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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
21.11.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 16824/04
présentée par Melahat AKAY
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 21 novembre 2006 en une chambre composée de :

MM. J.-P. Costa, président,
A.B. Baka,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
D. Jočienė, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 20 avril 2004,

Vu la décision de traiter en priorité la requête en vertu de l’article 41 du règlement de la Cour.

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par la requérante,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

La requérante, Mlle Melahat Akay, est une ressortissante turque, née en 1975. Elle est représentée devant la Cour par Me F. Güneş, avocat à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») est représenté par son agent.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le 1er novembre 1996, la requérante fut condamnée à douze ans et six mois de réclusion par la cour de sûreté de l’Etat d’İstanbul pour appartenance au PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan).

Alors qu’elle purgeait sa peine à la prison de Kırşehir, elle entama une grève de la faim. Suite à la détérioration de son état de santé, elle fut examinée par la troisième chambre de spécialistes de l’Institut médicolégal.

Par son rapport du 25 décembre 2002 celle-ci diagnostiqua le syndrome de Wernicke-Korsakoff[1] S-WK ») chez la requérante et recommanda aux autorités concernés le sursis à exécution de sa peine.

La requérante demanda au parquet le sursis en application de l’article 399 du code de procédure pénale (« CPP »). Cette demande fut rejetée le 7 janvier 2003.

Le 5 février 2003, la cour de sûreté de l’Etat rejeta l’opposition formée par la requérante et saisit la chambre plénière de l’Institut pour un rapport complémentaire.

Le 10 avril 2003, la requérante fut réexaminée par la chambre plénière de l’Institut médicolégal, laquelle entérina les conclusions de la chambre.

Le 23 avril 2003, le procureur de Kırşehir accorda un sursis à exécution de la peine de six mois et ordonna la libération de la requérante.

Le 12 septembre 2003, celle-ci fut réexaminée par la troisième chambre des spécialistes de l’Institut et fut déclarée apte à purger une peine privative de liberté.

Le 14 octobre 2003 le procureur de Kırşehir délivra un mandat d’amener à l’encontre de la requérante.

A la date d’introduction de sa requête, la requérante alléguait précisément être sous la menace de ce mandat d’amener et arguait de ce que sa réincarcération éventuelle serait contraire à l’article 3 de la Convention.

Selon les documents obtenus ultérieurement du Gouvernement, il semble que la requérante fut réincarcérée dans cette période.

Le 15 décembre 2003, la cour d’assises d’İstanbul annula le restant de la peine de la requérante au vu des dispositions bénéfiques du nouveau code pénal entré en vigueur le 1er juin 2005 et ordonna sa libération.

B. Le droit et la pratique internes et internationaux pertinents

S’agissant des dispositions constitutionnelle et législative quant à la grâce présidentielle pour les condamnés atteint d’une maladie irréversible (article 104 de la Constitution), quant aux conditions de sursis à exécution des peines pour cause de santé (articles 399 et 402 du CPP), la composition et le fonctionnement de l’Institut médicolégal, et les travaux du Conseil de l’Europe en matière de services de santé en milieu pénitentiaire, la Cour renvoie à son arrêt Tekin Yıldız c. Turquie (no 22913/04, §§ 42-52, 10 novembre 2005).

GRIEF

Exposant que le sursis à exécution de sa peine a été levé sur le fondement d’un rapport médical n’ayant aucune valeur scientifique, la requérante faisait valoir, à la date d’introduction de sa requête, sa maladie qui selon elle perdurait, et soutenait que sa réincarcération éventuelle constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

EN DROIT

S’agissant des mouvements de la grève de la faim dans les prisons turques en 1996 et les années 2000, la mission d’enquête effectuée par la Cour en septembre 2004 dans le cadre de ce groupe d’affaires, et la jurisprudence de la Cour en matière de la santé en milieu pénitentiaire eu égard à l’article 3 de la Convention, la Cour renvoie à son arrêt Tekin Yıldız, précité.

En l’espèce, elle n’examinera aucun aspect de cette affaire sous l’angle des critères cités par ledit arrêt car elle observe d’emblée, suite à la réception des observations du Gouvernement, que la date de la libération définitive de la requérante est antérieure de plus de quatre mois à la date d’introduction de sa requête, par laquelle elle faisait valoir un risque de réincarcération contraire à l’article 3 de la Convention. Les autorités avaient d’ailleurs procédé à sa réincarcération après s’être dûment assuré de la compatibilité de son état de santé avec les conditions carcérales (voir par exemple, Tekin Yıldız, précité).

Quoi qu’il en soit, la requérante n’a pas été en mesure de produire un document qui pourrait éventuellement concerner une autre procédure pénale et la mettre ainsi sous le risque d’une réincarcération ultérieure contraire à l’article 3 de la Convention, ni n’a maintenu d’ailleurs sa requête.

La Cour ne relève non plus un élément quelconque qui nécessiterait la poursuite de l’examen de l’affaire.

Il s’ensuit que la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée, au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président


[1] Selon la littérature médicale, cette maladie, qu’on retrouve principalement chez les alcooliques chroniques et les mal nourris, consiste en une combinaison du syndrome de Korsakoff, qui provoque la confusion, l’aphonie et l’affabulation, et d’encéphalopathie de Wernicke, qui entraîne une paralysie des yeux, un nystagmus, le coma, voire la mort, si le patient n’est pas dûment traité. Cet état est considéré comme résultant, en principe, d’une carence chronique en thiamine, substance qui participe au métabolisme du glucose, étant entendu qu’en cas de pareille carence toute activité qui nécessite la métabolisation du glucose peut entraîner la maladie de Wernicke-Korsakoff. Le traitement le plus courant consiste à injecter de la thiamine par intraveineuse ou intramusculaire pour ralentir la maladie, puis un traitement à long terme, à base de pastilles orales, pour le rétablissement.