Přehled
Rozsudek
QUATRIEME SECTION
AFFAIRE STEVENS c. POLOGNE
(Requête no 13568/02)
ARRÊT
STRASBOURG
24 octobre 2006
DÉFINITIF
24/01/2007
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Stevens c. Pologne,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :
Sir Nicolas Bratza, président,
MM. J. Casadevall,
M. Pellonpää,
S. Pavlovschi,
L. Garlicki,
Mme L. Mijović,
MM. J. Šikuta, juges,
et de M. T.L. Early, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 octobre 2006,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 13568/02) dirigée contre la République de Pologne et dont le ressortissant de cet Etat, Stefan Stevens (« le requérant »), a saisi la Cour le 12 mars 2002 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant est représenté devant la Cour par Me Jadwiga Walczak‑Karczemska, avocate à Łódź. Le gouvernement polonais (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Jakub Wołąsiewicz, du ministère des Affaires Étrangères.
3. Le 16 septembre 2005, le Président de la quatrième Section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l’article 29 § 3 de la Convention, il a été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4. Le requérant, Stefan Stevens, est un ressortissant polonais, né en 1921 et résidant à Esher en Grande-Bretagne.
5. Le 2 octobre 1995, le requérant engagea une action tendant à l’annulation d’une décision d’expropriation du 26 février 1953.
6. Le 14 mai 1997, le préfet de Lodz (Wojewoda Łódzki) rejeta la demande du requérant. Le 2 juin 1997, le requérant interjeta appel. Le 15 mai 1998, l’autorité administrative compétente en matière de logement (Prezes Urzędu Mieszkalnictwa) infirma la décision du préfet. A la suite de l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi du 21 août 1997 (Ustawa o gospodarce nieruchomościami), l’autorité en question renvoya l’affaire pour examen à l’organe compétent de première instance.
7. Le 24 septembre 1998, le conseil du requérant demanda à l’autorité administrative compétente de statuer dans les meilleurs délais sur la demande du fait de l’âge avancé de l’intéressé.
8. Le 9 mars 1999, l’autorité administrative compétente rejeta la demande du requérant. Le 24 mai 1999, le conseil du requérant présenta des observations complémentaires.
9. Le 29 juin 1999, la même instance dans le cadre de la demande de réexamen de l’affaire prévue dans la procédure administrative infirma sa décision et annula la décision d’expropriation. Le 23 août 1999, le président de la ville de Łódź (Prezydent Miasta Łodzi) interjeta appel devant la Cour administrative suprême.
10. Le 28 septembre 1999, le conseil du requérant demanda à la Cour administrative suprême de fixer au plus vite une date d’audience du fait de l’état de santé de son client. La Cour lui indiqua en réponse une date approximative de l’examen de l’affaire.
11. Le 28 avril 2000, la Cour administrative suprême confirma la décision d’annulation de la décision d’expropriation.
12. Le 15 décembre 2000, le premier président de la Cour suprême introduisit devant la Cour suprême un recours extraordinaire contre la décision de la Cour administrative suprême.
13. Le 17 avril et 3 août 2001, le conseil du requérant demanda auprès de la Cour administrative suprême de fixer au plus vite une date d’audience.
14. Le 17 septembre 2001, la Cour suprême accueillit le recours, infirma la décision et renvoya l’affaire pour réexamen devant la Cour administrative suprême.
15. Le 11 octobre 2002, statuant sur le renvoi, la Cour administrative suprême infirma les décisions du 9 mars et 29 juin 1999.
16. Le 6 novembre 2003, le conseil du requérant demanda à l’autorité administrative compétente de statuer dans les meilleurs délais sur la demande du fait de l’âge avancé de l’intéressé.
17. Le 30 décembre 2003, l’autorité administrative compétente accueillit de nouveau la demande d’annulation de la décision d’expropriation. Le 6 février 2004, le ministre de l’Infrastructure invita les parties à présenter des nouvelles preuves et des explications complémentaires dans le délai de deux semaines. Le 5 août 2004, le ministre confirma la décision du 30 décembre 2003.
18. Le 6 septembre 2004, l’administration fit appel de la décision du ministre devant le tribunal régional administratif. Le 22 septembre 2004, l’affaire fut soumise au tribunal régional administratif de Varsovie (Wojewódzki Sąd Administracyjny).
19. Le 14 janvier 2005, le conseil du requérant demanda au tribunal de statuer dans les meilleurs délais.
20. Le 31 janvier 2005, le requérant demanda auprès de la Cour administrative suprême l’examen de sa cause dans le cadre d’une procédure simplifiée, sans audience publique.
21. Le 11 mars 2005, le ministre de l’Infrastructure rendit un avis positif quant à l’examen de l’affaire sans audience publique. Toutefois, le président de ville de Lodz s’opposa à la demande en question.
22. Par décision du 27 octobre 2005, le tribunal administratif régional rejeta l’appel interjeté à l’encontre de la décision du ministre de l’Infrastructure datant du 5 août 2004.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
23. En vertu de l’article 35 du code du contentieux administratif, l’autorité administrative saisie par un demandeur dispose d’un délai maximal de deux mois pour prononcer une décision. Lorsque le délai en question n’est pas respecté, l’autorité administrative se doit- en vertu de l’article 36 du code ‑ d’expliquer aux parties les motifs de sa carence. De surcroît, elle est tenue de fixer un nouveau délai dans lequel la décision devra être prononcée.
24. Si l’autorité administrative demeure inactive, la partie intéressée peut se plaindre de son inaction en formant – en vertu de l’article 37 § 1 du code ‑ un recours hiérarchique en carence auprès d’une autorité hiérarchiquement supérieure à celle mise en cause. Dans la mesure où le recours s’avère bien fondé, l’autorité administrative concernée peut se voir impartir par l’autorité supérieure un nouveau délai pour rendre une décision. Par ailleurs, l’autorité supérieure peut ordonner l’ouverture d’une enquête administrative pour identifier les motifs de sa carence. De surcroît, lorsque cela s’avère nécessaire, l’autorité hiérarchiquement supérieure peut prendre des mesures appropriées en vue de prévenir à l’avenir la répétition des carences.
25. En vertu de l’article 17 de la loi sur la Cour administrative suprême entrée en vigueur le 1er octobre 1995, une partie à une procédure administrative pouvait également à tout moment saisir cette juridiction d’un recours en carence en vue de voir constater l’inaction d’une autorité administrative devant rendre une décision. En vertu de l’article 26 de la loi en question, à supposer que les allégations au sujet de l’inaction de l’autorité mise en cause soient fondées, cette dernière peut être sommée par la Cour administrative suprême « à rendre une décision ou accomplir un acte donné ou bien à déclarer l’existence d’un droit ou d’une obligation qui découle de la loi ». Une telle décision de la Cour administrative suprême est juridiquement contraignante. Si l’autorité administrative concernée ne s’y conforme pas, la Cour administrative suprême peut lui infliger une amende administrative ou bien rendre elle‑même la décision sur le droit ou l’obligation en cause.
26. A la suite de l’adoption, les 25 juillet et 30 août 2002, de nouvelles lois sur l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs, des juridictions administratives de deuxième degré ont été instituées dans le système judicaire polonais. De ce fait, la loi sur la Cour administrative suprême du 1995 a été abrogée étant donné que les nouvelles lois régissaient également le mode du fonctionnement de la juridiction administrative suprême.
27. L’article 3 § 1 de la loi du 30 août 2002, dispose que les tribunaux administratifs contrôlent les actes de l’administration publique. Il leur incombe, notamment, d’examiner les recours en carence dirigés contre les autorités administratives. La décision par laquelle un tribunal administratif se prononce sur ledit recours est susceptible d’un pourvoi en cassation qui peut être formé devant la Cour administrative suprême.
28. En vertu de l’article 16 de la loi du 17 juin 2004, portant sur les plaintes relatives à la violation du droit d’une partie à ce que sa cause soit entendue en justice sans retard excessif ( ci-dessous « loi de 2004 »), une partie, qui n’a pas déposé plainte pour dénoncer un retard excessif de procédure sur la base de cette loi, peut chercher à obtenir réparation pour le préjudice résultant du retard excessif sur la base de l’article 417 du Code civil, une fois terminée la procédure sur le fond. En d’autres termes, dans le cas d’une procédure déjà terminée au niveau national, la possibilité de demander réparation pour un préjudice résultant d’un retard excessif de cette procédure consiste à avoir recours à une plainte fondée sur les règles d’usage de la responsabilité de l’Etat pour les préjudices causés par l’autorité publique.
29. En vertu de l’article 3 de la loi du 17 juin 2004, celle-ci couvre en principe toutes les procédures judiciaires devant les tribunaux administratifs et de droit commun.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
30. Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
31. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
32. La période à considérer a débuté le 2 octobre 1995 et s’est terminée le 27 octobre 2005. Elle a donc duré environ dix années.
A. Sur la recevabilité
33. Le Gouvernement soulève une exception préliminaire relative au non‑épuisement des voies de recours internes, faisant valoir que le requérant n’a pas usé de tous les recours disponibles en droit national pour remédier à la durée excessive de la procédure.
34. Le Gouvernement admet qu’au cours de la procédure, le requérant a à plusieurs reprises demandé à ce que l’examen de son affaire soit accéléré. Le conseil du requérant a également demandé à ce que l’affaire soit examinée dans le cadre d’une procédure simplifiée. Toutefois, l’intéressé n’a pas démontré avoir engagé d’action en carence de l’administration, conformément à l’article 37 du code du contentieux administratif.
35. Le Gouvernement estime que le requérant n’a pas non plus usé de son droit d’introduire une action en carence de l’administration devant la Cour administrative suprême, conformément à l’article 17 de la loi sur la Cour administrative suprême.
36. En outre, le Gouvernement soutient qu’il aurait été loisible au requérant d’utiliser le recours prévu par la loi de 2004 devant le tribunal régional administratif de Varsovie.
37. Le requérant conteste la thèse du Gouvernement selon laquelle il aurait eu la possibilité d’engager une action en carence de l’administration, conformément à l’article 37 du code du contentieux administratif. Selon lui, en l’espèce, il n’était pas possible d’introduire de recours hiérarchique en carence auprès d’une autorité supérieure. En effet, l’autorité compétente en matière de logement, responsable des retards incriminés, était la dernière instance dans la hiérarchie administrative.
38. Le requérant note qu’il n’a pas introduit de recours sur la base de la loi de 2004, par crainte de l’allongement supplémentaire de l’examen de l’affaire.
39. La Cour rappelle que, selon une jurisprudence établie, il existe dans l’ordre juridique polonais des recours de nature à remédier à la durée excessive d’une procédure administrative (voir, mutatis mutandis, Bukowski c. Pologne, (déc.), requête no 38665/97, 11 juin 2002). En particulier, l’article 17 de la loi sur la Cour administrative suprême, entrée en vigueur le 1er octobre 1995, prévoit qu’une partie à une procédure administrative peut, à tout moment, saisir cette juridiction d’un recours en carence en vue de voir constater l’inaction d’une autorité administrative devant rendre une décision.
40. En outre, conformément à l’article 16 de la loi de 2004, une partie, qui n’a pas déposé plainte pour dénoncer un retard excessif de la procédure sur la base de cette loi, peut chercher à obtenir réparation pour le préjudice résultant du retard excessif sur la base de l’article 417 du Code civil, une fois terminée la procédure sur le fond.
41. La Cour constate d’emblée qu’en vertu de l’article 3 de la loi de 2004, celle-ci couvre en principe toutes les procédures judiciaires devant les tribunaux administratifs et de droit commun.
42. Dès lors, elle rappelle que le 14 juin 2005, la Cour a rendu un arrêt dans l’affaire pilote Krasuski c. Pologne, estimant que les requérants se plaignant de la durée excessive de la procédure interne devaient, en vertu de l’article 35 § 1 de la Convention, engager une action en ce sens sur la base de la loi de 2004 (§ 72 de l’arrêt).
43. La Cour rappelle que les dispositions de l’article 35 de la Convention ne prescrivent l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues ; il incombe à l’État défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies (Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 75, CEDH 1999-V).
44. La Cour relève que, dans la présente affaire, la durée excessive de la procédure n’est pas due à l’inaction des autorités administratives mais résulte du fait que les décisions administratives rendues ont été maintes fois annulées et l’affaire réexaminée à plusieurs reprises par les instances inférieures.
45. Eu égard à cette circonstance, la Cour exprime de sérieux doutes quant à l’effectivité de la voie de recours offerte au requérant afin de se plaindre de la durée excessive de la procédure. Elle estime que les recours disponibles ne lui offraient pas de chances sérieuses de voir l’examen de son affaire accéléré. La Cour souligne en particulier que le recours prévu par l’article 17 de la loi sur la Cour administrative suprême- action en carence de l’administration- a pour but de constater l’inaction d’une autorité administrative et de l’obliger à prendre une décision dans un délai donné. Or, en l’espèce les décisions ont été rendues mais étaient erronées et systématiquement annulées par les instances supérieures.
46. En outre, la Cour note que le requérant a déposé systématiquement des demandes en vue d’accélérer la procédure. Il a également demandé l’examen de l’affaire dans le cadre d’une procédure simplifiée.
47. Quant à la possibilité offerte au requérant par la loi de 2004, la Cour relève que celui-ci aurait pu utiliser cette voie de recours à partir du moment où l’affaire a été soumise au tribunal régional administratif de Varsovie, soit le 22 septembre 2004.
48. En l’espèce, la Cour administrative suprême saisi d’une telle plainte aurait pris en compte uniquement la durée de la procédure devant le tribunal régional administratif, instance inférieure, soit 1 an et 1 mois. En effet, en vertu de l’article 3 de la loi de 2004, celle-ci ne couvre que les procédures judiciaires devant les tribunaux administratifs et de droit commun. Par conséquent, la loi ne s’applique pas à la procédure devant les organes administratifs.
49. En l’espèce, le requérant se plaignant de la durée de la procédure dans son ensemble, cette voie de recours ne saurait être efficace afin d’obtenir le redressement du grief au niveau interne.
50. Par ailleurs, la Cour constate que le grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de déclarer la requête recevable.
B. Sur le fond
51. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, Czech c. Pologne, no 49034/99, § 44, 15 novembre 2005 ; Wojda c. Pologne, no 55233/00, § 9, 8 novembre 2005).
52. Le Gouvernement considère que l’affaire était très complexe autant pour l’établissement des faits, en particulier pour la période avant 1945, que du point de vue juridique. Ceci est, selon lui, corroboré par le fait que certains documents concernant les événements qui ont eu lieu durant la seconde guerre mondiale étaient incomplets. Il fait également état de la difficulté rencontrée par l’autorité compétente en matière de logement dans la mesure où celle-ci a été obligée de renvoyer l’affaire à un organe compétent de première instance à la suite du changement de la législation en la matière.
53. Le requérant considère que l’affaire n’était pas d’une complexité particulière. Il fait valoir que les documents historiques concernant la procédure étaient accessibles aux autorités compétentes. Il estime que le changement de compétence à la suite de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi et le renvoi de l’affaire à un organe de première instance n’a pas prolongé la procédure de manière signifiante.
54. Le Gouvernement estime enfin que le requérant a contribué à prolonger la procédure, en omettant de présenter des preuves ou de soumettre des demandes de preuve au tribunal avec la célérité requise.
55. Le requérant combat les arguments du Gouvernement.
56. Le Gouvernement estime enfin que les autorités ont apporté à l’affaire toute la diligence nécessaire. Il rappelle que les autorités ont pris les mesures nécessaires pour accélérer la procédure en fixant aux parties les délais limites pour présenter des nouvelles preuves ou des explications complémentaires.
57. Le requérant estime que les autorités administratives n’ont pas apporté à l’affaire la diligence nécessaire au vu de son âge avancé et de son état de santé. Il souligne en particulier le fait que l’introduction par le président de la Cour suprême d’un recours extraordinaire contre la décision de la Cour administrative suprême a eu pour effet de prolonger la procédure pour cinq années consécutives.
58. La Cour admet que la procédure revêtait une certaine complexité. Toutefois, elle considère qu’à elle seule, la complexité de l’affaire ne saurait justifier la durée de la procédure et qu’il n’apparaît pas que le requérant ait substantiellement contribué à la durée de la procédure.
59. Quant au comportement des autorités judicaires, la Cour relève qu’aucune période particulière d’inactivité ne peut être mise en évidence. Toutefois, les décisions administratives rendues ont été à maintes fois annulées et l’affaire réexaminée à plusieurs reprises par les instances inférieures. Tout ceci amène la Cour à considérer que les autorités judiciaires n’ont pas apporté toute la diligence nécessaire au bon déroulement des actes.
60. La Cour a traité à de nombreuses reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Czech, § 45 et Wojda, § 16, précité).
61. Eu égard l’ensemble des circonstances de la cause et plus particulièrement à l’enjeu du litige pour le requérant et à l’état de santé de ce dernier, une procédure d’environ 10 années ne peut être considérée comme raisonnable.
62. Il y a donc eu dépassement du délai raisonnable et, partant, violation de l’article 6 § 1.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
63. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
64. Le requérant réclame 200 000 PLN (environ 50 000 EUR) au titre du préjudice matériel et 16 654 PLN (environ 4 000 EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.
65. Le Gouvernement n’aperçoit aucun lien de causalité entre la violation alléguée et le dommage matériel présenté.
66. En l’absence d’un lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué, la Cour rejette cette demande. En revanche, statuant en équité et au vu des circonstances de l’affaire, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 5 600 EUR au titre du préjudice moral.
B. Frais et dépens
67. Le requérant demande 15 750 PLN (environ 4 000 EUR) pour les frais et dépens exposés au cours de la procédure nationale pertinente et la somme de 4 163 PLN (environ 1 035 EUR) se rapportant à la procédure ayant fait l’objet de sa requête devant la Cour. Il présente les documents justifiant tous les frais encourus.
68. Le Gouvernement trouve cette somme exorbitante.
69. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens de la procédure nationale au motif que les documents fournis ne démontrent pas qu’ils avaient pour objet de remédier à la situation critiquée. Elle estime raisonnable la somme de 1 035 EUR pour la procédure devant la Cour et l’accorde au requérant.
C. Intérêts moratoires
70. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 5 600 EUR (cinq mille six cents euros) pour dommage moral et 1 035 EUR (mille trente cinq euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, montant à convertir en zlotys polonais au taux applicable à la date du règlement ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 octobre 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
T.L. Early Nicolas Bratza
Greffier Président