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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
16.10.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 1101/04
présentée par Guillermo Santiago BURGA ORTIZ
contre l’Allemagne

La Cour européenne des Droits de l’Homme (cinquième section), siégeant le 16 octobre 2006 en une chambre composée de :

M. P. Lorenzen, président,
Mme S. Botoucharova,
M. V. Butkevych,
Mme M. Tsatsa-Nikolovska,
MM. R. Maruste,
J. Borrego Borrego,
Mme R. Jaeger, juges,
et de Mme C. Westerdiek, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 25 décembre 2003,

Vu les informations présentées par le gouvernement défendeur sur demande du président de la chambre en vertu de l’article 40 du règlement de la Cour,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, Guillermo Santiago Burga Ortiz, est un ressortissant péruvien, né en 1937 et résidant à Lima (Pérou). Il est représenté devant la Cour par Me Karl Lachniet, avocat à Munich.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

A la suite de la fin du régime du président péruvien Alberto Fujimori en novembre 2000, le requérant quitta le Pérou et arriva en Allemagne le 28 avril 2001, accompagnée de sa femme qui est d’origine allemande et qui a entre-temps acquis la nationalité allemande.

1. La procédure d’extradition

Le 5 juillet 2002, à la suite d’un mandat d’arrêt international du 6 août 2001, émis par le 6ème tribunal spécial de Lima pour la lutte contre la corruption, le requérant fut arrêté et placé en détention en vue de son extradition vers le Pérou. Les autorités péruviennes le soupçonnaient d’avoir appartenu, entre 1995 et jusqu’au départ du président Fujimori, à un réseau criminel crée et conduit par l’ancien conseiller du président Fujimori et des services de renseignements péruviens, M. Montesinos Torres, et dont le but était de percevoir des pots-de-vins au détriment du Trésor public lors des achats d’armes et de matériel militaire destinés à l’armée et la police péruviennes. Le requérant était en particulier soupçonné d’avoir participé, en mai 1996, à l’achat d’avions militaires où d’importants pots-de-vins avaient été payés.

Le 22 juillet 2002, la cour d’appel (Oberlandesgericht) de Munich ordonna la détention du requérant en vue de son extradition vers le Pérou. La détention fut prolongée à plusieurs reprises.

Le 8 mai 2003, la cour d’appel déclara l’extradition admissible (zulässig). Elle prit en considération plusieurs rapports sur la situation des droits de l’homme au Pérou dont notamment une note du ministère fédéral des Affaires étrangères du 4 mars 2003. Cette note fait référence à des garanties données par les autorités péruviennes d’après lesquelles le requérant ne serait pas condamné pour des raisons politiques, militaires ou religieuses et serait détenu dans une prison qui correspond à l’ « Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus » des Nations Unies. Elle conclut que rien ne permet de croire que les assurances données ne pourraient pas être respectées par les autorités péruviennes. Joints à la note se trouvent deux rapports de l’ambassade d’Allemagne à Lima notamment sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires péruviens. Ces rapports se fondent sur deux visites dans la prison de Sarita Colonia, sur des informations sur la prison de San Jorge et sur l’expérience de l’ambassade avec deux ressortissants péruviens extradés de l’Allemagne vers le Pérou en 2001 et 2002.

La cour d’appel releva d’abord que les délits faisant l’objet de la demande d’extradition étaient aussi punissables en Allemagne et que les documents joints à la demande permettaient d’affirmer l’existence de soupçons suffisamment étayés à l’encontre du requérant en dépit du fait que celui-ci niait tout comportement criminel.

Elle poursuivit que l’extradition n’était pas contraire aux principes fondamentaux de l’ordre juridique allemand. Les lois qui, d’après le requérant, auraient été adoptées spécifiquement en vue de permettre sa persécution politique existaient sous une forme ou une autre dans d’autres Etats de droit (dont l’Allemagne), telles les dispositions accordant un traitement spécial à des témoins-clé s’étant déclarés prêts à collaborer avec la justice, les lois prolongeant les délais de la détention provisoire ou permettant des ingérences dans la vie privé, le domicile, la propriété ou le patrimoine d’accusés ou la loi portant création d’un tribunal spécial. De telles dispositions à caractère procédural, contrairement aux dispositions du droit pénal matériel, pouvaient aussi être édictées a posteriori en droit allemand. D’après les informations présentées par le ministère des Affaires étrangères (rapport du 19 février 2003), il n’existait pas d’indices que certaines de ces dispositions étaient de nature à empêcher ou à rendre plus difficile la tenue d’un procès pénal conforme à l’État de droit. De même, d’après son rapport du 25 février 2003, Amnesty International n’avait pas connaissance de cas de personnes persécutées en raison de leurs relations avec l’ancien président Fujimori ou le gouvernement de celui-ci. La cour d’appel rappela que les juridictions allemandes n’étaient tenues, lors du contrôle de l’admissibilité d’une demande d’extradition, d’examiner la légalité des dispositions de procédures pénales de l’Etat demandeur que si celles-ci étaient incompatibles au standard minimum du droit international public et aux principes constitutionnels impératifs de l’ordre public. Or tel n’était pas le cas en l’espèce.

En ce qui concerne l’existence de la torture et de traitements inhumains au Pérou, la cour d’appel estima que le requérant n’avait pas suffisamment étayé le risque d’y être exposé en cas de son extradition. S’appuyant sur des rapports du ministère fédéral des Affaires étrangères allemand de 2003 et de l’avis d’Amnesty International du 25 février 2003, elle releva notamment que la situation des droits de l’homme au Pérou s’était considérablement améliorée depuis novembre 2000. En témoignait la création d’institutions dont la tâche était de veiller au respect des droits de l’homme, en particulier un médiateur (Defensoria del Pueblo) et la commission vérité et réconciliation (Comisión de la Verdad y Reconciliación). En outre, le droit et la procédure pénaux faisaient l’objet, depuis la fin de l’année 2002, d’un contrôle de constitutionnalité et de légalité comme en témoignait l’arrêt de la cour constitutionnelle péruvienne du 3 janvier 2003 par lequel une grande partie de la loi contre le terrorisme de 1992 avait été déclarée inconstitutionnelle. Par ailleurs, en 2001, le Pérou s’était de nouveau soumis à la juridiction de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Si le rapport d’Amnesty International faisait état de la persistance de la torture et de mauvais traitements, seulement cinq des 37 cas décrits concernaient l’année 2001, c’est-à-dire la période après le départ de l’ancien gouvernement. Cela ne permettait pas de conclure à l’existence d’un risque suffisamment élevé de traitements inhumains pour le requérant qui, au demeurant, n’avait joué qu’un rôle secondaire dans le cartel de corruption qui faisait l’objet des investigations des autorités péruviennes.

Quant aux mauvaises conditions de détention, la cour d’appel releva que les autorités péruviennes avaient assuré qu’une éventuelle condamnation du requérant ne serait pas prononcée pour des raisons politiques, militaires ou religieuses et que le requérant serait détenu dans une prison qui correspondait à l’ « Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus » des Nations Unies. L’assurance donnée par les autorités péruviennes se trouvait confirmée par l’expérience qu’avait l’ambassade d’Allemagne à Lima à ce sujet et notamment par le fait que le requérant serait transféré dans un de deux établissements pénitentiaires qui étaient connus pour leurs conditions de détention acceptables (« moderat ») par rapport aux conditions habituelles au Pérou. Rien ne permettait de croire que les assurances données ne seraient pas respectées par les autorités péruviennes.

Le 4 juin 2003, la cour d’appel rejeta la demande du requérant tendant à corriger sa décision. Elle précisa notamment que le tribunal spécial de Lima ne pouvait être considéré comme un tribunal d’exception (Sondergericht) mais s’apparentait plutôt à une juridiction spécialisée dans les affaires de corruption. De plus, la création de telles juridictions n’était pas en soi illégale comme en témoignait l’établissement des cours pénales internationales qui bénéficiaient du plein soutien de l’Allemagne.

Le 1er décembre 2003, la Cour constitutionnelle fédérale, statuant en comité de trois juges, décida de ne pas retenir le recours du requérant. En ce que le requérant invoquait son droit au respect de la vie familiale, le recours était irrecevable car il avait omis de soulever ce grief devant la cour d’appel. Par ailleurs, d’après la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale, l’article 6 de la Loi fondamentale ne protégeait pas un étranger contre des poursuites pénales à son encontre dans un autre pays. Le droit au respect de la vie familiale devait être mis en balance avec l’intérêt de l’Etat d’engager des poursuites pénales pour des délits graves qui seuls pouvaient être l’objet d’une demande d’extradition et pour l’exécution desquels l’Allemagne dépendait de la coopération d’autres États. C’est pourquoi l’Allemagne soutenait d’autres États lors de telles démarches afin de pouvoir bénéficier elle-même de ce soutien dans le cas inverse. L’ouverture de la Loi fondamentale au droit international et la nécessité de pouvoir poursuivre effectivement un accusé à l’étranger l’emportaient sur les droits garantis par l’article 6 de la Loi fondamentale compte tenu du fait que l’objet de demandes d’extradition était en règle générale des délits graves, comme en l’espèce l’appartenance à une association criminelle.

En ce qui concerne le caractère d’exception du tribunal devant lequel le requérant était accusé, la Cour constitutionnelle fédérale confirma les conclusions de la cour d’appel et notamment le cadre de contrôle que celle-ci avait appliqué. La légalité de ce tribunal ne pouvait en effet pas être appréciée au regard de la Loi fondamentale, mais au regard du standard minimum du droit international public et des principes constitutionnels impératifs de l’ordre public. D’après les constations de la cour d’appel, il s’agissait d’un tribunal indépendant, établi par une loi, qui exerçait ses fonctions en vertu des compétences définies par la loi et dans le cadre d’une procédure juridique régulière et qui était composé de juges dont l’indépendance et l’impartialité étaient garanties.

Quant aux risques de torture et de mauvais traitements, la Cour constitutionnelle fédérale entérina les conclusions de la cour d’appel. En particulier, celle-ci avait valablement pu considérer que les assurances données par les autorités péruviennes écartaient tout risque de condamnation du requérant pour des raisons politiques, militaires ou religieuses et de détention dans un établissement pénitentiaire ne répondant pas au standard minimum tel que défini par les Nations Unies. Ces assurances concordaient avec l’expérience de l’ambassade d’Allemagne au Pérou.

2. Développements ultérieurs

Le 27 avril 2004, le requérant fut extradé vers le Pérou et transféré à l’établissement pénitentiaire de San Jorge à Lima.

Le 13 juillet 2005, il fut relâché au motif que la durée maximale de la détention provisoire prévue par la loi (36 mois) avait été atteinte en tenant compte de la détention en Allemagne en vue de son extradition. Il se trouve dans l’obligation de se présenter tous les quinze jours aux autorités judiciaires et a l’interdiction de quitter la circonscription de Lima et de fréquenter certains lieux mal famés.

3. Les procédures devant les juridictions administratives

Le 2 septembre 2002, le requérant introduisit une demande tendant à bénéficier du statut de réfugié politique en Allemagne. Le 13 mars 2003, l’Office fédéral des réfugiés débouta le requérant de sa demande. Il estima notamment que le requérant ne serait pas persécuté au Pérou pour des raisons politiques ni n’avait à craindre d’être soumise à une peine disproportionnée en raison de sa proximité à l’ancien président Fujimori.

Le 24 mars 2003, le requérant saisit le tribunal administratif de Munich d’un recours contre la décision de l’Office fédéral. Aucune décision n’a encore été rendue.

Le 21 janvier 2004, le requérant saisit le tribunal administratif de Berlin d’une demande tendant à enjoindre au Gouvernement de ne pas donner son accord pour l’extradition. Le 12 mars 2004, le tribunal administratif refusa d’ordonner des mesures provisoires. Le recours du requérant contre cette décision auprès de la cour d’appel administrative de Berlin fut rejeté.

B. Éléments du droit international

15ème rapport général d’activités du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 22 septembre 2005

« (...)

Assurances diplomatiques

[38.] La Préface évoque la tension potentielle qui existe entre l’obligation qu’a un État de protéger ses citoyens contre les actes terroristes et la nécessité de préserver les valeurs fondamentales. La controverse actuelle sur l’usage des « assurances diplomatiques » dans le cadre de procédures d’éloignement l’illustre bien. La prohibition de la torture et des traitements inhumains ou dégradants englobe l’obligation de ne pas renvoyer une personne vers un pays où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle y courra un risque réel d’être soumise à de telles méthodes. Afin, dans des cas particuliers, d’éviter pareil risque, certains États ont choisi la voie consistant à rechercher auprès du pays de destination des assurances que la personne concernée ne sera pas maltraitée. Cette pratique est loin d’être nouvelle, mais elle a été projetée sur le devant de la scène ces dernières années, les États cherchant toujours davantage à éloigner de leur territoire les personnes considérées comme mettant en danger la sécurité nationale. L’on craint de plus en plus que l’usage des assurances diplomatiques aboutisse à contourner la prohibition de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

[39.] La recherche d’assurances diplomatiques auprès de pays ayant un piètre bilan en matière de torture et de mauvais traitements est une source toute particulière de préoccupation. Un tel bilan ne signifie pas nécessairement que celui ou celle dont l’éloignement est envisagé court personnellement un risque réel d’être maltraité(e) dans le pays en question ; les circonstances précises de chaque cas doivent être prises en compte pour une telle appréciation. Cependant, s’il devait apparaître qu’un risque de mauvais traitement existe réellement, les assurances diplomatiques reçues de la part des autorités d’un pays où la torture et les mauvais traitements sont monnaie courante, pourront-elles jamais offrir une protection suffisante contre ce risque ? Certains font valoir - et de façon plutôt convaincante - que, même en supposant que lesdites autorités exercent un véritable contrôle sur les services susceptibles de détenir la personne concernée (ce qui n’est pas nécessairement le cas), il ne saurait y avoir de garantie que les assurances données seront respectées dans la pratique. Si ces pays ne respectent pas leurs obligations découlant des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’ils ont ratifiés, comment avoir confiance qu’ils respecteront des assurances données sur une base bilatérale dans un cas précis ?

[40.] D’autres rétorquent que des mécanismes de contrôle du traitement d’une personne éloignée après son retour peuvent être mis en place, pour le cas où elle serait placée en détention. Les vues du CPT restent ouvertes en la matière ; toujours est-il qu’il n’a pas, à ce jour, vu de propositions convaincantes pour la mise en place d’un mécanisme efficace et viable. Pour avoir la moindre chance d’être efficace, un tel mécanisme devra à l’évidence inclure un certain nombre de garanties essentielles, comme le droit pour des personnes indépendantes et qualifiées de rendre visite à la personne détenue à tout moment, sans préavis, et de s’entretenir avec elle sans témoins en un lieu de leur choix. Ce mécanisme devra également prévoir les moyens de garantir des mesures correctives immédiates dans le cas où il apparaîtrait que les assurances données ne sont pas respectées.

[41.] Il convient également de souligner que, avant le renvoi, toute procédure d’éloignement impliquant des assurances diplomatiques doit pouvoir être susceptible de recours devant une autorité indépendante et que tout recours doit avoir un effet suspensif sur l’exécution de la mesure d’éloignement. C’est là le seul moyen d’assurer un examen rigoureux et à temps de la sûreté des arrangements envisagés dans un cas donné.

[42.] Le CPT a l’intention de suivre étroitement, dans les États Parties à la Convention européenne pour la prévention de la torture, l’évolution de la pratique dans le domaine des assurances diplomatiques. Le Comité serait également heureux de contribuer à tout examen de cette question au sein du Conseil de l’Europe. Le moment semble effectivement propice pour s’engager dans une discussion collective sur toutes les questions en jeu, afin de garantir que les pratiques actuelles soient pleinement conformes aux obligations qui découlent de l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. (...) »

GRIEFS

1. Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant se plaignait que son extradition l’exposerait au risque de torture et de mauvais traitements. Il dénonçait aussi les conditions de détention inhumaines dans les prisons péruviennes qui ne correspondraient nullement au standard minimal internationalement requis. Il invoquait enfin le caractère politique de son inculpation qui était due à sa collaboration avec l’ancien président Fujimori et au désir de revanche du nouveau gouvernement sous le président Toledo.

2. Se référant à la décision Einhorn c. France, no 71555/01, CEDH 2001 IIII, le requérant soulignait en outre l’absence d’un procès équitable devant le tribunal spécial de Lima où il fallait s’attendre à un déni de justice flagrant, contraire à l’article 6 § 1 de la Convention.

3. Le requérant se plaignait enfin d’une violation de son droit au respect de la vie familiale, au sens de l’article 8 de la Convention, car sa femme de nationalité allemande ne pouvait pas le suivre au Pérou.

EN DROIT

1. Le requérant se plaignait que son extradition vers le Pérou l’exposait au risque de mauvais traitements contraires à l’article 3 qui se lit ainsi :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle l’extradition par un État contractant peut soulever un problème au regard de l’article 3, et donc engager la responsabilité de l’État en cause au titre de la Convention, lorsqu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé, si on le livre à l’État requérant, y courra un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à cette disposition. Pour établir une telle responsabilité, on ne peut éviter d’apprécier la situation dans le pays de destination à l’aune des exigences de l’article 3. Il ne s’agit pas pour autant de constater ou prouver la responsabilité de ce pays en droit international général, en vertu de la Convention ou autrement. Dans la mesure où une responsabilité se trouve ou peut se trouver engagée sur le terrain de la Convention, c’est celle de l’État contractant qui extrade, à raison d’un acte qui a pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés (arrêt Soering c. Royaume-Uni, arrêt du 7 juillet 1989, série A no 161, p. 35, § 91).

La simple possibilité d’une violation de l’article 3 de la Convention, par référence - par exemple - à la situation générale instable dans le pays de destination, n’entraîne pas en soi une infraction à cette disposition ; encore faut-il que l’intéressé démontre qu’il se trouve personnellement confronté au risque allégué (voir, entre autres, Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 30 octobre 1991, série A no 215, p. 37, § 111). Le fait que l’intéressé fait l’objet de poursuites pénales dans le pays de destination ne saurait à lui seul soulever un problème au regard de la Convention. Cependant, s’il existe des raisons de craindre qu’une extradition, bien que requise exclusivement pour des infractions de droit commun, soit mise à profit pour poursuivre l’intéressé, en violation du principe de la spécialité, pour des délits politiques ou même à raison de sa seule attitude politique, on ne saurait écarter d’emblée la possibilité d’une violation de l’article 3 (A. c. Suisse, no 11933/86, décision de la Commission du 14 avril 1986, Décision et Rapports (DR) 46, p. 257, et Altun c. Allemagne, no10308/83, décision de la Commission du 3 mai 1983, DR 36, p. 209).

Pour déterminer s’il y a des motifs sérieux et avérés de croire à un risque réel de traitements incompatibles avec l’article 3, la Cour s’appuie sur l’ensemble des données qu’on lui fournit ou, au besoin, qu’elle se procure d’office. Dans une telle affaire, un État contractant assume une responsabilité au titre de l’article 3 pour avoir exposé quelqu’un au risque de mauvais traitements. En contrôlant l’existence de ce risque, il faut donc se référer par priorité aux circonstances dont l’État en cause avait ou devait avoir connaissance au moment de l’extradition, mais cela n’empêche pas la Cour de tenir compte de renseignements ultérieurs ; ils peuvent servir à confirmer ou infirmer la manière dont la Partie contractante concernée a jugé du bien-fondé des craintes d’un requérant (voir Cruz Varas et autres c. Suède, arrêt du 20 mars 1991, série A no 201, pp. 29-30, §§ 75-76, et Mamatkulov et Askarov c. Turquie [GC], nos 46827/99 et 46951/99, § 69, CEDH 2005I). Sur ce point, la Cour tient à préciser que si le fait d’avoir obtenu des assurances ou des garanties de la part de l’État demandant l’extradition revêt en règle générale une importance particulière dans la mesure où celles-ci portent habituellement sur la situation concrète de l’intéressé dans le pays de destination après l’extradition et peuvent constituer un moyen efficace d’écarter le risque de traitements contraires à l’article 3 de la Convention, l’existence de telles assurances ne saurait à elle seule dispenses les États contractants d’apprécier leur valeur convaincante et leur fiabilité dans le cas d’espèce, compte tenu du caractère absolu que revêtent les droits consacrés par cette disposition (Soering précité, § 88, voir aussi le rapport général d’activités du CPT du 22 septembre 2005).

La Cour note que la cour d’appel de Munich et la Cour constitutionnelle fédérale ont examiné les arguments du requérant et ont finalement conclu qu’il n’y avait pas de risque suffisamment élevé pour le requérant d’être exposé à la torture ou à des traitements inhumains. Elles sont parvenues à cette conclusion sur la base de rapports récents du ministère fédéral des Affaires étrangères et d’Amnesty International sur la situation au Pérou et après avoir obtenu des assurances de la part des autorités péruviennes que le requérant n’était pas poursuivi pour des raisons politiques, militaires ou religieuses ni ne serait transféré dans une prison ne garantissant pas le standard minimum des conditions de détention tel que défini par les Nations Unies. Les juridictions allemandes ont considéré ces assurances comme suffisantes et convaincantes et qu’il n’y avait pas d’indices permettant de croire que les autorités péruviennes ne les respectaient pas. La Cour relève en particulier que les assurances concordent avec les expériences des autorités allemandes au Pérou. En effet, il ressort de la note du 4 mars 2003 du ministère fédéral des Affaires étrangères que les informations données par l’ambassade d’Allemagne au Pérou se fondaient sur des visites dans un des deux prisons susceptibles d’accueillir le requérant et sur des indications sur l’autre, et sur l’expérience avec deux ressortissants péruviens qui avaient été extradés d’Allemagne vers le Pérou en 2001 et 2002 respectivement.

Aux yeux de la Cour, c’est à bon droit que les juridictions allemandes ont estimé que les assurances étaient de nature à écarter le danger de persécution politique et de détention dans des conditions inhumaines. Elle relève par ailleurs que le Pérou a de nouveau reconnu la compétence de la Cour interaméricaine des Droits de l’Homme en 2001 (voir, mutatis mutandis, Peñafiel Salgado c. Espagne (déc.), no 65964/01, 16 avril 2002). Au demeurant, elle note que le requérant a effectivement été transféré dans l’établissement pénitentiaire de San Jorge à Lima, qu’il a été élargi en juillet 2005 en vertu des dispositions légales au motif que la durée maximale de la détention provisoire prévue par la loi avait été atteinte et que ni lui ni son avocat au Pérou n’ont fait part à la Cour de traitements contraires à l’article 3 de la Convention.

Dans ces conditions, la Cour conclut à l’absence de violation de cette disposition, ce grief étant manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2. En ce qui concerne les autres griefs, compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession et notamment des informations sur lesquelles les juridictions allemandes se sont basées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles. Elle note en particulier l’absence de circonstances exceptionnelles permettant de conclure qu’au moment de l’extradition le requérant courrait un risque sérieux d’être exposé à un flagrant déni de justice devant les juridictions péruviennes.

Il s’ensuit que ces grief sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Claudia Westerdiek Peer Lorenzen
Greffière Président