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TROISIÈME SECTION
AFFAIRE IOACHIMESCU ET ION c. ROUMANIE
(Requête no 18013/03)
ARRÊT
STRASBOURG
12 octobre 2006
DÉFINITIF
12/01/2007
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Ioachimescu et Ion c. Roumanie,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J. Hedigan, président,
C. Bîrsan,
V. Zagrebelsky,
E. Myjer,
David Thór Björgvinsson,
Mmes I. Ziemele,
I. Berro-Lefevre, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 21 septembre 2006,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 18013/03) dirigée contre la Roumanie et dont deux ressortissants de cet Etat, M. Constantin Ioachimescu et Mme Marcela‑Anişoara Ion (« les requérants »), ont saisi la Cour le 13 mai 2003 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants sont représentés par l'Organisation pour la défense des droits de l'homme (Organizaţia Pentru Apărarea Drepturilor Omului), ayant son siège à Bucarest. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par M. B. Aurescu, agent du Gouvernement, puis par Mme R. Rizoiu et enfin par Mme B. Ramaşcanu.
3. Le 24 octobre 2003, la Cour (deuxième section) a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.
4. Le 1er novembre 2004, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la troisième section ainsi remaniée (article 52 § 1).
EN FAIT
5. Les requérants (frère et sœur) sont nés respectivement en 1962 et 1955 et résident à Constanţa.
6. Par un jugement du 25 mars 2002, le tribunal de première instance de Constanţa ordonna à la commission locale de Constanţa pour l'application de la loi no 18/1991 (« la commission locale » et « la loi no 18 ») de mettre les requérants en possession d'un terrain de 4,5 hectares, sur le même emplacement que celui ayant appartenu à leur père. Il ordonna aussi à la commission départementale de Constanţa pour l'application de la loi no 18 (« la commission départementale ») de délivrer aux requérants le titre de propriété afférent.
Le jugement fut confirmé par un arrêt définitif de la cour d'appel de Constanţa du 13 janvier 2003.
7. Les 4 octobre 2002 et 25 février 2003, en vertu d'un jugement définitif du 10 novembre 2000, la commission locale mit en possession les tiers S.Z. et G.C. sur le terrain attribué aux requérants le 25 mars 2002.
8. Le 28 octobre 2002, le tribunal de première instance de Constanţa fit droit à la demande des requérants et autorisa l'exécution forcée du jugement du 25 mars 2002.
9. Le 1er novembre 2002, l'huissier de justice chargé de l'exécution notifia le jugement définitif aux deux commissions, en leur demandant l'exécution dans un délai de dix jours.
10. Le 15 janvier 2003, les requérants demandèrent au préfet de Constanţa, en sa qualité de président de la commission départementale, de ne pas délivrer les titres de propriété aux tiers, comme proposé par la commission locale, en raison de ce que le tribunal leur avait attribué le terrain en cause par le jugement définitif du 25 mars 2002.
11. Le 10 mars 2003, le tribunal de première instance de Constanţa sursit à l'examen d'une contestation formée par la commission départementale contre l'exécution du jugement du 25 mars 2002, au motif qu'elle n'avait pas étayé ses allégations. Le 14 avril 2003, le même tribunal rejeta pour tardiveté une contestation formée par la commission locale contre l'exécution du jugement en cause.
12. Le 27 mars 2003, le même tribunal rejeta la demande des requérants d'exécuter eux-mêmes le jugement ou de le faire exécuter par l'intermédiaire d'un expert, au motif que les obligations imposées par le jugement du 25 mars 2002 étaient des obligations intuitu personae et que seules les commissions avaient la compétence légale pour les accomplir.
13. Le 27 avril 2004, la commission départementale délivra au nom des requérants un titre de propriété pour un terrain voisin de celui identifié par le jugement du 25 mars 2002. Les requérants refusèrent d'en prendre possession, au motif que des tiers avaient déjà été mis en possession sur ledit emplacement.
EN DROIT
I. SUR LA RECEVABILITÉ
14. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il soutient que, dans la mesure où les autorités ont attribué à d'autres personnes le terrain qu'ils revendiquaient, les requérants auraient dû introduire une action en annulation des titres de propriété de ces personnes.
15. Les requérants s'opposent à cette exception et font valoir qu'il appartient à l'Etat de faire annuler les titres qu'il a délivrés à des tiers.
16. La Cour rappelle qu'une exception similaire du Gouvernement a été rejetée dans l'affaire Mihai-Iulian Popescu c. Roumanie (no 2911/02, §§ 30‑32, 29 septembre 2005). Elle ne voit aucune raison de s'écarter, en l'espèce, de la conclusion à laquelle elle est arrivée dans l'affaire précitée. Partant, l'exception du Gouvernement ne saurait être retenue.
17. La Cour constate que la requête n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs que celle-ci ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
II. SUR LE FOND
A. Sur la violation alléguée de l'article 6 § 1 de la Convention
18. Les requérants allèguent que l'inexécution du jugement du 25 mars 2002 a enfreint leur droit d'accès à un tribunal, tel que prévu par l'article 6 § 1 de la Convention, qui est ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
19. Le Gouvernement rappelle que les commissions n'étaient pas compétentes pour annuler les titres délivrés à des tiers. Rappelant qu'il y a des circonstances qui justifient l'échec de l'exécution, le Gouvernement fait une analyse détaillée des moyens pour forcer le débiteur à s'exécuter ainsi que ceux d'exécution par équivalence que les requérants auraient pu employer. Dès lors, il estime que l'impossibilité d'exécuter le jugement du 25 mars 2002 a été causée par le manque de diligence des requérants qui n'ont pas fait de telles démarches.
Il fait valoir, enfin, que les requérants n'ont soulevé ce grief qu'en substance et qu'ils ont expressément demandé que leur requête soit examinée sous l'angle de l'article 1 du Protocole no 1.
20. Les requérants contestent la position du Gouvernement et rappellent qu'en raison de l'attitude des autorités administratives ils ne peuvent obtenir l'exécution du jugement du 25 mars 2002. Ils estiment que cette attitude a implicitement causé une atteinte à leur droit d'accès à un tribunal et s'en remettent à la sagesse de la Cour quant à la qualification en droit des violations subies.
21. La Cour rappelle qu'elle est maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause (Assenov et autres c. Bulgarie, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998‑VIII, p. 3295, §§ 131132). Il en résulte qu'il lui est loisible d'examiner les allégations des requérants sur le terrain de l'article 6 § 1 de la Convention, compte tenu notamment de sa jurisprudence consacrée en la matière (voir parmi beaucoup d'autres : Immobiliare Saffi c. Italie [GC], no 22774/93, § 63, CEDH 1999-V, Metaxas c. Grèce, no 8415/02, § 26, 27 mai 2004, Burdov c. Russie, no 59498/00, §§ 36-38, CEDH 2002III, Sabin Popescu c. Roumanie, no 48102/99, 2 mars 2004, Prodan c. Moldavie, no 49806/99, §§ 54-55, 18 mai 2004, Sandor c. Roumanie, no 67289/01, 24 mars 2005, Dragne et autres c. Roumanie, no 78047/01, 7 avril 2005, et Strungariu c. Roumanie, no 23878/02, 29 septembre 2005).
22. La Cour rappelle ensuite que l'exécution d'un jugement ou d'un arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du « procès » au sens de l'article 6 de la Convention. Le droit à un tribunal serait illusoire si l'ordre juridique interne d'un Etat contractant permettait qu'une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d'une partie (Immobiliare Saffi précité, § 63).
23. Cependant, le droit d'accès à un tribunal ne peut obliger un Etat à faire exécuter chaque jugement de caractère civil quel qu'il soit et quelles que soient les circonstances (Sanglier c. France, no 50342/99, § 39, 27 mai 2003). Lorsque les autorités sont tenues d'agir en exécution d'une décision judiciaire et omettent de le faire, cette inertie engage la responsabilité de l'Etat sur le terrain de l'article 6 § 1 de la Convention (Scollo c. Italie, arrêt du 28 septembre 1995, série A no 315-C, p. 55, § 44).
24. Dans la présente affaire, bien que les requérants aient obtenu le 25 mars 2002 un jugement définitif ordonnant aux autorités de les mettre en possession d'un terrain et de leur délivrer un titre de propriété et qu'ils aient fait, par la suite, des démarches en vue de l'exécution, ce jugement n'a été ni exécuté ad litteram, ni annulé ou modifié à la suite de l'exercice d'une voie de recours prévue par loi. De plus, les motifs que l'administration aurait pu invoquer afin de justifier une impossibilité objective d'exécution n'ont jamais été portés à la connaissance des requérants par le biais d'une décision de justice ou administrative formelle (Sabin Popescu, précité, § 72).
Enfin, la Cour estime que le titre de propriété délivré le 27 avril 2004 (bien après la communication de cette requête au Gouvernement) ne constitue pas exécution du jugement du 25 mars 2002 dans la mesure où il concerne un autre terrain et a toujours été refusé par les requérants. L'attribution en propriété d'un autre terrain même équivalent, n'est pas de nature à remédier à l'absence de justification de la non-exécution (voir, mutatis mutandis, Sabin Popescu, précité, § 84).
25. La Cour ne partage pas la position du Gouvernement selon laquelle les requérants auraient dû employer des moyens d'exécution par équivalence. Elle rappelle à nouveau qu'il n'est pas opportun de demander à un individu, qui a obtenu une créance contre l'Etat à l'issue d'une procédure judiciaire, de devoir par la suite engager une procédure d'exécution forcée afin d'obtenir satisfaction (Metaxas précité, § 19).
26. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que, dans la présente affaire, en refusant d'exécuter le jugement du 25 mars 2002, les autorités nationales ont privé les requérants d'un accès effectif à un tribunal.
27. Par conséquent, il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
B. Sur la violation alléguée de l'article 1 du Protocole no 1
28. Les requérants dénoncent une atteinte à leur droit de propriété en raison de l'inexécution du jugement du 25 mars 2002. Ils invoquent l'article 1 du Protocole no 1, qui est ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
29. Le Gouvernement estime d'abord que les requérants ne peuvent invoquer qu'une espérance légitime de se voir reconstituer leur droit de propriété sur l'emplacement indiqué par les juridictions. Cependant, il fait valoir qu'à cause de la nature des lois de réparation, comme c'est le cas de la loi no 18, il y a une forte possibilité que des emplacements identifiés par des décisions judiciaires définitives ne puissent être respectés du fait que d'autres personnes ayant les mêmes droits en ont été déjà mises en possession. Dans un tel cas, les intéressés doivent s'adresser aux juridictions pour faire valoir leurs droits.
Le Gouvernement considère qu'il y a en l'espèce une impossibilité objective d'exécuter le jugement du 25 mars 2002, dans la mesure où la mise en possession des tiers a été elle aussi ordonnée par les juridictions (paragraphe 7 ci-dessus). Vu la passivité des requérants qui n'ont pas demandé l'annulation des titres ainsi délivrés aux tiers, le Gouvernement estime que l'ingérence dans leur droit de propriété causée pas la non‑exécution du jugement du 25 mars 2002 n'est pas imputable à l'Etat.
30. Les requérants contestent la position du Gouvernement. Ils rappellent que les autorités n'ont pas invoqué l'existence du jugement du 25 février 2003 lors de la procédure engagée par eux et qui a donné lieu au jugement du 25 mars 2002 non exécuté.
31. En premier lieu, la Cour rappelle qu'elle a déjà conclu que les requérants n'étaient pas tenus d'engager de nouvelles procédures afin d'obtenir l'exécution du jugement du 25 mars 2002 (paragraphe 25 ci‑dessus).
Ensuite, elle estime avec les requérants qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une impossibilité objective de faire exécuter ledit jugement, en raison de l'existence du jugement ordonnant la mise en possession des tiers, surtout dans la mesure où il appartenait aux autorités de faire de démarches afin d'éclaircir la situation des deux décisions concurrentes qu'elles devaient exécuter.
En effet, il appartient à chaque Etat contractant de se doter d'un arsenal juridique adéquat et suffisant pour assurer le respect des obligations positives qui lui incombent, la Cour n'ayant pour tâche que d'examiner si dans les cas d'espèce les mesures adoptées par les autorités roumaines ont été adéquates et suffisantes (Ruianu c. Roumanie, no 34647/97, § 66, 17 juin 2003).
32. Or, dans la présente affaire, le jugement du 25 mars 2002 a condamné les autorités compétentes à mettre les requérants en possession d'un terrain déterminé et à délivrer le titre de propriété afférent. Il y avait donc une valeur patrimoniale en vertu de laquelle les requérants pouvaient prétendre avoir l'espérance légitime de se voir effectivement mettre en possession du terrain et conférer ledit titre. Dès lors, les requérants avaient « un bien » au sens de l'article 1 précité (Tacea c. Roumanie, no 746/02, § 37, 29 septembre 2005 Croitoriu c. Roumanie, no 54400/00, § 34, 9 novembre 2004, Kopecký c. Slovaquie [GC], no 44912/98, § 35, CEDH 2004‑..., et Jasiūnienė c. Lituanie, no 41510/98, § 44, 6 mars 2003).
33. La Cour note qu'il n'est pas contesté qu'il y a eu en l'espèce une ingérence dans le droit de propriété des requérants. Elle rappelle qu'en refusant d'exécuter les décisions définitives, les autorités nationales les ont privés de la jouissance de leur droit de propriété sur leur terrain sans leur fournir d'explication pour cette ingérence (Sabin Popescu, précité, § 81).
34. Le Gouvernement n'a offert aucune justification valable pour l'ingérence causée par la non-exécution du jugement rendu en l'espèce ; elle était donc arbitraire et emportait violation du principe de légalité. Une telle conclusion dispense la Cour de rechercher si un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits individuels des requérants (Metaxas précité, § 31).
35. Dès lors, à la lumière de ce qui précède, la Cour estime qu'il y a eu en l'espèce violation de l'article 1 du Protocole no 1.
III. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
36. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
37. Les requérants estiment qu'il n'est plus possible pour eux de reprendre possession du terrain dans la mesure où des titres de propriété ont été délivrés à des tiers. Dès lors, ils réclament 699 400 euros (EUR) au titre du préjudice matériel et moral qu'ils auraient subi, dont 369 000 EUR représentant la valeur marchande du terrain selon une expertise qu'ils ont versée au dossier, 281 000 EUR représentant le manque à gagner, et 49 400 EUR pour la souffrance morale causée par l'inexécution du jugement du 25 mars 2002.
38. Le Gouvernement estime exagérées les prétentions des requérants. Il produit une expertise du terrain qui montre que sa valeur marchande est de 154 800 EUR, la même valeur, d'ailleurs, que le terrain offert aux requérants par le titre de propriété du 24 avril 2004. Cette expertise, effectuée sur la base des informations fournies par la mairie concernant la valeur du terrain, a été contestée par les requérants.
39. La Cour rappelle qu'un arrêt constatant une violation entraîne pour l'Etat défendeur l'obligation juridique de mettre un terme à la violation et d'en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Metaxas précité, § 35 et Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI).
40. La Cour rappelle qu'en l'espèce il n'est pas constaté que l'exécution du jugement du 25 mars 2002 est devenue objectivement impossible. Dans ces circonstances, elle estime que l'exécution dudit jugement, c'est-à-dire la mise en possession du terrain identifié par les juridictions et la délivrance du titre de propriété afférent, placerait les requérants autant que possible dans une situation équivalant à celle où ils se trouveraient si les exigences des articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1 n'avaient pas été méconnues.
41. A défaut pour l'Etat défendeur de procéder à pareille exécution dans un délai de trois mois à compter du jour où le présent arrêt sera devenu définitif, la Cour décide qu'il devra verser aux intéressés, pour dommage matériel, une somme correspondant à la valeur du terrain. Compte tenu des informations dont elle dispose sur le prix des terrains à Constanţa, la Cour estime la valeur actuelle du terrain à 250 000 EUR.
42. La Cour constate toutefois que le surplus de la demande des requérants au titre du préjudice matériel n'est pas étayé.
43. Ensuite, elle estime que les requérants ont subi un préjudice moral du fait notamment de la frustration provoquée par l'impossibilité de voir exécuter la décision rendue en leur faveur et que ce préjudice n'est pas suffisamment compensé par un constat de violation.
44. Dans ces circonstances, eu égard à l'ensemble des éléments se trouvant en sa possession et statuant en équité, comme le veut l'article 41 de la Convention, la Cour alloue conjointement aux requérants 1 600 EUR au titre du préjudice moral.
B. Frais et dépens
45. Les requérants ont demandé initialement 600 EUR pour les frais et dépens encourus devant la Cour, en envoyant des justificatifs pour un montant de 25 000 000 lei roumains (ROL). Par une lettre du 28 février 2006, ils ont envoyé de nouvelles quittances attestant de leurs dépenses ultérieures dans la présente procédure d'un montant de 12 000 000 ROL.
46. Le Gouvernement n'a pas fait connaître sa position quant à ces demandes.
47. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 900 EUR pour la procédure devant la Cour et l'accorde conjointement aux requérants.
C. Intérêts moratoires
48. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 ;
4. Dit
a) que l'Etat défendeur doit exécuter le jugement du 25 mars 2002 du tribunal de première instance de Constanţa dans les trois mois à compter du jour où le présent arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention ; qu'à défaut, l'Etat défendeur doit verser conjointement aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 250 000 EUR (deux cent cinquante mille euros) ; qu'en tout état de cause, l'Etat défendeur doit verser conjointement aux requérants 1 600 EUR (mille six cents euros) pour préjudice moral et 900 EUR (neuf cents euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, à convertir en nouveaux lei roumains (RON) au taux applicable à la date du règlement ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 12 octobre 2006 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Vincent Berger John Hedigan
Greffier Président