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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
9.11.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE PETAN c. SLOVÉNIE

(Requête no 66819/01)

ARRÊT

STRASBOURG

9 novembre 2006

DÉFINITIF

09/02/2007

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Petan c. Slovénie,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

MM. J. Hedigan, président,
B.M. Zupančič,
C. Bîrsan,
Mme A. Gyulumyan,
MM. E. Myjer,
David Thór Björgvinsson,
Mme I. Berro-Lefevre, juges,

et de M. V. Berger, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 19 octobre 2006,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 66819/01) dirigée contre la République de Slovénie et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Danijela Petan (« la requérante »), a saisi la Cour le 23 mai 2000 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. La requérante est représentée par Me N. Grgurevič. Le gouvernement slovène (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. L. Bembič, procureur général de l’Etat.

3. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante alléguait que les procédures internes auxquelles elle était partie avaientt connu une durée excessive.

4. Le 9 juin 2005, la Cour a décidé de communiquer au Gouvernement le grief tiré de la durée de la procédure. Se prévalant de l’article 29 § 3 de la Convention, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de la requête.

EN FAIT

5 . La requérante, Danijela Petan, est une ressortissante slovène, née en 1938 et résidant à Maribor.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposé par les parties, peuvent se résumer comme suit.

1. Genèse de l’affaire

6. Le 28 novembre 1990, la requérante fut licenciée par son employeur, l’entreprise Z. Elle entama une procédure auprès du tribunal de travail associé (Sodišče združenega dela – l’appellation de l’époque) contre cette entreprise. Le 21 mai 1991, le tribunal rendit un jugement, donnant gain de cause à la requérante. Son ex-employeur interjeta appel. Le 29 avril 1993, le tribunal de travail associé d’appel (Republiško Sodišče združenega dela - l’appellation de l’époque) confirma le jugement de première instance.

7. Par ailleurs, en 1991, le directeur de l’entreprise Z. et une autre entreprise, H.Z., successeur juridique de la première entreprise, engagèrent des poursuites pénales contre la requérante pour l’atteinte à l’honneur. Une plainte aurait été retirée et, le 3 juin 1993, le tribunal de base (Temeljno sodišče – l’appellation de l’époque) de Ljubljana aurait rejeté l’autre plainte. Suite à l’appel, le 18 novembre 1993, le tribunal d’appel aurait confirmé le jugement de première instance.

8. Le 27 décembre 1993, la requérante adressa une demande d’indemnisation à son ex-employeur, lequel ne donna pas de suite à cette demande.

2. Première procédure

(i) La procédure devant les juridictions civiles et constitutionnelle

9. Le 3 mai 1994, la requérante, par l’intermédiaire de son avocat, ouvrit une procédure auprès du tribunal de base (Temeljno sodišče – l’appellation de l’époque) de Maribor, demandant 100 000 marks allemands (DEM) à son ex-employeur, l’entreprise Z., et à l’entreprise H.Z., pour le dommage moral subi en raison de son licenciement. En outre, elle fit des demandes aux fins de désigner un autre tribunal pour examiner l’affaire et d’être exemptée du paiement des frais de procédure.

10. Le 2 juin 1994, la Cour suprême décida que le tribunal de base de Celje devrait connaître de l’affaire. Ce dernier, le 24 juin 1994, reçut le dossier, et le transféra ensuite à l’unité de Slovenske Konjice.

11. Le 13 juillet 1994, le juge demanda à la partie défenderesse de répondre à la demande de la requérante, ce qu’elle fit le 2 septembre 1994. Le 19 septembre 1994, le tribunal envoya cette réponse à la requérante. Le 16 novembre 1994, elle soumit un mémoire.

12. Le 10 janvier 1995, suite à la réorganisation du système judiciaire, l’affaire fut transférée au tribunal de district (Okrožno sodišče – nouvelle appellation) de Celje.

13. Le 1er mars 1995, l’avocat de la requérante s’adressa au tribunal de Slovenske Konjice. Ensuite, le 4 avril 1995, la requérante aurait demandé le transfert du dossier à Celje. Le 21 avril 1995, elle fut informée que l’affaire relevait déjà de la compétence du tribunal de district de Celje.

14. Le 4 mai 1995, la requérante demanda au président du tribunal supérieur de Celje d’accélérer la procédure. Le 15 mai 1995, ce dernier l’informa que son affaire n’avait pas de caractère prioritaire.

15. Le 2 octobre 1996, en absence de la partie défenderesse, le tribunal tint une audience.

16. Le 5 octobre 1996, la requérante elle-même spécifia sa demande. Le 13 novembre 1996, son représentant soumit également un mémoire à ce propos et élargit la demande, afin de demander une indemnisation pour le dommage matériel.

17. Le 21 novembre 1996, le tribunal nomma un expert psychiatre, qui prépara son expertise le 14 décembre 1996.

18. Le 22 janvier 1997, la partie défenderesse soumit un mémoire.

19. Le 31 janvier 1997, le tribunal de district de Celje demanda au tribunal de travail (Delovno sodišče – nouvelle appellation) de Maribor le transfert du dossier relatif à la procédure de licenciement. Le 11 février 1997, le tribunal de travail informa le tribunal de district que le dossier avait été transféré au tribunal supérieur du travail et des affaires sociales.

20. Le 8 janvier 1998, la requérante demanda au juge de tenir une audience.

21. Le 10 janvier 1998, un autre juge fut nommé dans l’affaire.

22. Les 12 février et 14 mai 1998, la requérante formula des recours hiérarchiques auprès du ministère de la Justice.

23. Par ailleurs, le 15 novembre 1996, la requérante ouvrit une autre procédure en dommages-intérêts (paragraphe 60 ci-dessous) et demanda que les deux procédures soient jointes.

24. Le 22 juin 1998, lors d’une audience auprès du tribunal de district de Celje, les parties étaient d’accord qu’un seul juge pouvait examiner l’affaire. Le tribunal décida également de ne pas joindre les deux procédures. Par ailleurs, le représentant de la requérante demanda qu’un jugement intérimaire relatif au fondement de la demande d’indemnisation soit rendu.

25. Le 23 juin 1998, la requérante elle-même modifia sa demande d’indemnisation de 100 000 DEM, en majorant le montant de 50 000 DEM. Le 26 juin 1998, suite à la demande de la requérante, le juge demanda un dossier au tribunal de travail.

26. Le 29 juin 1998, la requérante corrigea le compte-rendu de l’audience et demanda que les jurés siègent dans l’affaire.

27. Le 2 juillet et 15 octobre 1998, la partie demanderesse soumit les pièces demandées.

28. Le 26 octobre 1998, la requérante demanda au président du tribunal de district de Celje d’accélérer l’examen de la procédure et de rendre le jugement intérimaire.

29. Le 12 novembre 1998, le juge informa le président du tribunal que le jugement intérimaire n’était pas rendu vu que la requérante avait changé d’avis et avait proposé que les jurés siègent dans l’affaire.

30. Le 30 novembre 1998, après une audience, le tribunal de district rejeta la partie de la demande de la requérante relative au dommage immatériel pour le montant de 100 000 DEM et se déclara incompétent pour examiner la partie de la demande relative au dommage matériel. Il décida de transférer cette dernière partie au tribunal de travail de Maribor.

31. Le 10 décembre 1998, la requérante forma un autre recours hiérarchique auprès du ministère de la Justice, se plaignant du juge qui avait transféré son dossier à l’unité de Slovenske Konjice.

32. Le 18 janvier 1999, la requérante interjeta appel contre le jugement du 30 novembre 1998.

33. Par ailleurs, le 27 janvier 1999, la requérante demanda au président de la Cour suprême d’intervenir dans la procédure. Les 29 janvier 1999, 16 février 1999 et 26 février 1999, elle s’adressa également à la Cour constitutionnelle.

34. Le 3 mai 1999, par un jugement complémentaire (dopolnilna sodba), le tribunal de district de Celje rejeta également la partie de la demande relative à l’indemnisation pour le dommage immatériel s’élevant à 50 000 DEM. Le 17 juin 1999, la requérante interjeta appel.

35. Le 5 mai 1999, la requérante adressa un autre recours hiérarchique au président de la Cour suprême et demanda le transfert du dossier au tribunal de Ljubljana. Le 19 juin 1999, elle se plaignit également auprès du président de l’association des juges de Slovénie. Par ailleurs, le 29 octobre 1999, la requérante demanda à l’Ombudsman d’intervenir dans la procédure. Le 10 mai et 15 juin 2000, elle se plaignit de nouveau auprès du ministère de la Justice. Le 3 août 2000, elle fit une demande d’introduction d’une procédure disciplinaire contre les juges du tribunal de district de Celje auprès du Procureur Général. Toutes les autorités saisies lui répondirent qu’elles ne pouvaient pas donner suite à ses demandes.

36. Le 24 mai 2000, le tribunal supérieur rejeta les appels contre les jugements des 30 novembre 1998 et 3 mai 1999. La requérante forma un recours extraordinaire auprès de la Cour suprême.

37. Le 29 septembre 2000, elle demanda au tribunal de district de Celje d’accélérer l’examen de la procédure relative à sa demande de dédommagement pour le dommage matériel.

38. Le 17 octobre 2000, le juge du tribunal de district transféra au bureau du Procureur les jugements de première instance et les autres décisions aux fins d’introduction éventuelle d’un pourvoi de légalité.

39. Le même jour, le tribunal de district réclama à la requérante le paiement des frais de procédure. La requérante répondit qu’elle refusait ce paiement.

40. Le 6 novembre 2000, la requérante reçut un avertissement pour le paiement des frais de recours extraordinaire.

41. Le 24 novembre 2000, le juge ordonna l’exécution de l’ordre de paiement. La requérante interjeta appel.

42. Le 15 décembre 2000, la requérante formula un recours auprès de la Cour constitutionnelle afin de se plaindre de la durée de la procédure.

43. Le 22 janvier 2001, le ministère des Finances, bureau de Maribor, enjoignit la requérante au paiement de sa dette. Le 5 février 2001, elle interjeta appel.

44. Le 27 mars 2001, la Cour constitutionnelle rejeta le recours de la requérante relatif à la durée de la procédure.

45. Par un arrêt du 25 octobre 2001, la Cour suprême rejeta le recours extraordinaire. Le 20 décembre 2001, cet arrêt fut notifie au représentant de la requérante.

46. Le 19 février 2002, la requérante, par l’intermédiaire de son avocat, formula un recours constitutionnel contre l’arrêt de la Cour suprême.

47. Par ailleurs, le 22 juillet 2002, le ministère des Finances fit droit à l’appel de la requérante contre la décision du 22 janvier 2001.

48. Le 7 avril 2003, la Cour constitutionnelle rejeta le recours comme étant tardif.

49. Enfin, le 6 juin 2005, la requérante demanda à l’Assurance Triglav le paiement de 25 000 000 SIT au titre de la responsabilité pour les agissements de son avocat, en particulier en ce qui concerne le recours constitutionnel introduit tardivement.

(ii) La procédure devant les juridictions du travail et des affaires sociales

50. Le 26 mai 2000, le tribunal de travail et des affaires sociales de Maribor demanda au tribunal de district de Celje de lui rendre le dossier.

51. Le 5 octobre 2000, le tribunal de travail informa la requérante que le dossier y avait été transféré le 4 octobre 2000.

52. En septembre et en novembre 2001, des audiences furent tenues.

53. Le 3 mars 2005, la requérante soumit un mémoire.

54. Le 14 mars 2005, après une audience, le tribunal de travail de Maribor rejeta sa demande.

55. Le 23 mars 2005, le tribunal de travail de Maribor rejeta une demande de report d’un juge. Le 14 avril 2005, la requérante interjeta appel.

56. Le 18 avril 2005, elle s’adressa au ministre de la Justice.

57. Par ailleurs, le 28 septembre 2005, suite à un recours introduit par la requérante, le ministère de la Justice demanda au tribunal supérieur de travail et des affaires sociales de Maribor de lui fournir des renseignements concernant l’état de l’affaire.

58. Le 8 décembre 2005, le tribunal supérieur du travail et des affaires sociales de Maribor fit droit à son appel et renvoya l’affaire devant le premier juge. Le 12 janvier 2006, la requérante contesta cette décision.

59. La procédure est pendante.

3. Deuxième procédure

60. Le 15 novembre 1996, la requérante introduisit une autre action en dommages-et-intérêts auprès du tribunal de district de Maribor contre le directeur de l’entreprise Z. et l’entreprise H.Z. Elle demanda une indemnité s’élevant à 2 100 000 SIT, en raison de la souffrance subie par les poursuites pénales engagées par les deux parties défenderesses en 1991.

61. En outre, elle demanda au tribunal de joindre cette procédure à celle ouverte le 3 mai 1994, et de déléguer la compétence au tribunal de district de Celje.

62. Le 17 décembre 1996, le dossier fut transféré à la Cour suprême. Le 15 janvier 1997, cette dernière décida que c’était le tribunal de Celje qui devrait connaître de l’affaire.

63. Le 11 mars 1997, la requérante fut demandée de compléter sa demande d’exemption des frais de procédure, ce qu’elle fit le 13 mars 1997. Le 3 avril 1997, elle demanda le traitement prioritaire de l’affaire.

64. Le 13 octobre 1997, la juge du tribunal de district demanda au tribunal de district de Ljubljana de lui faire parvenir le dossier pénal.

65. En outre, dans le cadre de la première procédure, le 22 juin 1998, le tribunal de district de Celje, au cours d’une audience, décida de ne pas joindre les deux procédures.

66. Le 28 aout 2000, la juge informa le bureau du président qu’elle ne pouvait pas examiner l’affaire, étant donne qu’un autre dossier demandé se trouvait à la Cour suprême. Cette situation perdura en 2001.

67. Le 7 avril 2003, une audience fut fixée au 14 mai 2003.

68. Le 13 mai 2003, la requérante augmenta sa demande de 4 000 000 SIT.

69. Le 14 mai 2003, une audience fut tenue. La juge prit connaissance des dossiers dans les autres procédures soit entamées par la requérante soit entamées contre elle. Étant donne qu’une des parties défenderesses fut absente, une nouvelle audience fut fixée.

70. Le 20 juin 2003, après une audience, le tribunal de district de Celje rejeta la demande. La requérante interjeta appel et demanda qu’un autre tribunal supérieur connaisse de l’affaire.

71. Par ailleurs, le 25 mars 2005, la requérante forma un recours auprès du tribunal supérieur de Celje.

72. Le 7 avril 2005, la Cour suprême rejeta la demande du transfert de juridiction.

73. Le 8 septembre 2005, le tribunal supérieur rejeta son appel.

74. Le 19 octobre 2005, la requérante introduisit un recours extraordinaire auprès de la Cour suprême.

75. La procédure est pendante.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

76. La requérante se plaint de la durée excessive des procédures. Elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Tout personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

A. Sur la recevabilité

77. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes.

78. La requérante combat cette thèse, arguant que les recours disponibles manquaient d’effectivité.

79. La Cour relève que la présente requête est similaire aux affaires Belinger et Lukenda (Belinger c. Slovénie (déc.), no 42320/98, 2 octobre 2001, et Lukenda c. Slovénie, no 23032/02, 6 octobre 2005). Dans ces affaires, la Cour a rejeté l’exception de non-épuisement des voies de recours internes formulée par le Gouvernement car elle a juge que les recours dont la requérante pouvait se prévaloir n’étaient pas effectifs. La Cour rappelle qu’elle a constaté dans son arrêt Lukenda c. Slovénie que la violation du droit à un jugement dans un délai raisonnable est un problème systémique qui résulte d’une législation inadéquate et d’un manque d’efficacité dans l’administration de la justice.

80. En ce qui concerne la présente espèce, la Cour estime que le Gouvernement n’a fourni aucun argument convaincant susceptible de l’amener à établir une distinction entre l’affaire à l’étude et les affaires antérieures et donc à s’écarter de sa jurisprudence constante.

81. La Cour constate par ailleurs que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève en outre qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Dès lors, il y a lieu de la déclarer recevable.

B. Sur le fond

82. En ce qui concerne la première procédure, la période à considérer a débuté le 28 juin 1994, date à laquelle la Convention est entrée en vigueur à l’égard de la Slovénie. La procédure a pris fin le 20 décembre 2001, quand la décision de la Cour suprême a été notifiée à la requérante. Elle a donc duré environ sept ans et six mois pour trois degrés de juridiction.

Quant à la partie de la procédure ayant été transférée aux juridictions de travail et des affaires sociales, elle n’a pas encore pris fin. Depuis le 30 novembre 1998, quand le tribunal de district de Celje s’est déclaré incompétent pour connaitre de l’affaire et a ordonné le transfert du dossier aux juridictions de travail et des affaires sociales, cette procédure a duré environ sept ans et dix mois pour trois degrés de juridiction.

83. Quant à la deuxième procédure, la période à considérer a débuté le 15 novembre 1996, jour où la requérante a engagé une procédure devant le tribunal de district de Maribor, et n’a pas encore pris fin. Elle a donc duré environ 9 ans et 11 mois pour 3 degrés de juridiction.

84. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères suivants : la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour l’intéressé (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

85. Le Gouvernement soutient que les procédures en question revêtaient une certaine complexité juridique et factuelle. Par ailleurs, les tribunaux devaient examiner les dossiers dans d’autres procédures entamées par la requérante ou contre elle. De plus, cette dernière a contribué à la durée de la procédure en demandant la délégation de la compétence à plusieurs reprises et le report des juges, en formulant des recours hiérarchiques, etc. Enfin, les procédures concernent les demandes d’indemnisation pour le tort causé par le licenciement et non pas le bien-fondé de ce dernier ; la requérante ne subit actuellement aucun préjudice matériel.

86. Quant à la requérante, elle soutient que les tribunaux ont commis un certain nombre d’irrégularités lors de l’examen de ses demandes, ayant pour incidence la durée excessive et l’iniquité des procédures.

87. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime que les procédures étaient d’une certaine complexité également en raison de leur chevauchement et que la requérante a partiellement contribué à leur durée. Néanmoins, en l’espèce la durée des procédures litigieuses est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

88. Aux termes de larticle 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

89. La requérante réclame 500 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral.

90. Le Gouvernement conteste ces prétentions.

91. La Cour estime que la requérante a subi un tort moral certain. Statuant en équité, elle lui accorde EUR 2 400 à ce titre.

B. Frais et dépens

92. La requérante demande également environ EUR 8 000 pour les frais et dépens encourus devant la Cour. La requérante et son représentant ont également conclu un contrat stipulant que le représentant recevrait 10 % de l’indemnisation accordée dans le cadre de procédures.

93. Le Gouvernement considère que ces prétentions sont exagérées.

94. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. Compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 1 000 EUR pour la procédure devant elle et l’accorde à la requérante.

C. Intérêts moratoires

95. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

3. Dit

a) que lEtat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 2 400 EUR (deux mille quatre cents euros) pour dommage moral et 1 000 EUR (mille euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 novembre 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Vincent Berger John Hedigan
Greffier Président