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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
24.10.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

des requêtes no 27863/05, 28422/05 et 28028/05
présentées par Giorgos PASCHALIDIS, Efstathios KOUTMERIDIS et Konstantinos ZAHARAKIS
contre la Grèce

La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 24 octobre 2006 en une chambre composée de :

MM. L. Loucaides, président,
C.L. Rozakis
Mmes F. Tulkens,
E. Steiner,
MM. K. Hajiyev
D. Spielmann,
S.E. Jebens, juges,
et de M. S. Quesada, greffier adjoint de section,

Vu les requêtes susmentionnées introduites les 19, 28 et 29 juillet 2005 respectivement,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Les deux premiers requérants, M. Giorgos Paschalidis et M. Efstathios Koutmeridis, sont des ressortissants grecs, résidant respectivement à Aridea et à Serres. Ils sont représentés devant la Cour par Mes N. Alivizatos et E. Mallios, avocats au barreau d’Athènes.

Le troisième requérant, M. Konstantinos Zaharakis, est un ressortissant grec, résidant à Thessalonique. Il est représenté devant la Cour par Me K. Chryssogonos, avocat au barreau de Thessalonique.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

Les requérants se portèrent candidats lors des élections législatives du 7 mars 2004. Le premier requérant se porta candidat sur la liste présentée par le parti « PASOK », dans la circonscription de Pella. Il fut élu député, en obtenant le deuxième siège attribué au « PASOK » dans cette circonscription, en vertu de la décision no 19/2004 du tribunal de grande instance d’Edessa. Le deuxième requérant se porta candidat sur la liste présentée par le parti « PASOK », dans la circonscription de Serres. Il fut élu député, en obtenant le troisième siège attribué au « PASOK » dans cette circonscription, en vertu de la décision no 10/2004 du tribunal de grande instance de Serres. Le troisième requérant se porta candidat sur la liste présentée par le parti « Nea Dimokratia », dans la deuxième circonscription de Thessalonique. Il fut élu député, en obtenant le dernier siège attribué au « Nea Dimokratia » dans cette circonscription, en vertu de la décision no 5703/2004 du tribunal de grande instance de Thessalonique.

Le 30 mars 2004, Mme Parthena Fountoukidou, candidate malheureuse aux mêmes élections sur les listes du parti de « Nea Dimokratia » dans la circonscription de Pella forma un recours en annulation de l’élection du premier requérant devant la Cour suprême spéciale, instance judiciaire compétente, selon les articles 58 et 100 de la Constitution pour juger les irrégularités électorales. Troisième dans l’ordre sur la liste de « Nea Dimokratia », Mme Parthena Fountoukidou n’avait été proclamée que suppléante, puisque les deux sièges attribués à « Nea Dimokratia » dans la circonscription de Pella avaient été pourvus par deux autres candidats de ce parti.

Le principal grief soulevé par Mme Parthena Fountoukidou était que, en méconnaissance de la Constitution et de la loi électorale en vigueur, les bulletins de vote blancs de la circonscription de Pella n’avaient pas été pris en considération pour le calcul du quotient électoral (εκλογικό μέτρο) ; ce qui avait pas la suite affecté la répartition des sièges dans la circonscription de Pella et dans la circonscription majeure de la Macédoine centrale, dont celle de Pella était l’une des huit composantes. En particulier, selon elle, si les bulletins de vote blancs avaient été comptabilisés au même titre que les suffrages exprimés en faveur des partis politiques, le quotient électoral de Pella s’élèverait tout en affectant la répartition des sièges dans l’ensemble de la circonscription majeure de la Macédoine centrale. En particulier, concernant la circonscription de Pella, un tel changement aurait eu comme résultat l’attribution d’un seul siège au parti de « PASOK » -au lieu de deux- et de trois sièges au parti de « Nea Dimokratia » -au lieu de deux. Si tel avait été le cas, Mme Parthena Fountoukidou aurait été élue à la place du premier requérant.

L’audience devant la Cour suprême spéciale eut lieu le 22 décembre 2004. Les trois requérants, dont les élections étaient directement contestées ou indirectement affectées, intervinrent dans la procédure.

Le 23 mars 2005, les requérants déposèrent une demande de récusation contre l’un des juges participant à la composition de la Cour suprême spéciale dont ils suspectaient l’impartialité, au motif que celui-ci n’avait pas le droit d’y participer ex officio.

Le 14 avril 2005, par une décision avant dire droit, la Cour suprême spéciale rejeta la demande de récusation comme infondée (arrêt no 8/2005).

Le 9 mai 2005, la Cour suprême spéciale rendit sa décision définitive. Dans un premier temps, la haute juridiction électorale affirma que, selon les articles 98 § 4, 99 § 3 et 100 § 3 de la loi électorale en vigueur (voir, Droit et pratique internes pertinents ci-dessous), le quotient électoral était calculé sans tenir compte des bulletins de vote blancs. Toutefois, procédant à une nouvelle interprétation de la législation en cause, la haute juridiction électorale examina la conformité à la Constitution des articles litigieux et, par une majorité de 6 voix contre 5, elle considéra que ceux-ci étaient contraires aux principes fondamentaux de la souveraineté populaire et de l’égalité des votes et donc inconstitutionnels. Par conséquent, les bulletins de vote blancs devaient être pris en compte pour le calcul du quotient électoral et la répartition des sièges.

En application de cette interprétation de la loi électorale, la Cour suprême spéciale procéda à nouveau à la répartition des sièges dans la circonscription de Pella. Le quatrième siège de la circonscription de Pella, initialement attribué au premier requérant, fut ainsi attribué à Mme Parthena Fountoukidou. Cette nouvelle répartition eut des répercussions sur l’attribution des sièges dans l’ensemble de la circonscription majeure de la Macédoine centrale à l’issue desquelles les deux autres requérants furent privés de leurs sièges (arrêt no 12/2005).

B. Le droit et la pratique internes pertinents

1. La loi électorale en vigueur à l’époque des faits

A l’époque des élections législatives en question, le décret présidentiel no 351/2003, à savoir la loi électorale en vigueur identifiait trois sortes de bulletins de vote, reprenant des dispositions anciennes : (a) les bulletins de vote reconnus comme valides (έγκυρα), (b) les bulletins nuls (άκυρα) et (c) les bulletins blancs (λευκά). Selon les articles 98 § 4, 99 § 3 et 100 § 3 de cette loi, seuls les bulletins valides étaient pris en considération aussi bien pour le calcul du quotient électoral que pour l’attribution des sièges.

2. La jurisprudence de la Cour suprême spéciale

Dans son arrêt no 34/1999, statuant sur un recours formé par le parti « LEFKO » (« BLANC ») contre la répartition des sièges aux candidats se présentant aux élections européennes de juin 1999, la Cour suprême spéciale confirma une jurisprudence constante, selon laquelle « il est interdit de prendre en considération les bulletins blancs et nuls pour le calcul du quotient électoral » (voir aussi Conseil d’Etat, arrêt no 799/1996).

3. L’article 1 de la loi no 3434/2006

L’article 1 de la loi no 3434/2006, publiée le 7 février 2006, prévoit que :

« (L)ors de la rédaction des tableaux de résultats dans chaque circonscription électorale, ainsi que pour la répartition des sièges et le calcul du quotient électoral, les tribunaux compétents ne doivent pas compter les bulletins de vote blancs parmi les bulletins valides. »

Le rapport explicatif à cette disposition précisait que :

« 1. Avant 2005, les arrêts de la Cour suprême spéciale, ainsi que ceux du Conseil d’Etat (portant sur les élections municipales) avaient établi une jurisprudence selon laquelle, les bulletins de vote blancs ne sont pas pris en considération dans le décompte des bulletins valides pour le calcul du quotient électoral.

2. S’ensuivit l’arrêt no 12/2005 de la Cour suprême spéciale, selon lequel, dans le cas d’espèce, les bulletins blancs avaient été pris en considération dans le décompte des bulletins valides.

3. Dans le cadre de la nouvelle loi électorale (loi no 3231/2004) et en vue d’éliminer la moindre imprécision, une disposition expresse est insérée prévoyant que les bulletins blancs ne sont pas pris en considération pour le calcul du quotient électoral (...) »

GRIEFS

1. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent que la composition de la Cour suprême spéciale a porté atteinte à leur droit à un tribunal indépendant et impartial.

2. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, le troisième requérant se plaint que l’annulation de son élection l’a privé des indemnités parlementaires qu’il aurait perçues s’il avait été élu député.

3. Invoquant l’article 3 du Protocole no 1 de la Convention, les requérants se plaignent que la manière arbitraire et imprévisible dont l’arrêt nº 12/2005 de la Cour suprême spéciale a interprété, puis appliqué la loi électorale portait atteinte à la substance même de leur droit d’être élus et d’exercer leurs mandats. Ils ajoutent que cette atteinte est d’autant plus flagrante que les bulletins de vote blancs n’ont été pris en considération pour le calcul du quotient électoral que dans la circonscription majeure de Macédoine centrale.

EN DROIT

La Cour considère d’abord qu’il y a lieu, en application de l’article 42 § 1 du Règlement de la Cour, de joindre les requêtes enregistrées sous les nos 27863/05, 28422/05 et 28028/05, étant donné que les faits à la base des trois affaires sont essentiellement les mêmes et que les trois requérants ont participé ensemble à la procédure devant la Cour suprême spéciale.

1. Les requérants allèguent une violation de l’article 6 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes se lisent comme suit :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante, les procédures concernant le contentieux électoral échappent en principe au champ d’application de l’article 6 de la Convention, dans la mesure où celles-ci concernent l’exercice de droits de caractère politique et ne portent donc pas sur des « droits et obligations de caractère civil » ou sur le « bien-fondé d’une accusation en matière pénale » (Pierre-Bloch c. France, arrêt du 21 octobre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VI, p. 2223, § 50 ; Cheminade c. France (déc.), no 31599/96, CEDH 1999-II).

En l’espèce, la Cour relève que la procédure litigieuse portait sur le calcul du quotient électoral et la répartition des sièges dans la circonscription majeure de Macédoine centrale. Elle note que l’issue de cette procédure était déterminante pour le droit des requérants de se porter candidats à une élection et de conserver leurs mandats. Par conséquent, la procédure en cause concernait un droit de caractère politique. Or, les litiges relatifs à l’organisation de son exercice sortent du champ d’application l’article 6 § 1.

Partant, le grief formulé sur le terrain de cette disposition doit être rejeté, conformément à l’article 35 § 3 de la Convention, pour incompatibilité ratione materiae avec les dispositions de la Convention.

2. Le troisième requérant se plaint que l’annulation de son élection l’a privé des indemnités parlementaires qu’il aurait perçues s’il avait été élu député. Il invoque l’article 1 du Protocole no 1, ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. »

La Cour rappelle que la notion de « biens » contenue dans cette disposition peut recouvrir tant des « biens actuels » (Van der Mussele c. Belgique, arrêt du 23 novembre 1983, série A no 70, p. 23, § 48) que des créances, en vertu desquelles le requérant peut prétendre avoir au moins une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété (voir, Pine Valley Developments Ltd et autres c. Irlande du 29 novembre 1991, série A no 222, p. 23, § 51, et Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique du 20 novembre 1995, série A no 332, p. 21, § 31). Par contre, une créance conditionnelle s’éteignant du fait de la non-réalisation de la condition ne peut être considérée comme un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 (Malhous c. République tchèque (déc.) [GC], no 33071/96, CEDH 2000-XII).

En l’occurrence, la Cour note que le prétendu droit du troisième requérant à percevoir des indemnités parlementaires était conditionné à son élection préalable au Parlement national. Or, du fait de l’annulation de son élection en vertu de l’arrêt no 12/2005 de la Cour suprême spéciale, cette condition ne s’est pas réalisée. Dans ces circonstances, le troisième requérant ne peut pas se prévaloir d’un « bien » tel qu’envisagé par l’article 1 du Protocole no 1.

Partant, le grief formulé sur le terrain de cette disposition doit être rejeté, conformément à l’article 35 § 3 de la Convention, pour incompatibilité ratione materiae avec les dispositions de la Convention.

3. Les requérants allèguent une violation de l’article 3 du Protocole no 1, dont les parties pertinentes se lisent comme suit :

« Les Hautes Parties contractantes s’engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif. »

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie des requêtes au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 3 b) de son règlement.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Décide de joindre les requêtes ;

Ajourne l’examen du grief tiré du droit des requérants d’être élus (article 3 du Protocole no 1) ;

Déclare les requêtes irrecevables pour le surplus.

Santiago Quesada Loukis Loucaides              Greffier adjoint              Président