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TROISIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 58382/00
présentée par Nicolae-Virgil MEREŢ
contre la Roumanie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant
le 9 novembre 2006 en une chambre composée de :
MM. B.M. Zupančič, président,
C. Bîrsan,
V. Zagrebelsky,
Mme A. Gyulumyan,
MM. E. Myjer,
David Thór Björgvinsson,
Mme I. Ziemele, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 9 novembre 1999,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Vu les observations complémentaires soumis par les parties le 6 janvier 2006,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Nicolae-Virgil Mereţ, est un ressortissant roumain, né en 1932 et résidant à Bucarest. Il est représenté devant la Cour par Me O. Bujor, avocate à Bucarest. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Beatrice Ramaşcanu, directrice au ministère des Affaires étrangères.
A. Les mauvais traitements que le requérant prétendait avoir subis
1. Thèse du requérant
Le 10 novembre 1994, le requérant fut hospitalisé à la clinique Sf. Ioan de Bucarest, dans la section d’urologie. Le 11 novembre 1994, il subit une intervention chirurgicale, consistant dans l’ablation d’un testicule. Il allègue également avoir été soumis à cette intervention chirurgicale en présence d’étudiants en médicine, uniquement à des fins pédagogiques et au mépris de sa dignité, profitant du fait qu’il était un homme âgé et sans famille. Il quitta l’hôpital dans un mauvais état, mais avec l’accord du médecin, le 22 novembre 1994.
2. Thèse du Gouvernement
Le 10 novembre 1994, le requérant fut hospitalisé à la clinique Sf. Ioan de Bucarest, dans la section d’urologie. Il présentait une infection à un testicule et à l’épiderme (orchy-epididymite) et il était suspect de tuberculose. Le 11 novembre 1994, il subit une intervention chirurgicale. Bien que les médecins lui aient proposé l’ablation du testicule infecté, le requérant s’y opposa. En conséquence, les médecins ne procédèrent qu’à l’enlèvement de l’épiderme du testicule en question. Après une bonne évolution postopératoire, il quitta l’hôpital avec l’accord du médecin, le 22 novembre 1994. Le requérant ne revint pas retirer le résultat des analyses de laboratoire de l’épiderme enlevé qui confirmaient qu’il était atteint de tuberculose.
B. L’enquête pénale concernant les mauvais traitements subis par le requérant
1. Thèse du requérant
Le 6 décembre 1994, le requérant porta plainte contre les docteurs A. et P. qui l’avaient soigné, les accusant de mauvais traitements. Il allégua avoir subi l’extirpation d’un testicule en absence de tout accord de sa part. En outre, il accusa les médecins de l’avoir soumis à cette intervention chirurgicale en présence de leurs étudiants. Il demanda la réparation du préjudice par un transplant de l’organe extirpé.
Une enquête pénale fut ouverte. Le 17 février 1995, le bureau de police judiciaire chargé de l’enquête communiqua au requérant qu’un examen médico-légal avait été ordonné en la cause. Il était invité à se présenter au docteur S., à l’institut de médecine légale de Bucarest. Aucune date ne lui était indiquée pour l’examen.
Le 27 février 1995, le docteur S. renvoya le requérant à la clinique Panduri de Bucarest pour être soumis à un examen en urologie. Il demandait que les résultats de l’examen lui soient communiqués.
Par lettre du 31 août 1995, adressée au directeur de l’institut de médecine légale, le requérant se plaignait que le docteur S. refusait de fournir l’expertise médico-légale requise par les autorités d’enquête.
Le 28 septembre 1995, le docteur S. renvoya le requérant à la clinique Fundeni de Bucarest pour un nouveau examen urologique.
Le requérant se présenta pour les examens demandés, mais l’expertise ne fut jamais réalisée. Il attendit en vain qu’une suite soit donnée à sa plainte.
Par lettre du 10 novembre 2001, adressée au ministère de la Justice, il se plaignait du fait que les autorités chargées de l’enquête n’avaient rendu à ce jour aucune décision en la cause.
2. Thèse du Gouvernement
Le 6 décembre 1994, le requérant porta plainte contre les docteurs A. et P. qui l’avaient soigné, les accusant de mauvais traitements.
Une enquête pénale fut ouverte. Le 12 janvier 1995, le bureau de police judiciaire du quatrième arrondissement de Bucarest entendit les trois médecins qui avaient effectué l’intervention chirurgicale. Ceux derniers déclarèrent avoir demandé l’accord du requérant pour l’ablation de l’organe. En l’absence de son accord, ils enlevèrent seulement l’épiderme.
Le 1er février 1995, la police ordonna un examen médico-légal en la cause. Le 13 février 1995, le requérant se présenta à l’institut de médecine légale de Bucarest où il fut examiné par le docteur S. Suite à un examen réalisé par palpation, le médecin constata l’existence de l’organe prétendument ablati et demanda des investigations urologiques et neurochirurgicales supplémentaires, auprès de deux hôpitaux de Bucarest.
Le 30 octobre 1996, en l’absence des résultats des investigations demandées, le médecin S. rédigea le rapport d’expertise sur la base des constatations propres et conclut à l’existence de l’organe.
Le 24 janvier 1997, le parquet près le tribunal de première instance de Bucarest ordonna un non-lieu en la cause, sur la base de l’expertise précitée.
GRIEFS
1. Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant se plaint qu’il a été soumis à des traitements inhumains et dégradants par les médecins, lors de l’intervention chirurgicale du 11 novembre 1994. Il allègue également que les autorités n’ont pas mené une enquête effective.
2. Le requérant invoque l’article 2 de la Convention et allègue que sa vie a été mise en péril lors de l’intervention chirurgicale subie le 11 novembre 1994.
3. Le requérant cite également les articles 13 et 14 de la Convention et l’article 2 du Protocole no 4.
EN DROIT
Le 21 novembre 2005, après avoir reçu les observations du Gouvernement et du requérant sur la recevabilité de la requête, la Cour demanda des renseignements complémentaires. Le Gouvernement donna suite à la demande de la Cour le 6 janvier 2006. Par une lettre du même jour, la représentante du requérant informa la Cour du décès de ce dernier et de l’intention du fils du requérant de poursuivre la requête. Elle précisa également qu’il lui était impossible de fournir les renseignements demandés dans le délai imparti.
Par une lettre du 20 janvier 2006, la Cour rappela à la représentante que le délai pour la présentation des observations complémentaires était échu depuis le 6 janvier 2006 et qu’aucune prorogation n’avait été demandée. En outre, il lui était demandé de verser le certificat de décès du requérant, le certificat d’héritier en faveur de son fils ainsi que le pouvoir signé par ce dernier, s’il entendait poursuivre la procédure devant la Cour.
Par une lettre du 6 avril 2006, la Cour réitéra ses demandes du 20 janvier 2006. Le greffier de section fixa le délai au 4 mai 2006. Cette lettre resta également sans réponse et ce malgré un rappel par lequel la représentante fut avertie que la requête pourrait être rayée du rôle.
La Cour rappelle que, dans plusieurs affaires où un requérant était décédé pendant la procédure, elle a pris en compte la volonté de poursuivre celle‑ci exprimée par des héritiers ou parents proches (voir, par exemple, les arrêts Deweer c. Belgique du 27 février 1980, série A no 35, pp. 19-20, §§ 37-38, X c. Royaume-Uni du 5 novembre 1981, série A no 46, p. 15, § 32, Vocaturo c. Italie du 24 mai 1991, série A no 206-C, p. 29, § 2, G. c. Italie du 27 février 1992, série A no 228-F, p. 65, § 2, Pandolfelli et Palumbo c. Italie du 27 février 1992, série A no 231-B, p. 16, § 2, X c. France du 31 mars 1992, série A no 234-C, p. 89, § 26 et Raimondo c.Italie du 22 février 1994, série A no 281-A, p. 8, § 2, la décision Malhous c. République tchèque, no 33071/96, CEDH 2000-XII et, a contrario, l’arrêt Scherer c. Suisse du 25 mars 1994, série A no 287, pp. 14‑15, §§ 31-32). Rien ne montre toutefois qu’il en aille de même ici. Les lettres de la Cour étant restées sans réponse, elle constate que l’héritier du requérant n’a pas manifesté son intérêt à poursuivre la requête au sens de l’article 37 § 1 a) de la Convention.
La Cour estime, en outre, qu’aucune circonstance particulière touchant au respect des droits de l’homme garantis par la Convention n’exige la poursuite de l’examen de la requête en vertu de l’article 37 § 1 in fine de la Convention.
Partant, il échet de rayer l’affaire du rôle.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Décide de rayer la requête du rôle.
Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président