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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
3.10.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE KEKLİK ET AUTRES c. TURQUIE

(Requête no 77388/01)

ARRÊT

STRASBOURG

3 octobre 2006

DÉFINITIF

03/01/2007

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Keklik et autres c. Turquie,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

MM. J.-P. Costa, président,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
E. Fura-Sandström,
M. D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 septembre 2006,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 77388/01) dirigée contre la République de Turquie et dont quatre ressortissants de cet État, MM. Bülent Keklik, Zülfikar Özalp, Salih Özalp et Dilaver Özalp (« les requérants »), ont saisi la Cour le 30 octobre 2001 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants sont représentés par Me S. Korkmaz, avocat à Diyarbakır. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») n’a pas désigné d’agent aux fins de la procédure devant la Cour.

3. Le 29 avril 2005, la Cour (deuxième section) a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l’article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l’affaire.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4. Les requérants sont nés respectivement en 1975, 1970, 1942 et 1962 et résident à Muş.

5. Le procès-verbal d’arrestation établi le 30 avril 2001 à 18 h 15 par la police indiqua qu’à la suite d’opérations menées contre le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan), un dénommé M.İ. avait été arrêté à Istanbul. Sur le fondement de la déposition de celui-ci, Salih Özalp, Zülfikar Özalp et Dilaver Özalp avaient été arrêtés. D’après la déposition de M.İ., Salih Özalp, titulaire du numéro de téléphone mobile 0 436 511 20 45, avait envoyé des messages au sujet de l’organisation à Zülfikar Özalp sur instructions du responsable du PKK de la région de Dersim, le dénommé Zinnar Özalp, nom de code Rebun. Le téléphone mobile de Zinnar Özalp avait été donné à Salih Özalp. Ce dernier avait acheté cinq recharges pour téléphone mobile et les avait envoyées à son fils qui était dans le maquis en vue de contacter l’étranger. Le procès-verbal d’arrestation indiqua notamment que Salih Özalp était le père de Zinnar Özalp. Le procès-verbal fut signé par Salih Özalp, Zülfikar Özalp et Dilaver Özalp.

6. Le procès-verbal de fouille corporelle de Salih Özalp, Zülfikar Özalp et Dilaver Özalp du 30 avril 2001 établi à 19 heures par la police indiqua la saisie de carte de visite et de feuilles de brouillon. La fouille du véhicule appartenant à Zülfikar Özalp avait permis de saisir un agenda appartenant à la branche Jeunesse du HADEP contenant des numéros de téléphone dont celui de M.İ. Deux cartes prépayées retrouvées sur Zülfikar Özalp furent saisies.

7. Le procès-verbal de perquisition du domicile de Zülfikar Özalp établi le 30 avril 2001 indiqua qu’aucune pièce à conviction n’avait été saisie.

8. Le procès-verbal d’arrestation du 1er mai 2001 à 15 heures, signé par le requérant, indiqua que Bülent Keklik avait été arrêté par la police à la suite d’une opération menée contre le PKK. Un dénommée M.İ. avait cité le requérant comme appartenant au PKK.

9. Le 2 mai 2001, les requérants furent placés en garde à vue dans les locaux de la direction de la sûreté de Diyarbakır.

10. Le 3 mai 2001, à la demande de la direction de la sûreté, le procureur de la République près la cour de sûreté de l’État de Diyarbakır prorogea de deux jours la garde à vue des requérants.

11. Le 4 mai 2001, sur instruction du parquet de Diyarbakır, Zülfikar Özalp et Salih Özalp furent transférés à la gendarmerie de Bingöl pour participer à une reconstitution des faits. Ils furent à nouveau transférés à la direction de la sûreté de Diyarbakır le 10 mai 2001.

12. Par une ordonnance du 5 mai 2001, après avoir demandé l’avis écrit du parquet, le juge près la cour de sûreté de l’État prorogea la garde à vue des requérants pour une durée de six jours.

13. Le 8 mai 2001, Zülfikar Özalp et Salih Özalp furent interrogés par la police.

14. Le même jour, à la demande du représentant de Salih Özalp, Zülfikar Özalp et Bülent Keklik, le parquet près la cour de sûreté de l’État s’adressa à la direction de la sûreté, section de la lutte contre le terrorisme, pour savoir si ces derniers avaient été placés en garde à vue et, le cas échéant, de l’informer du lieu de leur détention.

15. Le 9 mai 2001, Bülent Keklik et Dilaver Özalp furent entendus par la police.

16. Le même jour, le parquet entendit Bülent Keklik.

17. Le 10 mai 2001, le parquet entendit Zülfikar Özalp et Salih Özalp.

18. Le même jour, eu égard aux preuves réunies à leur encontre, le parquet ordonna la mise en liberté de Bülent Keklik et Dilaver Özalp.

19. Toujours à la même date, le juge assesseur près la cour de sûreté de l’État entendit Salih Özalp et Zülfikar Özalp, puis ordonna leur mise en détention provisoire.

20. Par une ordonnance du 14 mai 2001, le parquet près la cour de sûreté de l’État se déclara incompétent ratione loci et transmit l’affaire à la cour de sûreté de l’État de Van.

21. Le 22 mai 2001, le parquet près la cour de sûreté de l’État de Van intenta une action pénale contre les requérants pour aide et appartenance au PKK. Il indiqua que les requérants avaient été placés en garde à vue le 1er mai 2001, puis placés en détention provisoire le 9 mai 2001.

22. Le 18 septembre 2001, Salih Özalp et Zülfikar Özalp furent mis en liberté.

23. Par un arrêt du 6 juin 2002, la cour de sûreté de l’État de Van acquitta les requérants. Elle indiqua que Salih Özalp et Zülfikar Özlap avaient été placés en détention provisoire le 9 mai 2001, puis mis en liberté le 18 septembre 2001.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

24. Le droit et la pratique internes pertinents sont décrits dans les arrêts Maçin c. Turquie (no 52083/99, § 17, 4 mai 2006), Öcalan c. Turquie ([GC], no 46221/99, §§ 5557, CEDH 2005...), et Sakık et autres c. Turquie (26 novembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997VII, §§ 1824).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 DE LA CONVENTION

A. Sur la recevabilité

25. Le Gouvernement soutient que les requérants pouvaient contester l’ordonnance de prorogation de leur garde à vue, conformément aux articles 13 § 2 de la loi no 2845 et 297-304 du code de procédure pénale. Il soumet, à titre d’exemple, une décision de justice rendue en droit interne conformément à cette voie.

26. La Cour estime que cette exception soulève des questions étroitement liées à celles posées par le grief tiré de l’article 5 § 4 de la Convention et la joint au fond.

27. Le Gouvernement explique qu’ayant été acquittés, les requérants pouvaient introduire un recours en dommages-intérêts sur le fondement des articles 1 § 6 et 2 de la loi no 466.

28. La Cour constate que les requérants se plaignent de la durée de leur garde à vue.

29. S’agissant d’une demande d’indemnité fondée sur la loi no 466, la Cour relève tout d’abord que les griefs des requérants tirés de l’article 5 § 3 de la Convention ne consistaient pas à dire qu’ils n’avaient pas disposé d’une voie de recours pour obtenir une indemnité. Ils alléguaient l’absence d’une procédure au moyen de laquelle ils auraient pu obtenir un contrôle juridictionnel du type spécifique requis par l’article 5 § 3. Dès lors, la Cour estime que le fait d’exiger des requérants, placés en garde à vue sans contrôle judiciaire rapide et automatique, d’introduire un recours en dommages-intérêts modifierait la nature de la garantie offerte, notamment par l’article 5 §§ 3 et 4, qui est distincte de celle prévue par l’article 5 § 5 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Yağcı et Sargın c. Turquie, arrêt du 8 juin 1995, série A no 319, p. 17, § 44).

30. La Cour relève ainsi que le recours invoqué par le Gouvernement, instauré par la loi no 466, prévoit l’octroi d’une indemnité lorsqu’il s’agit d’une privation de liberté qui n’est pas conforme à la Constitution ou aux lois ; or, tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque la durée des gardes à vue litigieuses était conforme à la législation en vigueur à l’époque.

31. Il s’ensuit que cette exception du Gouvernement ne saurait être retenue.

B. Sur le fond

1. Griefs tirés de l’article 5 §§ 1 c) et 2

32. Les requérants allèguent avoir été illégalement privés de leur liberté dans la mesure où il n’existait pas de raison plausible de les soupçonner. Ils soutiennent qu’ils n’ont pas été informés des raisons de leur arrestation. Ils invoquent l’article 5 §§ 1 c) et 2 de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

(...)

c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ;

2. Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle. (...) »

33. Le Gouvernement conteste les allégations des requérants. Il explique qu’ils étaient recherchés pour appartenance à l’organisation terroriste PKK. Selon lui, il ressort d’ailleurs des procès verbaux d’arrestation qu’ils ont été informés des raisons de leur arrestation.

34. La Cour rappelle que l’article 5 §§ 1 et 2 énonce une garantie élémentaire : toute personne arrêtée doit savoir les raisons de son arrestation. Intégrée au système de protection qu’offre l’article 5, elle oblige à signaler à une telle personne, dans un langage simple accessible pour elle, les raisons juridiques et factuelles de sa privation de liberté, afin qu’elle puisse en discuter la légalité devant un tribunal en vertu du paragraphe 4. Elle doit bénéficier de ces renseignements « dans le plus court délai » mais le policier qui l’arrête peut ne pas les lui fournir en entier sur-le-champ. Pour déterminer si elle en a reçu assez et suffisamment tôt, il faut avoir égard aux particularités de l’espèce (voir Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni, arrêt du 30 août 1990, série A no 182, p. 19, § 40).

35. En l’espèce, la Cour observe que la police a dressé un procès-verbal d’arrestation portant la signature des requérants et faisant état des chefs d’accusation à leur encontre. La Cour constate ainsi que les intéressés ont bien été informés des raisons de leur arrestation.

36. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 5 §§ 1 c) et 2 de la Convention.

2. Grief tiré de l’article 5 § 3

37. Les requérants se plaignent de la durée de leur garde à vue. Ils invoquent l’article 5 § 3 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience. »

38. Le Gouvernement rappelle les améliorations apportées par la loi du 3 octobre 2001, modifiant la Constitution, le code de procédure pénale ainsi que la loi sur l’établissement des cours de sûreté de l’État. Selon cette loi, la durée de la garde à vue est limitée à quatre jours et cette période ne peut être prorogée que sur décision d’un juge.

39. La Cour prend note des renseignements transmis par le Gouvernement selon lesquels la législation turque a été amendée de manière à répondre aux exigences de la Convention. Elle précise toutefois que sa tâche se limite à l’appréciation des circonstances propres à l’espèce ; elle ne saurait donc être appelée à conclure qu’une affaire ne présente plus un intérêt juridique valable pour un requérant au motif que des développements seraient survenus depuis l’époque pertinente (voir, mutatis mutandis, Karkın c. Turquie, no 43928/98, § 43, 23 septembre 2003, Sadak et autres c. Turquie (no 1), nos 29900/96, 29901/96, 29902/96 et 29903/96, § 38, CEDH 2001-VIII, mutatis mutandis, Lutz c. France (no 1), no 48215/99, § 20, 26 mars 2002, et Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 152, CEDH 2000XI).

40. En l’espèce, la Cour constate que la garde à vue des requérants a débuté le 30 avril 2001 pour Salih Özalp, Zülfikar Özalp et Dilaver Özalp, et le 1er mai 2001 pour Bülent Keklik, dates de leur arrestation, et pris fin le 10 mai 2001 avec la libération de Bülent Keklik et Dilaver Özalp, et le placement en détention provisoire de Salih Özalp et Zülfikar Özalp. La garde à vue des trois premiers requérants a ainsi duré dix jours et celle de Bülent Keklik neuf jours.

41. Or, dans l’affaire Brogan et autres c. Royaume-Uni (arrêt du 29 novembre 1988, série A no 145B, p. 33, § 62), la Cour a jugé qu’une période de garde à vue de quatre jours et six heures sans contrôle judiciaire allait au-delà des strictes limites de temps fixées par l’article 5 § 3, même quand elle a pour but de prémunir la collectivité dans son ensemble contre le terrorisme (voir Maçin, précité, § 25).

42. La Cour ne saurait donc admettre qu’il ait été nécessaire de détenir les requérants respectivement pendant dix et neuf jours avant qu’ils ne soient « traduits devant un juge ».

43. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention.

3. Grief tiré de l’article 5 § 4

44. Les requérants se plaignent de l’absence de recours leur permettant de mettre en cause la légalité de leur garde à vue. Ils invoquent l’article 5 § 4, ainsi libellé :

« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

45. Le Gouvernement conteste ces allégations.

46. La Cour rappelle que, dans son arrêt Öcalan précité, elle a considéré, après examen de décisions judiciaires produites par le Gouvernement, que le contrôle effectué par le juge national sur la légalité de la détention en vertu de l’article 128 § 4 du code de procédure pénale ne respectait pas les exigences de l’article 5 § 4, ce pour deux raisons. D’une part, dans aucune de ces décisions, le juge national n’avait ordonné la mise en liberté des intéressés, même après avoir constaté que le délai légal était écoulé et qu’il manquait l’ordonnance du parquet prescrivant le maintien de la garde à vue ; il s’est contenté de renvoyer les intéressés devant le juge chargé de la mise en détention. D’autre part, dans aucune des procédures aboutissant aux décisions judiciaires mentionnées par le Gouvernement, le prévenu en garde à vue n’avait comparu devant le juge, ce dernier ayant effectué son contrôle uniquement sur le dossier.

47. Dans la présente affaire, la Cour n’aperçoit aucune raison de s’écarter de cette conclusion. Le Gouvernement a certes fourni un exemple de décision judiciaire aux fins d’illustration de l’efficacité de cette voie de recours. Toutefois, la Cour constate, à la lecture de cette décision, que le juge national s’est prononcé sur le recours introduit uniquement sur la base du dossier, sans comparution préalable du prévenu en garde à vue (voir Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, §§ 61-66, CEDH 1999II).

48. De surcroît, les accusations portées contre les requérants revêtaient une certaine gravité et la durée de leur garde à vue était conforme à la législation nationale. Dès lors, en l’espèce, une opposition sur ce point devant un juge de la cour de sûreté de l’État était loin de présenter des chances d’aboutir à une remise en liberté (voir Öcalan, précité, § 70, Bazancir et autres c. Turquie, nos 56002/00 et 7059/02, §§ 30-33, 11 octobre 2005, Mehmet Mübarek Küçük c. Turquie, no 7035/02, §§ 26-28, 20 octobre 2005 et Maçin, précité § 32).

49. La Cour rejette donc l’exception du Gouvernement et conclut qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention

4. Grief tiré de l’article 5 § 5

50. Les requérants allèguent l’absence de droit à réparation en raison de la durée de leur garde à vue. Ils invoquent l’article 5 § 5 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »

51. Le Gouvernement conteste cette allégation et renvoie à son argumentation soulevée sous la recevabilité et fondée sur la loi no 466.

52. La Cour relève que le dossier ne contient aucun exemple de justiciable qui ait obtenu la réparation visée à l’article 5 § 5 en se prévalant de la no 466 indiquée par le Gouvernement. Dès lors, dans les circonstances de la cause, la jouissance effective du droit garanti par l’article 5 § 5 ne se trouve pas assurée à un degré suffisant de certitude (voir Sakık et autres, précité, et Mehmet Mübarek Küçük, précité, § 31).

53. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 5 de la Convention.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

54. Aux termes de larticle 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

55. Au titre des préjudices matériel et moral, Zülfikar Özalp et Salih Özalp réclament chacun 30 000 euros (EUR), et Bülent Keklik et Dilaver Özalp 20 000 EUR chacun.

56. Le Gouvernement conteste ces prétentions.

57. La Cour estime que l’existence d’un préjudicie matériel ne ressort pas clairement du dossier et estime qu’il n’y a pas lieu d’accorder d’indemnité à ce titre.

58. Quant au préjudice moral, statuant en équité, elle estime raisonnable d’allouer la somme de 3 500 EUR à chacun des requérants Salih Özalp, Zülfikar Özalp et Dilaver Özalp, et 3 000 EUR à Bülent Keklik.

B. Frais et dépens

59. Les requérants Zülfikar Özalp et Salih Özalp demandent chacun 7 000 EUR pour les frais et dépens encourus devant la Cour, et Bülent Keklik et Dilaver Özalp 5 000 EUR chacun.

60. Le Gouvernement conteste ces prétentions soutenant que celles-ci ne sont aucunement étayées.

61. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 1 500 EUR au titre des frais et dépens devant la Cour et l’accorde aux quatre requérants conjointement.

C. Intérêts moratoires

62. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Joint au fond la première exception du Gouvernement et la rejette ;

2. Rejette la seconde exception du Gouvernement ;

3. Déclare la requête recevable ;

4. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 §§ 1 c) et 2 de la Convention ;

5. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention ;

6. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention ;

7. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 5 de la Convention ;

8. Dit

a) que lÉtat défendeur doit verser, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes à convertir en nouvelles livres turques au taux applicable à la date du règlement :

i. 3 500 EUR (trois mille cinq cents euros) pour dommage moral à chacun des requérants Salih Özalp, Zülfikar Özalp et Dilaver Özalp ;

ii. 3 000 EUR (trois mille euros) pour dommage moral à Bülent Keklik ;

iii. 1 500 EUR (mille cinq cents euros) pour frais et dépens aux quatre requérants conjointement ;

iv. tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur lesdites sommes ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

9. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 3 octobre 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président