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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
21.11.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 39200/02
présentée par Bülent ÖZPOLAT
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 21 novembre 2006 en une chambre composée de :

MM. J.-P. Costa, président,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
E. Fura-Sandström,
M. D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 6 septembre 2002,

Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Bülent Özpolat, est un ressortissant turc, né en 1976 et résidant à Istanbul. Il est représenté devant la Cour par Me S. Turgut, avocat à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») n’a pas désigné d’agent aux fins de la procédure devant la Cour.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le 9 octobre 1996, le requérant et son ami furent arrêtés dans le campus de l’université de Marmara (Istanbul). Le procès-verbal mentionna que les policiers avaient dû faire usage de la force pour procéder à leur arrestation, les intéressés ayant tenté de fuir.

Le requérant fut libéré le 10 octobre 1996. Il ajouta manuscritement sur le procès-verbal de libération qu’il avait refusé de déposer et qu’il n’avait subi aucun mauvais traitement.

Le 11 octobre 1996, le requérant consulta un médecin, lequel releva une fracture de la mandibule et prescrivit deux semaines d’incapacité de travail.

Le 12 octobre 1996, le requérant fut admis à l’hôpital de Marmara où il séjourna deux jours.

Le 18 octobre 1996, le requérant déposa une plainte devant le procureur de la République de Kadıköy contre les agents responsables de son arrestation et de sa garde à vue.

Le rapport établi le même jour par l’institut médico-légal de Kadıköy fit état de la fracture de la mandibule et d’une égratignure superficielle large avec croûte sur le dos.

Le 25 novembre 1996, le requérant fut entendu par le procureur de la République. Il expliqua que, lors de sa garde à vue, il n’avait pas vu les visages des policiers auteurs des mauvais traitements parce qu’il avait les yeux bandés. Il donna le nom d’une personne détenue dans les mêmes locaux.

Le 18 novembre 1997, le procureur de la République inculpa cinq policiers responsables de la garde à vue du requérant de voie de fait.

Le 18 avril 2000, la cour d’assises de Kadıköy prononça l’acquittement des policiers mis en cause, faute de preuves probantes suffisantes quant à leur culpabilité. Pour ce faire, elle tint compte des déclarations du requérant, des policiers et de la personne placée dans les mêmes locaux que le requérant, lequel précisa qu’il avait les yeux bandés et qu’il n’avait pas vu le visage des policiers responsables des mauvais traitements.

Le 16 janvier 2002, au terme d’une audience, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par le représentant du requérant.

Le 15 février 2002, l’arrêt de la Cour de cassation fut versé au dossier de l’affaire se trouvant au greffe de la cour d’assises.

Le 3 mars 2004, le requérant s’adressa au greffe de la cour d’assises et obtint une copie dudit arrêt.

GRIEFS

Invoquant les articles 3 et 13 de la Convention, le requérant se plaint des mauvais traitements subis lors de sa garde à vue et dénonce l’absence d’un recours au travers duquel il aurait pu dénoncer ses allégations.

EN DROIT

Le Gouvernement soulève une exception tirée du non-respect du délai de six mois. D’après lui, le requérant aurait dû introduire sa requête dans les six mois suivant la date à laquelle l’arrêt de la Cour de cassation a été versé au greffe de la cour d’assises.

Le requérant fait observer que l’arrêt de la Cour de cassation ne lui a pas été notifié et qu’il en a eu connaissance le 3 mars 2004 lorsqu’il s’est adressé au greffe de la cour d’assises.

La Cour rappelle que, lorsque la signification de la décision interne définitive n’est pas prévue en droit interne, il convient de prendre en considération la date de la mise à disposition, date à partir de laquelle les parties peuvent réellement prendre connaissance de son contenu. A cette fin, elle prend en considération la date du dépôt de l’arrêt de la Cour de cassation au greffe de la juridiction de première instance (voir, parmi d’autres, Evin Yavuz et autres c. Turquie, (déc.), no 48064/99, 1er février 2005, Tahsin İpek c. Turquie (déc.), no 39706/98, 7 novembre 2000, et Seher Karataş c. Turquie (déc.), no 33179/96, 13 mars 2001).

En l’espèce, la Cour constate que l’arrêt du 16 janvier 2002 a été mis à la disposition des parties le 15 février 2002 au greffe de la cour d’assises alors que la requête a été introduite le 6 septembre 2002, soit plus de six mois plus tard. Si le requérant soutient n’avoir pris connaissance de l’arrêt de la Cour de cassation que le 3 mars 2004, la Cour estime qu’il appartenait à celui-ci ou à son représentant de suivre la procédure devant les juridictions nationales et de faire preuve de diligence pour obtenir une copie de la décision interne définitive plus tôt. Ceci est d’autant plus vrai que la Cour de cassation avait tenu une audience à la demande du requérant. Il y a lieu, à cet effet, de rappeler qu’en vertu de l’article 324 de l’ancien code de procédure pénale, le prononcé d’un arrêt de cassation s’effectuait en principe à la fin de l’audience ou dans un délai d’une semaine suivant cette audience. A supposer que le requérant ou son représentant n’aient pas pu obtenir le texte intégral de cet arrêt le jour de son prononcé, ils auraient pu en avoir une copie au plus tard à la date à laquelle celui-ci a été mis à la disposition des parties au greffe de la première instance, à savoir le 15 février 2002 (voir, en ce sens Ali Okul c. Turquie (déc.), no 45358/99, 4 septembre 2003). A la lumière de ce qui précède, le retard est dû à la propre négligence du requérant et/ou de son représentant et le délai de six mois a commencé à courir à compter de la date à laquelle l’arrêt a été versé au dossier de l’affaire se trouvant au greffe de la cour d’assises. La Cour n’aperçoit aucun motif de déroger à cette conclusion.

Partant, la Cour retient l’exception du Gouvernement. Elle estime que la présentation de la requête est tardive et que celle-ci doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

Il y a ainsi lieu de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président