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TROISIÈME SECTION
AFFAIRE MELINTE c. ROUMANIE
(Requête no 43247/02)
ARRÊT
STRASBOURG
9 novembre 2006
DÉFINITIF
09/02/2007
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme
En l’affaire Melinte c. Roumanie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,
C. Bîrsan,
Mme A. Gyulumyan,
MM. E. Myjer,
David Thór Björgvinsson,
Mme I. Berro-Lefevre, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 19 octobre 2006,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 43247/02) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Ciprian‑Petru Melinte (« le requérant »), a saisi la Cour le 30 novembre 1999 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant est représenté par M. G. Onofrei, président du Centre de conseil et de développement régional, une organisation non gouvernementale sise à Iaşi. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme B. Ramaşcanu, directrice au ministère des Affaires étrangères.
3. Le requérant alléguait en particulier, sous l’angle de l’article 3 de la Convention, des mauvais traitements qu’il aurait subis en prison de la part des gardiens et de l’absence d’une enquête effective face à de tels agissements de la part des agents de l’Etat.
4. Le 11 mars 2005, le président de la troisième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l’article 29 § 3 de la Convention, il a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l’affaire.
5. Tant les requérants que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l’affaire (article 59 § 1 du règlement).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
6. Le requérant est né en 1977 et réside à Iaşi.
1. Procédure pénale contre le requérant
7. Le 3 décembre 1998, le requérant fut placé en détention provisoire pour une durée de trente jours par un procureur du parquet près le tribunal de première instance de Iaşi. Dans l’ordonnance dressée à cette occasion, le procureur relevait que le requérant était soupçonné de viol sur mineure, infraction punie de cinq à quinze ans d’emprisonnement par l’article 197 § 2 du code pénal. Il notait en outre qu’il y avait des preuves convaincantes à la charge du requérant et que son maintien en liberté mettrait en danger l’ordre public.
8. Le requérant fut incarcéré dans le centre pénitentiaire de Iaşi. A la date à laquelle son mandat de dépôt arrivait à échéance, les juridictions compétentes prolongèrent successivement la durée de son dépôt pour un délai de trente jours, par des jugements avant dire droit prononcés en audiences publiques et susceptibles de recours.
9. Par un réquisitoire du 18 décembre 1998, le parquet renvoya le requérant et deux autres jeunes hommes devant le tribunal de première instance de Iaşi du chef de viol sur mineure, en vertu de la disposition précitée du code pénal.
10. Par un jugement du 15 février 2000, adopté à l’issue d’une audience publique à laquelle le requérant et son avocat avaient assisté et durant laquelle ils avaient présenté les arguments qu’ils jugeaient pertinents, le tribunal condamna le requérant à sept ans de prison ferme pour viol sur mineure et l’obligea à payer à la victime, qui s’était constituée partie civile, solidairement avec les autres coïnculpés, 20 millions de lei (soit environ 1 002 euros (EUR) pour préjudice moral.
Le tribunal releva que le requérant et les deux autres inculpés avaient plaidé la thèse du consentement de la victime pour justifier leurs agissements à son égard, et qualifia de « surprenantes » les dépositions de certains témoins entendus sur demande de la défense. Il décela aussi certaines contradictions dans les témoignages à décharge, ce qui prouvait, selon lui, l’intention des coïnculpés de l’induire en erreur.
Il jugea, enfin, que les preuves versées au dossier montraient indubitablement que la victime avait réellement été menacée par les coïnculpés et ainsi forcée à avoir des rapports sexuels avec chacun d’entre eux. Pour fonder la responsabilité pénale du requérant, le tribunal s’appuya notamment sur les déclarations de la victime, celles des témoins et des coïnculpés, ainsi que sur le rapport médical dressé par le médecin de l’hôpital où la mineure avait été hospitalisée après l’incident, qui attestait de la réalité des rapports sexuels et des traumatismes psychiques de la victime.
11. Le requérant et les autres condamnés introduisirent un appel, demandant une réduction de leur peine. La partie civile fit appel du volet civil du jugement, demandant une augmentation de la somme qu’elle s’était vu octroyer au titre de son préjudice moral.
12. Par un arrêt du 13 juillet 2000 prononcé à l’issue d’une audience publique à laquelle le requérant et un avocat commis d’office avaient pu soutenir oralement leurs motifs d’appel, la cour d’appel de Iaşi confirma le bien‑fondé du volet pénal du jugement du tribunal de première instance. Elle accueillit en revanche l’appel de la partie civile et porta à 45 millions de lei (soit environ 2 255 EUR) le montant de la somme allouée pour préjudice moral.
La cour d’appel relevait notamment que la victime avait subi un traumatisme psychique grave, qu’elle avait été internée, à plusieurs reprises, depuis les faits reprochés aux condamnés, dans des hôpitaux psychiatriques sous le diagnostic de « mélancolie anxieuse interprétative » et qu’il y avait un lien direct de causalité entre l’infraction commise par les condamnés et son affection psychique, ce qui justifiait l’octroi d’une somme d’un montant plus élevé au titre du préjudice moral.
13. Par un arrêt définitif du 24 novembre 2000, prononcé à l’issue d’une audience publique à laquelle assistèrent le requérant et son avocat commis d’office, la Cour suprême de justice confirma le bien-fondé de l’arrêt de la cour d’appel. Elle estima que la juridiction inférieure avait fait une individualisation correcte de la peine infligée, en interprétant avec justesse les éléments de preuve versés au dossier qui prouvaient le cynisme des condamnés et leur mépris pour le droit de la victime de mener librement et sans contrainte sa propre vie sexuelle.
2. Les mauvais traitements qu’aurait subis le requérant dans le centre pénitentiaire de Iaşi et ses plaintes pénales pour garde à vue abusive et mauvais traitements
14. Le 2 juin 1999, le requérant introduisit auprès du parquet militaire de Iaşi une plainte contre l’officier de police G., le mettant en cause du chef de mise abusive en garde à vue. Un dossier fut ouvert par le parquet militaire près le tribunal territorial de Bucarest. Après plusieurs actes d’instructions, dont la confrontation du requérant avec la partie lésée et l’audition de plusieurs témoins, une décision de non-lieu fut prise à l’égard de l’officier de police G. le 10 mai 2000. La plainte du requérant contre cette décision fut rejetée le 24 avril 2003 comme mal fondée.
15. Le 29 mai 2001, le Parquet militaire territorial de Bucarest releva que le requérant s’était plaint, le 7 septembre 1999, contre le colonel B., alléguant des mauvais traitements que celui-ci lui aurait fait subir du 1er au 7 juillet 1999. Un dossier fut ouvert auprès du parquet militaire de Iaşi.
16. Le 3 octobre 2001, le requérant, entendu par un procureur militaire dudit parquet, réitéra sa plainte pénale contre le colonel B., en faisait état de ce qui suit :
Le 1er juillet 1999, à la suite d’une demande d’entretien avec le colonel B., commandant du centre pénitentiaire de Iaşi, auquel il entendait se plaindre de l’illégalité des prolongations successives de sa détention provisoire, le requérant fut reçu par le capitaine D., qui lui indiqua qu’il ressortait des documents versés au dossier pénitentiaire que le requérant avait dûment été tenu informé des décisions successives prolongeant la durée de son dépôt, décisions qu’il aurait lui‑même signées. Le requérant contesta avoir vu et signé de tels documents. Il aurait alors été frappé et injurié par quatre gardiens sur ordre du capitaine D. Une demi-heure plus tard, il fut menotté et amené au bureau du colonel B., auquel il réitéra qu’il n’avait pas pris connaissance des décisions prolongeant sa détention provisoire et lui fit savoir qu’il allait demander au parquet militaire une enquête et une expertise graphologique des signatures qu’il aurait prétendument apposées sur les documents pénitentiaires.
Selon le requérant, le commandant B., étonné par son courage, aurait alors ordonné au gardien P. de l’amener dans une cellule destinée aux prisonniers qui s’automutilaient et de lui menotter les mains et les pieds. Pendant plusieurs jours, le requérant aurait régulièrement été frappé aux genoux avec un marteau par les gardiens, bien que menotté. Il aurait été privé d’eau, de nourriture et d’air frais. Il ne se serait vu conduire aux toilettes qu’une fois par jour et n’aurait pas eu le droit de recevoir sa correspondance, notamment un colis provenant de l’étranger.
Le 7 juillet 1999, le requérant fut ramené dans sa cellule. En dépit de son état d’inconscience, il n’aurait pas été examiné par un médecin. Ses codétenus l’auraient toutefois soigné et aidé à se rétablir.
17. Le 4 octobre 2001, le dossier fut renvoyé au Parquet militaire territorial de Bucarest, compétent pour instruire l’affaire compte tenu du grade de colonel de la personne mise en cause par le requérant.
18. Après avoir entendu le colonel B. et les autres membres du personnel pénitentiaires ainsi que les détenus ayant occupé la même cellule que le requérant à la date des faits dénoncés dans sa plainte pénale, et suite à un examen de sa fiche médicale établie par les médecins de la prison et des registres pénitentiaires, le parquet milliaire prononça le 13 décembre 2001 une résolution de non-lieu, estimant les faits dénoncés par le requérant non confirmés.
19. Le requérant fut mis en liberté à une date non précisée.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
20. Les dispositions et la pratique internes pertinentes sur le statut des procureurs militaires sont décrites au § 40 de l’arrêt Barbu Anghelescu c. Roumanie (no 46430/99, § 70, 5 octobre 2004).
21. Une loi no 293 du 28 juin 2004, publiée au Moniteur officiel du 30 juin 2004, régit la réorganisation de la Direction générale des pénitentiaires, établissements qui sont désormais démilitarisés et placés sous la coupe du ministère de la Justice. Le personnel de l’Administration nationale des pénitentiaires s’est vu octroyer la qualité de « fonctionnaire public », toutes éventuelles poursuites pénales à son égard relevant désormais de la compétence des parquets et des tribunaux ordinaires.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
22. Le requérant se plaint d’avoir subi de mauvais traitements lors de son incarcération dans le centre pénitentiaire de Iaşi et de ne pas avoir bénéficié d’une enquête effective à la suite de sa plainte pénale contre les gardiens de prison, au mépris de l’article 3 de la Convention, qui dispose :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
A. Sur la recevabilité
La Cour constate que ce grief, qui comporte deux volets distincts, mais directement liés, n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Sur le volet procédural de l’article 3
23. Le requérant dénonce l’absence d’une enquête effective au sujet de ses allégations de mauvais traitements commis par des agents de l’Etat. Le Gouvernement conteste cette thèse, en indiquant qu’une enquête effective et approfondie a été menée, en l’espèce, par le parquet milliaire territorial, qui a estimé que les faits dénoncés par le requérant n’étaient pas confirmés.
24. La Cour rappelle que, lorsqu’un individu affirme de manière défendable avoir subi, de la part de la police ou d’autres services comparables de l’Etat, des traitements contraires à l’article 3 de la Convention, cette disposition, combinée avec le devoir général imposé à l’Etat par l’article 1 de « reconna[ître] à toute personne relevant de [sa] juridiction les droits et libertés définis (...) [dans la] Convention », requiert, par implication, qu’il y ait une enquête officielle effective. Cette enquête, à l’instar de celle requise par l’article 2, doit pouvoir mener à l’identification et à la punition des responsables (Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 131, CEDH 2000-IV, et Pantea c. Roumanie, no 33343/96, § 199, 3 juin 2003).
25. La Cour note qu’une enquête a bien eu lieu dans la présente affaire : suite à la plainte du requérant alléguant de mauvais traitements subis sur ordre du colonel B., cadre militaire du centre pénitentiaire de Iaşi, les procureurs militaires des parquets près le tribunal de première instance de Iaşi et le tribunal territorial de Bucarest ont instruit sa plainte, en entendant le requérant, les personnes mises en cause par lui ainsi que ses codétenus, et en concluant à un non‑lieu au motif que les faits reprochés n’avaient pas eu lieu.
26. S’il est vrai que rien parmi les documents fournis par les parties ne permet de douter du bien-fondé d’une telle décision, il n’en reste pas moins que, pour qu’une enquête menée au sujet des faits d’homicide ou de mauvais traitements commis par des agents de l’Etat puisse passer pour effective, il est nécessaire que les personnes responsables de l’enquête et celles effectuant les investigations soient indépendantes de celles impliquées dans les événements (voir, par exemple, les arrêts Güleç c. Turquie du 27 juillet 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-IV, §§ 81-82, et Öğur c. Turquie [GC] no 21954/93, CEDH 1999-III, §§ 91-92). Cela suppose non seulement l’absence de tout lien hiérarchique ou institutionnel mais également une indépendance pratique (voir, par exemple, l’arrêt Ergı c. Turquie du 28 juillet 1998, Recueil 1998-IV, §§ 83-84, et Kelly et autres c. Royaume-Uni, no 30054/96, § 114, 4 mai 2001).
27. Or l’indépendance des procureurs militaires ayant mené l’enquête peut être mise en doute eu égard à la réglementation nationale en vigueur à la date des faits. Dans l’affaire Barbu Anghelescu c. Roumanie, la Cour a d’ores et déjà jugé qu’il y avait eu violation du volet procédural de l’article 3 en raison du manque d’indépendance des procureurs militaires appelés à mener l’enquête à la suite d’une plainte pénale du chef de mauvais traitements dirigée contre des officiers de police (Barbu Anghelescu c. Roumanie, no 46430/99, § 70, 5 octobre 2004). Elle a constaté que ces derniers étaient, à l’époque, des cadres militaires actifs, au même titre que les procureurs militaires, bénéficiant donc de grades militaires, jouissant de tous les privilèges en la matière, étant responsables de la violation des règles de discipline militaire et faisant partie de la structure militaire, fondée selon le principe de la subordination hiérarchique (Barbu Anghelescu précité, §§ 40-43). La Cour réitère son constat antérieur et ne décèle aucune raison de s’en écarter en la présente espèce.
28. La Cour note par ailleurs que le statut des cadres faisant partie de l’administration pénitentiaire a récemment été réformé par la loi no 293 du 28 juin 2004 : le personnel pénitentiaire a désormais la qualité de « fonctionnaire public », les éventuelles poursuites pénales dirigées contre lui relevant désormais de la compétence des parquets et des tribunaux ordinaires (paragraphe 21 ci-dessus).
29. Vu la législation nationale en vigueur à l’époque des faits, la Cour considère qu’en l’espèce, l’enquête menée par les autorités face aux allégations de mauvais traitements portées par le requérant devant les autorités nationales a été dépourvue d’effectivité en raison du manque d’indépendance institutionnelle de ceux qui en étaient chargés par rapport aux cadres militaires de l’administration pénitentiaire mis en cause.
30. Partant, il y a eu violation de l’article 3 sous son volet procédural.
2. Sur le volet matériel de l’article 3
31. Le requérant se plaint de mauvais traitements que les gardiens du centre pénitentiaire de Iaşi lui auraient infligés du 1er au 7 juillet 1999. En particulier, il affirme avoir été frappé par les gardiens sur ordre du colonel B., avoir été menotté puis attaché au lit et privé de nourriture, d’eau et d’air frais, pendant plusieurs jours. Il fait valoir que suite aux violences exercées par les gardiens, il n’a ni reçu un traitement médical ni été examiné par le médecin du centre pénitentiaire.
32. Le Gouvernement conteste ces allégations s’appuyant sur les fiches médicales établies par les médecins ayant vu en consultation le requérant de manière régulière et n’ayant fait état d’aucune atteinte à son intégrité corporelle découlant d’une éventuelle agression dans les conditions décrites par le requérant. Il renvoie aussi aux déclarations faites par les codétenus du requérant qui ne font aucunement état d’une quelconque agression qu’il aurait subie de la part des gardiens de prison.
33. La Cour rappelle que, lorsqu’un individu se trouve privé de sa liberté, l’utilisation à son égard de la force physique alors qu’elle n’est pas rendue nécessaire par son comportement porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit garanti par l’article 3 (Tekin c. Turquie, arrêt du 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, pp. 1517-1518, §§ 52 et 53, et Labita précité, § 120).
34. Il n’en reste pas moins que les allégations de mauvais traitements doivent être étayées devant la Cour par des éléments de preuve appropriés (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Klaas c. Allemagne du 22 septembre 1993, série A no 269, p. 17, § 30). Pour l’établissement des faits allégués, la Cour se sert du critère de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable » ; une telle preuve peut néanmoins résulter d’un faisceau d’indices ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précises et concordantes (Irlande c. Royaume-Uni, arrêt du 18 janvier 1978, série A no 25, p. 65, § 161 in fine, Aydin c. Turquie, arrêt du 25 septembre 1997, Recueil 1997‑VI, p. 1889, § 73, et Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 88, CEDH 1999-V).
35. Or, la Cour ne relève rien parmi les éléments fournis par les parties qui soit susceptible d’étayer le grief tiré de l’article 3 et de prouver la réalité des mauvais traitements allégués : l’intéressé n’a fourni aucun commencement de preuve qui aurait rendu plausibles ses allégations ; en particulier, il n’a fourni aucun certificat médical indiquant qu’il aurait subi des blessures ou qu’il ne se serait pas vu administrer des soins médicaux appropriés en prison.
36. Partant, aucune violation de l’article 3 ne saurait être décelée de ce chef.
II. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
37. Citant les article 5, 6 et 8 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas avoir pris connaissance des motifs qui ont conduit les autorités à prolonger sa détention provisoire du 1er janvier au 1er juillet 1999, de ne pas avoir pu introduire un recours contre les décisions par lesquelles sa détention provisoire a été prolongée, de la manière dont les juridictions nationales ont interprété et appliqué les éléments de preuve en vertu desquels elles l’ont jugé coupable de viol, ainsi que d’une atteinte à son droit au respect de la correspondance en raison du refus des autorités pénitentiaires de lui remettre un colis.
38. Le Gouvernement conteste qu’il y ait eu méconnaissance des droits garantis par les articles invoqués par le requérant. Il fait valoir que le requérant a omis d’épuiser les voies de recours internes s’agissant des griefs sous l’angle de l’article 5 et n’a nullement étayé ses allégations sous l’angle des autres articles cités.
39. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle était compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
40. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
41. Le requérant demande 9 500 euros (EUR) pour le dommage matériel correspondant aux lésions qu’il aurait subies dans le centre pénitentiaire de Iaşi. Il réclame aussi 15 000 EUR à titre de dommage moral en réparation des mauvais traitements que lui auraient causés les agents de l’Etat. Il sollicite, enfin, 500 EUR à titre de frais et dépens, pour couvrir notamment les frais de téléphone, télécopie et courrier générés par la procédure devant la Cour. Il ne fournit aucun justificatif, en dépit des demandes expresses du greffe en ce sens.
42. Le Gouvernement demande le rejet de la demande de satisfaction équitable du requérant, s’agissant des prétentions qui n’ont pas de lien de causalité avec les griefs du requérant et qui ne sont pas prouvées.
43. La Cour relève qu’aucune violation de l’article 3 sous le volet matériel n’a été constatée en l’espèce et rejette, dès lors, la demande du requérant au titre du dommage matériel. Elle considère que le constat de violation, par la Cour, du volet procédural de l’article 3 constitue une réparation suffisante de l’éventuel préjudice moral qu’aurait subi l’intéressé en raison du manque d’indépendance des personnes chargées d’instruire sa plainte pénale. Elle n’octroie, enfin, aucun montant pour frais et dépens, s’agissant des prétentions qui n’ont pas été ventilées et accompagnées des justificatifs nécessaires.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 3 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention sur le volet procédural ;
3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention sur le volet matériel ;
4. Dit que le constat de violation constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral allégué par le requérant ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 novembre 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président