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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
20.11.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 35743/04
présentée par Santiago MUÑOZ MACHADO
contre l’Espagne

La Cour européenne des Droits de l’Homme (cinquième section), siégeant le 20 novembre 2006 en une chambre composée de :

MM. P. Lorenzen, président,
K. Jungwiert,
V. Butkevych,
Mme M. Tsatsa-Nikolovska,
M. J. Borrego Borrego,
Mme R. Jaeger
M. M. Villiger, juges,
et de Mme C. Westerdiek, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 22 septembre 2004,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Santiago Muñoz Machado, est un ressortissant espagnol, né en 1949 et résidant à Madrid.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

1. Sur la décision de préemption

Le 7 juillet 1989, moyennant acte devant notaire, le requérant acheta une propriété à Añora (Cordoue) d’une superficie d’environ 1 200 hectares. Le prix figurant dans l’acte de vente était de 68 000 000 pesetas (409 000 euros environ). Entre 30 et 40 % de la propriété était susceptible d’être utilisé à des fins agricoles, le restant étant constitué de bois et forêts.

Le 3 août 1989, le requérant informa l’administration fiscale de la Communauté autonome d’Andalousie de l’acquisition de la propriété et ce, aux fins de la détermination de l’impôt sur la transmission de biens patrimoniaux, impôt qui frappe la vente de tout bien immobilier d’un montant de 6% de la valeur de ce dernier. L’impôt fut payé en temps utile.

Le requérant omit d’informer l’administration andalouse des forêts domaniales de la transaction effectuée conformément à la loi du 10 mars 1941 sur le domaine forestier public. En effet, d’après l’article 17 de cette loi, en cas d’acquisition de terrains forestiers d’une superficie supérieure à 250 hectares, le vendeur ou, en deuxième lieu, l’acquéreur, ont l’obligation légale d’en informer l’administration des forêts domaniales afin que celle-ci puisse exercer le droit de préemption prévu par la loi.

Néanmoins, l’administration fiscale de la Communauté autonome d’Andalousie informa l’Institut andalou de réforme agraire (IARA) de l’acquisition des terrains en cause.

Ce dernier décida, le 27 mars 1990, d’entamer la procédure d’acquisition desdits terrains par préemption.

Par une décision du 18 octobre 1990, l’IARA adopta la décision formelle d’acquérir lesdits terrains en faisant usage du droit de préemption légale, et de verser au requérant le prix de vente figurant dans l’acte notarié établi lors de l’acquisition de la propriété.

Contre cette décision, le requérant présenta un recours administratif. Par une décision du 2 juillet 1991, le Département d’agriculture et pêche d’Andalousie rejeta le recours rappelant que l’objectif poursuivi avec la préemption était non seulement l’exploitation des forêts mais spécialement la protection et la conservation de la nature, principalement forestière, en raison de son incidence sur l’environnement.

Le requérant déposa alors un recours contentieux-administratif devant le Tribunal supérieur de justice d’Andalousie contre la décision du 2 juillet 1991 ainsi que contre la décision de l’administration d’exercer le droit de préemption.

Par un jugement du 18 octobre 1994, le Tribunal supérieur de justice rejeta le recours comme étant dépourvu de fondement. L’arrêt précisa que le délai légal pour l’exercice du droit de préemption par l’administration commençait à courir à partir de la notification de la transmission à l’IARA, tel que le prévoit l’article 64 du décret du 30 mai 1941 sur le domaine forestier public et non, comme le prétend le requérant, à partir de la présentation des documents pertinents à l’administration fiscale. L’arrêt nota également que les trois conditions légales pour l’exercice du droit de préemption étaient réunies, à savoir que la superficie des terrains dépassait les 250 hectares, qu’ils étaient de production forestière et que la partie dédiée aux cultures agricoles représentait moins de 25% de l’extension totale, et cela au moment de l’acquisition desdits terrains. L’arrêt rejeta enfin les allégations du requérant selon lesquelles l’administration aurait dû procéder à une expropriation et non à l’exercice du droit de préemption sur lesdits terrains.

Le requérant forma un pourvoi en cassation devant le Tribunal suprême dans lequel il faisait valoir notamment que la législation applicable en l’espèce était uniquement la législation de la Communauté andalouse et non la loi de caractère étatique du 10 mars 1941. Or, d’après le requérant, la législation andalouse applicable ne prévoyait à l’époque des faits que la possibilité d’expropriation mais non le droit de préemption. En outre, ce droit de préemption aurait été exercé hors délai. Par ailleurs, le requérant estimait que l’indemnisation accordée ne correspondait pas à la valeur réelle de la propriété, en raison de l’augmentation des prix des terrains en cause et des améliorations faites par le requérant.

Par un arrêt du 20 novembre 2001, la chambre contentieuse-administrative du Tribunal suprême rejeta le pourvoi au motif notamment que, conformément à sa jurisprudence, la loi de 1941 était d’application dans la Communauté autonome d’Andalousie. Elle notait par ailleurs que, ne s’agissant pas d’une expropriation, les règles applicables aux faits de la cause étaient celles de la préemption, qui prévoyaient que le prix à payer pour les terrains préemptés était le prix de vente. Il écarta donc le motif du requérant relatif au prix du bien, précisant que celui-ci devait être le prix de la vente, indiquant que toute réclamation du possesseur de bonne foi devait constituer, le cas échéant, l’objet d’une autre procédure. L’arrêt précisa par ailleurs la date à prendre en compte comme dies a quo pour l’exercice du droit de préemption par l’Administration et repoussa aussi le motif du requérant à cet égard.

Par une décision du 14 avril 2004, notifiée le 19 avril 2004, le Tribunal constitutionnel rejeta le recours d’amparo présenté par le requérant.

2. Sur l’exécution de la préemption

Par une ordonnance du 13 février 2002, le Département de l’Environnement de la Communauté autonome d’Andalousie décida d’exécuter l’arrêt du Tribunal supérieur de justice du 18 octobre 1994, confirmé en cassation en novembre 2001, ordonnant de continuer la procédure relative à l’acquisition de la propriété du requérant en vertu du droit de préemption de l’Administration, dans les termes accordés par la décision du 18 octobre 1990 de l’IARA.

Contre cette ordonnance, le requérant présenta un recours administratif devant le Département de l’Environnement de la Communauté autonome d’Andalousie demandant la révocation de la décision attaquée ou, subsidiairement, que le montant à verser au requérant soit adapté aux prix actuels. Suite au rejet de ce recours, le requérant présenta un recours contentieux-administratif devant le Tribunal supérieur de justice d’Andalousie.

Le 3 septembre 2004, le Département de l’Environnement de la Communauté autonome d’Andalousie cita le requérant afin de signer l’acte de paiement et l’acte d’occupation définitive.

Le requérant demanda alors l’application d’une mesure provisoire devant la chambre contentieuse-administrative du Tribunal supérieur de justice d’Andalousie, tendant à suspendre les ordres d’exécution de la préemption et la transmission des terrains. Par une décision du 13 septembre 2004, notifiée le 4 octobre 2004 et confirmée le 23 septembre 2004, le Tribunal fit droit au requérant et décida de suspendre provisoirement l’ordre du 3 septembre 2004 de la Communauté autonome d’Andalousie.

La Communauté autonome d’Andalousie a présenté un recours de súplica contre la précédente décision.

B. Le droit interne pertinent

1. Loi du 10 mars 1941 sur le domaine forestier public

Article 17

« Afin de faciliter l’accomplissement de cette loi, il est obligatoire d’informer l’administration des forêts domaniales de tout projet de vente, lorsque l’acquéreur est autre que l’Etat, en cas d’acquisition de terrains forestiers d’une superficie supérieure à 250 hectares, et de leur prix. Les terrains comprenant la superficie en cause et n’ayant pas une utilisation de culture agraire y sont inclus.

Cette obligation (...) correspond au vendeur ou, à défaut, à l’acquéreur, et son non-accomplissement par les deux parties pourra entraîner la subrogation de l’administration des forêts domaniales au lieu et place de l’acquéreur, pour le prix de l’acquisition, déduction faite, le cas échéant, des dommages et intérêts subis par les terrains en cause, en plus de la responsabilité civile du vendeur en tant que premier obligé ».

2. Décret du 30 mai 1941 sur le domaine forestier public

Article 66

« Si pour une quelconque cause avait eu lieu, postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi portant sur le domaine forestier public du 10 mars 1941, la vente de la totalité ou d’une partie de la propriété forestière qui réunit les conditions indiquées dans les articles précédents « sans notification à l’administration des forêts domaniales de l’Etat » dans la forme exigée par lesdits articles, le domaine forestier public pourra, pendant la période de dix ans, entrer en possession de ladite propriété forestière pour le prix de vente, avec la déduction dans ce cas précis, des dommages qui auraient été causés par une exploitation abusive.

A cet effet, l’administration des forêts domaniales instruira le dossier, moyennant audience de l’intéressé. Le dossier devra être approuvée par le Ministre de l’agriculture. Une fois l’approbation obtenue, une estimation financière de l’administration sera présentée au propriétaire, qui ne pourra être contestée pour des raisons de prix, ce dernier étant toujours identique à celui du prix de vente, incluant la déduction des éventuels dommages et intérêts dont l’estimation donnera lieu à une procédure identique à celle de l’évaluation de l’expropriation. Dans les deux cas, et préalablement à la procédure légale de paiement et prise de possession, l’estimation financière sera un document pouvant être inscrit au registre foncier dans les mêmes conditions que celles de l’expropriation.

Si la propriété a fait l’objet de ventes successives, subsistera alors le droit du domaine forestier public à se subroger au dernier acheteur pour le prix versé par le premier acquéreur après l’entrée en vigueur de la loi portant sur le domaine forestier public de 1941. »

GRIEFS

1. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1 de la Convention, le requérant conteste l’application du décret du 30 mai 1941 sur le domaine forestier public et estime que ce sont les dispositions du code civil relatives au droit de préemption qui auraient dû être appliquées. Il fait valoir que les travaux d’amélioration qu’il a entrepris dans la propriété en cause n’ont pas été pris en compte lors de l’acquisition par préemption de cette dernière par la Communauté autonome d’Andalousie, qui a fixé comme prix de la préemption celui que le requérant avait payé lors de l’acquisition de la propriété en 1989, alors que quatorze ans se sont écoulés entre le début de la procédure et le moment où a été rendue la décision du Tribunal constitutionnel qui a mis fin à la procédure objet de la présente affaire. Il fait valoir que sa propriété vaut maintenant environ 6 000 000 euros et qu’il n’a pas pu contester le montant du prix à verser par l’Administration (environ 400 000 euros). Il observe que la décision prise en 1990 était en train d’être exécutée en 2004 et est maintenant suspendue provisoirement, dépassant en tout état de cause le délai de dix ans fixé par l’article 66 du décret de 1941 pour que l’Administration entre en possession des terrains préemptés.

Le requérant insiste sur ce qu’il n’existe aucun motif d’utilité public ou d’intérêt général pouvant justifier la privation de propriété, et que ceux qui étaient donnés au moment de la prise de la décision, sont devenus caducs. Il estime par conséquent que l’atteinte à son droit de propriété a été disproportionnée eu égard à l’insuffisance de l’indemnisation accordée.

2. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la durée excessive de la procédure, qui a commencé en 1990 et n’est toujours pas définitivement résolue à ce jour.

EN DROIT

1. Le requérant estime qu’il est privé de sa propriété sans motif d’utilité publique ou d’intérêt général le justifiant. Il fait valoir que les améliorations entreprises dans la propriété en cause n’ont pas été prises en compte au moment de son acquisition, moyennant l’exercice du droit de préemption, par la Communauté autonome d’Andalousie et estime que l’atteinte à son droit de propriété a été disproportionnée eu égard à l’insuffisance du prix fixé.

Il invoque l’article 1 du Protocole no 1, ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

La Cour rappelle que l’article 1 du Protocole no 1 contient trois normes distinctes : «la première, qui s’exprime dans la première phrase du premier alinéa et revêt un caractère général, énonce le principe du respect de la propriété ; la deuxième, figurant dans la seconde phrase du même alinéa, vise la privation de propriété et la soumet à certaines conditions ; quant à la troisième, consignée dans le second alinéa, elle reconnaît aux Etats le pouvoir, entre autres, de réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général (...). Il ne s’agit pas pour autant de règles dépourvues de rapport entre elles. La deuxième et la troisième ont trait à des exemples particuliers d’atteintes au droit de propriété ; dès lors, elles doivent s’interpréter à la lumière du principe consacré par la première » (voir, entre autres, James et autres c. Royaume Uni, arrêt du 21 février 1986, série A no 98-B, pp. 29-30, § 37, lequel reprend en partie les termes de l’analyse que la Cour a développée dans son arrêt Sporrong et Lönnroth c. Suède du 23 septembre 1982, série A no 52, p. 24, § 61 ; voir aussi Les saints monastères c. Grèce, arrêt du 9 décembre 1994, série A no 30 1, p. 31, § 56, et Iatridis c. Grèce, no 31107/96, § 55, CEDH 1999-II).

La Cour estime qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur l’interprétation donnée par les juridictions espagnoles des dispositions internes pertinentes et de décider si le cas d’espèce relève de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 1, étant donné que cette disposition ne constitue qu’un cas particulier d’atteinte au droit au respect des biens, garanti par la norme générale énoncée à la première phrase. Dès lors, la Cour estime devoir examiner la situation dénoncée à la lumière de la norme générale (Beyeler c. Italie [GC], no 33202/96, § 106, CEDH 2000-I)

Au vu de ce qui précède la Cour considère que la mesure incriminée, à savoir l’exercice du droit de préemption par l’Administration de la Communauté autonome d’Andalousie, a constitué sans nul doute une ingérence dans le droit du requérant au respect de ses biens.

Pour être compatible avec la norme générale énoncée à la première phrase de l’article 1, une telle ingérence doit ménager un « juste équilibre » entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu (arrêt Sporrong et Lönnroth, § 69). En outre, la nécessité d’examiner la question du juste équilibre « ne peut se faire sentir que lorsqu’il s’est avéré que l’ingérence litigieuse a respecté le principe de la légalité et n’était pas arbitraire » (arrêt Iatridis, précité, § 58).

En effet, « l’article 1 du Protocole no 1 exige, avant tout et surtout, qu’une ingérence de l’autorité publique dans la jouissance du droit au respect des biens soit légale » (arrêt Iatridis, précité, § 58). La Cour jouit cependant d’une compétence limitée pour vérifier le respect du droit interne (Håkansson et Sturesson c. Suède, arrêt du 21 février 1990, série A no 171-A, p. 16, § 47), et rappelle à cet égard qu’il appartient au premier chef aux autorités nationales, et singulièrement aux cours et tribunaux, d’interpréter et appliquer le droit interne (voir Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, arrêt du 19 décembre 1997, Recueil des arrêts et décisions, 1997-VIII, p. 2955, § 31).

En l’espèce aucun élément du dossier ne permet à la Cour de conclure que les autorités espagnoles ont fait une application manifestement erronée ou aboutissant à des conclusions arbitraires, des dispositions légales en cause (voir, mutatis mutandis, Tre Traktörer AB c. Suède, arrêt du 7 juillet 1989, série A no 159, pp. 22-23, § 58.). Par ailleurs, en l’espèce, aucun élément du dossier ne vient étayer la thèse du requérant que l’ingérence en cause était arbitraire et par conséquent incompatible avec le principe de légalité, les normes de droit interne étant suffisamment accessibles, précises et prévisibles (Hentrich c. France, arrêt du 22 septembre 1994, série A no 296-A, pp. 19-20, § 42).

En conclusion, l’ingérence en cause n’était ni imprévisible ni arbitraire et était donc compatible avec le principe de légalité.

Pour ce qui est de la manière dont le droit interne a été interprété et appliqué, la Cour rappelle que toute ingérence dans la jouissance d’un droit ou d’une liberté reconnus par la Convention doit, comme cela découle de l’article 18 de la Convention, poursuivre un but légitime. Une ingérence dans l’exercice du droit au respect des biens, au sens de la première phrase de l’article 1, doit également poursuivre un but d’utilité publique (arrêt Beyeler précité, § 111).

En l’espèce, la Cour considère que la raison avancée par le Département d’agriculture et pêche d’Andalousie dans sa décision du 2 juillet 1991, à savoir le contrôle de l’exploitation des forêts mais spécialement la protection et la conservation de la nature, principalement forestière, en raison de son incidence sur l’environnement, constitue un but légitime dans le cadre de la protection du domaine forestier et de l’environnement d’un pays.

La Cour rappelle qu’une ingérence dans le droit au respect des biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu. Le souci d’assurer un tel équilibre se reflète dans la structure de l’article 1 tout entier et se traduit par la nécessité d’un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique, arrêt du 20 novembre 1995, série A no 332, § 38). En contrôlant le respect de cette exigence, la Cour reconnaît à l’Etat une grande marge d’appréciation tant pour choisir les modalités de mise en ouvre que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l’intérêt général, par le souci d’atteindre l’objectif de la loi en cause (arrêts Chassagnou et autres c. France [GC], nos 25088/94, 28331/95 et 28443/95, § 75, CEDH 1999-III, et Immobiliare Saffi c. Italie, [GC], no 22774/93, § 49, CEDH 1999-V).

La Cour observe qu’à ce jour, la décision de préemption adoptée par la Communauté autonome d’Andalousie et confirmée par le Tribunal suprême en date du 20 novembre 2001 n’a pas été exécutée. Aucune transmission de propriété et aucun paiement n’ont encore eu lieu. L’administration a tenté en septembre 2004, de procéder au paiement du montant fixé dans l’acte notarié établi lors de l’acquisition de la propriété et à l’occupation de la propriété litigieuse. Toutefois, ces éléments et, en particulier le montant devant lui être versé, ont été contestés par le requérant, qui avait saisi le Tribunal supérieur de justice d’Andalousie d’un recours contentieux-administratif contre l’ordonnance du 13 février 2002 qui décidait d’exécuter l’arrêt du Tribunal supérieur de justice du 18 octobre 1994, et a obtenu la suspension de celle du 3 septembre 2004. Dans ces circonstances, la Cour ne peut spéculer sur l’issue de la procédure concernant l’exécution de la décision de préemption. Ce grief est donc prématuré.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

2. Le requérant se plaint de la durée excessive de la procédure. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, dont la partie pertinente est libellée comme suit :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ».

La Cour relève que le requérant ne s’est plaint de la durée excessive de la procédure devant les juridictions internes ni devant le Tribunal constitutionnel dans le cadre d’un recours d’amparo lorsque la procédure était encore en cours.

A cet égard, la Cour rappelle que, dans le système juridique espagnol, toute personne estimant que la procédure à laquelle elle est partie souffre de délais excessifs peut, après s’être vainement plainte auprès de la juridiction chargée de l’affaire, saisir le Tribunal Constitutionnel d’un recours d’amparo sur le fondement de l’article 24 § 2 de la Constitution. Cette voie de recours auprès du Tribunal constitutionnel vise à empêcher la continuation devant les juridictions ordinaires de la violation alléguée. Par ailleurs, les articles 292 et suivants de la loi organique portant sur le pouvoir judiciaire offrent la possibilité au justiciable, une fois la procédure terminée, de saisir le ministère de la Justice d’une demande en réparation pour fonctionnement anormal de la justice. Elle relève que selon la jurisprudence administrative en la matière (González Marín c. Espagne (déc.) no 39521/98, CEDH 1999-VII), la durée déraisonnable de la procédure est assimilée à un fonctionnement anormal de l’administration de la justice. La Cour a jugé que cette voie de droit permettait en principe de remédier à une violation alléguée du droit de voir sa cause entendue par les juridictions espagnoles dans un «délai raisonnable» au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, et constituait dès lors un recours qui devait être exercé (voir, par exemple, Fernández-Molina González et autres c. Espagne (déc), no 64359/01, CEDH 2002-IX et Puchol Oliver c. Espagne, no 17823/03, décision du 25 janvier 2005).

En l’espèce, et au vu de ce qui précède, la Cour constate, sans examiner le bien-fondé de ce grief, que le rétablissement du requérant dans le droit qu’il estime violé ne pourra intervenir que par la voie d’indemnisation prévue par l’article 292 et suivants de la loi organique portant sur le pouvoir judiciaire. Les voies de recours internes n’ont dès lors pas été correctement épuisées, comme l’exige l’article 35 § 1 de la Convention, et cette partie de la requête doit donc être rejetée conformément à l’article 35 § 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Claudia Westerdiek Peer Lorenzen
Greffière Président