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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
31.10.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE STENKA c. POLOGNE

(Requête no 3675/03)

ARRÊT

STRASBOURG

31 octobre 2006

DÉFINITIF

31/01/2007

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Stenka c. Pologne,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Sir Nicolas Bratza, président,
MM. J. Casadevall,
G. Bonello,
K. Traja,
S. Pavlovschi,
L. Garlicki,
Mme L. Mijović, juges,
et de M. T.L. Early, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 octobre 2006,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 3675/03) dirigée contre la République de Pologne et dont un ressortissant de cet Etat, M. Krzysztof Stenka (« le requérant »), a saisi la Cour le 23 janvier 2003 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant est représenté par Me Andrzej Donderski, conseil juridique à Torun. Le gouvernement polonais (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Jakub Wołąsiewicz, du ministère des Affaires étrangères.

3. Le 16 septembre 2005, le Président de la quatrième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Conformément à l’article 29 § 3, il a été décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l’affaire.

EN FAIT

LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4. Le requérant, né en 1965, est détenu à la maison d’arrêt de Potulice.

5. Le 15 octobre 1998, soupçonné d’avoir commis en complicité avec d’autres personnes plusieurs vols à main armée dans des banques, le requérant fut arrêté.

6. Le 17 octobre 1998, le requérant fut placé en détention provisoire. La décision de mise en détention, confirmée en appel le 2 novembre 1998, fut motivée par la sévérité de la peine encourue, ainsi que par le fait que les organes de poursuite étaient à la recherche des complices du requérant et que celui-ci n’avait pas de domicile fixe.

7. Dans la phase d’instruction, les tribunaux prolongèrent régulièrement la détention provisoire en évoquant la sévérité de la peine encoure, ainsi que le risque de fuite et d’entrave à la bonne marche de la procédure. Les juges soulevèrent également le caractère complexe de l’affaire, le besoin d’arrêter les autres suspects et la nécessité de recueillir de nombreuses preuves.

8. Le 28 mars 2000, le procureur déposa auprès du tribunal régional l’acte d’accusation contre le requérant et deux autres personnes.

9. A compter de mars 2000, le juge statuant sur la prolongation de la détention mit l’accent essentiellement sur la présence de raisons plausibles de soupçonner que le requérant avait commis les infractions qui lui avaient été reprochées. Il souleva également la sévérité de la peine encourue et le nombre des preuves à examiner.

10. Le 12 avril 2001, le tribunal régional condamna le requérant à une peine de onze années de prison. Le 6 mars 2002, la cour d’appel infirma cette décision et renvoya l’affaire pour réexamen.

11. Pour rejeter les demandes du requérant de remise en liberté et pour motiver les décisions de prolongation de la détention provisoire, durant l’examen de l’affaire devant la juridiction de renvoi, les juges prirent en compte essentiellement le fait que la condamnation antérieure avait été annulée uniquement pour des questions de procédure, que les faits demeuraient incontestables et mirent l’accent sur la sévérité de la peine encourue. Ils relevèrent une durée importante de la détention mais estimèrent qu’elle était justifiée par les faits de l’espèce.

12. Le 22 octobre 2003, le tribunal régional condamna le requérant à une peine de onze années de prison, décision confirmée en appel le 30 novembre 2004.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 3 DE LA CONVENTION

13. Le requérant se plaint de la durée de sa détention provisoire et cite l’article 5 § 3 de la Convention, ainsi libellé :

«Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, (...) a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. (...).»

A. Sur la recevabilité

14. Le gouvernement ne soulève aucune exception préliminaire d’irrecevabilité de la requête.

15. La Cour constate que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celle-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.

B. Sur le fond

1 La période à prendre en considération

16. La Cour considère que la durée de la détention du requérant se divise en deux périodes : la première étant de deux années, cinq mois et vingt-huit jours (du 15 octobre 1998, date de son arrestation, au 12 avril 2001, date de sa condamnation en première instance) et la seconde d’une année, sept mois et quatorze jours (du 6 mars 2002, date de l’annulation en appel de sa première condamnation, au 22 octobre 2003, date de sa deuxième condamnation en première instance). La durée totale de la détention provisoire du requérant est dès lors de plus de quatre années et un mois.

2 Le caractère raisonnable de la durée de la détention

17. Le Gouvernement met l’accent en premier lieu sur la nature des infractions commises par le requérant qui avaient trait à la délinquance organisée. Il souligne qu’en Pologne le nombre de procédures pénales concernant des réseaux organisés est considérable et qu’il croît toujours. Il attire l’attention de la Cour sur les difficultés procédurales et logistiques qui sont inhérentes à ce type d’affaires et entraînent leur complexité, ce qui était le cas en l’espèce.

18. Le Gouvernement estime que la détention se justifiait par des raisons suffisantes et pertinentes et souligne qu’elle était soumise à un contrôle régulier de la part des tribunaux fournissant des explications détaillées.

19. Selon le Gouvernement, on pouvait raisonnablement croire qu’une fois en liberté l’intéressé tente de se soustraire à la justice et d’entraver le bon déroulement de la procédure.

20. Le Gouvernement fait valoir que les autorités ont apporté toute la diligence nécessaire à l’affaire. Malgré la complexité du dossier et les noncomparutions répétitives des avocats et des témoins, le tribunal tenait les audiences régulièrement et appliquait des mesures disciplinaires.

21. Le Gouvernement attire l’attention de la Cour sur le fait que les juges ont imputé toute la période de la détention provisoire sur la peine prononcée par le jugement définitif.

22. Le requérant réfute les arguments du Gouvernement. Il soulève qu’il n’a jamais tenté de prendre la fuite ni d’entraver à la bonne marche de la procédure et que sa détention est devenue particulièrement dépourvue de raisons pertinentes après le 6 mars 2002, date de l’annulation en appel de sa première condamnation.

23. La Cour rappelle qu’il incombe en premier lieu aux autorités judiciaires nationales de veiller à ce que, dans un cas donné, la durée de la détention provisoire d’un accusé ne dépasse pas la limite du raisonnable. A cette fin, il leur faut examiner toutes les circonstances de nature à révéler ou écarter l’existence d’une véritable exigence d’intérêt public justifiant, eu égard à la présomption d’innocence, une exception à la règle du respect de la liberté individuelle et d’en rendre compte dans leurs décisions relatives aux demandes d’élargissement. C’est essentiellement sur la base des motifs figurant dans lesdites décisions, ainsi que des faits établis indiqués par l’intéressé dans ses recours, que la Cour doit déterminer s’il y a eu ou non violation de l’article 5 § 3 de la Convention.

24. La persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d’avoir commis une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention, mais au bout d’un certain temps elle ne suffit plus ; la Cour doit alors établir si les autres motifs adoptés par les autorités judiciaires continuent à légitimer la privation de liberté. Quand ils se révèlent « pertinents » et « suffisants », elle cherche de surcroît si les autorités nationales compétentes ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure (voir notamment l’arrêt Letellier c. France du 26 juin 1991, série A no 207, p. 18, § 35).

25. La Cour observe qu’en l’espèce les autorités ont justifié la prolongation de la détention par la sévérité de la peine encourue et la complexité du dossier, ainsi que par le risque de fuite et d’entrave à la bonne marche de justice.

26. La Cour considère que ces motifs pouvaient initialement suffire à légitimer la détention. Toutefois, au fil du temps, ils sont inévitablement devenus moins pertinents et seules des raisons vraiment impérieuses pourraient persuader la Cour que la longue privation de liberté (environ quatre années et un mois) se justifiait au regard de l’article 5 § 3.

27. La Cour n’a pas décelé pareilles raisons en l’espèce et constate que les juridictions nationales ont rejeté les demandes d’élargissement du requérant et ont prolongé la détention essentiellement pour les mêmes motifs que ceux cités précédemment. La Cour observe de surcroît qu’à partir de mars 2000, les juges motivaient leurs décisions par le caractère complexe de l’affaire, en se bornant à souligner la sévérité de la peine encourue résultant de la nature des infractions reprochées à l’intéressé.

28. La Cour rappelle à cet égard qu’à la lumière de sa jurisprudence établie, l’existence d’un fort soupçon de participation à des infractions graves et la perspective d’une lourde sentence ne sauraient à elles seules justifier une longue détention provisoire (voir notamment les arrêts Letellier, précité, § 43 ; Scott c. Espagne du 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, p. 2401, § 78).

29. La Cour observe également que même si, dans sa jurisprudence récente, elle a admis que la particularité des infractions ayant trait à la délinquance organisée était de nature à justifier une durée relativement plus longue d’une détention provisoire (voir Celejewski c. Pologne, arrêt du 4 mai 2006, § 37), la documentation fournie par les parties ne permet pas de s’assurer de façon certaine que le requérant aurait agi au sein d’une association de malfaiteurs.

30. Aussi la Cour conclut-elle que les raisons invoquées par les tribunaux dans leurs décisions n’étaient pas suffisantes pour justifier le maintien en détention du requérant pendant la période en question.

31. Il y a donc eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

32. Aux termes de larticle 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

33. Le requérant réclame 35 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel et moral qu’il aurait subi.

34. Le Gouvernement estime cette somme excessive. Il invite la Cour à décider qu’en cas de violation, le constat de celle-ci représenterait une satisfaction équitable suffisante. A titre subsidiaire, il demande à la Cour d’apprécier le montant de la satisfaction équitable sur la base de sa jurisprudence dans des affaires similaires et à la lumière de la conjoncture économique interne.

35. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle estime qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 2 000 EUR au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

36. Le requérant demande le remboursement des frais et dépens encourus pour la procédure interne et pour la procédure devant la Cour, qui s’élèvent à 8 000 EUR.

37. Quant à la procédure interne, il ne présente aucun justificatif. Quant à la procédure devant la Cour, il présente un contrat conclu avec son conseil. Ledit contrat stipule que si l’intéressé obtenait des dommages et intérêts, il devrait verser à son conseil à titre d’honoraire 10 % de la somme allouée par la Cour. Dans le cas contraire, il devrait lui verser la somme de 2 000 PLN (soit environ 500 EUR).

En vertu du présent contrat, le requérant devrait également à son conseil la somme de 450 PLN (soit environ 110 EUR) à titre d’avance sur les dépens engagés. Selon le contrat, le règlement définitif de ces dépens devrait intervenir après présentation de factures dans un délai de deux mois suivant la fin de la présente affaire. Le requérant produit également une quittance pour la somme de 50 PLN (soit environ 12 EUR) concernant la traduction des écrits de la Cour.

38. Le Gouvernement prie la Cour de ne rembourser que les frais et dépens dont se trouvent établis la réalité, la nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. Il renvoie à cet égard à l’arrêt Zimmermann et Steiner c. Suisse du 13 juillet 1983 (série A no 66, p. 14, § 36).

39. La Cour rappelle que selon sa jurisprudence établie elle reconnaît les accords de quota litis, qui fixent les honoraires d’un avocat à un certain pourcentage de la somme que le tribunal pourra octroyer au client concerné (voir Kamasinski c. Autriche, arrêt du 19 décembre 1989, § 115).

40. Dès lors, s’agissant des honoraires d’avocat afférents à la procédure devant les organes de la Convention, la Cour estime raisonnable et alloue au requérant 500 EUR, ce qui constitue la somme stipulée dans le contrat entre le requérant et son conseil (voir § 37), plus toute somme pouvant être due au titre de la taxe sur la valeur ajoutée.

41. La Cour rappelle également que, selon sa jurisprudence constante, l’allocation des frais et dépens exposés par le requérant ne peut intervenir que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux.

42. Dès lors, s’agissant d’autres frais et dépens afférents à la procédure devant les organes de la Convention, la Cour estime raisonnable et alloue à l’intéressé 122 EUR, plus toute somme pouvant être due au titre de la taxe sur la valeur ajoutée.

43. En revanche, elle rejette la demande de remboursement des frais encourus devant les juridictions polonaises, le requérant n’ayant fourni aucune preuve à l’appui de ses prétentions.

C. Intérêts moratoires

44. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

1. Déclare, à l’unanimité, la requête recevable ;

2. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention ;

3. Dit, par 6 voix contre 1,

a) que lÉtat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 2 000 EUR (deux mille euros) pour dommage moral et 622 EUR (six cent vingt-deux euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt; cette somme est à convertir en zlotys polonais au taux applicable à la date du règlement ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 31 octobre 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

T.L. Early Nicolas Bratza
Greffier Président

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion dissidente de M. L. Garlicki.

N.B.
T.L.E.


OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE GARLICKI

(Traduction)

Comme la majorité, j’ai voté en faveur d’un constat de violation de l’article 5 § 3 de la Convention. Je ne saurais toutefois souscrire à la décision de la majorité concernant la somme octroyée au titre de l’article 41. A mon sens, les circonstances de l’espèce sont telles que le constat de violation fournit en soi une satisfaction équitable pour le préjudice moral subi par le requérant.

J’ai l’impression qu’il existe une certaine tendance à allouer automatiquement un montant pour dommage moral aux requérants dont la détention provisoire a duré plus longtemps que ne l’autorise l’article 5 § 3. Je veux bien admettre que nombreux sont les cas de ce type où les requérants doivent en effet avoir droit à une réparation pécuniaire. Cependant, je ne saurais adhérer à l’approche suivant laquelle il faut à chaque fois allouer une somme. Ainsi, cette affaire n’est qu’une illustration d’une tendance plus générale dans notre jurisprudence qui, à mon avis, ne trouve aucune justification dans le texte de la Convention.

L’article 41 dispose que la Cour accorde à la partie lésée, « s’il y a lieu », une satisfaction équitable. L’octroi d’une somme est facultatif (pour ne pas dire discrétionnaire) et n’intervient que « s’il y a lieu ». Les termes employés à l’article 41 laissent entendre que, dans toute affaire où une violation est constatée, la Cour doit se demander s’il y a par ailleurs des raisons d’accorder une satisfaction équitable. Il semble donc que la décision relative à la satisfaction équitable reste indépendante du constat de violation.

L’article 41 dispose que la Cour accorde à la partie lésée une satisfaction « équitable ». Ce terme semble indiquer que dans chaque affaire la Cour doit rechercher quel type de satisfaction serait « équitable ». Pour moi, la satisfaction « équitable » est celle qui ménage le dénouement le plus juste.

Dans la jurisprudence de la Cour, il y a certaines catégories d’affaires dans lesquelles le constat de violation est d’habitude considéré comme une forme suffisante de satisfaction équitable (les affaires concernant les cours de sûreté de l’Etat, en Turquie, en sont un exemple). Pendant de longues années, l’ancienne Cour (de même que la Commission) a eu une démarche semblable dans certains types d’affaires concernant la durée de la détention. Seule une série d’opinions dissidentes éloquentes a convaincu la Cour de modifier sa façon de procéder. Je ne souhaite pas entrer dans ce débat, qui appartient déjà au passé. Cela montre néanmoins que l’interprétation actuelle des termes « s’il y a lieu » figurant à l’article 41 relativement à l’octroi d’une satisfaction équitable – c’est-à-dire de la « nécessité » d’un tel octroin’est pas dictée par la Convention mais résulte d’une interprétation judiciaire – relativement récente – de la Convention.

Je pense que l’ « approche automatique », suivie par la majorité dans cette affaire, ne conduit pas toujours à la bonne décision quant au type de satisfaction qui serait « équitable ». A mon avis, il faut tenir compte d’au moins trois critères avant de prendre une décision en la matière : 1) la nature de l’infraction commise par le requérant ; 2) le stade atteint par le procès, en particulier la question de savoir si l’intéressé a fait l’objet d’une condamnation définitive ; 3) la nature de la peine, notamment le point de savoir si le requérant a été condamné à une longue peine d’emprisonnement.

Si tous ces critères avaient été dûment pris en compte dans l’affaire Stenka, les conclusions de la Cour quant à la satisfaction équitable auraient bien pu être différentes. Le requérant a été inculpé et condamné pour participation à une association de malfaiteurs qui braquait des banques. Sa détention provisoire peut être divisée en deux périodes : la première (près de deux ans et demi) s’est achevée par le jugement de première instance ; la seconde (un an et sept mois et demi) a débuté par l’infirmation de la décision de première instance et s’est conclue par le nouveau jugement rendu après réexamen de l’affaire. La condamnation a finalement été confirmée par une cour d’appel. A l’issue du premier comme du second procès, l’intéressé a été condamné à onze ans d’emprisonnement.

Il est vrai que la détention provisoire du requérant a duré trop longtemps, et c’est pourquoi je souscris au constat d’une violation de l’article 5 § 3. Toutefois, vu les circonstances de l’espèce je ne suis pas convaincu qu’il était nécessaire d’aller au-delà d’une simple déclaration de violation. Dans cette affaire, il est difficile de déceler un élément particulier de souffrance : la période de détention provisoire subie par l’intéressé a été largement couverte par la peine finalement prononcée, et la tenue d’un nouveau procès a été ordonnée uniquement parce que le jugement initial était entaché de vices de procédure. Je ne suis pas non plus convaincu par l’argument consistant à dire que, si de toute évidence le requérant devait rester en détention, il incombait aux autorités de procéder plus promptement. C’est une autre question, qu’il conviendrait d’examiner sous l’angle de l’article 6 § 1.