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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
30.11.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 67136/01
présentée par Abdülkerim ARSLAN
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 30 novembre 2006 en une chambre composée de :

MM. B.M. Zupančič, président,
R. Türmen,
C. Bîrsan,
Mme A. Gyulumyan,
MM. E. Myjer,
David Thór Björgvinsson,
Mme I. Berro-Lefèvre, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 12 octobre 2000,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, Abdülkerim Arslan, est un ressortissant turc, né en 1979 et résidant en Turquie. Il est représenté devant la Cour par Me G. Tuncer, avocate à İstanbul.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le requérant allègue qu’il aurait été placé en garde à vue le 15 avril 1999.

Le procès verbal d’arrestation en date du 22 avril 1999 indique que suite à une dénonciation faite par téléphone aux autorités de la police, le requérant fut arrêté en possession de sept grenades à main dans son sac, devant l’université de médecine de Çapa. Le requérant fut placé en garde à vue le 20 avril 1999. Il ressort du procès verbal que le requérant ne répondit pas aux questions posées lors de son interrogatoire et refusa de signer le procès verbal.

Le 21 avril 1999, la durée de la garde à vue du requérant fut prolongée de trois jours par une décision du procureur de la République auprès de la cour de sûreté d’Etat d’İstanbul.

Le 24 avril 1999, le requérant fut traduit devant la cour de sûreté d’Etat d’İstanbul qui ordonna sa détention provisoire. Devant la cour, le requérant refusa toutes les accusations portées contre lui.

Le 30 avril 1999, par un acte d’accusation, le procureur de la République auprès de la cour de sûreté d’Etat d’İstanbul requit la condamnation du requérant, en raison de la détention d’explosifs, sur le fondement de l’article 264/5 du code pénal et de l’appartenance à une organisation armée illégale, le PKK, sur le fondement de l’article 168/2 du code pénal.

Le 11 novembre 1999, le requérant fut condamné par la cour de sûreté d’Etat d’İstanbul à douze ans et six mois d’emprisonnement pour appartenance à une organisation armée illégale incriminée par l’article 168/2 du code pénal, avec une interdiction de bénéfice du service public. La condamnation du requérant avait été fondée notamment sur les rapports d’expertise portés sur les explosifs trouvés sur le requérant lors de son arrestation. Par ailleurs, la cour de sûreté d’Etat, a rejeté les griefs du requérant, relatifs aux mauvais traitements lors de sa garde à vue, en précisant que le rapport médical versé au dossier du requérant ne faisait état d’aucun coup et blessure portés sur lui.

Le 31 mai 2000, la Cour de cassation confirma le jugement du tribunal de première instance.

Par ailleurs, le requérant produisit, dans sa requête devant la Cour, des coupures des journaux dans lesquels sa photo ainsi que son nom furent diffusés avec un commentaire le présentant en tant que terroriste, ce, avant l’ouverture de son procès.

GRIEFS

1. Le requérant se plaint, en premier lieu, d’avoir été torturé et d’avoir subi des mauvais traitements lors de sa garde à vue, afin de lui extorquer des aveux et en deuxième lieu, de l’absence des voies de recours effectifs pour faire valoir ces griefs. A cet égard, il invoque l’article 3 de la Convention combiné avec l’article 13.

2. Le requérant se plaint d’avoir été placé en garde à vue de manière arbitraire et de ne pas avoir été informé des raisons de son placement en garde à vue, ainsi que la durée de celle-ci. Il se plaint de l’absence des voies de recours effectifs pour faire valoir ces griefs. Il prétend qu’il a été arrêté en raison de ses opinions politiques. A cet égard, il invoque l’article 5 §§ 1, 2, 3 et 4 de la Convention combiné avec les articles 13 et 14.

3. En outre, le requérant se plaint, en premier lieu, de ce que sa cause n’a pas été entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial du fait d’être jugé par la cour de sûreté d’Etat, en deuxième lieu, il allègue que l’appréciation des éléments de preuve est erronée, en troisième lieu, il allègue que l’arrêt de la Cour de cassation n’a pas été motivé et enfin, il soutient que l’application des dispositions spécifiques à la procédure devant la cour de sûreté d’Etat est discriminatoire. A cet égard, il invoque l’article 6 § 1 de la Convention combiné avec l’article 14.

4. Sous l’angle de l’article 6 §§ 2 et 3 de la Convention, il se plaint, en premier lieu, d’une atteinte au principe de la présomption d’innocence, en raison de la diffusion de sa photo et de son nom dans les journaux et d’être présenté en tant que terroriste avant d’être jugé par un tribunal, en deuxième lieu, de ne pas être informé de la nature de l’accusation portée contre lui, en troisième lieu, de l’absence de notification de l’avis du procureur général soumis à la Cour de cassation et enfin, de ne pas avoir bénéficié de l’assistance d’un avocat lors de la phase de l’instruction.

EN DROIT

1. Le requérant se plaint d’une atteinte au principe de la présomption d’innocence garantie par l’article 6 § 2 de la Convention en raison de la publication de sa photo et de la mention de son nom dans divers journaux, ainsi que d’avoir été présenté en tant que terroriste avant qu’il soit jugé par un tribunal.

Il se plaint également de la violation de l’article 6 § 3 b) en raison de la non communication de l’avis du procureur général soumis à la Cour de cassation.

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au Gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

2. Le requérant se plaint d’avoir subi des mauvais traitements lors de sa garde à vue et de l’absence des voies de recours effectifs pour faire valoir ces griefs devant les instances internes. A cet égard, le requérant invoque l’article 3 combiné avec l’article 13.

La Cour relève que, même si on suppose que le requérant avait introduit ses griefs relatifs à l’article 3, en respectant le délai de six mois, il n’étaye nullement ses allégations relatives aux mauvais traitements. Il s’ensuit que les griefs du requérant doivent être rejetés pour défaut manifeste de fondement, en application de l’article 35 § 3 de la Convention.

3. Le requérant se plaint d’avoir été placé en garde à vue de manière arbitraire et de ne pas avoir été informé des raisons de son placement en garde à vue, ainsi que la durée de celle-ci. Il se plaint de l’absence des voies de recours effectifs pour faire valoir ces griefs. Il prétend qu’il a été arrêté en raison de ses opinions politiques. A cet égard, il invoque l’article 5 §§ 1, 2, 3 et 4 de la Convention combiné avec les articles 13 et 14.

La Cour relève que la garde à vue du requérant a pris fin le 24 avril 1999. Or, la requête a été introduite le 12 octobre 2000. Il s’ensuit que les griefs formulés sous l’angle de l’article 5, doivent être rejetés pour non respect du délai de six mois, en application de l’article 35 § 1 de la Convention.

4. En outre, le requérant se plaint, en premier lieu, de ce que sa cause n’a pas été entendue par un tribunal indépendant et impartial du fait d’être jugé par la Cour de sûreté d’Etat, en deuxième lieu, il allègue que l’appréciation des éléments de preuve est erronée, en troisième lieu, il soutient que l’arrêt de la Cour de cassation n’a pas été motivée et enfin, le requérant allègue que l’application des dispositions spécifiques à la procédure devant la cour de sûreté d’Etat s’analyse en une discrimination. A cet égard, il invoque l’article 6 § 1 de la Convention combiné avec l’article 14.

Quant à l’indépendance et l’impartialité de la cour de sûreté d’Etat d’İstanbul, la Cour, se référant à sa décision partielle dans la requête no 51175/00 Imrek c. Turquie, considère qu’au vu des garanties constitutionnelles et légales dont jouissent les juges siégeant dans les cours de sûreté de l’Etat, et qu’étant donné l’absence d’une argumentation pertinente qui rendrait sujettes à caution leur indépendance et leur impartialité, il convient de rejeter cette partie de la requête pour défaut manifeste de fondement, au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Quant à l’appréciation des éléments de preuve par la cour de sûreté d’Etat, la Cour note que la cour de sûreté d’Etat a développé de manière explicite son appréciation des preuves et ainsi motivé son jugement. La Cour ne relève aucun élément d’arbitraire dans l’appréciation des preuves.

S’agissant de l’absence de motivation de l’arrêt de la Cour de cassation, la Cour reconnait que l’article 6 § 1 oblige les tribunaux à motiver leurs décisions mais rappelle qu’il ne découle pas de cette disposition que les motifs exposés par une juridiction doivent traiter en particulier de tous les points que l’une des parties peut estimer fondamentaux pour son argumentation. Une partie n’a pas le droit absolu d’exiger du tribunal qu’il expose les motifs de rejet pour chacun de ses arguments (voir Van de Hurk c. Pays-Bas, arrêt du 19 avril 1994, série A no 288, p. 20, § 61, et García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 26, CEDH 1999-I). La Cour constate que l’arrêt de la juridiction de première instance a été amplement motivé et que la Cour de cassation l’a confirmé. Dans ces circonstances, l’examen de ces griefs ne permet de déceler aucune apparence de violation du droit à un procès équitable garanti par l’article 6 § 1 de la Convention. Il s’ensuit qu’ils doivent être rejetés pour défaut manifeste de fondement, conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Quant à l’application des dispositions spécifiques à la procédure devant la cour de sûreté d’Etat, la Cour rappelle que l’interdiction de la discrimination mentionnée dans l’article 14, interdit de traiter de manière différente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placées en la matière dans des situations comparables. Or, en l’espèce, la procédure appliquée devant la cour de sûreté d’Etat ne concerne pas uniquement l’affaire du requérant. Ladite procédure est appliquée à toutes les affaires jugées devant les cours de sûreté d’Etat. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée pour défaut manifeste de fondement, en application de l’article 35 §§ 3 et 4.

5. Le requérant se plaint de ne pas avoir été informé de la nature de l’accusation portée contre lui et de ne pas avoir bénéficié de l’assistance d’un avocat lors de l’instruction. A cet égard, il invoque l’article 6 § 3 de la Convention.

La Cour relève que, le procureur de la République auprès de la cour de sûreté d’Etat d’İstanbul, dans son acte d’accusation du 30 avril 1999, précise que, suite à une dénonciation faite aux autorités de police, le requérant a été arrêté en possession de sept grenades à main. Le procureur a requis sa condamnation. L’acte d’accusation a été notifié au requérant. La notification de celui-ci au requérant est suffisante pour l’informer de la nature de l’accusation portée contre lui.

S’agissant de l’absence de l’assistance d’un avocat lors de l’instruction, la Cour relève que le requérant a bénéficié de l’assistance d’un avocat aussi bien devant la cour de sûreté de l’Etat que devant la Cour de cassation.

La Cour note que, lors de l’instruction de police, il a fait usage de son droit de se taire. Elle relève que la cour de sûreté de l’Etat s’est fondée, pour établir la culpabilité du requérant, sur des rapports d’expertise et des preuves matérielles saisies sur le requérant, essentiellement des explosifs.

Ainsi, au vu des éléments du dossier et de l’examen global de la procédure au regard de l’article 6 § 1 de la Convention, la Cour estime que le requérant n’a pas été privé de son droit à un procès équitable. Dans ces circonstances, l’examen de cette partie de la requête ne permet de déceler aucune apparence de violation de l’article 6 § 3 de la Convention.

Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et doit être rejetée en application de l’article 35 § 4.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen des griefs du requérant tirés de l’article 6 §§ 2 et 3 b) de la Convention ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président