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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
17.10.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 74657/01
présentée par Erkan SOYLU
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 17 octobre 2006 en une chambre composée de :

MM. J.-P. Costa, président,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
E. Fura-Sandström,
M. D. Popović, juges,
et de M. S. Naismith, greffier adjoint de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 19 juin 2001,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Erkan Soylu, est un ressortissant turc, né en 1973 et résidant à Bursa. Il est représenté devant la Cour par Me G. Tuncer, avocate à Istanbul.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le 26 décembre 1995, le requérant, membre présumé d’une organisation armée illégale, fut appréhendé en possession d’une fausse carte d’identité et placé en garde à vue dans les locaux de la section anti-terrorisme de la direction de la sûreté d’İstanbul.

Durant la garde à vue, le requérant fut interrogé par les policiers sur ses liens éventuels avec une organisation armée illégale. Selon le requérant, pendant les interrogatoires, les policiers lui auraient infligé des mauvais traitements, voire de la torture.

Le requérant signa une déclaration dans laquelle il avouait être membre de l’organisation en question et avoir mené des activités à ce titre. Ainsi, dans sa déposition, il affirma notamment avoir commencé à exercer au sein de l’organisation à partir de 1992, suite à la propagande d’un certain S.Ö., être passé d’une éducation idéologique organisée au sein de l’organisation en question et avoir présenté en 1995, à la sphère dirigeante de l’organisation, son curriculum vitae. Par ailleurs, la police saisit, sur les lieux indiqués par le requérant, des cocktails Molotov dissimulés dans un sac à main.

Le 8 janvier 1996, au terme de sa garde à vue, le requérant fut examiné par un médecin légiste qui établit un rapport aux termes duquel il n’existait aucune lésion traumatique sur son corps. Le requérant fut ensuite traduit devant le juge unique de la cour de sûreté de l’Etat d’İstanbul (« la cour de sûreté »), devant lequel il nia toutes les accusations pesant sur lui. Le juge ordonna la mise en détention provisoire du requérant.

Par un acte d’accusation du 29 février 1996, le procureur de la République près la cour de sûreté, reprochant au requérant d’appartenir à une organisation illégale et d’avoir fabriqué des explosifs, requit l’application des articles 168 § 2 et 264 du code pénal.

Par un arrêt du 8 février 2000, la cour de sûreté condamna le requérant à une peine d’emprisonnement et à une peine d’amende ainsi qu’à une interdiction définitive de la fonction publique, sur la base de l’acte d’accusation du 29 février 1996.

Le 17 avril 2001, la Cour de cassation infirma l’arrêt attaqué en considérant que l’infraction de fabrication des explosifs telle que prévue par l’article 264 du code pénal devrait être considérée comme un élément de l’infraction d’appartenance à une organisation armée illégale prévue par l’article 168 § 2.

Entre-temps, le 21 décembre 2000, la loi no 4616, entraînant, entre autres, une réduction de dix ans pour les détentions à subir en raison de certaines condamnations pénales, fut promulguée. Le requérant ne bénéficia pas de celle-ci.

Le dossier revînt devant la cour de sûreté de l’État.

Le 1er février 2001, le requérant fut mis en liberté.

Par un arrêt du 17 octobre 2002, la cour de sûreté condamna le requérant à une peine d’emprisonnement et à une amende, ainsi qu’à une interdiction définitive de la fonction publique pour infraction aux articles 168 § 2 et 264 du code pénal.

Le 8 juillet 2003, la Cour de cassation cassa l’arrêt rendu par la première instance en considérant que l’infraction de fabrication des explosifs prévue par l’article 264 était un élément de l’infraction plus générale d’appartenance à une bande armée au sens de l’article 168 § 2 du code pénal et que le requérant devrait être condamné sur la seule base de cet article.

La procédure est à ce jour pendante devant la neuvième cour d’assises d’İstanbul.

GRIEFS

1. Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant se plaint des mauvais traitements qui lui auraient été infligés lors de sa garde à vue.

2. Invoquant l’article 5 §§ 1, 2, 3 et 4 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de sa garde à vue et de l’absence de voie de recours lui permettant de mettre en cause la légalité de son arrestation.

3. Invoquant l’article 5 §§ 3 et 4 de la Convention, le requérant fait grief de la durée de sa détention provisoire et de l’absence d’un moyen de droit pour faire contrôler la légalité de sa détention.

4. Invoquant les articles 5 § 1 et 6 § 1 de la Convention combinés avec ses articles 13 et 14, le requérant se plaint de n’avoir pas été admis au bénéfice de la loi no 4616 relative à la libération conditionnelle, à l’ajournement des procès et à l’exécution des peines.

5. Sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention combiné avec son article 14, le requérant dénonce l’iniquité de la procédure devant la cour de sûreté de l’État d’İstanbul.

6. Invoquant l’article 6 §§ 1 et 3 c), le requérant allègue que sa cause n’a pas été entendue équitablement en ce que les juridictions pénales ont pris en considération des dépositions et des aveux qui lui avaient été extorqués sous la torture durant sa garde à vue, en l’absence d’un avocat.

7. Le requérant estime en outre que la procédure pénale en cours dirigée à son encontre, malgré l’absence de preuves convaincantes à sa charge, constitue une atteinte au principe de présomption d’innocence tel que prévu par l’article 6 § 2 de la Convention.

EN DROIT

1. La Cour a examiné les griefs présentés par le requérant. En l’état actuel du dossier, elle estime ne pas être en mesure de se prononcer sur la recevabilité du grief tiré de la durée de la détention provisoire du requérant (article 5 § 3) et de l’absence d’un moyen de droit pour faire contrôler la légalité de sa détention (article 5 § 4). Elle juge nécessaire de porter ces griefs à la connaissance du gouvernement défendeur, en application de l’article 54 § 2 b) de son règlement.

2. Quant aux divers griefs tirés de l’article 6 §§ 1, 2 et 3 de la Convention, la Cour relève, à la lecture du dossier, que la procédure pénale diligentée contre le requérant demeure pendante devant la juridiction de première instance. Or, elle estime nécessaire de prendre en considération l’ensemble de la procédure pénale afin de statuer sur sa conformité aux prescriptions de l’article 6. Il s’ensuit qu’au stade actuel de la procédure devant les juridictions internes, la présentation de ces griefs apparaît prématurée. Le requérant ne saurait donc, en l’état, se plaindre d’une quelconque violation des dispositions de l’article 6. Il lui est toutefois loisible de saisir à nouveau la Cour s’il estime toujours, à l’issue de la procédure pénale engagée contre lui, qu’il est victime de la violation alléguée. Ce grief étant prématuré, il doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

3. La Cour a examiné les autres griefs, tels qu’ils ont été présentés dans la requête. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle était compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par les dispositions invoquées.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être déclarée irrecevable en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief du requérant tiré de la durée de sa détention provisoire (article 5 § 3 de la Convention) et de l’absence d’un moyen de droit pour faire contrôler la légalité de sa détention (article 5 § 4 de la Convention) ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

S. Naismith J.-P. Costa
Greffier adjoint Président