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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
13.11.2006
Rozhodovací formace
Významnost
2
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION FINALE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 36150/03
présentée par Jon Koldo APARICIO BENITO
contre l’Espagne

La Cour européenne des Droits de l’Homme (cinquième section), siégeant le 13 novembre 2006 en une chambre composée de :

M. P. Lorenzen, président,
Mme S. Botoucharova,
MM. K. Jungwiert,
R. Maruste,
J. Borrego Borrego,
Mme R. Jaeger,
M. M. Villiger, juges,

et de Mme C. Westerdiek², greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 6 novembre 2003,

Vu la décision partielle du 4 mai 2004,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Jon Koldo Aparicio Benito, est un ressortissant espagnol, né en 1971. Au moment de l’introduction de la requête, il était incarcéré au centre pénitentiaire de La Moraleja à Dueñas (Palencia). Il est représenté devant la Cour par Me Rafael Baena Díaz, avocat à Cádiz. Le gouvernement défendeur est représenté par son agent, M. Ignacio Blasco Lozano, chef du service juridique des droits de l’homme au ministère de la Justice.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le 22 octobre 2001, le requérant déposa une demande auprès du juge de l’application des peines no 2 de Castille-León sur la base de son droit à la santé en tant que non fumeur. Il se plaignait de devoir cohabiter dans l’établissement pénitentiaire avec une centaine de prisonniers, dont la plupart étaient fumeurs et, notamment, du fait qu’il devait partager avec eux des espaces communs, tels que la salle de télévision, la salle à manger, l’école ou les ateliers, encourant ainsi de graves risques de santé. Il ajouta, en outre, que les autorités sanitaires nationales menaient une intense campagne d’alerte sur les dangers de la consommation de tabac. Sur la base de l’article 77 de la loi organique générale pénitentiaire (ci-après « LOGP ») et du décret royal 192/1988, du 9 mars 1988, relatif à la limitation de la vente et de l’usage du tabac, le requérant réclama l’adoption de mesures appropriées afin d’obtenir une solution à son grief.

Par une décision du 14 mai 2002, le juge de l’application des peines rejeta la demande du requérant. Il nota que, conformément à la LOGP, il n’était habilité qu’à veiller à l’exécution des peines, à résoudre les recours, à sauvegarder les droits des détenus ainsi qu’à répondre à leurs demandes et plaintes relatives au régime et au règlement pénitentiaires dès lors que leurs droits fondamentaux ou leurs droits et bénéfices pénitentiaires étaient affectés. A cet égard, le juge releva que le requérant avait formulé une question qui était des plus controversées dans la société – la difficile cohabitation entre fumeurs et non fumeurs – mais que la LOGP ne lui permettait pas de se prononcer sur cette question. Finalement, il ajouta que, tel que le centre pénitentiaire en question l’avait déjà signalé dans ses observations, il serait absolument irréalisable de créer un espace non fumeur, car aucune classification cohérente des détenus au sein du centre pénitentiaire ne serait possible.

A l’encontre de cette décision, le requérant forma auprès du même juge un recours en réforme, lequel fut rejeté le 3 juillet 2002, confirmant la décision attaquée.

Par la suite, le requérant fit appel devant l’Audiencia Provincial de Palencia. Par une décision du 21 octobre 2002, l’Audiencia Provincial admit que le requérant, inquiet de son état de santé et souffrant, en tant que non fumeur, du manque de zones spéciales pour non fumeurs, était ainsi contraint de respirer la fumée de tabac des détenus fumeurs. De ce fait, il demandait la création de zones pour non fumeurs ainsi que l’interdiction de fumer dans les espaces communs. Cependant, l’Audiencia Provincial nota, d’une part, que la LOGP ne prévoyait rien à ce sujet et, d’autre part, que le centre pénitentiaire avait déjà précisé, dans ses observations, qu’il plaçait les détenus selon le classement pénitentiaire et non selon la distinction fumeurs ou non fumeurs. Elle rejeta le recours du requérant, confirma la décision attaquée et ajouta que, nonobstant, la direction du centre pénitentiaire pouvait soulever la question auprès de la Direction Générale des Institutions Pénitentiaires.

Invoquant la violation des articles 15 (droit à la vie et à l’intégrité physique) et 24 (droit à un procès équitable) de la Constitution, le requérant saisit le Tribunal constitutionnel d’un recours d’amparo. Par une décision du 2 juin 2003, la haute juridiction déclara le recours irrecevable comme étant dépourvu de contenu constitutionnel. Elle fonda sa décision sur les motifs suivants :

« (...) S’agissant de la protection dudit droit à la vie et à l’intégrité physique permettant de protéger le droit à la santé, la motivation des juridictions a quo ne semble pas déraisonnable lorsqu’elles constatent que la LOGP ne contient aucune disposition permettant aux non fumeurs, d’une part, de se prévaloir d’un droit à la mise en place d’espaces non fumeurs dans un centre pénitentiaire et, d’autre part, de demander à ce que soit édictée une interdiction de fumer dans les lieux communs. A cet égard, tant le juge de l’application des peines que l’Audiencia Provincial de Palencia décidèrent qu’ils ne pouvaient résoudre la question qui leur avait été soulevée par le requérant, l’aménagement du centre pénitentiaire selon si les détenus étaient fumeurs ou non fumeurs ne pouvant pas être exigé [à l’Administration] (...). En effet, dans le cas d’espèce (...) le droit invoqué se voit nécessairement limité par les capacités matérielles et budgétaires de l’établissement pénitentiaire en question, sans que son exécution puisse être exigée de façon immédiate. Cela dit, la direction du centre peut, si elle le souhaite, soulever cette question auprès de la Direction Générale des Institutions Pénitentiaires à toutes fins utiles ».

B. Le droit interne pertinent

1. La Constitution

Article 15

« Chaque individu a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale, (...) »

2. Loi organique générale Pénitentiaire 1/1979, du 26 septembre 1979

Article 3

« La police des prisons est exercée dans le respect absolu de la personnalité humaine des détenus et des droits et intérêts juridiques de ces derniers, indépendamment de la condamnation, sans faire de différence aucune de race, d’opinion politique, de croyances religieuses, de condition sociale ou d’autres circonstances de nature analogue.

En conséquence :

1. Les détenus pourront exercer les droits civils, politiques, sociaux, économiques ou culturels, y inclus le droit de vote, à moins qu’ils ne soient incompatibles avec l’objet de leur détention ou l’accomplissement de leur peine.

4. L’administration pénitentiaire veillera à la vie, à l’intégrité et à la santé des détenus. »

Article 76

« 1. Le juge de l’application des peines sera habilité pour veiller à l’accomplissement de la peine imposée, résoudre les recours relatifs aux modifications qu’il pourra rencontrer conformément à ce qui est prescrit par les lois et règlement, sauvegarder les droits des détenus et corriger les abus et détournements qui pourraient se produire dans le respect des préceptes du régime pénitentiaire.

2. Il relève aussi du juge de l’application des peines de :

(...)

G. Répondre aux demandes et plaintes des détenus selon le régime et règlement pénitentiaire dès que les droits fondamentaux ou les droits et bénéfices pénitentiaires des détenus sont affectés.

(...) »

Article 77

« Les juges de l’application des peines pourront s’adresser à la Direction Générale des Institutions Pénitentiaires pour formuler des propositions concernant l’organisation et le développement des services de surveillance, la cohabitation au sein de l’établissement, l’organisation et les activités des ateliers, de l’école, de l’assistance médicale et religieuse, et, en général, des activités pénitentiaires, économiques et administratives, ainsi que du traitement pénitentiaire au sens strict.

  1. Loi 28/2005 du 26 décembre, portant sur des mesures sanitaires face au tabagisme et réglementant la vente, l’approvisionnement, la consommation et la publicité des produits du tabac

Article 5 : prohibition de vente et approvisionnement dans certains endroits

« (...) la vente et l’approvisionnement de produits du tabac est interdite dans les endroits tels que :

a) les centres et dépendances des Administrations publiques et entités de droit public.

(...) »

Sixième disposition additionnelle : régime spécial des établissements pénitentiaires (exceptions à l’article 5a) de la loi)

« (...) il sera autorisé d’habiliter des zones fumeurs dans les centres pénitentiaires ».

GRIEFS

Invoquant l’article 2 de la Convention, le requérant allègue une violation de son droit à la vie du fait qu’il est obligé de partager les espaces communs avec les détenus fumeurs. Il se plaint de la passivité de l’administration pénitentiaire qui n’a pas créé des espaces propres aux détenus non fumeurs. Il estime que ceci est particulièrement grave, surtout compte tenu du fait que les autorités sanitaires espagnoles fournissent constamment des informations sur les préjudices pour la santé causés par le tabac tant pour le fumeur que pour le non fumeur. Le requérant estime à cet égard que les autorités ont l’obligation de veiller à ce que son droit à la santé soit respecté.

EN DROIT

1. Le requérant invoque l’article 2 de la Convention et se plaint que l’absence d’espaces non fumeurs dans les parties communes du centre pénitentiaire où il est incarcéré l’oblige à respirer la fumée des autres détenus pendant toute la journée. Il soutient que de nombreuses études démontrent que les fumeurs passifs encourent un risque identique à celui des fumeurs de développer des affections respiratoires mortelles. Les parties pertinentes de l’article invoqué disposent :

« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) ».

Dans ses observations, le Gouvernement relève que les faits soulevés par le requérant, à savoir l’obligation de partager plusieurs espaces du centre pénitentiaire avec les détenus fumeurs, n’atteignent pas le seuil minimum pour conclure à l’existence d’une atteinte contre le droit à la vie. En effet, il s’agit d’une question de cohabitation et tolérance entre les différents groupes.

A cet égard, le Gouvernement souligne que le requérant bénéficie d’une cellule individuelle et que, conformément à une ordonnance du 31 mai 2004 du directeur du centre pénitentiaire, certains espaces communs tels que l’infirmerie, la cuisine, les ateliers, les salles de cours et la salle à manger sont non fumeurs. Finalement, le Gouvernement attire l’attention sur le fait que le requérant dispose à tout moment de la possibilité de sortir dans la cour de l’établissement afin d’être à l’extérieur.

Pour sa part, le requérant soulève, sans les étayer, des problèmes respiratoires qui seraient incompatibles avec l’inhalation de la fumée du tabac. Il estime que le sujet litigieux n’est en aucune mesure une question triviale et ne voit pas pourquoi les droits des fumeurs devraient prévaloir sur ceux des non fumeurs. Par ailleurs, il répond à l’argument du Gouvernement concernant la possibilité de sortir dans la cour en lui rappelant que ni les températures hivernales ni les nombreux jours de pluie dans la région permettent de profiter de sorties fréquentes. Par ailleurs, il note que la salle de télévision demeure un espace fumeur.

La Cour constate que le requérant est incarcéré dans une prison où il dispose d’une cellule individuelle. De plus, depuis le 31 mai 2004, date de l’ordonnance du directeur du centre pénitentiaire, la seule salle commune dans laquelle il est autorisé de fumer est la salle de télévision. En effet, l’infirmerie, les ateliers, la cuisine, la salle de cours et la salle à manger sont des espaces non fumeurs.

La Cour constate également que le requérant n’a étayé aucun des problèmes de santé qu’il soulève, que ceux-ci soient ou non liés avec l’inhalation de la fumée du tabac.

A la lumière des considérations exposées ci-dessus, la Cour estime qu’il n’y a pas d’éléments pour lui permettre de constater que le requérant ait subi des effets néfastes de nature à constituer une violation de la disposition invoquée (voir, mutatis mutandis, Ruano Morcuende c. Espagne, (déc.), no 75287/01, 6 septembre 2005). Dès lors, ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé.

2. Par une décision partielle du 4 mai 2004, la requête fut également communiquée au Gouvernement sous l’angle de l’article 8 de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

i) Le Gouvernement allègue que le requérant n’a pas invoqué l’article 8 de la Convention dans sa requête devant la Cour.

De son côté, le requérant rappelle la jurisprudence de la Cour d’après laquelle cette dernière peut « (...) donner aux faits de la cause, tels qu’ils ont été considérés établis par les divers éléments en sa possession, une qualification juridique différente de celle que leur attribue l’intéressé ou, au besoin, de les envisager sous un autre angle ; de plus, il faut prendre en compte non seulement la requête primitive mais aussi les écrits complémentaires (...) » (voir Mercuri c. Italie (déc.), no 47247/99, 5 juillet 2001). Le requérant estime que les faits exposés dans sa requête se réfèrent incontestablement aux droits garantis dans l’article 8 de la Convention. A cet égard, il rappelle que la Cour a considéré à plusieurs reprises que des atteintes graves à l’environnement (Botti c. Italie, (déc.), no 77360/01, 2 décembre 2004) pouvaient affecter le bien-être d’une personne et la priver de la jouissance de son domicile de manière à nuire à sa vie privée et familiale, sans pour autant mettre en grave danger la santé de l’intéressé (López Ostra c. Espagne, arrêt du 9 décembre 1994, série A no 303-C, p. 55, § 51, et Guerra et autres c. Italie, arrêt du 19 février 1998, Recueil 1998-I, p. 228, § 60).

La Cour est consciente que le requérant n’a pas invoqué expressément l’article 8 de la Convention dans sa requête. Cependant, elle rappelle qu’elle est maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause et qu’elle ne se considère pas comme liée par celle que leur attribuent les requérants ou les gouvernements (voir Powell et Rayner c. Royaume-Uni , arrêt du 21 février 1990, série A no 172, p. 13, § 29, Guerra et autres c. Italie précité, § 44 et Kutzner c. Allemagne, [GC], arrêt du 26 février 2002, Recueil des arrêts et décisions 2002-I, § 56).

En l’espèce, force est de constater que le requérant, non fumeur, est en contact temporaire pendant la journée avec la fumée du tabac des autres détenus. A cet égard, la Cour signale que le fait d’être forcé, en tant que non fumeur, à partager un environnement où il est possible de fumer à certains endroits pourrait constituer une ingérence dans la vie privée du requérant, au sens de l’article 8 § 1 de la Convention.

ii) Le Gouvernement plaide par ailleurs le non-épuisement dans la mesure où il estime que ce grief n’a pas été soulevé par le requérant auprès des juridictions internes et, en particulier, devant le Tribunal constitutionnel.

A cet égard, la Cour note que dans le cadre du recours d’amparo, le requérant a invoqué les articles 15 (droit à la vie et à l’intégrité physique et morale) et 24 (droit à un procès équitable). Dès lors, le grief concernant le droit à la vie privée, garanti par l’article 18 § 1 de la Constitution n’a pas été expressément invoqué par le requérant devant le Tribunal constitutionnel. La Cour rappelle toutefois que la condition concernant l’épuisement des voies de recours internes doit s’appliquer « avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif » et se trouve ainsi satisfaite « si l’intéressé a fait valoir devant les autorités nationales « au moins en substance, et dans les conditions et délais prescrits par le droit interne, les griefs qu’il entend formuler par la suite à Strasbourg » (Fressoz et Roire c. France, arrêt du 21 janvier 1999, Recueil des arrêts et décisions 1999-I, § 37, et Akdivar et autres c. Turquie, arrêt du 16 septembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV, pp. 1210-1211, §§ 65-69). Dès lors, il importe peu de rechercher si, en l’espèce, le requérant n’a soulevé ce grief que sous l’angle des conséquences pour sa vie et son intégrité physique, et non sous celui des conséquences pour sa vie privée et familiale (voir, mutatis mutandis, Boddaert c. Belgique, no 12919/87, décision de la Commission du 2 juillet 1990). Ce qui compte est la nature des faits exposés. A ce sujet, la Cour relève que, même si le grief concernant la vie privée et familiale du requérant n’a pas été expressément invoqué devant le Tribunal constitutionnel, celui-ci découle du libellé du recours (voir, mutatis mutandis, Ruano Morcuende c. Espagne précité). En effet, le requérant parle de « protection du droit à la santé », et sollicite la mise en place d’espaces non fumeurs dans le centre pénitentiaire ainsi que l’interdiction de fumer dans toutes les zones communes. En conséquence, il y a lieu de considérer que les voies de recours internes ont été épuisées.

iii) Le Gouvernement signale que les mesures à prendre afin de garantir un équilibre entre les droits des fumeurs et des non fumeurs relèvent de la marge d’appréciation des Etats. En effet, ceux-ci peuvent organiser les centres pénitentiaires en suivant d’autres critères que celui relatif au caractère fumeur ou non fumeur du détenu. En l’espèce, les prisons espagnoles sont organisées en fonction de la nature du délit commis. A cet égard, demander à un Etat de créer des prisons exclusivement pour les détenus non fumeurs ou de modifier ce système d’organisation et en adopter un de nouveau constituerait une exigence démesurée qui irait au-delà des obligations positives pouvant être imposées à l’Etat.

Par ailleurs, le Gouvernement réitère que les autorités espagnoles ont adopté toutes les mesures raisonnablement exigibles pour protéger les droits des non fumeurs. A cet égard, il fait référence au communiqué du directeur du centre pénitentiaire d’après lequel il est interdit de fumer dans certaines zones communes des prisons telles que les ateliers, la cuisine, l’infirmerie et la salle polyvalente, conformément aux exigences du Département de la Santé.

Les limitations à ces droits (par exemple, le fait que la salle de télévision soit un espace fumeur) sont donc inévitables et se justifient par le biais des exceptions prévues à l’article 8 § 2. A l’appui de ses arguments il cite, a contrario, l’affaire Guerra c. Italie susmentionnée.

Le requérant soutient que ses prétentions ne sont ni disproportionnées ni déraisonnables (D.G. c. Irlande, arrêt du 16 mai 2002, Recueil des arrêts et décisions 2002-III, §§ 101 et ss.). Il insiste sur le fait que sa prétention ne consiste pas à exiger l’interdiction absolue de fumer dans les centres pénitentiaires, mais à garantir le respect de la santé des non fumeurs.

Finalement, le requérant soulève, sans les étayer, des problèmes respiratoires, qui, d’après ses dires, seraient incompatibles avec l’inhalation en permanence de la fumée.

La Cour rappelle que les obligations positives inhérentes à un respect effectif de la vie privée ou familiale peuvent impliquer l’adoption de mesures visant au respect de la vie privée jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c. Pays-Bas, arrêt du 26 mars 1985, Série A no 91, p. 11, § 23, et Botta c. Italie, arrêt du 24 février 1998, Recueil 1998-I, p. 422, § 33). A cet égard, il est vrai que la notion de vie privée peut, selon les circonstances, englober l’intégrité morale et physique de la personne, qui elle-même peut s’étendre à des situations de privation de liberté.

En l’espèce, le requérant se plaint du manque de protection par l’Etat face au tabagisme passif.

En relation avec l’objet de cette requête, la Cour, outre le constat d’absence de réaction uniforme face au tabagisme passif parmi les Parties contractantes, se doit de rappeler qu’il ne lui appartient pas d’imposer aux Etats un comportement précis à observer dans chaque secteur de la société.

Plus particulièrement, il convient de signaler qu’il n’existe pas d’uniformité vis-à-vis du traitement accordé au tabagisme dans les centres pénitentiaires. En effet, des situations telles que celle du requérant, qui dispose d’une cellule individuelle, coexistent avec d’autres où des prisonniers fumeurs et non fumeurs sont contraints à partager la même cellule.

De plus, la Cour signale que certaines Parties contractantes limitent la surface des parties communes où il est autorisé de fumer. En revanche, d’autres Etats n’ont fixé aucune limitation pour les fumeurs dans les centres pénitentiaires. En ce qui concerne l’Espagne, la salle de télévision est le seule espace commun où les détenus peuvent fumer.

A la lumière de l’absence d’une communauté de vues entre les Etats membres concernant le tabagisme et la réglementation du droit à fumer dans les centres pénitentiaires, et compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, la Cour conclut à l’irrecevabilité de ce grief comme étant manifestement mal fondé en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Claudia Westerdiek Peer Lorenzen
Greffière Président