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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
30.11.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 69501/01
présentée par Doğan HATUN et Düzgün BULAT
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 30 novembre 2006 en une chambre composée de :

MM. B.M. Zupančič, président,
R. Türmen,
C. Bîrsan,
V. Zagrebelsky,
Mme A. Gyulumyan,
MM. E. Myjer,
David Thór Björgvinsson, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 18 mai 2000,

Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Les requérants, MM. Doğan Hatun et Düzgün Bulat, sont des ressortissants turcs, nés respectivement en 1970 et 1960. Ils sont représentés devant la Cour par Me Z. S. Özdoğan, avocate à Izmir.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Les requérants furent arrêtés respectivement les 1er et 6 juin 1995.

Au terme de leur garde à vue le 14 juin 1995, Doğan Hatun fut mis en détention provisoire et Düzgün Bulat libéré.

Le procureur de la République près la cour de sûreté de l’Etat d’Izmir, reprochant au premier requérant d’être dirigeant au sein d’une organisation illégale et au deuxième de porter aide et soutien à celle-ci, les inculpa sur le fondement des articles 168 § 1 et 169 du code pénal ainsi que de l’article 5 de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme.

Le 22 juillet 1997, la cour de sûreté de l’Etat reconnut les requérants coupables des faits qui leur étaient reprochés. Elle condamna le premier requérant à vingt-quatre ans d’emprisonnement et le deuxième à trois ans et neuf mois d’emprisonnement.

Le 7 juillet 1998, la Cour de cassation cassa l’arrêt de première instance.

Le 3 décembre 1998, la cour de sûreté de l’Etat réitéra son arrêt initial, lequel fut confirmé par la Cour de cassation le 18 octobre 1999.

Le 21 décembre 2000, alors que le deuxième requérant était placé sous mandat d’arrêt, la loi no 4616 fut promulguée. Elle permit, entre autres, de surseoir à l’exécution des peines privatives de liberté pour certaines catégories d’infractions commises avant le 23 avril 1999. Le deuxième requérant fut admis au bénéfice de cette loi.

Dans sa lettre du 16 janvier 2006, la représentante des requérants indiqua que le délai de cinq ans s’était écoulé sans aucune nouvelle condamnation du deuxième requérant.

B. Le droit interne pertinent

Le droit interne pertinent en vigueur à l’époque des faits est décrit dans les affaires Asli Güneş c. Turquie ((déc.), no 53916/00, 13 mai 2004) et Koç et Tambaş c. Turquie ((déc.), no 46947/99, 24 février 2005).

Le 19 juillet 2001, la Cour constitutionnelle a considéré que le sursis à exécution prononcé en application des lois nos 4454 et 4616 relatives au sursis au jugement et à l’exécution de la peine concerne non seulement la peine principale, mais également les peines accessoires et les privations de droit ou incapacités liées à la condamnation principale.

GRIEFS

Les requérants allèguent que la cour de sûreté de l’Etat qui les a jugés et condamnés ne constitue pas un « tribunal indépendant et impartial » qui eût pu leur garantir un procès équitable en raison de la présence d’un juge militaire en son sein. Ils allèguent l’iniquité de la procédure devant cette juridiction dans la mesure où elle a fondé son constat de culpabilité sur les dépositions recueillies au stade de l’instruction préliminaire, sous la contrainte et sans l’assistance d’un avocat. Ils y voient une violation de l’article 6 de la Convention.

EN DROIT

1. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter la requête pour autant qu’elle concerne Doğan Hatun. Il fait observer que celle-ci est essentiellement la même que la requête no 57343/00, portant sur des faits et griefs identiques.

Le requérant ne se prononce pas.

La Cour note que la requête no 57343/00, introduite le 20 avril 2000 par Doğan Hatun et trois autres personnes, porte sur des allégations de manque d’indépendance et d’impartialité de la cour de sûreté de l’Etat d’Izmir en raison de la présence d’un juge militaire en son sein, ainsi que sur l’iniquité de la procédure devant celle-ci parce que les requérants auraient été condamnés uniquement sur la base de leur déposition obtenue lors de la garde à vue, sous la contrainte et en l’absence d’un avocat.

Dans sa partie concernant le premier requérant, la présente requête est donc essentiellement la même que la requête no 57343/00 pour laquelle la Cour a conclu à la violation de l’article 6 de la Convention dans son arrêt du 20 octobre 2005.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 2 b) et 4 de la Convention.

2. La Cour note que la condamnation de Düzgün Bulat a acquis autorité de chose jugée étant donné qu’elle a été confirmée par la Cour de cassation. Avec l’entrée en vigueur de la loi no 4616, l’exécution de la peine infligée a été suspendue pendant une durée de cinq ans. Le requérant n’a commis aucune infraction pendant a durée du sursis. A cet égard, la Cour relève que l’intéressé a été jugé libre et que la peine privative de liberté prononcée à son encontre n’a pas été mise à exécution.

L’arrivée du terme du sursis et l’absence de commission par le requérant d’une nouvelle infraction ont eu pour conséquence de rendre sa condamnation non avenue, ce qui se traduit par l’effacement de la condamnation et de sa mention sur son casier judiciaire. Cette circonstance met fin à toutes les conséquences dommageables qui auraient pu découler du manque d’indépendance et d’impartialité de la cour de sûreté de l’Etat d’Izmir et du défaut d’équité de la procédure devant celle-ci. De plus, le requérant n’a été frappé d’aucune incapacité pendant la période du sursis, dans la mesure où le sursis à exécution concerne également les peines accessoires et incapacités liées à la condamnation principale. Le requérant n’apparaissant plus affecté en rien, quant à ces griefs, par la condamnation litigieuse (voir Aslı Güneş, décision précitée, et Koç et Tambaş, décision précitée), il ne saurait prétendre avoir intérêt, au sens de l’article 34 de la Convention, à poursuivre l’examen de cette partie de la requête.

Il s’ensuit que, pour autant qu’elle concerne le deuxième requérant, la requête doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président