, arrêt du 25 juin 1996, Recueil 1996-III, p. 848, § 42 et Giulia Manzoni c. Italie, arrêt du 1er juillet 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, § 25).
La Cour constate, qu’en l’espèce, la privation de liberté du requérant le 21 octobre 2003 pendant le délibéré de la cour d’assises d’appel du Lot et Garonne a commencé à 18 heures 45 et a pris fin à 21 heures 45.
Cette détention, qui a duré trois heures, a été ordonnée en application de l’article 354 du code de procédure pénale qui la prévoit expressément.
Dès lors, cette détention peut être considérée comme répondant aux prescriptions de l’article 5 § 1 en ce qui concerne l’exigence des « voies légales ». Elle relève plus particulièrement de l’article 5 § 1 c) de la Convention puisque le requérant comparaissait devant la cour d’assises, « autorité judiciaire compétente » pour juger l’infraction qu’il était soupçonné avoir commise.
La Cour relève en effet que le requérant comparaissait devant la cour d’assises du Lot et Garonne pour y être jugé, en appel, suite à sa mise en accusation pour des faits de viol. Par conséquent, la Cour considère que cette privation de liberté, qui s’applique devant la cour d’assises, c’est-à-dire lors du jugement des infractions les plus graves, s’explique par la nécessaire garantie de la présence du requérant au moment du prononcé de la décision. Elle note également que le requérant ne se plaint ni de la durée ni des conditions de cette détention.
Partant, la Cour estime, qu’en l’espèce, le fait d’avoir été privé de sa liberté durant le délibéré de la cour d’assises correspond à une mesure nécessaire au regard des règles de la procédure qui permet de garantir la présence de l’accusé au moment du prononcé de la décision. Elle considère par conséquent que la disposition en cause ménage un « équilibre raisonnable (...) entre les intérêts opposés en cause » (voir Zervudacki c. France, no 73947/01, § 48, 27 juillet 2006, a contrario).
Au vu des circonstances de l’espèce, la Cour considère que le requérant a été détenu, en vertu d’une disposition légale, dans des conditions qui ont respecté l’équilibre susmentionné.
Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
2. Le requérant se plaint de ce que le procureur de la République, qui avait interjeté appel de l’arrêt d’acquittement, a connu de l’affaire en appel. A cet égard, il invoque l’article 6 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
La Cour observe que le grief du requérant pourrait être rattaché à une allégation de défaut d’impartialité du procureur de la République.
Toutefois, la Cour constate d’emblée que le requérant n’a pas soulevé ce grief devant la Cour de cassation.
Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
S. Naismith A.B. Baka Greffier adjoint Président