Přehled

Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
24.10.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 23547/06
présentée par Nathalie GETTLIFFE et GRANT
contre la France

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 24 octobre 2006 en une chambre composée de :

MM. A.B. Baka, président,
J.-P. Costa,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes E. Fura-Sandström,
D. Jočienė,
M. D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 8 juin 2006,

Vu la décision de traiter en priorité la requête en vertu de l’article 41 du règlement de la Cour.

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

La requérante, Mme Nathalie Gettliffe, est une ressortissante française, née en 1971 et résidant à Satillieu. Elle agit devant la Cour à titre personnel et en sa qualité de représentante de ses enfants mineurs. Elle est représentée devant la Cour par Me D. Chambon, avocat à Annonay.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.

La requérante et G. se sont mariés en 1989 et se sont installés au Canada où sont nés leurs deux enfants, M. le 29 décembre 1993 et J. le 23 mai 1995. G. étant un adepte de l’Eglise internationale du Christ, et se comportant de façon anormale selon la requérante, cette dernière décida de se séparer de lui. La séparation des époux fut aménagée aux termes d’un protocole d’accord du 2 août 2000 qui prévoyait notamment la garde conjointe des enfants, la fixation de leur résidence principale au domicile de la mère et l’interdiction de faire sortir les enfants de Vancouver par l’un des parents sans le consentement de l’autre. Par la suite, une décision de la Cour suprême de Colombie britannique confirma le contenu de cet accord et disposa qu’une autorisation de déplacement pouvait être donnée par ordonnance.

Par une ordonnance rendue le 13 juin 2001, la requérante fut autorisée à se rendre en France avec ses enfants pour le mois de juillet 2001.

La requérante sollicita ensuite une autorisation de séjour prolongé en France pour une durée d’un an, mais celle-ci fut refusée par une ordonnance rendue le 24 août 2001.

Le 27 août 2001, la requérante quitta le Canada avec les enfants pour regagner la France.

Le 6 septembre 2001, la Cour suprême de Colombie britannique attribua provisoirement la garde et la tutelle des enfants au père et ordonna leur retour sur le territoire canadien.

G. saisit l’autorité centrale canadienne d’une demande de retour en application de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

Cette saisine déclencha une procédure devant les juridictions françaises.

Par une ordonnance rendue le 31 janvier 2002, le juge aux affaires familiales auprès du tribunal de grande instance de Privas ordonna l’instauration d’une mesure d’instruction ; à cet effet, il donna notamment commission rogatoire aux autorités judiciaires de Colombie britannique pour procéder à une mesure d’enquête sociale sur les conditions de vie tant matérielles que morales de G. et à un examen médico-psychologique de G. Le juge sursit à statuer sur la demande de retour des enfants présentée par G.

Le 5 juillet 2002, faisant suite à cette ordonnance, le Dr L. déposa un rapport.

Par un jugement rendu le 19 décembre 2002, le tribunal de grande instance de Privas ordonna une médiation familiale internationale et sursit à statuer dans l’attente du résultat de cette médiation.

Par un jugement rendu le 23 février 2004, le tribunal de grande instance de Privas ordonna le retour des enfants M. et J. au Canada. Le tribunal releva notamment :

« La Convention de La Haye en date du 25 octobre 1980 instaure une procédure pour remédier au déplacement illicite d’enfants et favoriser leur retour à leur résidence habituelle chez le parent gardien.

Elle a prévu limitativement six possibilités d’exception à ce retour.

Parmi celles-ci est évoquée l’hypothèse prévue à l’Article 13b : à savoir le risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable.

La mesure diligentée par le Dr L. le 5 juillet 2002 et qui répond aux prescriptions de l’ordonnance du Juge aux Affaires Familiales du 31 janvier 2002 permet incontestablement d’écarter cette notion.

L’enquêteur évacue tout trouble psychique chez le père, toute psychopathologie et relève la capacité de Monsieur G. à avoir avec ses enfants un lien chaleureux et tendre.

En cela, le Dr L. rejoint le Dr E. en ses attestations [antérieures], lequel avait relevé que Monsieur G. avait un lien plein de chaleur avec ses enfants qui lui étaient attachés.

Le Dr L. relate les excellentes conditions d’hébergement de Monsieur G. pour les mineurs, il retient un environnement favorable. Strictement aucun élément de l’enquête du Dr L. ne permet de retenir le moindre risque grave pour les enfants auprès de leur père.

L’argument essentiel de Madame Nathalie GETTLIFFE pour caractériser le danger qu’elle invoque, est l’appartenance de Monsieur G. à l’Eglise Internationale du Christ de VANCOUVER.

Mais comme l’a observé le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de PRIVAS dans sa décision du 31 janvier 2002, « il ne saurait être reproché à [Monsieur G.] d’appartenir à l’église du Christ internationale, la liberté de croyance constituant un principe fondamental reconnu notamment par la convention européenne des droits de l’homme » et « il convient de considérer qu’il n’appartient pas à la présente juridiction de qualifier cette église de secte ainsi que l’a fait le rapport parlementaire GEST-GUYARD, l’adhésion par des parents à un mouvement religieux répertorié comme tel n’impliquant du reste pas qu’il existe nécessairement une situation de risque grave pour les enfants ».

En effet, les pièces versées aux débats par Madame Nathalie GETTLIFFE, si elles démontrent une proximité qui peut paraître excessive entre les membres de l’église internationale du Christ de Vancouver, ne permettent pas de conclure à l’existence d’un danger pour les enfants, ou à un quelconque empêchement pour le père du fait de son adhésion à ce mouvement religieux de les prendre en charge.

Le Dr L. rapporte que les deux locataires résidant chez Monsieur G. partiront si les enfants reviennent.

Dans ces conditions l’argument avancé par Madame Nathalie GETTLIFFE ne saurait prospérer.

(...)

Actuellement les enfants sont privés de tout contact avec leur père, et cette privation constitue un inconvénient majeur pour eux, et un risque psychologique aussi significatif que celui pouvant résulter d’une interruption de relation avec la mère que Madame Nathalie GETTLIFFE a d’ailleurs les moyens de faire disparaître, alors que les droits de Monsieur G. sont totalement paralysés du fait de Madame Nathalie GETTLIFFE. »

La requérante interjeta appel. Par un arrêt rendu le 20 juillet 2004, la cour d’appel de Nîmes confirma le jugement précédent. La cour d’appel releva notamment :

« Sur l’audition préalable des enfants par la Cour

Cette audition est inutile dès lors qu’un avocat a été désigné par le Bâtonnier de l’Ordre compétent pour rapporter le sentiment actuel des enfants dont il a témoigné oralement à l’audience des débats, en présence du représentant du Ministère Public et des représentants des parents, et qu’il n’est pas établi que la désignation de l’avocat de l’enfant ait été réalisée dans des conditions « contestables » comme l’affirme sans verser aux débats le moindre élément de preuve Monsieur G. (...)

Sur la demande de retour des enfants

(...)

A bon droit, le premier juge a relevé que l’appartenance de Monsieur G. à l’Eglise du Christ International de VANCOUVER, qualifiée de « secte » par des rapports des commissions désignées par le Parlement Français ne peut en soi fonder l’opposition de Madame GETTLIFFE au retour des enfants, la liberté de croyance religieuse constituant un droit fondamental reconnu notamment par la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

En revanche, il appartient à la Cour de rechercher si les pratiques religieuses concrètes de Monsieur G. et son investissement particulier au sein de la communauté religieuse dont il est membre sont de nature à exposer les enfants à un danger physique ou psychique, ou de manière générale à les placer dans une situation intolérable.

Force est de constater que cette question avait été soumise à la juridiction Canadienne, et que l’expert psychologique clinicien E. désigné par cette juridiction dans le cadre de la demande d’autorisation de séjour en France de Madame GETTLIFFE, a été saisi de ce problème par cette dernière. Or, la lecture de son rapport détaillé, répondant point par point aux questions posées et aux documents produits, ne fait pas ressortir l’existence de risques graves liés aux pratiques de Monsieur G. à l’intérieur de la communauté religieuse dont il est membre.

En effet, il n’apparaît pas que ses pratiques religieuses non précisées dans le détail, le rendrait incapable de veiller sur ses enfants. Par ailleurs, la circonstance selon laquelle il loue des pièces de son habitation à des membres de cette communauté ne caractérise, à la lecture des constatations de l’expert E., ni le danger, ni la situation intolérable au sens de l’article 13b de la Convention.

En outre, il n’apparaît pas que le comportement de Monsieur G., qui, avant le départ de Madame GETTLIFFE, avait toujours déclaré qu’il la considérait comme une bonne mère, et qui n’a pas vu ses enfants depuis plus de deux ans, pousserait ceux-ci à « maudire » leur mère par conviction religieuse.

Enfin, l’examen et les tests effectués par l’expert L. en juillet 2002 vont dans le sens des conclusions de Monsieur E., l’expert L. n’ayant pas fait ressortir que l’implication importante de Monsieur G. dans la communauté religieuse de son Eglise puisse être dangereuse pour les enfants, en l’absence d’allégations concrètes, de conduites particulières, précises et circonstanciées de ce dernier et de preuves établissant le danger que ces comportements particuliers et définis présenteraient pour les enfants.

(...)

En ce qui concerne les reproches faits au père d’avoir partagé son lit et son bain avec sa fille (conduite antérieure à la séparation des parents), et d’avoir donné des coups de cuillère en bois aux enfants pour les obliger à manger, ils ne sont manifestement plus actuels étant observé que même dans la formulation adoptée par la mère devant la justice Canadienne, ils ne pouvaient caractériser un danger futur de nature à mettre les enfants dans une situation intolérable lorsque ceux-ci sont sous la responsabilité paternelle.

Madame GETTLIFFE ne saurait non plus soutenir qu’elle ne pourra plus voir ses enfants s’ils retournent au CANADA, le mandat d’arrêt dont elle fait l’objet n’impliquant pas qu’elle soit séparée de ses enfants de manière prolongée, l’infraction concernée relevant de l’injure à la juridiction dont la décision n’a pas été respectée.

(...)

En définitive, l’important dossier versé aux débats devant la Cour, sur « les sectes » et leur caractère dangereux, cache en réalité une divergence importante entre les parents sur leur mode de vie respectif, cette divergence ne suffisant pas à justifier l’opposition de Madame GETTLIFFE au retour des enfants au CANADA, alors qu’elle pourra comme elle l’a fait jusqu’à son départ pour la France, s’expliquer devant les juridictions Canadiennes sur l’intérêt bien compris des enfants, au regard du désaccord des parents sur leur éducation. »

La requérante se pourvut en cassation. A l’appui de son pourvoi, elle soumit un moyen unique réitérant les éléments déjà soumis à la cour d’appel et arguant de ce que les enfants devaient rester en France avec leur mère. Elle se fondait notamment sur le refus exprimé par les enfants de retourner au Canada. Le moyen ne comportait pas de référence explicite à la Convention.

Le 14 février 2006, la Cour de cassation rejeta le pourvoi de la requérante par un arrêt ainsi motivé :

« Mais attendu qu’après avoir relevé que l’audition préalable des enfants par la juridiction était inutile, un avocat, désigné pour rapporter leur sentiment à l’audience, ayant fait état de leur souhait de ne pas être séparés de leur mère, la cour d’appel a souverainement retenu que les éléments de fait évoqués par les mineurs pour s’opposer à leur retour au Canada n’étaient manifestement plus actuels et ne pouvaient caractériser un danger futur de nature à les placer dans une situation intolérable lorsqu’ils sont sous la responsabilité paternelle ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a nécessairement estimé que la seule opposition des enfants ne pouvait justifier le rejet de la demande de retour, que le moyen n’est pas fondé ; »

Par une ordonnance rendue le 13 septembre 2004, la cour suprême de Colombie britannique annula l’ordonnance rendue le 6 septembre 2001, révoqua le mandat d’arrêt émis à l’encontre de la requérante le même jour, et dit que le juge restait cependant saisi de cette affaire.

Par ailleurs, fin 2005, dans le cadre de la médiation internationale, un protocole fut établi, validé par la requérante et G., qui le signa.

Le 10 avril 2006, la requérante se rendit au Canada, selon elle pour régulariser le protocole d’accord. A sa descente d’avion, elle fit l’objet d’une arrestation et d’un placement en détention en vertu d’un nouveau mandat d’arrêt international qui aurait été émis le 11 avril 2006 et signé par l’ex beau-père de la requérante, dans ses fonctions « d’attorney general ». Ce dernier aurait été dessaisi de l’affaire à la demande de la requérante, et remplacé par un nouvel « attorney general » qui maintint le mandat d’arrêt établi pour violation d’une ordonnance relative à la garde de ses enfants.

En juin 2006, la requérante engagea deux nouvelles procédures devant les juridictions françaises.

En premier lieu, elle saisit le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Privas d’une requête visant à s’opposer à l’exécution forcée du retour des enfants M. et J. au Canada en vertu de l’arrêt rendu le 20 juin 2004 par la cour d’appel de Nîmes. A cet effet, la requérante allègue essentiellement que l’ordonnance rendue le 13 septembre 2004 par la cour suprême de Colombie britannique a annulé l’ordonnance rendue le 6 septembre 2001 (suite à laquelle les juridictions françaises avaient été initialement saisies).

En second lieu, la requérante saisit le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Privas d’une requête visant notamment à ce que, suite à une audition de M. et J., la résidence habituelle de ces derniers soit fixée chez leur mère, ou à défaut, chez leur grand-mère maternelle.

Ces deux procédures sont actuellement pendantes.

B. Le droit et la pratique internes et instruments internationaux pertinents

1. Code civil

Article 371-1
(rédaction issue de la loi du 4 mars 2002)

« L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant (...) »

Article 372
(rédaction issue de la loi du 4 mars 2002)

« Les pères et mères exercent en commun l’autorité parentale (...) »

Article 373-2
(rédaction issue de la loi du 4 mars 2002)

« La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale.

Chacun des pères et mères doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent.

Tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent. En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant. Le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. »

Article 373-2-1 (rédaction issue de la loi du 4 mars 2002)

« Si l’intérêt de l’enfant le commande, le juge peut confier l’exercice de l’autorité parentale à l’un des deux parents.

L’exercice du droit de visite et d’hébergement ne peut être refusé à l’autre parent que pour des motifs graves (...) »

2. Extrait du rapport FAIT AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUETE SUR LES SECTES de l’Assemblée parlementaire française (Président : M. Alain Gest, Rapporteur : M. Jacques Guyard, Députés. (Source : Les sectes en France, rapport no 2468)

Parmi les Mouvements sectaires de 500 à 200 adeptes :

Eglise du Christ international en France

3. Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants

La Convention de la Haye a été ratifiée par la France le 16 septembre 1982 et son texte a été publié par le décret du 29 novembre 1983 paru au Journal Officiel de la République française du 1er décembre 1983, p. 3466. Elle est entrée en vigueur en France le 1er décembre 1983. L’objectif premier de la Convention de La Haye consiste à assurer le retour immédiat des enfants déplacés ou retenus illicitement dans tout Etat contractant. Cet objectif peut être atteint grâce à une coopération étroite des autorités centrales mises en place par les Etats contractants. Les dispositions pertinentes se lisent comme suit :

Article 3

« Le déplacement ou le non-retour d’un enfant est considéré comme illicite :

a) lorsqu’il a lieu en violation d’un droit de garde, attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l’Etat dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour ; et

b) que ce droit était exercé de façon effective seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l’eût été si de tels événements n’étaient survenus.

Le droit de garde visé en a) peut notamment résulter d’une attribution de plein droit, d’une décision judiciaire ou administrative, ou d’un accord en vigueur selon le droit de cet Etat. »

Article 7

« Les Autorités centrales doivent coopérer entre elles et promouvoir une collaboration entre les autorités compétentes dans leurs Etats respectifs, pour assurer le retour immédiat des enfants et réaliser les autres objectifs de la présente Convention.

En particulier, soit directement, soit avec le concours de tout intermédiaire, elles doivent prendre toutes les mesures appropriées :

a. pour localiser un enfant déplacé ou retenu illicitement ;

b. pour prévenir de nouveaux dangers pour l’enfant ou des préjudices pour les parties concernées, en prenant ou faisant prendre des mesures provisoires ;

c. pour assurer la remise volontaire de l’enfant ou faciliter une solution amiable ;

d. pour échanger, si cela s’avère utile, des informations relatives à la situation sociale de l’enfant ;

e. pour fournir des informations générales concernant le droit de leur Etat relatives à l’application de la Convention ;

f. pour introduire ou favoriser l’ouverture d’une procédure judiciaire ou administrative, afin d’obtenir le retour de l’enfant et, le cas échéant, de permettre l’organisation ou l’exercice effectif du droit de visite ;

g. pour accorder ou faciliter, le cas échéant, l’obtention de l’assistance judiciaire et juridique, y compris la participation d’un avocat ;

h. pour assurer, sur le plan administratif, si nécessaire et opportun, le retour sans danger de l’enfant ;

i. pour se tenir mutuellement informées sur le fonctionnement de la Convention et, autant que possible, lever les obstacles éventuellement rencontrés lors de son application. »

Article 8

« La personne, l’institution ou l’organisme qui prétend qu’un enfant a été déplacé ou retenu en violation d’un droit de garde peut saisir soit l’autorité centrale de la résidence habituelle de l’enfant, soit celle de tout autre Etat contractant, pour que celles-ci prêtent leur assistance en vue d’assurer le retour de l’enfant. (...) »

Article 12

« Lorsqu’un enfant a été déplacé ou retenu illicitement au sens de l’article 3 et qu’une période de moins d’un an s’est écoulée à partir du déplacement ou du nonretour au moment de l’introduction de la demande devant l’autorité judiciaire ou administrative de l’Etat contractant où se trouve l’enfant, l’autorité saisie ordonne son retour immédiat.

L’autorité judiciaire ou administrative, même saisie après l’expiration de la période d’un an prévue à l’alinéa précédent, doit aussi ordonner le retour de l’enfant, à moins qu’il ne soit établi que l’enfant s’est intégré dans son nouveau milieu.

Lorsque l’autorité judiciaire ou administrative de l’Etat requis a des raisons de croire que l’enfant a été emmené dans un autre Etat, elle peut suspendre la procédure ou rejeter la demande de retour de l’enfant. »

Article 13

« Nonobstant les dispositions de l’article précédent, l’autorité judiciaire ou administrative de l’Etat requis n’est pas tenue d’ordonner le retour de l’enfant, lorsque la personne, l’institution ou l’organisme qui s’oppose à son retour établit :

(...)

b) qu’il existe un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable.

L’Autorité judiciaire ou administrative peut aussi refuser d’ordonner le retour de l’enfant si elle constate que celui-ci s’oppose à son retour et qu’il a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de cette opinion.

Dans l’appréciation des circonstances fixées dans cet article, les autorités judiciaires ou administratives doivent tenir compte des informations fournies par l’Autorité centrale ou toute autre autorité compétente de l’Etat de la résidence habituelle de l’enfant sur sa situation sociale. »

4. Convention internationale relative aux droits de l’enfant, 20 novembre 1989

Article 2

« 1. Les Etats parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute autre considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation.

2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille. »

Article 3

« 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.

2. Les Etats parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.

3. Les Etats parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l’existence d’un contrôle approprié. »

Article 8

« 1. Les Etats parties s’engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu’ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale.

2. Si un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou de certains d’entre eux, les Etats parties doivent lui accorder une assistance et une protection appropriées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible. »

Article 12

« 1. Les Etats parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

2. A cette fin, on donnera également à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale. »

GRIEFS

1. Invoquant l’article 6 de la Convention, la requérante allègue un défaut d’équité de la procédure qui s’est terminée par l’arrêt rendu le 14 février 2006 par la Cour de cassation. Elle soutient d’abord que l’ordonnance du 6 septembre 2001 a été rendue par la Cour suprême de Colombie britannique dans un délai très rapide et sans convocation ni respect du contradictoire, anomalies que les juridictions françaises auraient dû relever. Elle conteste ensuite l’expertise et les compétences de l’expert qui a établi le rapport d’enquête sociale, le Dr L. Elle allègue notamment le manque d’impartialité de ce dernier. De plus, la requérante allègue une violation des droits fondamentaux de ses enfants, remis de force selon elle à une secte internationale et elle reproche aux juridictions françaises de ne pas avoir auditionné les enfants, malgré ses demandes réitérées.

2. La requérante allègue également la violation des articles 12 et 13 de la Convention de la Haye sur les aspects civils des enlèvements internationaux d’enfants ainsi que les articles 2, 3, 8 et 12 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Elle se plaint notamment de ce que les autorités françaises ne lui ont apporté aucune protection dans le cadre de la médiation internationale, qui s’est achevée par une mise en détention au Canada.

EN DROIT

1. La requérante allègue un défaut d’équité de la procédure qui s’est terminée par l’arrêt rendu le 14 février 2006 par la Cour de cassation. Elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

a. Quant aux griefs tirés du non-respect du contradictoire par l’ordonnance rendue le 6 septembre 2001 et du défaut de compétence et d’impartialité du Dr L., outre le fait que l’ordonnance précitée a été annulée, la Cour rappelle que, selon l’article 35 § 1 de la Convention, elle « ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes (...) ». Or, en l’espèce, il n’apparaît pas que la requérante ait, à cet égard, épuisé les voies de recours internes, puisqu’elle n’a soulevé ces griefs, expressément ou en substance, devant aucune des juridictions françaises dans le cadre de la procédure s’étant achevée par l’arrêt rendu le 14 février 2006 par la Cour de cassation.

Quant aux deux procédures engagées par la requérante en juin 2006, la Cour ne peut que constater qu’elles sont actuellement pendantes devant les juridictions de première instance.

Il s’ensuit que ces griefs doivent être rejetés pour défaut d’épuisement des voies de recours internes en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

b. Il revient ensuite à la Cour d’examiner les griefs tirés de la violation alléguée des droits des enfants et du défaut d’audition de ces derniers. La Cour se réfère à l’article 8 de la Convention, dont les dispositions pertinentes sont les suivantes :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...).

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

La Cour constate qu’aucun article de la Convention n’a été expressément invoqué devant les juridictions internes et que le seul grief soumis à la Cour de cassation, dans le cadre d’un moyen unique, était tiré de ce que l’opposition des enfants aurait dû suffire à faire obstacle à leur retour au Canada. En admettant que ce moyen était tiré en substance de l’article 8 de la Convention, la Cour note d’emblée qu’en l’espèce, pour la requérante et ses enfants, continuer à vivre ensemble représente un élément fondamental qui relève de leur vie familiale au sens du premier paragraphe de l’article 8 de la Convention, lequel est donc applicable en l’espèce (Maire c. Portugal, no 48206/99, § 68, CEDH 2003-VII).

Elle relève également que le retour des enfants au Canada ordonné par les juridictions françaises constitue une « ingérence » au sens du paragraphe 2 de cette même disposition, étant entendu que la frontière entre les obligations négatives et positives de l’Etat au titre de cette disposition ne se prête pas à une définition précise (voir, par exemple, Eskinazi et Chelouche c. Turquie (déc.), no 14600/05, CEDH 2005... extraits).

De plus, la Cour le rappelle, la Convention doit s’appliquer en accord avec les principes du droit international, en particulier ceux relatifs à la protection internationale des droits de l’homme. En ce qui concerne plus précisément la réunion d’un parent et de ses enfants, les obligations que l’article 8 fait peser doivent s’interpréter à la lumière des exigences imposées par la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants ainsi qu’à celles de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 (voir, mutatis mutandis, Ignaccolo-Zenide c. Roumanie, no 31679/96, § ..., CEDH 2000I, § 95 et, pour les dispositions pertinentes de ces instruments, voir supra partie « droit interne et instruments internationaux pertinents »).

En l’espèce, la Cour relève d’ailleurs que les décisions litigieuses prises par les juridictions françaises étaient fondées sur les dispositions de la Convention de La Haye, en vigueur en France et appliquées dans le but de protéger M. et J., but légitime au sens du paragraphe 2 de l’article 8 de la Convention.

Reste à déterminer si l’ingérence susvisée était « nécessaire dans une société démocratique », au sens du paragraphe 2 de l’article 8.

Le point décisif consiste à savoir si le juste équilibre devant exister entre les intérêts concurrents des enfants, de leurs deux parents entre eux et ceux de l’ordre public a été ménagé, dans les limites de la marge d’appréciation dont les Etats jouissent en la matière. A ce sujet, il faut préciser que, si l’article 8 ne renferme aucune condition explicite de procédure, il faut que le processus décisionnel débouchant sur des mesures d’ingérence soit équitable et respecte comme il se doit les intérêts protégés par cette disposition (voir Eskinazi et Chelouche, précité).

En l’espèce, la Cour observe qu’au regard de l’article 3 de la Convention de La Haye, le déplacement ou le non-retour d’un enfant est considéré comme « illicite » lorsqu’il a lieu en violation d’un « droit de garde » attribué à une personne par le droit de l’Etat dans lequel l’enfant avait sa « résidence habituelle », immédiatement avant son déplacement ou son nonretour.

Compte tenu de ces principes, dans la présente affaire, les juridictions françaises n’ont pu que constater que la requérante avait quitté le Canada avec ses enfants sans y être dûment autorisée et, ce faisant, avait violé les dispositions de l’ordonnance du 24 août 2001 ainsi que le principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Confrontées à cette situation, et saisies par les autorités canadiennes sur la base des articles 7 et suivants de la Convention de la Haye, les juridictions françaises ont fondé leurs décisions sur une analyse circonstanciée et précise des éléments de la cause et de leur contexte, tout en tenant compte de l’intérêt supérieur des enfants.

Examinant notamment si le retour des enfants au Canada était susceptible des les exposer à un « risque grave » au sens de l’article 13b de la Convention de la Haye, les juridictions internes ont fondé leurs décisions sur une série d’éléments : deux rapports établis par des experts psychologues cliniciens, détaillant notamment les conditions d’hébergement des enfants chez G., qualifiées « d’excellentes », le comportement de G. qui ne pousserait pas ses enfants à « maudire » leur mère par conviction religieuse et ne comporterait aucun danger futur pour les enfants. Surtout, les juridictions ont clairement relevé l’absence de danger concret pour les enfants lié aux pratiques religieuses de G.

La Cour relève également qu’au cours de la procédure devant les juridictions du fond comme devant la Cour de cassation, la requérante a eu la possibilité de présenter tous les arguments s’opposant au retour des enfants au Canada et a aussi eu accès à toutes les informations pertinentes sur lesquelles se sont appuyés les tribunaux (Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 71, CEDH 2003VIII).

Rien n’autorise donc à penser que le processus décisionnel ayant conduit les juridictions nationales à prendre la mesure litigieuse n’ait pas été équitable ou n’ait pas permis à la requérante de jouer un rôle suffisant pour protéger ses intérêts (Tiemann c. France et Allemagne (déc.), nos 47457/99 et 47458/99, CEDH 2000IV).

Par conséquent, la Cour considère, au vu des décisions concrètes et détaillées rendues par les juridictions françaises, que celles-ci ont procédé à une appréciation de l’ensemble de la situation familiale et des intérêts respectifs des enfants qui ne semble pas entachée d’arbitraire et ne révèle aucun élément portant une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie familiale garanti par l’article 8 de la Convention.

Concernant l’audition des enfants par les juridictions françaises, la Cour observe qu’il revient en principe aux juridictions nationales d’apprécier les éléments rassemblés par elles, y compris la manière dont les faits pertinents ont été établis (Vidal c. Belgique, arrêt du 22 avril 1992, série A no 235-B, pp. 32-33, § 33). Ce serait aller trop loin que de dire que les tribunaux internes sont toujours tenus d’entendre un enfant en audience lorsqu’est en jeu le retour de celui-ci dans le pays où réside le parent qui en a la garde. En effet, cela dépend des circonstances particulières de chaque cause et compte dûment tenu de l’âge et de la maturité de l’enfant concerné (voir, mutatis mutandis, Sahin, précité, § 73). En outre, la Convention relative aux droits de l’enfant, précitée, qui est une source d’inspiration pour la Cour lorsqu’elle a à statuer dans cette matière, précise en son article 12 que si l’enfant doit pouvoir être entendu dans toute procédure le concernant, c’est soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation appropriée.

En l’espèce, la Cour relève que l’avis des enfants a été exposé oralement devant la cour d’appel de Nîmes par un avocat désigné par le bâtonnier de l’Ordre compétent. La Cour n’a aucune raison de mettre en doute le mode de désignation de cet avocat ni ses compétences professionnelles. Il s’ensuit que les juridictions internes, devant lesquelles le souhait des enfants quant à leur éventuel retour au Canada a été exprimé, ont pu estimer, compte tenu aussi des autres éléments du dossier soumis à leur appréciation, que l’audition préalable personnelle des enfants était inutile.

Eu égard à ce qui précède et à la marge d’appréciation de l’Etat défendeur, la Cour est convaincue que la procédure suivie par les juridictions françaises était dénuée d’arbitraire et leur a permis de rassembler suffisamment d’éléments pour prendre une décision motivée quant à la question du retour des enfants au Canada dans les circonstances particulières de la cause.

Il s’ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2. La requérante allègue ensuite la violation de divers articles de la Convention de la Haye sur les aspects civils des enlèvements internationaux d’enfants ainsi que de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Sur ce fondement, elle se plaint du déroulement de la médiation internationale.

Certes, la Cour le rappelle à nouveau, lorsqu’elle apprécie les obligations relevant de l’article 8 de la Convention, elle peut se référer aux dispositions de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants ainsi qu’à celles de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989. La Cour l’a d’ailleurs fait lors de l’examen du grief précédent.

Toutefois, la Cour rappelle également qu’aux termes de l’article 19 de la Convention, elle n’a compétence que pour appliquer la Convention et ses Protocoles.

Elle ne saurait donc dépasser le cadre de la référence et examiner in concreto les violations des articles des Conventions précitées alléguées par la requérante.

Il ne lui revient pas non plus d’examiner les conditions du déroulement d’une médiation internationale, en particulier dans la mesure où aucune violation de la Convention n’est alléguée, ni devant elle, ni devant les juridictions internes. La Cour note d’ailleurs que la mise en détention de la requérante au Canada, que l’on ne saurait, à ce stade, présumer être liée à la médiation, est consécutive à l’émission d’un mandat d’arrêt international par les autorités canadiennes.

Il s’ensuit que ce grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

S. Dollé A.B. Baka
Greffière Président