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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
2.11.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE MIHAESCU c. ROUMANIE

(Requête no 5060/02)

ARRÊT

STRASBOURG

2 novembre 2006

DÉFINITIF

26/03/2007

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Mihaescu c. Roumanie,

La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,
C. Bîrsan,
Mme A. Gyulumyan,
MM. E. Myjer,
David Thór Björgvinsson,
Mme I. Berro-Lefevre, juges,

et de M. V. Berger, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 octobre 2006,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 5060/02) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Vasile Mihaescu (« le requérant »), a saisi la Cour le 16 novembre 2001 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par M. B. Aurescu, agent du Gouvernement, puis par Mme R. Rizoiu et enfin par Mme B. Ramaşcanu qui les a remplacés dans ces fonctions.

3. Le 24 octobre 2003, la Cour (deuxième section) a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.

4. Le 1er novembre 2004, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la troisième section ainsi remaniée (article 52 § 1).

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1955 et réside à Iaşi.

6. Psychologue de formation, il travaillait à l'Université de médecine et pharmacie d'Iaşi (« l'UMF »), en qualité de titulaire des cours de psychologie médicale et de psychothérapie.

7. Le 1er juillet 1996, la commission universitaire de l'UMF décida de modifier le planning universitaire et de prévoir les deux cours du requérant pour des années d'enseignement différentes de celles prévues au début de l'année universitaire en cours.

8. Par un arrêt du 7 octobre 1996, la cour d'appel d'Iaşi, sur demande du requérant, ordonna à l'UMF de respecter le programme d'enseignement prévu au début de l'année universitaire. Cet arrêt devint définitif le 16 novembre 1998, après avoir été confirmé par la Cour suprême de Justice sur recours de l'UMF.

9. Le 21 juin 1999, le tribunal départemental d'Iaşi, sur demande du requérant, condamna le recteur de l'UMF à une amende civile de 500 lei roumains (ROL) par jour de retard, jusqu'à l'exécution de l'arrêt précité. Cette solution fut confirmée par la cour d'appel d'Iaşi par un arrêt définitif du 13 avril 2001.

10. Le 29 septembre 1999, la commission universitaire de l'UMF décida de changer le titulaire du cours de psychothérapie, au motif qu'en raison de la spécialisation du cours, le titulaire devait nécessairement être médecin. La commission universitaire considéra ensuite que, le requérant n'ayant pas cette qualification, il ne remplissait pas les conditions nécessaires pour enseigner cette matière.

11. Le 22 mars 2000, le tribunal de première instance d'Iaşi fit droit à l'action du requérant et condamna l'UMF à respecter son contrat de travail. Le tribunal estima que la décision de la commission universitaire de l'UMF de remplacer le requérant dans son poste, au vu des relations entre l'UMF et ce dernier, n'était pas justifiée et avait pour but la violation des droits du requérant, et non l'exercice de l'autonomie universitaire. Le tribunal condamna l'UMF à nommer le requérant titulaire du cours de psychothérapie. Le tribunal départemental d'Iaşi confirma cette solution par un arrêt définitif du 10 juillet 2000.

12. Le 12 septembre 2000, le requérant demanda l'assistance du tribunal de première instance d'Iaşi pour obtenir l'exécution du jugement du 22 mars 2000. Sa demande fut rejetée, le 18 septembre 2000, au motif que les huissiers de justice n'étaient pas compétents pour faire exécuter un tel jugement.

13. Par une lettre du 31 juillet 2000, le requérant demanda à l'UMF d'exécuter les décisions définitives rendues en l'espèce.

Toutefois, le 10 octobre 2000, la commission universitaire de l'UMF estima que les juridictions n'étaient pas compétentes pour lui imposer la nomination d'un enseignant, et refusa la réintégration du requérant.

14. Le 7 décembre 2000, une plainte pénale formée par le requérant contre le recteur de l'UMF pour abus de fonctions et non-respect de décisions définitives (sur le fondement de la loi no 168/1999), fut rejetée par le procureur près le tribunal de première instance d'Iaşi.

15. Ultérieurement, le requérant engagea une action en vue d'obliger l'UMF à inscrire dans son certificat de travail sa qualité de titulaire du cours de psychothérapie pour la période allant de 1993 à 1996.

Après plusieurs degrés de juridictions, le tribunal départemental d'Iaşi rejeta l'action, par un arrêt définitif du 4 juin 2001, au motif que, selon l'Ordre no 254/2001 du ministère de la Santé, la qualité de médecin était nécessaire pour enseigner le cours de psychothérapie. Il prit aussi en considération la charte universitaire adoptée par le sénat de l'UMF, selon laquelle la nomination des titulaires de cours relevait de l'attribution exclusive du bureau exécutif, et ne pouvait être soumise au contrôle des juridictions. Il conclut, par conséquent, que la non-exécution des décisions de justice rendues en l'espèce n'était pas imputable à l'UMF.

16. Le 19 janvier 2001, le requérant introduisit une action en vue de voir condamner l'UMF au paiement d'une astreinte pour la non-exécution desdites décisions.

Le 13 avril 2001, le tribunal départemental d'Iaşi rejeta sa demande. Il estima notamment que le requérant avait laissé passer un délai trop long entre le jugement du 7 octobre 1996 et sa demande de fixation d'une astreinte. Le tribunal réitéra aussi que le jugement du 22 mars 2000 méconnaissait tant la charte de l'UMF que le principe de l'autonomie universitaire prévu par loi.

Le 9 juillet 2001, ce jugement fut confirmé par un arrêt définitif de la cour d'appel d'Iaşi.

17. Par un jugement du 10 juin 2003 du tribunal départemental d'Iaşi, confirmé sur recours des parties par un arrêt définitif du 7 novembre 2003 de la cour d'appel d'Iaşi, l'UMF fut condamnée à payer au requérant les salaires correspondant à sa qualité de titulaire du cours de psychothérapie à partir du 22 mars 2000 jusqu'à la réintégration. Les tribunaux rejetèrent la défense de l'UMF fondée sur l'autonomie universitaire, au motif qu'un tel argument aurait dû être invoqué devant les juridictions qui avaient établi l'obligation initiale de réintégration et que, dès lors que cette obligation avait été ordonnée par une décision définitive, l'UMF était censée l'exécuter.

18. Par une décision du 6 mai 2004, l'UMF décida d'embaucher le requérant pour enseigner la psychothérapie à une partie des étudiants (une série) en tant que cours optionnel. Elle approuva aussi le paiement des salaires pour la période de 2000 à 2004.

19. Cependant, le 11 juin 2004, le requérant contesta devant le tribunal départemental d'Iaşi cette décision, estimant qu'elle ne correspondait pas aux exigences du jugement du tribunal de première instance d'Iaşi du 22 mars 2000 concernant sa réintégration, ni à celles du jugement du tribunal départemental d'Iaşi du 10 juin 2003 s'agissant du paiement des salaires dus.

20. Après plusieurs renvois entre la section de contentieux administratif et celle de droit du travail du tribunal départemental d'Iaşi, un jugement au fond de la contestation fut enfin adopté, le 8 juillet 2005 par la section de droit du travail dudit tribunal qui fit partiellement droit à l'action.

Ses demandes n'étant que partiellement accueillies, le requérant introduisit un recours contre ledit jugement. Par un arrêt définitif du 20 mars 2006, la cour d'appel d'Iaşi y fit droit et retint qu'afin de se conformer aux dispositions du jugement du 22 mars 2000, l'UMF devait ôter de sa décision du 6 mai 2004 les mentions concernant le caractère optionnel du cours de psychothérapie et celles sur la limitation du nombre d'étudiants attribués au requérant.

21. La cour d'appel réserva toutefois le volet concernant le paiement des salaires dus, au motif qu'il était nécessaire d'effectuer sur ce point une expertise comptable.

La requérant n'entendant plus avancer les frais nécessaires pour l'expertise, la cour d'appel rejeta cette partie de sa contestation, par un arrêt définitif du 30 mai 2006.

22. Parallèlement, le requérant introduisit devant le tribunal départemental d'Iaşi une action tentant à obliger l'UMF à modifier le planning universitaire afin d'y prévoir l'enseignement de la psychothérapie pour la période allant jusqu'à 2004.

Par un jugement du 2 mars 2006, le tribunal départemental fit droit à son action.

23. Le 12 juillet 2006 le requérant déclara devant un notaire que le jugement du 22 mars 2000 avait été exécuté.

24. Par une lettre du 4 septembre 2006 il informa également la Cour qu'il avait été réintégré dans son poste et qu'il avait reçu les sommes ordonnées par le tribunal et confirmées par la décision de l'UMF du 6 mai 2004.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

25. La réglementation interne pertinente, à savoir des extraits des codes civil, de procédure civile et du travail (ancien et nouveau) et des lois nos 168/1999 sur les conflits du travail et 188/2000 sur les huissiers de justice, est décrite dans la décision Roman et Hogea c. Roumanie (no 62959/00, 31 août 2004).

26. La loi no 84/1995 sur l'enseignement (republiée au Moniteur Officiel no 1 du 5 janvier 1996 et ultérieurement au Moniteur Officiel no 606 du 10 décembre 1999) consacre l'autonomie universitaire et prévoit parmi les éléments de cette autonomie le droit pour l'université de sélectionner et promouvoir les enseignants (l'article 92 § 3).

Selon l'article 92 § 1 de ladite loi, les modalités concrètes de l'exercice de cette autonomie sont détaillées dans les chartes universitaires.

27. La charte de l'UMF prévoit le droit pour l'université de sélectionner et promouvoir ses enseignants comme faisant partie de l'autonomie universitaire (articles 8 § 2a), 9 a), 53 § 3 et 60 e)).

28. Elle exige que les décisions prises par la commission universitaire respectent les lois (article 46 b) et 54 § 1) et oblige l'UMF à faire recours, en cas de conflits, aux moyens légaux d'action (article 35).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

29. Le requérant allègue que l'inexécution des décisions de justice définitives rendues en sa faveur a entravé son droit d'accès à un tribunal qui juge équitablement et dans un délai raisonnable sa cause.

Par une lettre du 4 septembre 2006, il se plaint également de ce que le délai dans lequel les juridictions ont jugé sa contestation contre la décision de l'UMF du 6 mai 2004 (paragraphes 19-21 ci-dessus) n'a pas été raisonnable.

30. Il invoque l'article 6 § 1 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) et dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

A. Sur la recevabilité

31. Le Gouvernement considère que le requérant aurait dû employer des moyens indirects afin de contraindre l'UMF à exécuter son obligation, notamment l'action en paiement du salaire, la plainte pénale prévue par la loi no 168/1999 et l'action en condamnation de l'UMF au paiement de l'amende civile, dans la mesure où il n'existe pas de moyens d'exécution forcée d'une obligation telle que celle dont il s'agit en l'espèce, qui nécessite l'intervention personnelle du débiteur.

32. Le requérant s'oppose à cette exception et rappelle qu'il a en effet utilisé, d'ailleurs sans succès, la plupart des moyens indiqués par le Gouvernement.

33. La Cour rappelle qu'une exception similaire du Gouvernement a été rejetée dans l'affaire Roman et Hogea précitée. Elle ne voit aucune raison de s'écarter, en l'espèce, de la conclusion à laquelle elle est arrivée dans ladite affaire. Partant, l'exception du Gouvernement ne saurait être retenue.

34. En outre, elle constate que le grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

35. Le Gouvernement rappelle que l'exécution d'une obligation nécessitant l'intervention personnelle du débiteur, comme c'est le cas en l'espèce, n'impose aux autorités que l'obligation de créer et de mettre à la disposition du créancier un système judiciaire apte à l'aider dans l'exécution de sa créance. Si le créancier fait appel à la force publique pour obtenir l'exécution, les autorités doivent avoir un comportement diligent, en prenant toutes les mesures que l'on peut raisonnablement exiger d'elles. Cependant, le procès civil étant régi par le principe de la disponibilité, l'Etat n'était pas tenu d'exécuter ex officio les décisions judiciaires rendues en l'espèce.

Rappelant que le requérant aurait eu la possibilité d'utiliser d'autres moyens pour contraindre l'UMF à exécuter, le Gouvernement estime que l'Etat a pleinement satisfait à ses obligations sous l'angle de l'article 6 de la Convention.

36. Le requérant s'oppose à cette thèse et fait valoir que l'UMF n'est pas du tout un simple particulier mais une institution financée par le budget de l'Etat et dont l'activité est d'intérêt public.

37. La Cour rappelle que l'exécution d'un jugement ou d'un arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du « procès » au sens de l'article 6 de la Convention. Le droit à un tribunal serait illusoire si l'ordre juridique interne d'un Etat contractant permettait qu'une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d'une partie (Immobiliare Saffi c. Italie [GC], no 22774/93, § 63, CEDH 1999-V).

38. Cependant, le droit d'accès à un tribunal ne peut obliger un Etat à faire exécuter chaque jugement de caractère civil quel qu'il soit et quelles que soient les circonstances (Sanglier c. France, no 50342/99, § 39, 27 mai 2003). Lorsque les autorités sont tenues d'agir en exécution d'une décision judiciaire et omettent de le faire, cette inertie engage la responsabilité de l'Etat sur le terrain de l'article 6 § 1 de la Convention (Scollo c. Italie, arrêt du 28 septembre 1995, série A no 315-C, p. 55, § 44).

39. Dans la présente affaire, bien que le requérant ait obtenu les 7 octobre 1996 et 22 mars 2000 des décisions définitives ordonnant à son employeur notamment de le réintégrer dans son poste et qu'il ait fait, par la suite, des démarches en vue de l'exécution, ces décisions n'ont été exécutées qu'en 2006, c'est-à-dire respectivement plus de six ans (pour l'obligation de réintégration) et de trois ans (pour l'obligation de paiement) après leur adoption.

40. En premier lieu, la Cour rappelle que l'administration constitue un élément de l'Etat de droit, son intérêt s'identifiant à celui d'une bonne administration de la justice, et que si l'administration refuse ou omet de s'exécuter, ou encore tarde à le faire, les garanties de l'article 6 dont a bénéficié le justiciable pendant la phase judiciaire de la procédure perdent toute raison d'être (Hornsby c. Grèce, arrêt du 19 mars 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-II, pp. 510-511, § 41). Or, l'UMF est une institution publique, qui fait donc partie de l'administration de l'Etat.

41. En outre, s'il est vrai que selon la loi de l'enseignement et selon sa propre charte, l'UMF est autonome quant à la sélection de ses enseignants, cette autonomie n'est pas absolue et est subordonnée à la Constitution et aux lois de l'Etat. La charte même de l'UMF rappelle que les décisions de la commission universitaire doivent respecter la loi et qu'en cas de conflit, l'université doit faire appel aux moyens légaux d'action.

Or, tel n'était pas le cas en l'espèce, dès lors que la commission universitaire a soumis au vote l'exécution d'une décision judiciaire définitive et a décidé par la suite de ne pas suivre les ordres des juridictions.

42. En outre, à supposer même que l'université agisse en tant qu'employeur privé, l'Etat, en sa qualité de dépositaire de la force publique, était appelé à avoir un comportement diligent et à assister le créancier dans l'exécution des décisions qui lui étaient favorables.

Certes, le requérant a obtenu l'assistance des autorités dans quelques unes des démarches qu'il a effectuées (sa demande d'infliger une amende civile à l'UMF, sa deuxième action pour obliger l'employeur à le réintégrer qui a donné lieu au jugement du 22 mars 2000 et sa contestation contre la décision de l'UMF du 6 mai 2004). Cependant, il n'en reste pas moins que les tribunaux ont refusé de lui octroyer l'assistance des huissiers, ont rejeté sa plainte pénale contre les responsables de l'UMF et ont, surtout, rejeté plusieurs de ses démarches en vue de l'exécution, au motif que l'UMF était autonome et, ainsi, ne pouvait être contrainte à se conformer aux décisions rendues à son encontre. Or, cette attitude contradictoire des juridictions a pour le moins retardé l'exécution et cette situation n'est en aucun cas imputable au requérant.

43. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que, dans la présente affaire, en refusant pendant une période de respectivement six et trois ans d'exécuter les décisions définitives et d'assister le requérant dans ses démarches en vue de l'exécution, les autorités nationales ont privé le requérant d'un accès effectif à un tribunal.

44. Par conséquent, il y a eu violation de l'article 6 § 1 sur ce point.

45. Compte tenu de cette conclusion, la Cour n'estime plus nécessaire d'examiner les autres griefs tirés de l'article 6 § 1, notamment la durée des diverses procédures et leur iniquité alléguée.

II. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

46. Invoquant l'article 13 de la Convention, le requérant estime avoir été privé du droit à un recours effectif pour voir exécuter les décisions définitives des juridictions internes. Il se plaint enfin que sa situation incertaine au sein de l'UMF affecte négativement sa vie privée et professionnelle, contrairement aux articles 3, 8 et 14 de la Convention.

47. Etant donné que le grief tiré de l'article 13 vise en substance les mêmes aspects que celui déjà examiné sous l'angle de l'article 6 § 1 de la Convention ci-dessus, la Cour n'estime pas nécessaire de se placer de surcroît sur le terrain de l'autre article invoqué.

48. En outre, la Cour estime que rien dans le dossier ne fait ressortir une violation des articles 3, 8 ou 14 de la Convention.

Il s'ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

III. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

49. Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

50. Le requérant réclame 140 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel représentant le salaire non perçu pendant sept années universitaires et 700 000 EUR au titre du préjudice moral qu'il aurait subi. Il demande de plus que l'Etat soit condamné à une astreinte de 2 000 EUR par mois de retard dans l'exécution du présent arrêt à partir de la date à laquelle l'arrêt sera rendu jusqu'à son exécution.

51. Dans sa réponse du 21 avril 2004, le Gouvernement fait valoir que le salaire du requérant était en 1999 de 19 000 000 ROL, c'est-à-dire 1 166 EUR selon le cours officiel de la Banque nationale de Roumanie. Il estime les demandes de préjudice moral non étayées.

52. La Cour rappelle que le requérant a été réintégré dans son poste et qu'il a reçu les montants ordonnés par les juridictions à titre de rappel de salaires. Dès lors, la Cour estime qu'aucune somme ne saurait lui être allouée au titre du préjudice matériel.

53. La Cour estime, néanmoins, que le requérant a subi un préjudice moral du fait notamment de la frustration provoquée par l'impossibilité de voir exécuter les décisions rendues en sa faveur et que ce préjudice n'est pas suffisamment compensé par un constat de violation.

54. Dans ces circonstances, eu égard à l'ensemble des éléments se trouvant en sa possession et statuant en équité, comme le veut l'article 41 de la Convention, la Cour alloue au requérant 3 000 EUR au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

55. Le requérant demande également 50 000 EUR pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et 40 000 EUR pour ceux encourus devant la Cour. Il déclare ne plus être en possession des justificatifs afférents.

56. Le Gouvernement rappelle que le requérant n'a pas étayé ses demandes.

57. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce, et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour rejette comme non étayée la demande relative aux frais et dépens.

C. Intérêts moratoires

58. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l'article 6 § 1 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention en ce qui concerne le droit d'accès à un tribunal ;

3. Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs tirés de l'article 6 § 1 de la Convention ;

4. Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner séparément le grief tiré de l'article 13 de la Convention ;

5. Dit

a) que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 3 000 EUR (trois mille euros) pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, à convertir en nouveaux lei roumains (RON) au taux applicable à la date du règlement ;

b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 2 novembre 2006 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président